Bāb (chef religieux)

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Bāb
Le sanctuaire du Bāb au sommet du mont Carmel à Haïfa.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 30 ans)
TabrizVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
باب ou الْبَابVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
عَلی مُحَمَّد شیرَازیVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Religieux, Manifestation of God, prédicateur, marchandVoir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Khadíjih-Bagum (en) (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata

Sayyid ʿAlī Muḥammad Šīrāzī (سيد علی محمد شیرازی en persan), né le à Chiraz et mort fusillé le à Tabriz, est un marchand et chef religieux iranien fondateur du babisme. En 1844, il déclare être une manifestation nouvelle de Dieu et le mahdi (ou al-qāʾim) attendu par les musulmans. Il se donna dès lors le titre de Bāb (باب), qui signifie « porte » en arabe. Sa renommée, acquise avec la nouvelle religion indépendante de l’islam qu'il fonde, lui vaut d'être fusillé à l'âge de 30 ans.

Le Báb a composé de nombreuses lettres et livres dans lesquels il a présenté les idées d'un nouvel ordre social et la promesse de l'arrivée prochaine d'un nouveau messager divin[1],[2]. Les bahá'ís le revendiquent comme prédécesseur de leur propre religion. Bahāʾ-Allāh, le prophète fondateur de la religion baha’ie, était un de ses disciples et annonça être la réalisation de sa prophétie concernant « Celui que Dieu rendra manifeste » (en arabe : من يظهره الله (man yuẓhiruh Allāh) et en persan : مظهر کلّیه الهی .

La présentation de ses enseignements a beaucoup évolué : quand 'Abbâs Effendi caractérise la doctrine du Bab comme consistant « à briser les nuques, à brûler les livres et les papiers, à détruire les sanctuaires et à massacrer en masse, à l'exception de ceux qui croyaient et étaient fidèles », l'historiographie baha'ie ultérieure le présenta comme pacifique et encourageant l'étude des sciences[3],[1] — à noter toutefois que dans la traduction autorisée du Kitāb-i Aqdas, dans la note concernant l'abrogation du commandement de détruire les livres, il est reconnu que c'est une loi babie qui est ainsi abrogée[4]. Bien que plusieurs bouleversements aient donné lieu à des affrontements entre le gouvernement et les bábís qui se défendaient, la littérature baha'ie présente rétrospectivement que le Báb a enseigné à ses disciples à être pacifiques et à ne pas convertir par l'épée[5],[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Premières années[modifier | modifier le code]

Ali Muhammad est né le 20 octobre 1819 (1er Muharram 1235 de l'Hégire) à Chiraz[6],[7]. Son père, un riche marchand de Chiraz, mourut assez tôt après sa naissance et l'enfant fut élevé par son oncle Hājī Mirzā Siyyid 'Ali, également marchand[8].

Il apprit à lire et écrire et fut envoyé dans une école religieuse (maktab) avec d'autres enfants de son âge : il faisait preuve d'excellence spirituelle et intellectuelle[9],[1].

Entre l'âge de 15 et 20 ans, il rejoint son oncle à Bushihr pour gérer l'affaire familiale et devint marchand[1],[7],[9],[10]. Des références dans certains de ses premiers écrits suggèrent cependant qu'il n'aimait guère les affaires et qu'il se consacrait plutôt à l'étude de la littérature religieuse[7].

En 1842, à l'âge de 23 ans, suivant le souhait de sa mère, il retourna à Shiraz et épousa Khadījih-Bagum, une cousine au second degré, fille d'un marchand[9]. Le couple eut un enfant, Ahmad, qui mourut rapidement[9],[10].

Personnalité et apparence[modifier | modifier le code]

Le Báb est généralement décrit comme doux, précoce ou doué d'une grande intelligence[9]. L'un de ses disciples contemporains l'a décrit comme suit :

« … très taciturne, [il] ne prononçait jamais un mot à moins que ce ne soit absolument nécessaire. Il ne répondait même pas à nos questions. Il était constamment absorbé par ses propres pensées et se préoccupait de répéter ses prières et ses versets. Il est décrit comme un bel homme à la barbe fine, habillé de vêtements propres, portant un châle vert et un turban noir[11]. »

Un médecin irlandais qui l'a soigné d'une bastonnade l'a décrit comme « un homme très doux et délicat, plutôt de petite taille et très clair pour un Persan, avec une voix douce et mélodieuse qui m'a beaucoup frappé[12] ».

