Bedirxan Beg

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Principautés kurdes vers 1835

Bedirxan Beg, également transcrit Bedirkhan Bey, Bedir Khan ou Badr Khan (en kurde : Bedirxanê Evdalxan), né en 1802 à Cizre, dans le sud-est de la Turquie actuelle, mort en 1866 à Damas était un émir kurde de la principauté de Botan (Bohtan, Bokhti) qui, au XIXe siècle, a tenté de se rendre indépendant de l'Empire ottoman.

Biographie

Chef féodal de la région du Botan (en) en Haute Mésopotamie, il naît dans la famille princière de la principauté de Botan, autour de Cizre (Djazirat Ibn Omar), un des émirats kurdes vassaux de la Sublime Porte, depuis la conquête ottomane au XVIe siècle. Il s'empare du pouvoir en 1821 en évinçant un parent. En 1828-1829, il affiche son indépendance en refusant de fournir des contingents à l'armée ottomane. Il cherche à convaincre les princes voisins, notamment Han Mahmud (de), émir de Müküs (près de Van) et Nurallah Beg, émir de Hakkâri, de créer un Kurdistan indépendant. En 1836-1838, il résiste à une première expédition ottomane. Il conclut un traité avec le sultan en 1839 mais le rompt quelques semaines plus tard quand les troupes ottomanes sont mises en déroute par les forces égyptiennes de Méhémet Ali à la bataille de Nézib, lors de la deuxième Guerre égypto-ottomane[1].

De 1844 à 1846, Bedirxan Beg établit une principauté quasi indépendante, frappe sa propre monnaie et fait dire la prière en son nom. Deux missionnaires américains voyageant sous la garantie de Bedirxan peuvent traverser tout le Kurdistan d'Ourmia, en Iran, à Cizre en passant par Hakkari sans aucun problème. En 1845, un agent consulaire français est étonné par la prospérité de son domaine[1] :

Tribu kurde passant un gué sur l'Araxe, par Grigory Gagarin, 1847

« Après un trajet de 50 lieues environ, en descendant le Tigre à partir de Diyarbakır, l'on est frappé tout à coup du contraste qu'offre le pays. La culture est plus soignée, les villages, mieux construits, paraissent jouir de plus d'aisance. C'est le territoire de Bedir Khan. celui-ci paye 250 000 piastres de tribut à la Porte. Son pays est bien gouverné. C'est un prince sévère mais équitable. Aussi règne-t-il sur son territoire une sécurité parfaite et une apparence de bien-être que l'on chercherait vainement dans les provinces voisines soumises à l'autorité turque [2]. »

Musulman zélé, il entreprend de soumettre par la force les chrétiens assyriens. En 1843 et de nouveau en 1846, il lance deux expéditions contre eux. Devant les protestations des puissances européennes, protectrices des chrétiens, le gouvernement ottoman décide de mettre fin au pouvoir de Bedirxan. Assiégé dans son château d'Evrah, celui-ci doit se rendre aux troupes ottomanes d'Osman Pacha en . Il est conduit enchaîné à Constantinople et relégué en Crète, puis à Damas où il meurt en 1868 (ou 1870). Plusieurs membres de sa tribu sont relégués dans d'autres régions de l'empire, à Istanbul, Bursa, Izmir et Rhodes. Il est considéré comme une figure majeure de l'histoire du peuple kurde et le premier à avoir établi, à l'époque moderne, une ébauche d'État kurde indépendant[1].

Descendance

La famille Bedirxan vers 1880
Les frères Bedirxan dans les années 1930 : Kamuran (1895-1978), Sureya (1883-1938) et Celadet (1893-1951).

Bedirxan Beg laisse une nombreuse descendance : 90, 54 ou 65 enfants selon les sources. Certains de ses enfants et petits-enfants, pour la plupart en résidence surveillée à Constantinople, occupent des postes officiels dans l’administration ottomane. Plusieurs membres de la famille Bedirxan jouent un rôle actif dans la naissance du mouvement national kurde à partir de Constantinople où vivent plusieurs des anciennes familles princières kurdes en disgrâce[3].

