Aslı Erdoğan

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Aslı Erdoğan
Aslı Erdoğan en 2020.
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (57 ans)
IstanbulVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
Lieu de détention
Prison pour femmes de Bakırköy (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Site web
(tr + en) aslierdogan.comVoir et modifier les données sur Wikidata
Distinctions
Liste détaillée
Prix Tucholsky (d) ( et )
Prix Bruno-Kreisky ()
Preis für die Freiheit und Zukunft der Medien (d) ()
Médaille Theodor-Heuss (d) ()
Prix de la paix Erich-Maria-Remarque ()
Prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes ()
Docteur honoris causa de l'université de PicardieVoir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Kirmizi Pelerinli Kent (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Aslı Erdoğan, née le 8 mars 1967 à Istanbul, est une romancière turque, journaliste, militante pour les droits humains. Arrêtée le 17 août 2016 et emprisonnée dans la prison Bakırköy d'Istanbul, elle est libérée le 29 décembre 2016[1],[2]. Elle est lauréate du prix Tucholsky 2016 et du Prix de la paix Erich-Maria-Remarque 2017[3], qui sont des prix récompensant l'engagement en faveur de la paix. Aslı Erdoğan reçoit aussi le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2018.

Biographie[modifier | modifier le code]

Sa mère est une intellectuelle originaire de Salonique tandis que son père est un Circassien qui a dû abandonner sa région natale[4]. Ses parents ont été détenus et torturés par les régimes turcs issus de putschs, dans les années 1980 et 1990[1].

Elle apprend à lire à quatre ans et est détectée surdouée. Elle intègre le Robert College en étant 6e au concours d'entrée. Elle suit des études de physique et intègre à 24 ans le centre européen de recherche nucléaire à Genève où elle devient la première étudiante turque en physique dans ce centre de recherche[5]. Devenue chargée de recherche en physique nucléaire, elle interrompt ce parcours scientifique pour se consacrer à l'écriture[6]. Elle fait deux tentatives de suicide, l'une à 10 ans, l'autre à 22 ans[7].

Après deux années en Amérique latine consacrées à des études d'anthropologie, elle rentre en Turquie en 1996 et reprend sa production littéraire.

Malgré son nom de famille, elle n'a aucun lien de parenté avec Recep Tayyip Erdoğan[8].

Œuvre littéraire[modifier | modifier le code]

Aslı Erdoğan écrit son premier roman, Kabuk Adam (L'Homme coquillage), en 1993[9]. Le Mandarin miraculeux (Mucizevi Mandarin) est un recueil de nouvelles se passant à Genève dans lequel on retrouve certains de ses thèmes récurrents : l'amour impossible, la vie en terre étrangère, le danger comme un défi, etc[6],[10].

Jusqu'en 2000, elle rédige une chronique dans le quotidien de gauche turc Radikal. L'ensemble de ses chroniques sont ensuite publiées dans l'ouvrage Bir Yolculuk Ne Zaman Biter. En 2003, elle réside durant quelques mois à la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs à Saint-Nazaire, en France[6]. De retour en Turquie, elle devient collaboratrice du quotidien Özgür Gündem.

Publié en 2009, Le Bâtiment de pierre (Taş Bina ve Diğerleri) est un roman consacré au monde carcéral[1].

Elle confie dans une interview en 2018 que depuis son exil de Turquie l'année précédente, elle n'est toujours pas capable de se remettre à écrire et préfère se concentrer sur les événements littéraires où elle est régulièrement conviée[11]. Elle participe en mars de cette année-là au salon Livre Paris où elle dialogue publiquement avec l'écrivain algérien Kamel Daoud[12].

Récompensée à de nombreuses reprises, Aslı Erdoğan est traduite dans différentes langues dont l'arabe (comme seulement trois autres écrivaines turques)[13]. Elle est particulièrement reconnue pour ses nouvelles et son ton mordant.

Engagement[modifier | modifier le code]

Aslı Erdoğan s'engage dans la défense des droits humains, des droits des femmes (elle dénonce des viols de jeunes kurdes par la police turque) ainsi que de la cause kurde et la reconnaissance du génocide arménien[14].

De 1998 à 2000, elle représente la Turquie dans le Comité des écrivains emprisonnés du Pen Club International[15].

En 2014, pour dénoncer le siège de Kobané par les forces de l’État islamique, elle est à l'origine d’une marche des écrivains à la frontière syrienne[15].

Emprisonnement[modifier | modifier le code]

Le 17 août 2016, dans un contexte de purges, elle est arrêtée en même temps que les vingt autres membres de la rédaction du journal d'opposition Özgür Gündem en raison de son soutien à la minorité kurde[1]. Bien que ne cautionnant pas les violences du PKK, elle a à plusieurs reprises défendu leur droit à l’enseignement, ou à la création d’un parti politique légal ; elle avait par ailleurs dénoncé les exactions dont sont victimes les membres de cette minorité et médiatisé plusieurs affaires de viol commis sur des filles kurdes par la police turque. Ce soutien lui vaut l'accusation d'« appartenance à une organisation terroriste ». Quelques jours avant son arrestation, elle avait publié sur son blog une « lettre grave et nécessaire », où elle faisait part de ses craintes sur les libertés publiques et sur la politique menée en Turquie après la tentative de coup d'État[16].

