Anarchisme en Argentine

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Anarchisme
en Argentine
Image illustrative de l’article Anarchisme en Argentine
Manifestation anarchiste de la FORA

Événements 1884-1889, Période d'influence d'Errico Malatesta
1920-1921, Patagonie rebelle
Personnalités Errico Malatesta
José Ingenieros
Kurt Gustav Wilckens
Simón Radowitzky
Diego Abad de Santillán
Severino Di Giovanni
Structures Fédération Libertaire Argentine
FORA
Fédération anarcho-communiste d'Argentine
Organisation socialiste libertaire
Presse ¡ Libertad !
La Protesta
La Voix de la femme
Anarchisme par zone géographique

L’anarchisme en Argentine concerne l'histoire du mouvement libertaire argentin, un des plus forts en Amérique du Sud. Le tout premier organisme réellement anarchiste apparaît en 1876 sous l'influence d'une groupe bakouniniste. Principalement influencé à ses débuts par des immigrés étrangers en exil, comme l'italien Errico Malatesta, les libertaires de l'époque seront à l'origine de la création des premiers syndicats argentins.

Histoire[modifier | modifier le code]

Apparition de l'anarchisme en Argentine[modifier | modifier le code]

Origine du socialisme en Argentine[modifier | modifier le code]

Les premiers mouvements argentins d'inspirations socialistes naissent dans les années 1870. Ils tiennent leur origine d'un groupe d'immigrés socialistes, principalement français mais aussi allemands, italiens et espagnols dans une moindre mesure, qui auraient été, selon médecin et sociologue italo-argentin José Ingenieros, le tout premier groupuscule de cette tendance dans le pays[1],[2].

En 1871, de nombreux militants français de gauche s'exilent en Argentine à la suite de la dure répression contre les communards de la Commune de Paris. Parmi eux on compte Achille Cambier, qui deviendra plus tard un des grands leaders de la Deuxième Internationale, ainsi qu'Émile Dumas[N 1]. Ils sont à l'origine de la fondation, en 1872, d'une section argentine de la Association internationale des travailleurs (plus communément appelée Première Internationale) à Buenos Aires. À l'époque, cette section a une influence mineure dans le paysage politique mais elle se distingue des autres par son antiautoritarisme sans toutefois aller jusqu'à l'anarchisme. Une seconde section est créée en 1874 dans la ville de Córdoba mais elle est supprimée l'année suivante et tous ses membres sont arrêtés[1],[3],[4],[5].

Débuts de l'anarchisme[modifier | modifier le code]

Dans la seconde moitié des années 1870, une scission commence à se créer au sein de la Première internationale entre les partisans de Karl Marx, favorable à une gestion centralisée et à la création de partis politiques, qui deviendront les communistes et qui sont alors minoritaire en Argentine et les partisans de Mikhaïl Bakounine, anti-autoritaires et anti-politiques, qui deviendront les anarchistes et qui forment le groupe majoritaire, principalement composé de personnalités italiennes et espagnoles. En 1876, le Centro de Propaganda Obrera (Centre de Propagande ouvrière) est créé par des bakouninistes. C'est le premier réel organisme anarchiste d'Argentine. Ses idéaux commencent à se diffuser, surtout grâce à la publication du manifeste Une Idée dans lequel sont développés les points principaux des théories de Bakounine, dans les anciennes sections de la Première internationale disparu en 1877 de la sorte qu'en 1879 tous les groupes argentins qui avaient été affiliés à l'Internationale sont dirigés par des partisans de l'anarchisme et de Bakounine. En 1879 est publié le premier numéro du journal El Descamisado, périodique ayant une ligne politique libertaire, tandis que l'année suivante, en 1880, est créé par des anarchistes argentins le groupe La Anarquía[1],[4],[6],[7].

En 1882 paraissent les journaux El Obrero et La Anarquia, en 1882 c'est au tour de Lucha Obrera d'être publié pour la première fois (à ne pas confondre avec La lucha obrera, journal anarcho-collectiviste qui quant-à-lui paraîtra en 1884) et en 1883, c'est un périodique de langue française Le Prolétaire[6],[8],[9].

En , dix-huit internationalistes italiens dont Ettore Mattei décident de fonder le Cercle Communiste Anarchiste (Circulo Comunista Anarquico en espagnol) qu'eux-mêmes considèrent comme l'héritier des anciennes sections de la Première Internationale. Les principaux groupuscule libertaires étrangers de l'époque sont ceux des immigrés français, espagnols, italiens et hollandais[8].