Proclamation[modifier | modifier le code]

Lors d'un pèlerinage à Kerbala, Ali Muhammad assiste à des prédications de membres de la secte des chaykhi, à la suite de quoi il se fait appeler en 1844 le « Bāb », ce qui signifie « Porte conduisant à la connaissance de la vérité divine »[6].

Selon la tradition du babisme, le , Mullā Husayn, un mystique en quête du mahdi, fut accueilli par le Bāb, qui l'invita chez lui. Après avoir demandé à son invité la raison de son voyage, le Bāb lui annonça être celui qu'il cherchait. Cette date marque l'initiation d'un nouveau cycle prophétique et du mouvement religieux réformateur et millénariste, le babisme[13].

Mullā Husayn était censé obtenir de l'Élu qu'il écrive un commentaire sur la sourate de Joseph sans qu'on le lui demande ; ce que fit le Bāb juste après sa déclaration.

Mullā Husayn fut le premier disciple du Bāb. En peu de temps, dix-sept autres disciples (dont une femme, Fatemeh) le rejoignirent. Ces dix-huit disciples seront dès lors connus dans le babisme comme les « Lettres du Vivant ».

Voyages et emprisonnement[modifier | modifier le code]

Après avoir été reconnu par ses dix-huit disciples, le Bāb et son 18e disciple (Quddūs) partirent pour un pèlerinage à La Mecque et Médine, lieux saints de l'islam. Arrivé à la Mecque, le Bāb écrivit au Chérif de La Mecque, lui expliquant sa « mission ». À la fin du pèlerinage, les deux compagnons retournèrent à Bushehr, en Perse.

Après quelque temps, et sous la pression du clergé islamique, le gouverneur de Chiraz ordonna l'arrestation du Bāb. Celui-ci décida alors de quitter Bushehr pour Chiraz afin de se rendre aux autorités. Placé en résidence surveillée chez son oncle, le Bāb fut relâché lorsqu'une épidémie de peste se déclara dans la ville en 1846.

À sa libération, le Bāb parti pour Ispahan, où il attira les foules. De nouveau sous la pression du clergé chiite, le shah Mohammad Chah Qadjar lui ordonna de se présenter à Téhéran. Mais avant que la rencontre ait pu avoir lieu, le Bāb fut envoyé sur ordre du premier ministre à Tabriz, au nord du pays, où il fut confiné et empêché de recevoir toute visite.

Transféré à la forteresse de Makou dans la province iranienne d'Azerbaïdjan, il y commença la rédaction du Bayān. Sa popularité grandissante força les autorités à le transférer à Čahrīq, puis finalement de retour à Tabriz, pour être jugé. Lors de l'audience, lorsqu'on lui demanda qui il prétendait être, le Bāb annonça être l'Élu attendu par les musulmans : il fut alors renvoyé à Chihriq.

Exécution[modifier | modifier le code]

Peloton d'exécution[modifier | modifier le code]

En 1850, un nouveau premier ministre ordonna l'exécution du Bāb : il fut amené à Tabriz, où il était censé être fusillé. La nuit précédant l'exécution, alors qu'on l'amenait à sa cellule, un jeune homme prénommé Anis se jeta à ses pieds et demanda à mourir avec lui. L'homme fut immédiatement arrêté et emprisonné avec le Bāb.

Le matin du , le Bāb et Anis furent suspendus aux murs de la forteresse, devant une foule de curieux et le peloton d'exécution fit feu : les deux hommes s'en sortirent indemnes, les balles ayant apparemment sectionné la corde qui les tenait. Criant au miracle, le régiment composé de chrétiens arméniens se débanda. Peu après, le Bāb, retrouvé dans sa cellule en train de dicter une lettre à son secrétaire, fut suspendu à nouveau avec Anis et fusillé par la seconde salve tirée par un autre régiment composé de musulmans azéris.

Les évènements qui entourent l'exécution du Bāb font l'objet de nombreuses interprétations : pour les bahā'is, le fait que la première volée de balles l'aient manqué pour aller couper la corde qui le suspendait est clairement un signe divin. D'autres sources, perses et européennes, font parfois état de la version miraculeuse bahā'ie, ou confirment qu'il a bien été tué dès les premiers tirs. Tous s'accordent cependant pour dire que le Bāb finit par mourir.

