Aniota (société secrète)

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Reconstitution d'un homme-léopard au musée de Tervueren (1934).

Les Aniotas, anioto ou anyoto, dits aussi « hommes-léopards », sont membres d'une société secrète africaine ayant une base de religiosité animiste. Cette société est réputée recruter ses cadres parmi les sorciers villageois sans pour autant revêtir la structure hiérarchisée d'une secte. Ils étaient actifs autrefois au Congo belge, dans la région des Babali du Haut Aruwimi et pratiquaient l'assassinat rituel en simulant une attaque de léopard, aussi appelé panthère, dont la motivation première serait la vengeance[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Anyoto viendrait d’un verbe « nyoto » qui signifie griffer, mais la tradition populaire parle aussi d’une Aniota qui aurait été une instigatrice de la secte.

Lors de leur initiation, lors d’une cérémonie Mambela, les jeunes recrues, pour montrer leur détermination, devaient tuer un de leurs proches, homme, femme ou enfant, en simulant une mort due à un léopard ; ils n'entraient pas délibérément dans la confrérie mais étaient désignés par les anciens et ne pouvaient se soustraire à leurs ordres. Leur initiation commençait juste après la circoncision. Ils devaient alors abandonner leur famille et se rendre dans un endroit isolé, forêt ou îlot. Là, pendant de longs mois, le néophyte était soumis à des épreuves très pénibles et mettait sa vie en jeu. Si le candidat était blessé ou tué, nul ne s’en souciait, cela prouvait simplement qu’il n’était pas digne de devenir un homme-léopard. Si le candidat réussissait toutes les épreuves, on lui apprenait alors à imiter parfaitement les cris des félins et à se servir de ses armes d’assassin.

Les Aniotas furent aussi réputés anthropophages et, à un niveau supérieur, d'être capables de projeter leur conscience dans le corps d’un léopard, qu’il pouvait ainsi téléguider pour aller tuer quelqu’un sur le principe du loup-garou mais sans transformation corporelle[2].

Les Anyotos étaient connus de la population qu’ils terrorisaient mais qui faisait cependant souvent appel à leurs services pour agir en tant que justiciers.

Connus depuis la fin du XIXe siècle, c’est en 1919 seulement que l’administration coloniale soupçonna le mouvement aniota d’être les assassins de si nombreuses victimes apparentes de léopards.

La croyance générale étaient d'abord que les hommes-léopards adeptes de la secte, n’avaient pour cible que les Noirs hostiles à la tradition et à l’indépendance, ou trop enclins à coopérer avec les colons. Parmi les victimes, on n’a jamais recensé un Blanc.

L’administration coloniale belge lutta contre cette confrérie qui risquait de déstabiliser le système mis en place des chefferies.

Dès 1921, des rapports de police avaient été rédigés sur des meurtres mystérieux perpétrés par les hommes-léopards. Après des mois d’enquête, des suspects furent arrêtés et pendus en place publique.

De 1933 à 1934, l’administration coloniale du Congo belge enquêta sur une série impressionnante de morts suspectes. Les cadavres, du moins ceux que l’on retrouvait car il y avait aussi des disparitions, présentaient tous de profondes blessures à la gorge et, sur le reste du corps, de sillons sanglants. Ces blessures donnaient à penser que le meurtre était l’œuvre d’un fauve. Les empreintes repérées au sol, autour des victimes, tendaient à corroborer cette hypothèse. Mais, un examen plus approfondi révéla bientôt que tous ces crimes avaient été perpétrés par de faux félins: les hommes-léopards. Durant ces deux années, ils atteignirent dans cette région de grandes proportions. Plusieurs centaines de corps lacérés et atrocement mutilés furent retrouvés. Les populations locales refusèrent en majorité de collaborer avec les autorités coloniales de crainte de représailles. Ces massacres auraient été liés à la rivalité entre deux populations : les Bapakombe et les Wanande, les premiers reprochant aux seconds d’envahir leur territoire.