À la suite de son arrestation et de la menace d'emprisonnement à perpétuité, plusieurs appels internationaux sont lancés, dont un en France par le webmagazine Kedistan[17], rejoint par Tieri Briet et Ricardo Monserrat pour la soutenir en lisant ses textes[18].

En novembre 2017 est publié en soutien à l'écrivaine incarcérée le livre Poète... vos papiers !, recueil d'essais rédigés par 27 auteurs et autrices, dont Chantal Chawaf, Vénus Khoury-Ghata, Sylvie Germain, Inna Chevtchenko et Jacqueline Merveille, à l'initiative des éditions des femmes-Antoinette Fouque[19].

Le 23 novembre, l'annonce de sa libération, ainsi que de celle de la linguiste de 70 ans, Necmiye Alpay (traductrice entre autres de Paul Ricœur, René Girard, Lénine, Wallerstein)[20], fait les titres de la presse turque et internationale[21] pour être démentie dans la journée[22],[23] suscitant l'inquiétude au vu de son état de santé dégradé.

Le 29 décembre 2016, après plus de quatre mois d'emprisonnement, un tribunal turc ordonne sa libération immédiate sous contrôle judiciaire[24] en attendant la tenue de son procès le 31 octobre 2017. Elle risque la prison à perpétuité[3]. Pendant quelques mois, elle est interdite de sortie du territoire puis son passeport lui est restitué en septembre 2017, afin de pouvoir chercher son prix de la paix Erich-Maria-Remarque en Allemagne[3]. Elle se rend en France où elle est reçue par la ministre de la Culture[25] puis sur le plateau de La Grande librairie par le journaliste François Busnel. Depuis, elle vit en exil à Francfort-sur-le-Main en Allemagne[11].

Le 14 février 2020, un tribunal d'Istanbul acquitte la romancière turque des accusations de « tentative de porter atteinte à l'intégrité de l’État » et d'« appartenance à un groupe terroriste », et ordonne l'abandon des poursuites pour « propagande terroriste »[26],[27].

Le 10 juin 2021, à la demande du procureur de la République, la décision de l'acquittement de Aslı Erdoğan est annulée, son dossier est renvoyé au tribunal de première instance pour « réexamen »[28]. Elle déclare qu'elle ne se rendra pas en Turquie pour ce nouveau procès, expliquant : « Si je remets les pieds en Turquie, c’est pour aller en prison »[29].

Œuvres[modifier | modifier le code]

En français[modifier | modifier le code]

  • L'Homme coquillage (Kabuk Adam), 1993, traduction française par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 2018
  • Le Mandarin miraculeux (Mucizevi Mandarin), 1996.
  • La Ville dont la cape est rouge (Kırmızı Pelerinli Kent), 1998.
  • Les Oiseaux de bois (Tahta Kuşlar), traduit en 9 langues, traduction française par Jean Descat, Actes Sud, 2009[30].
  • Je t'interpelle dans la nuit (Gecede Sana Sesleniyorum) traduction française de Esin Soysal-Dauvergne parue en 2009.
  • Le Bâtiment de pierre (Taş Bina ve Diğerleri), traduction française parue en 2013 chez Actes Sud.
  • Le silence même n'est plus à toi, (Artık Sessizlik Bile Senin Değil) traduction française par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 2017
  • Requiem pour une ville perdue (Hayatın Sessizliğinde), traduction française par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 2020 Poche, Babel, 136p. (ISBN 978-2-330-16889-6)

Livres audio[modifier | modifier le code]

