André Antoine (homme de théâtre)

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André Antoine
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André Antoine photographié par Charles Reutlinger, vers 1900.
Nom de naissance Léonard André Antoine
Naissance
Limoges (France)
Décès (à 85 ans)
Le Pouliguen (France)
Activité principale Comédien, metteur en scène, directeur de théâtre.
Activités annexes Réalisateur de cinéma, critique dramatique.
Lieux d'activité Paris et tournées en province et en Europe
Années d'activité 1887-1939

Répertoire

Scènes principales

André Antoine est un comédien, metteur en scène, directeur de théâtre, réalisateur et critique dramatique français, né le à Limoges, et mort le au Pouliguen. il repose au cimetière de Camaret-sur-Mer.

Considéré comme l'inventeur de la mise en scène moderne en France, il a donné son nom au Théâtre Antoine à Paris.

Biographie[modifier | modifier le code]

Né à Limoges en 1858[1], André Antoine est élève à l'école communale des Frères et au lycée Condorcet, puis employé à la Compagnie du gaz.

Intéressé par le théâtre, candidat malheureux à l'entrée du conservatoire de musique et de déclamation en 1878, il devient comédien dans une troupe amateur, puis fonde dans l'ancienne Comédie parisienne, le Théâtre-Libre[1], avec le premier spectacle en 1887[1], un mouvement théâtral novateur visant à ouvrir la scène à de jeunes auteurs, à un style de mise en scène et de jeu d'acteurs en rupture avec le théâtre de boulevard. Les représentations sont sur abonnement, pour échapper à la censure, d'où ce nom de Théâtre-Libre[2],[3]. Le courant théâtral s'ouvre aux écrivains du courant naturaliste français, mais aussi aux auteurs dramatiques scandinaves. Sur son modèle, des théâtres libres se créent à Londres, à Munich et à Berlin. Proche d'Émile Zola, il prône un théâtre populaire et social, appliquant les principes du naturalisme à l'art dramatique et à la mise en scène. Il fait découvrir en France des auteurs tels que August Strindberg, Léon Tolstoï et Henrik Ibsen. Il monte également des pièces ou des adaptations de romans de Zola, Daudet, Balzac, puis Jules Renard (Poil de Carotte) et Henry Bernstein (Le Marché).

André Antoine, debout, avec de gauche à droite : Arnold Koning, Émile Bernard, Vincent van Gogh (?), Félix Jobbé-Duval et Paul Gauguin (1887), photographie anonyme.

Au théâtre[modifier | modifier le code]

Affiche de 1903 pour les tournées du théâtre Antoine.

Dans ses mises en scène, les comédiens doivent vivre leurs personnages. Il insiste sur l'importance de la gestuelle, libère le jeu d'acteur des conventions et du cabotinage et prône une diction moins déclamatoire pour plus de naturel. Il veut donner au spectateur l’impression d’assister à une « tranche de vie » en s'appuyant sur des costumes et des décors modernes et réalistes jusque dans les moindres détails. Il joue avec l'éclairage, installant l'électricité pour des jeux de lumière inédits, adoptant l'obscurité wagnérienne pour la salle. La présence de vrais morceaux de viande pour Les Bouchers en 1888 fait d'ailleurs scandale. Reprenant la théorie du quatrième mur instaurée par Diderot[4], il donne une grande importance au rôle du metteur en scène, qui passe du statut de technicien à celui de créateur. André Antoine organise également des tournées en Europe[2].

En 1887, lors de son installation dans la salle des Menus-Plaisirs[1], sous le nom de Théâtre Antoine, le style théâtral prend l'allure d'une provocation esthétique calculée, soutenue par le snobisme du Tout-Paris[5], ce qui le pousse à refuser Maurice Maeterlinck, parce qu'il mise essentiellement sur le réalisme scénique. Les œuvres de François de Curel ou d'Eugène Brieux laisseront moins de trace que celle des Tisserands de Gerhart Hauptmann, de la Puissance des ténèbres de Tolstoï ou des grands drames de Shakespeare[5].