Dans les mois qui précédèrent l’indépendance décidée du pays le mouvement reprit une ampleur inattendue, les Aniotas assassinèrent rituellement d’importants leaders nationaux[Lesquels ?].

Le mouvement n'aurait plus fait parler de lui depuis ou serait à l'état latent.

On peut voir un costume d'aniota au Musée royal de l’Afrique centrale à Tervueren près de Bruxelles (en Belgique), envoyé par Charles Delhaise en 1911[3].

Confréries semblables en Afrique[modifier | modifier le code]

On parle également d'hommes-léopards, sous d'autres noms au Libéria et en Sierra Leone. Divers cultes animistes semblables peuvent être rencontrés à travers l'Afrique. Les animaux de totem sont différents : hommes-lions au Tanganyika, hommes-hyènes en Côte d'Ivoire ainsi que des hommes-chimpanzés, hommes-crocodiles, hommes-panthères, hommes-gorilles, hommes-babouins, dans quelques régions. S'inspirant des Aniotas du Congo, certains sorciers au Nigéria ont recréé l'homme-hyène, qu'on surnomme aussi Kovenkore. La structure criminelle et vengeresse de la fraternité serait par contre identique. On peut alors parler d’une confrérie initiatique existant dans un grand nombre de tribus vivant entre le Congo et la Guinée. Chez les Bamilékés, populations d'origine soudano-bantoue établies dans les régions montagneuses du Cameroun, on nomme "Foufou" une organisation clandestine de bourreaux, toujours masqués et chargés à la nuit tombée des exécutions à mort[4].

Au XXIe siècle[modifier | modifier le code]

Les sectes des hommes-léopards et hommes-panthères subsistent dans certains districts du Cameroun et des états limitrophes comme le Nigeria et le Congo[4].

Analyses et hypothèses[modifier | modifier le code]

Les hommes-léopards étaient intimement liés à l'association initiatique du mambela. Les chefs ou sorciers choisissaient parmi eux les futurs hommes-léopards ou anioto, qu'ils formaient au combat. Le secret total et la solidarité absolue entre initiés du même groupe a certainement favorisé la naissance de l'aniotisme au sein du mambela. Mais la mise en place des structures coloniales a effrité les pouvoirs des chefs ethniques, politiques et judiciaires des grands initiés détenteurs de ces pouvoirs. Ceci peut avoir conduit les chefs à ériger en système le meurtre rituel, seul moyen de restaurer par la crainte le pouvoir vacillant de leurs dirigeants traditionnels. Ce qui expliquerait qu'au moment de l'indépendance, ces mêmes pouvoirs se soient attaqués aux leaders africains qui allaient prendre la place de l'administration coloniale, d'autres évoquent que leurs membres avaient fini par collaborer avec le colonialisme belge, voire tiraient de ce régime une garantie de pérennité de leur pouvoir. L'initiation des hommes-léopards au combat, cérémonie qui comportait notamment l'absorption de plantes excitantes, on constate que l'aire de dispersion de ces rites coïncidait avec l'aire où se sont manifestés des contacts fréquents entre les diverses populations conquérantes et ceux-ci[4].