Les libertaires immigrés se réunissent souvent au sein de groupes formés par des gens de leur même origine. Ainsi, des anarchistes italiens originaires du village d'Isola Dovarese, en Lombardie, où ils faisaient partie d'un groupe nommé I Ribelli (Les Rebelles) émigrent tous en Argentine dans la ville de Rosario, sur le littoral du Rio Paraná, où ils fondent le groupe anarchiste El Miserable (Le Misérable). Il en est de même pour des français immigrés dans la ville d'Azul, près de Buenos Aires, qui créent une association composée de libertaires résidant dans les alentours[10],[11].

Toujours à la même période, l'anarchisme se diffuse de plus en plus surtout grâce à l'action entreprise par les libertaires étrangers dans les villages ruraux argentins où le syndicalisme est alors presque absent. Ils enseignent ainsi leurs idéaux révolutionnaires tout en donnant des cours du soir pour apprendre à lire et à écrire aux travailleurs pauvres. Ce type de personnes, professeur-travailleur-anarchiste, est notamment décrit par l'historien Osvaldo Bayer qui les nomment les linyera (de l'italien linghera, sac dans lequel les anarchistes argentins transportaient des tracts et des journaux politiques)[9].

De 1885 à 1900 : influence de Malatesta[modifier | modifier le code]

Photo d'Errico Malatesta durant son séjour en Argentine.

Dès 1885, le militant V. Mariani commence à distribuer à Buenos Aires Le Révolté, hebdomadaire suisse de tendance anarcho-communiste fondé à Genève en 1879 par Pierre Kropotkine, François Dumartheray et Élisée Reclus. Son nombre de ventes augmente dans les années qui suivent et il prend de l'importance jusqu'à devenir le principal journal libertaire de la capitale argentine. Il est dès lors chargé de fixer et diffuser les dates des réunions anarchistes telles que celle de , qui réunit près de 350 personnes en solidarité avec les martyrs d'extrême-gauche du massacre de Haymarket Square à Chicago, ou celle de , en commémoration à la Commune de Paris de 1871[10].

En , plusieurs camarades anarchistes italiens immigrent en Argentine pour éviter l'emprisonnement, pour motif politique, dans leur pays d'origine. Parmi eux on compte le propagandiste et révolutionnaire communisme libertaire Errico Malatesta ainsi que Francesco Pezzi (déjà emprisonné en 1880 pour avoir fomenté une révolte paysanne en Campanie avec Malatesta), Maria Luisa Minguzzi (anarcha-féministe ayant aidé à la préparation de la révolte paysanne en Campanie), Francesco Natta (ancien responsable d'une tentative d'insurrection à Bologne), Cesare Agostinelli (anarchiste d'Ancône) et Galileo Palla (plus tard chef d'une insurrection en Lunigiana)[9],[12],[13].

Tous s'installent à Buenos Aires où ils entrent en contact avec le Cercle Communiste Anarchiste qui avait été fondé en 1884 par Ettore Mattei. Ils fondent également le Círculo Obrero de Estudios Sociales (Cercle ouvrier d'études sociales) qui contribue à répandre l'anarchisme dans les classes sociales ouvrières de la capitale. En 1886, Malatesta et Natta tentent l'expérience de chercheurs d'or en Patagonie (région alors récemment annexée par l'Argentine) et plus précisément dans la zone autour du cap des Vierges. Cette opération avait pour but de financer une partie de leur œuvre de propagande. Bien qu'elle se révèle finalement désastreuse, principalement à cause du froid, et que les deux anarchistes italiens se voit obligés de revenir à Buenos Aires au bout 6 mois, Malatesta en retourne avec la forte conviction qu'il faille aider les populations du sud du pays, pour la plupart pauvres et vivant dans des conditions inhumaines[14],[15].

De retour dans la capitale, Errico Malatesta décide de nombreuses actions pour diffuser l'anarchisme parmi les ouvriers et les artisans. Il tente aussi de rassembler les différents libertaires du pays (alors représentés massivement par les linyera) et introduit ainsi le syndicalisme en Argentine. En effet, le , il fonde avec Ettore Mattei la Sociedad Cosmopolita de Resistencia y Colocación de Obreros Panaderos (le Syndicat des boulangers), tout premier syndicat d'Argentine, dont il écrira les statuts. Ce syndicat fonde aussi son propre journal, El Obrero Panadero. Par la suite Malatesta publie aussi un périodique italien de ligne anarchiste, originaire de la ville de Florence, nommé La Questione sociale[14].