Prix et récompenses[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Hala Kodmani, « Asli Erdogan, romancière emprisonnée en Turquie », Libération,‎ (lire en ligne)
  2. « Asli Erdogan : “J'étais la cible idéale, la 'sorcière' qu'il faut brûler” », Le nouvel observateur,‎ (lire en ligne)
  3. a b et c « Asli Erdogan: «En Turquie, la situation est extrêmement noire» », sur rfi.fr, (consulté le )
  4. [1]
  5. « Libertés conditionnelles », Le courrier,‎ (lire en ligne)
  6. a b et c Timour Muhidine, « Erdoğan, Aslı [Istanbul 1967] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, (lire en ligne), p. 1439-1440
  7. Annick Cojean, « Asli Erdogan : « Rien ne compensera jamais un jour de prison » », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  8. Delphine Minoui, « Turquie, une romancière derrière les barreaux », Le Figaro Magazine, semaine du 2 septembre 2016, page 24.
  9. Mehmet Basut, « Aslı Erdoğan : Portrait insaisissable d’une jeune écrivaine tourmentée », Femmes méditerranéennes,‎ (lire en ligne)
  10. Josyane Savigneau, « Laveggi, Erdogan, deux femmes pour un éloge de la brièveté », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. a et b « La Turquie c'est l'"Allemagne des années 30", accuse l'écrivaine Asli Erdogan », France 24,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « Rencontre avec Asli Erdogan », sur Espace des femmes, (consulté le )
  13. Par Clémence Maret, « Le témoignage de l’éditeur d’Asli Erdogan, écrivaine turque emprisonnée », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  14. Par Alice Colmart, « En Turquie, l’écrivaine Asli Erdogan reste en détention », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  15. a et b Hala Kodmani, « Asli Erdogan, romancière emprisonnée en Turquie », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. La-Croix.com, « En Turquie, l’écrivaine Asli Erdogan est résolument captive », sur La Croix, (consulté le )
  17. « Aslı Erdoğan, trois jours en décembre seraient un début... », sur KEDISTAN, (consulté le )
  18. Tieri Briet, « Asli Erdogan : campagne d'urgence », Diakritik,‎ (lire en ligne)
  19. « Poète ...vos papiers pour Aslı Erdoğan », sur Des femmes, (consulté le )
  20. Par le 06/09/2016 à 11h11, « En Turquie, l’arrestation d’un esprit libre », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  21. « Turquie : la justice décide de libérer Asli Erdogan et Necmiye Alpay », ActuaLitté,‎ (lire en ligne, consulté le )
  22. « Turquie : la romancière Asli Erdogan reste en prison », Télérame,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. « Turquie : la romancière Asli Erdogan reste finalement en détention », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. « Turquie : la justice ordonne la remise en liberté de l’auteure Asli Erdogan », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  25. « Asli Erdogan reçue par Françoise Nyssen », sur FIGARO, (consulté le )
  26. Le Figaro avec AFP, « Turquie : la romancière Asli Erdogan acquittée dans un procès pour «terrorisme» », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. Marie Jégo, « En Turquie, la romancière Asli Erdogan acquittée », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  28. Valérie Marin la Meslée, « Asli Erdogan : le cauchemar continue », sur Le Point, (consulté le )
  29. Jean-Jacques Régibier, « La France s’apprête à expulser un militant kurde menacé de prison en Turquie. », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  30. Cécile Oumhani, « Les oiseaux de bois, d’Asli Erdogan », babelmed.net,‎ (lire en ligne)
  31. (en-GB) « Awards », sur Aslı Erdoğan (consulté le )
  32. (tr) « Darüşşafaka Cemiyetİ », sur Darüşşafaka Cemiyeti (consulté le )
  33. (nb) « Ord i Grenseland-prisen til Asli Erdogan », sur Den norske Forfatterforening, (consulté le )
  34. (en) « Aslı Erdoğan Receives Tucholsky Prize », Bianet - Bagimsiz Iletisim Agi,‎ (lire en ligne, consulté le )
  35. « Aslı Erdoğan, le prix de la solidarité », sur KEDISTAN, (consulté le )
  36. (en) « 2017 Princess Margriet Award », sur European Cultural Foundation, (consulté le )
  37. European Centre for Press and Media Freedom, « Asli Erdoğan: “For all the journalists with their tongues cut out, solidarity is important“ », sur European Centre for Press and Media Freedom (consulté le )
  38. (it) Roberto Saporito, « Premio Nazionale V. Padula. A colloquio con Asli Erdogan… che rischia il carcere a vita », sur Acri Punto Info, (consulté le )
  39. « Adriatico Mediterraneo 2017 | XI edition | Associazione Adriatico Mediterraneo », sur www.adriaticomediterraneo.eu (consulté le )
  40. « Bruno Kreisky Menschenrechtspreis », sur www.kreisky.org (consulté le )
  41. Valérie Marin la Meslée, « Sortie de Turquie, Asli Erdogan est l'invitée de "La Grande Librairie" », sur Le Point, (consulté le )
  42. « Asli Erdogan, Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2018 », ActuaLitté,‎ (lire en ligne, consulté le )
  43. « 2018-Asli Erdogan, onzième prix Simone de Beauvoir pour la liberté des (...) - Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes », sur www.prixsimonedebeauvoir.com (consulté le )
  44. « Françoise Nyssen décore Asli Erdogan dans l'ordre des Arts et des Lettres », sur Livres Hebdo (consulté le )
  45. (en-US) « Vaclav Havel Library Foundation Announces Asli Erdogan as the 2019 Winner, Disturbing the Peace, Award to a Courageous Writer at Risk – The Vaclav Havel Library Foundation » (consulté le )
  46. (en-US) « Vaclav Havel Library Foundation Announces Asli Erdogan as the 2019 Winner, Disturbing the Peace, Award to a Courageous Writer at Risk – The Vaclav Havel Library Foundation » (consulté le )
  47. (en-US) Gerard Taylor, « Turkish writer, Asli Erdogan, gets the authors' freedom of speech award », sur Norway Today, (consulté le )
  48. Luc Barizoni, « UPJV - DOCTORAT HONORIS CAUSA », sur UPJV (consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]