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

  • La bande-dessinée Tintin au Congo d'Hergé fit connaître au grand public et pérennisa le thème de la confrérie en 1931.
  • La confrérie est évoquée dans la série Tarzan dans la nouvelle d'Edgar Rice Burroughs : Tarzan et les hommes-léopards (en) (Tarzan and the Leopard Men), 1932 - 1933.
  • Bob Morane affronte des Hommes-Léopards dans le roman d'Henri Vernes La Vallée des brontosaures, publié en 1955.
  • Le personnage de bande-dessinée Alix créé par Jacques Martin, dans l'album de 1959, La griffe noire, affronte des hommes-léopards africains.
  • Dans le quatrième épisode de la bande dessinée Les Éthiopiques, créée par Hugo Pratt et publiée en 1978, Corto Maltese s'allie avec des Hommes-Léopards.
  • Dans le cinquième épisode de sa série Le Royaume du léopard, créé par Daniel Desorgher et Stephen Desberg et publié en 1991, Jimmy Tousseul a également affaire aux Hommes-Léopards.
  • Dans la série L'Autre de Pierre Bottero, publiée entre 2006 et 2007, l'héroïne détient le pouvoir de se transformer en panthère, pouvoir qui lui vient de ses ancêtres congolais, probablement des Hommes-Léopards.
  • Dans le livre Les Secrets du Kenya, supplément de la gamme de jeu de rôle L'Appel de Cthulhu publié en 2007, un des scénarios est une enquête sur les activités de la secte des Hommes-Léopards.
  • Dans son morceau "Blackmobile" sorti en 2012, le rappeur franco-sénégalais Freeze Corleone dit : "Homme-léopard négro comme les anyotos, vous pouvez courir vous cacher on vous trouvera même à Kyoto".
  • Dans le roman Écorchures (Die Again) de Tess Gerritsen, paru en 2014, il est fait mention de la secte des hommes léopard comme élément de meurtres rituels commis au Botswana et sur le sol américain[5].
  • Au cours de la quatrième saison de la série Les Mystérieuses Cités d'or, diffusée en 2020 - 2021 et dont l'action se passe principalement en Afrique, les héros (Esteban, Tao, et Zia, accompagnés par Mendoza, Sancho et Pedro) doivent affronter les hommes-léopards avant de découvrir Orunigi, la sixième cité d'or.
  • Dans la série Les rivières pourpres (épisode 1-2, saison 4 : "Kovenkore"), un "homme-panthère", ou plus exactement son homologue nigériois "l'homme-hyène", est au centre de l'intrigue.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Documentaire :

  • D. Burrows: "The Human Leopard Society of Sierra Leone". In: Journal of the Royal African Society, Vol. 13, No. 50, Jan. 1914, S. 143–151.
  • Kenneth James Beatty: "Human leopards: an account of the trials of human leopards before the Special Commission Court: with a note on Sierra Leone, past and present". With a preface by Sir William Brandford Griffith. Hugh Rees, London 1915 (AMS Press, New York 1978). Disponible en ligne : https://archive.org/details/humanleopardsacc00beatuoft/page/n1/mode/2up
  • Hutton, J.H. "Leopard-men in the Naga hills" (Journal of the Royal Anthropological Institute, 1920).
  • Birger Lindskog, "African Leopard Men" (Uppsala: Studia Ethnographica Upsaliensia, VII, 1954).
  • Joset, Paul-Ernest, "Les sociétés secrètes des hommes-léopards en Afrique Noire" (Payot, Paris, 1955).
  • Mokede, Paul-Roger. "Société secrète des Anioto, hommes léopards, ches les Babali, Congo-Kinshasa". — École pratique des hautes études (Paris). Université de soutenance, 1971.
  • Cyrier, Jeremy, "Anioto: Mise d'une patte sur la puissance. Hommes de léopard du Congo belge, 1911-1936", causerie délivrée à la 4e conférence annuelle d'étudiant gradué de Midwestern pour des études africaines, septembre 12, 1999 à Lansing est, Michigan par Jeremy Cyrier de l'université de la Virginie.
  • Pratten, David (2007). "The Man-Leopard Murders: History and Society in Colonial Nigeria". Indiana University Press. ISBN 978-0-253-34956-9.
  • Poore Sheehan, Perley (2007). "The Leopard Man and Other Stories". Pulpville Press. ISBN 978-1-936-72002-6.
  • "Cannibales !", Pierre-Antoine Bernheim et Guy Stavridès, Ed. Plon, 1992. Un passage consistant est consacré aux hommes-léopards en pages 264 à 267 (Troisième partie : "Dieu, diable, docteur", chap. 2 : "Nourritures du diable", section 3 : "Danger". Notes en pages 399 et 400)

Fiction :


Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]