En , il met en scène et joue dans Poil de Carotte de Jules Renard. Dans son Journal, Jules Renard, en tant qu'auteur, décrit leur travail en commun: "Répétition. Antoine est là et fait travailler, d'abord en scène, puis au foyer, avec une intelligence qui me rend modeste au point que je n'ose pas le contredire une fois. - Vous êtes indispensable, lui dis-je. - Je viendrai, dit-il, mais, quelquefois, ça m'embête. Il faut que je fasse deux métiers. Il joue, et c'est admirable de justesse, le rôle de Poil de Carotte sans dire une seule de mes phrases, mais il dit à « ses » femmes : - Ne touchez pas au texte. Si l'auteur a écrit ça, c'est qu'il a ses raisons. Il me dit, comme pour s'excuser : - Ne faites pas attention. Je leur indique là des choses de cabot. Quand c'est fini, je le remercie avec une joie enfantine. Guitry, c'est toute la diction, Antoine, toute l'action, je veux dire : le feu, la vie, le sens tout nu des phrases."[6]. Dans ce texte, Jules Renard raconte ces différentes collaborations avec Antoine entre et . En date du , Jules Renard note: "Antoine comprend la réalité, pas la poésie, qui, elle aussi, est vraie."[6]

En 1896, il est nommé codirecteur du théâtre de l'Odéon[1]. En 1906, Antoine prend seul la direction de ce théâtre de l'Odéon[1] (il l'avait dirigé seulement deux semaines en 1896) et monte alors dans un souci de reconstitution historique, des textes classiques de Corneille (dont il reconstitue la première représentation du Cid aux chandelles), Racine, Molière ou Shakespeare. En sept ans, il monte 364 pièces, soit une moyenne d'une par semaine[7], lançant dans ses « soirées d'essai » de jeunes auteurs comme Georges Duhamel ou Jules Romains[5]. Il est à l'époque le directeur de scène du futur réalisateur Léonce Perret.

Au cinéma[modifier | modifier le code]

Mademoiselle de la Seiglière (1921).
André Antoine jeune et de profil par Carjat et Cie.

Lourdement endetté, il quitte le théâtre de l'Odéon en 1914 et se tourne vers le cinéma[5]. Il réalise, entre 1915 et 1922, plusieurs films sous l'égide de la Société cinématographique des auteurs et gens de lettres de Pierre Decourcelle, adaptant des œuvres dramatiques ou littéraires, comme La Terre, tourné entre 1918 et 1919, L'Arlésienne sorti en 1922, Les Travailleurs de la mer, en 1917, Les Frères corses et Quatre-vingt-treize (1920, coréalisé notamment avec Albert Capellani)[3].

Là encore, il adopte les principes du naturalisme, privilégiant par exemple des lieux de tournage correspondant à l'intrigue du roman qui sert de synopsis, et en donnant de l'importance à ce décor naturel, comme « éléments d’un réel déterminant les comportements de ses protagonistes »[8], et en recourant à des acteurs non professionnels qui ne sont pas « ligotés dans les anciennes formules de théâtre »[9]. Pour Jean Tulard, son approche littéraire et sa réputation participent à « donner au cinéma ses lettres de noblesse »[10]. Influençant Mercanton, Hervil et Capellani, il est « un peu le père du néoréalisme »[10].

Le renouveau de la mise en scène qu'il a initié et qui domine alors la scène française se poursuit sans lui, Jacques Copeau[11] et le Cartel des Quatre (Charles Dullin, Louis Jouvet, Gaston Baty et Georges Pitoëff), se plaçant dans un courant modernisateur également, mais « antinaturaliste ».

Il conclut sa carrière comme critique de théâtre et de cinéma à partir de 1919 et pendant vingt ans, hebdomadairement dans L'Information, plus sporadiquement dans Le Journal, Comœdia et Le Monde illustré[12], et publie ses souvenirs : le Théâtre 1932-1933[12].

Hommages[modifier | modifier le code]

Plaque commémorative sur la façade du no 10 rue André-Antoine à Paris.