Agostinelli retourne en Italie en 1887, Malatesta, Pezzi, Minguzzi et Palla en 1889 et Natta demeure en Argentine et mourra à La Plata en 1914[12],[13].

On note dans les mêmes années la présence en Argentine de Francesco Momo.

À partir de 1887, le militant Francisco Denambride, plus tard parmi les créateurs du journal El Perseguido qui sera publié entre 1890 et 1896, se rend dans la province de Santa Fe dans un but de prosélytisme et de diffusion des idéaux anarchistes[10].

La capitale argentine est au début des années 1890 un des principaux lieux de rencontre sud-américains des intellectuels et révolutionnaires anarchistes exilés. On y retrouve ainsi un groupe de Franco-belges dont l'imprimeur Emile Piette, immigré en 1885, est un des fondateurs. Ce dernier fonde également en , avec José Falconnet et Alex Sadier, le journal La Liberté qui existera jusqu'en [16]. Parmi les autres personnalités de ce temps on compte aussi le Catalan Juan Vila (qui traduit en espagnol La Conquête du pain, œuvre écrite par Pierre Kropotkine en 1892, sous le titre de La conquista del pan) ou encore l'écrivain espagnol Antoni Pellicer i Paraire (ancien fondateur et directeur du journal anarchiste barcelonais Acracia qui immigre en 1891 à Buenos Aires où il fonde le périodique Ciencia Social puis se retrouve parmi les fondateurs de la Fédération ouvrière régionale argentine)[10],[17].

Débuts de la FORA et premières répressions[modifier | modifier le code]

Naissance de la FORA[modifier | modifier le code]

Le 5e congrès[modifier | modifier le code]

Massacre du 1er mai 1906[modifier | modifier le code]

Semaine rouge de 1909[modifier | modifier le code]

La répression du Centenaire[modifier | modifier le code]

Division de la FORA en 1915[modifier | modifier le code]

Répercussions de la Révolution russe[modifier | modifier le code]

La Semaine tragique de 1919[modifier | modifier le code]

Patagonie rebelle[modifier | modifier le code]

Période de 1930 à 1960[modifier | modifier le code]

De 1960 à aujourd'hui[modifier | modifier le code]

Les différents courants[modifier | modifier le code]

Le mouvement féministe libertaire[modifier | modifier le code]

Graffiti, Paris, 2012.

En 1895, à Buenos-Aires, apparaît la brochure Propaganda anarquista entre las mujeres (Propagande anarchiste entre les femmes), sous la signature de la libre-penseuse italienne Ana María Mozón, qui aborde des thèmes tels que l’amour libre, la famille, l’exploitation dans les manufactures, les différentes formes de violences : « Nous voulons vous libérer de l’avidité du patron qui vous exploite, de la surveillance du curé qui vous remplis la tête de superstitions, de l’autorité du mari qui vous maltraite »[18].

De 1896 à 1897, Virginia Bolten publie La Voz de la Mujer (La Voix de la femme), premier journal féministe et révolutionnaire au sein de la classe ouvrière[19], première publication anarcha-féministe au monde[20]. En épigraphe : « Ni dios, ni patron, ni marido » (« Ni dieu, ni patron, ni mari »). Le journal appelle les femmes à se rebeller contre l'oppression masculine mais sans abandonner la lutte prolétarienne. Il critique toute forme d'autorité, ecclésiastique, patronale, étatique et familiale. La proposition ultime consiste en l'instauration du communisme libertaire[21].

Les rédactrices dénoncent leur rôle d’objet sexuel et disent à quel type de relations elles aspirent, sous le regard moqueur des mâles de leur classe et la réprobation de la société bourgeoise[19]. Le premier numéro est reçu avec hostilité par certains secteurs anarchistes masculins, car beaucoup de militants considèrent ces positions comme des attaques contre le sexe masculin.

Présence dans la culture[modifier | modifier le code]

Influence sur le journalisme[modifier | modifier le code]

La presse libertaire entre 1910 et 1919[modifier | modifier le code]