Enterrement[modifier | modifier le code]

Les dépouilles des deux suppliciés furent jetées dans un fossé à l'extérieur de la ville pour être livrées aux chiens, mais des babis réussirent à les subtiliser de nuit malgré les gardes.

Les restes du Bāb furent secrètement transférés de cache en cache pendant plusieurs années, jusqu'à leur inhumation le dans un mausolée situé dans les jardins bahā'is sur les pentes du Mont Carmel, à Haïfa, où est aussi enterré 'Abdu'l-Baha.

Succession du Bāb[modifier | modifier le code]

Au cours de son emprisonnement dans la forteresse de Čahrīq, quelque temps après le martyre de Quddūs, le Bāb rédigea en 1849 une épître[14], considérée comme son testament, par lequel il nommait son disciple Mīrzā Yaḥyā Nūrī Ṣubḥ-i Azal (« Aurore de l’Éternité ») en tant que son successeur et chef de la communauté bābie après son décès, jusqu’à l’apparition de « Celui que Dieu rendra manifeste » (en arabe : من يظهره الله (man yuẓhiruh Allāh) et en persan : مظهر کلّیه الهی ), avec pour consignes[15] :

Transcription de la main de Ṣubḥ-i Azal du document le nommant successeur du Bāb.
  • d'assurer sa propre sécurité et celle de ses écrits, ainsi que de ce qui est révélé dans le Bayān ;
  • communiquer avec les babis et demander conseil aux Témoins du Bayān, ainsi qu'à āqā Siyyid Ḥusayn Yazdī ;
  • rassembler, sceller, si besoin compléter les écrits saints du Bāb, pour les distribuer parmi les babis et les faire connaître parmi l'humanité ;
  • inviter les hommes à embrasser la révélation du Bāb ;
  • décider quand sera venu le triomphe et désigner son propre successeur ;
  • reconnaitre « Celui que Dieu rendra manifeste » quand il viendra et inviter les hommes à en faire autant.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (en) Paula Hartz, Baha'i Faith, Chelsea House Publishers, coll. « World religions », (ISBN 978-1-60413-104-8, OCLC 261342771, lire en ligne)
  2. (en) Nader Saiedi, « The Writings and Teachings of the Báb », dans The World of the Bahá'í Faith, Routledge, , 29–39 p. (ISBN 978-0-429-02777-2, DOI 10.4324/9780429027772-5, lire en ligne)
  3. a et b (en) Denis MacEoin, « From Babism to Bahá'ísm: Problems of Militancy, Quietism, and Conflation in the Construction of a Religion », Religion,‎ , p. 219-255 (DOI 10.1016/0048-721X(83)90022-2, lire en ligne)
  4. « Le Kitab-i-Aqdas, note 109 », sur Médiathèque baha'ie.
  5. (en) Denis MacEoin, « The Babi Concept of Holy War », Religion,‎ , p. 93-129 (DOI 10.1016/0048-721X(82)90023-9, lire en ligne)
  6. a et b « Sayyid Ali Muhammad dit le Bab », encyclopédie Larousse (consulté le )
  7. a b et c (en) Denis MacEoin, « Bāb, ʿAli Moḥammad Širāzi », dans Encyclopædia Iranica, (lire en ligne)
  8. Alessandro Bausani, « Bāb », dans Encyclopédie de l'Islam, t. 1 : A-B, Éditions Brill, , 2e éd. (ISBN 978-90-04-08114-7, DOI 10.1163/9789004206106_eifo_COM_0079)
  9. a b c d et e (en) Omid Ghaemmaghami, « The Life of the Báb », dans The World of the Bahá'í Faith, Routledge, , 17–28 p. (ISBN 978-0-429-02777-2, DOI 10.4324/9780429027772-4, lire en ligne)
  10. a et b (en) Peter Smith, A concise encyclopedia of the Bahá'í Faith, Oneworld, (ISBN 978-1-85168-184-6, lire en ligne)
  11. Amanat 1989.
  12. Hasan M. Balyuzi, The Báb: The herald of the day of days, Ronald, (ISBN 978-0-85398-048-3)
  13. Pierre Spierckel, La foi baha'ie en quelques mots, L'Harmattan, , p. 14.
  14. (en) « Lawḥ-i Vasaya »
  15. (en) « The Primal Point’s Will and Testament » traduit du persan en anglais et commenté par Sepehr Manuchehri (2004).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources officielles baha'ies[modifier | modifier le code]

Autres[modifier | modifier le code]