Publications[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

Comédien[modifier | modifier le code]

Metteur en scène[modifier | modifier le code]

Comédien et metteur en scène[modifier | modifier le code]

Réalisateur de cinéma[modifier | modifier le code]

Citation[modifier | modifier le code]

« Antoine ! Le plus grand homme de théâtre que nous ayons connu. Il a bouleversé l'art de la mise en scène. Il n'a pas rompu avec les traditions, mais il a balayé toutes les conventions absurdes qui fleurissaient vers 1890. Et il a tracé une voie nouvelle à travers les ruelles et les faubourgs pour rejoindre précisément la grande tradition du XVIIe siècle. »

— Sacha Guitry, Ceux de chez nous, 1915.

Distinctions[modifier | modifier le code]

André Antoine fut chevalier puis commandeur de la Légion d'honneur (en 1927), officier de l'Instruction publique et récipiendaire de la médaille coloniale.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f « Antoine André (1858-1943) », sur Encyclopædia Universalis
  2. a et b André Degaine, « Le temps des metteurs en scène. Antoine », dans Histoire du théâtre dessinée, Nizet, (ISBN 978-2-7078-1161-5), p. 284-306
  3. a et b Alain Weber, « Antoine, cinéaste libre comme l’art », dans Cinéma(s) français 1900-1939,pour un monde différent, Éditions Séguier, , p. 29-46
  4. in Discours sur la poésie dramatique
  5. a b c et d Larousse encyclopédique. Tome I. p. 551
  6. a et b Journal 1887 -1910 de Jules Renard, Bibliothèque de la Pléiade, Galimard (ISBN 2-07-010473-7)
  7. « Antoine André », site du Théâtre de l'Odéon
  8. selon « André Antoine » sur France diplomatie
  9. André Antoine, "Propos sur le cinématographe", cité par D. Banda et J. Moure in Le cinéma : naissance d'un art. 1895-1920, Paris, Flammarion, Champs, 2008, p. 412.
  10. a et b Jean Tulard, Dictionnaire du cinéma - Les réalisateurs, Robert Laffont, 1999
  11. En octobre 1913, Copeau écrit à Antoine « Si nous ne trouvons dans votre enseignement pleine satisfaction, vous resterez cependant à nos yeux le seul maître vivant, le seul homme d'action qui, jusqu'au jour présent, ait honoré le théâtre contemporain et l'ait marqué de son empreinte… Nous vous aimons surtout parce que vous êtes Antoine : un homme sincère, loyal et vaillant… Depuis que vous êtes le “patron”, Monsieur, il n'y en a pas d'autre. » Cité dans « Historique - Fondateurs et amis », site du Vieux Colombier
  12. a et b Résumé sur CAT.INIST de Antoine critique dramatique, de Louis Montillet, Revue d'histoire du théâtre, ISSN 1291-2530

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • André-Paul Antoine, Antoine, père et fils, Julliard, Paris, 1962.
  • René Benjamin, Antoine déchaîné, A. Fayard, 1923.
  • René Benjamin, Antoine enchaîné, Les Cahiers Libres, 1928.
  • René Benjamin, La Solitude d'Antoine, Aux Armes de France, 1941.
  • David Bourbonnaud, « André Antoine, diffuseur et traducteur ? », in Protée (« Les formes culturelles de la communication »), volume 30, numéro 1, printemps 2002 (en ligne).
  • Bernard Dort, « Antoine, le patron », in Théâtre Public, Paris, Seuil, 1967.
  • Jean-Pierre Sarrazac et Philippe Marcerou, Antoine, l'invention de la mise en scène, Actes Sud-Papiers, Coll. « Parcours de théâtre », 1999 (ISBN 978-2742725120).
  • Philippe Esnault, Antoine cinéaste, Lausanne, L'Age d'Homme, 2012 (présentation de l'éditeur).
  • Manon Billaut, André Antoine, une méthode expérimentale, Sesto San Giovanni, Mimésis, 2021.

Liens externes[modifier | modifier le code]