  • Omar et Hussein dirigent une brève révolte en 1879 ; Hussein est exécuté en 1910[3],[4]
  • Bahri rejoint la révolte de Cheikh Ubeydullah (1879-1881)[3]
  • Midhat Bey et son frère Abdurrahman participent à la révolte de 1889 et dirigent une revue bilingue en turc et kurde, Kurdistan, publiée au Caire[3],[4].
  • Abdurrahman, diplômé de l'École d'administration civile (Mekteb-i Mulkiye, actuelle Faculté de sciences politiques (Turquie) (en)), s'exile en Europe en 1898 à la suite de son opposition au despotisme d'Abdülhamid II. Il épouse en 1904 Élisabeth van Muyden, fille d'un ingénieur suisse. Amnistié, il rentre à Constantinople en 1905 mais, en 1906, est relégué à Tripoli (Libye). Il rentre à Constantinople après la révolution des Jeunes-Turcs en 1908 et exerce différents postes officiels. Au printemps 1919, il est nommé gouverneur du vilayet d'Aidin (Aydın) où il tente, sans succès, de s'opposer à l'occupation militaire grecque qui débouchera sur la guerre gréco-turque de 1919-1922. En , il est arrêté par les Grecs et expulsé peu de temps après vers Constantinople. Il n'exerce plus aucune fonction publique par la suite bien qu'il continue de représenter sa famille auprès des diplomates étrangers[5].
  • Kiamil Bedir Khan et son frère Abdurrazzaq pendant la Première Guerre mondiale, prennent le parti des Russes qui, en 1917, pendant la campagne du Caucase, les nomment respectivement gouverneur d'Erzurum et de Bitlis[3],[4].
  • Khalil est gouverneur de Malatya[3].
  • Emin Ali (en) (1851-1926), juriste, un des fondateurs du Club kurde ; condamné à mort en 1909, il doit s'exiler, de même que son fils Sureya[3],[4].
  • Celadet (en) (ou Djeladet, 1893-1951), réfugié en Syrie sous mandat français avec une partie de sa famille dans les années 1920, fonde en 1927 l'association kurde Khoybun qui soutient la révolte d'Ararat (en) au Kurdistan turc (1927-1930)[6]. À Damas, il rédige et imprime lui-même le magazine en langue kurde Hawar (en) pour lequel, en 1932, il invente un système de transcription du kurmandji (dialecte kurde du nord) en écriture latine : le « Hawar » est aujourd'hui un des plus répandus des alphabets kurdes (en)[7]. Sur la base des travaux qu'il a mené en collaboration avec le linguiste et orientaliste français Roger Lescot, créateur de la chaire de kurdologie à l'École Nationale des Langues Orientales Vivantes, celui-ci publie en 1968 une grammaire kurde en français[8].

Références

  1. a b et c Chris Kutschera, Le Mouvement national kurde, Flammarion, 1979, p. 13-16
  2. Cité par Chris Kutschera, Le Mouvement national kurde, Flammarion, 1979, p. 15
  3. a b c d e f et g Chris Kutschera, Le Mouvement national kurde, Flammarion, 1979, p. 18-22
  4. a b c et d Michael M. Gunter, Historical Dictionary of the Kurds, Rowman & Littlefield, 2018, art. Bedir (Bader) Khan Family, p. 66
  5. Barbara Henning, Narratives of the History of the Ottoman-Kurdish Bedirhani Family in Imperial and Post-Imperial Contexts, University of Bamberg, 2018, p. 633-646.
  6. Gauthier Julie, « Syrie : le facteur kurde », Outre-Terre, 2006/1 (no 14), p. 217-231.
  7. "Jeladet Bedir Xan (1893-1951)", Kurdish Academy of Language.
  8. Emir Djeladet Bedir Khan et Roger Lescot, Grammaire kurde (Dialecte kurmandji), Paris, Jean Maisonneuve, (1re éd. 1968), 374 p. (ISBN 2-7200-1083-9).

Annexes

Bibliographie

  • Chris Kutschera, Le Mouvement national kurde, Flammarion, 1979, 386 p.
  • Hasan Gökçe: "Portrait d'un Emir Kurde, Beder Khan Bey" (Figures anonymes, figures d'élites : Pour une anatomie de l'Homo ottomanicus. p. 64-81. Travaux du Cerato, centre de recherche sur l'Asie intérieure, le monde turc et l'espace ottoman, Strasbourg. Isis, Istanbul, 1999.
  • Malmîsanij, Les Bedirhans de Botan et les procès-verbaux de l'Association de la famille de Bedirhan, Les éditions d'Avesta, 1994, p. 312
  • Barbara Henning, Narratives of the History of the Ottoman-Kurdish Bedirhani Family in Imperial and Post-Imperial Contexts, University of Bamberg, 2018 [1]
  • Michael M. Gunter, Historical Dictionary of the Kurds, Rowman & Littlefield, 2018, art. Bedir (Bader) Khan Family, p.66 [2]

Liens externes