Influence sur la littérature[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Lorsque le parlementaire socialiste Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, s'intéresse plusieurs décennies plus tard au socialisme en Argentine, il cite le nom d'un certain Émile Dumas qu'il considère comme étant l'homme politique Émile Dumas, futur député socialiste du Cher de 1910 à 1919. Or cela est impossible car ce dernier est né en 1873 et n'aurait pas donc pu être en Argentine en 1872. Il s’avérera plus tard que l'Émile Dumas argentin pourrait en réalité être un homonyme du député, ancien lieutenant puis communard condamné par contumace à la déportation, mais sa présence à Buenos Aires reste difficile à prouver.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) Eduardo Columbo, Rebel Worker, Buenos Aires, (lire en ligne), « The Early Anarchist Movement in Argentina », p. 1.
  2. (es) José Ingenieros, Almanaque Socialista de la Vanguardia, , « Origines ».
  3. Adéodat Compère-Morel, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l'Internationale ouvrière, Paris, Librairie Aristide Quillet, 1912-1921 (lire en ligne), « Section V - Le Socialisme dans l'Argentine », p. 619.
  4. a et b (en) Robert J. Alexander, A History of Organized Labor in Argentina, Greenwood Publishing Group, (lire en ligne), « The first labor organizations », p. 4.
  5. Robert Paris, Les dictionnaires d'Amérique latine : entre mouvement ouvrier et classes subalternes, Matériaux pour l'histoire de notre temps, (lire en ligne), p. 38.
  6. a et b (es) Alejandro Leitner, « El anarquismo en Argentina », sur Taringa!, (consulté le ).
  7. (it) Amelia Paparazzo, Calabresi sovversivi nel mondo : l'esodo, l'impegno politico, le lotte degli emigrati in terra straniera : 1880-1940, Rubbettino Editore, (lire en ligne), « L'influenza degli italiani sul movimento anarchico argentino », p. 115.
  8. a et b Gonzalo Zaragoza Rovira, Anarquismo argentino, 1876-1902, Ediciones de la Torre, (lire en ligne), « Immigracion y grupos revolucionarios hasta 1885 ».
  9. a b et c (it) Amelia Paparazzo, Calabresi sovversivi nel mondo : l'esodo, l'impegno politico, le lotte degli emigrati in terra straniera : 1880-1940, Rubbettino Editore, (lire en ligne), « L'influenza degli italiani sul movimento anarchico argentino », p. 116-117.
  10. a b c et d (es) Carlos M. Rama, El Anarquismo en América Latina, Fundacion Biblioteca Ayacuch, (lire en ligne), « Inicios de la Propaganda Anarquista (1871-1889) », p. XV.
  11. (it) Enzo Santarelli, Il Socialismo anarchico in Italia, Milan, Feltrinelli, , p. 76.
  12. a et b (it) Alberto Caracciolo, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 1, (lire en ligne), « Cesare Agostinelli ».
  13. a et b (it) Claudia Bassi Angelini, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 74, (lire en ligne), « Luisa Minguzzi ».
  14. a et b (it) Amelia Paparazzo, Calabresi sovversivi nel mondo : l'esodo, l'impegno politico, le lotte degli emigrati in terra straniera : 1880-1940, Rubbettino Editore, (lire en ligne), « L'influenza degli italiani sul movimento anarchico argentino », p. 118.
  15. (es) Ricardo Accurso, « Un Anarquista Italiano en La Argentina del Siglo XIX : Errico Malatesta », sur Ediciones Abarcus, Rosario, (version du sur Internet Archive).
  16. Dictionnaire international des militants anarchistes, « Piette Emile », sur Militants anarchistes, 2006-2016 (consulté le ).
  17. (es) Miguel Iñiguez, Esbozo de una Enciclopedia histórica del anarquismo español, Madrid, Fundación de Estudios Libertarios Anselmo Lorenzo, , « Antoni Pellicer », p. 468.
  18. Resistencia, « Cronologia breve de la lucha de las mujeres anarquistas en América Latina », Anarkismo.net,‎ (lire en ligne).
  19. a et b Joël Delhom, La voix solitaire de la femme anarchiste argentine à la fin du XIXe siècle, colloque international Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques, HCTI, Université de Bretagne-Sud, avril 2011, texte intégral.
  20. Libcom, No God, no boss, no husband : The world’s first anarcha-feminist group, texte intégral en anglais, Ni dieu, ni maître, ni mari : La Voz de la Mujer - Argentine 1896-97, texte intégral en français, 3 janvier 2012.
  21. Maxine Molyneux, Mouvements féministes en Amérique Latine, Cátedra, Madrid, 2003.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Eduardo Columbo, Rebel Worker, Buenos Aires, (lire en ligne).
  • Márgara Millán, « De la périphérie vers le centre : origines et héritages des féminismes latino-américains », Revue Tiers Monde, no 209,‎ , p. 37-52 (DOI 10.3917/rtm.209.0037).
  • Pierre-Henri Zaidman, Anarcho-syndicalisme en Amérique du Sud : fin XIXe-début XXe siècles, Pages d’histoire, 2018, (ISBN 978-2-9563704-0-6), (Notice CIRA).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Anarchiste argentin.