Algue alimentaire

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Soupe d'algues aux oursins, Corée

Une algue alimentaire est une algue comestible qui a une vocation alimentaire directe (légume, condiment consommé cru ou cuit, ingrédient dans un produit alimentaire élaboré, complément alimentaire) et indirecte (PAI ou « Produit Alimentaire Intermédiaire » réalisé à partir de l’extraction de certaines substances à partir des algues). Les algues comestibles sont traditionnellement consommées comme fruits de mer en Asie du Sud-Est où elles sont cultivées depuis le Ve siècle[1], l’industrie agroalimentaire a découvert leurs propriétés physico-chimiques depuis le milieu du XXe siècle pour réaliser des additifs alimentaires à base d'alginate, d'agar-agar, de carraghénane ou d'hydrocolloïde principalement utilisés comme gélifiants-texturants, épaississants, émulsifiants ou stabilisants.

Véritables « légumes de la mer » composés de 70 % à 90 % d'eau, soit moins que les légumes terrestres, elles sont riches en minéraux (elles stockent notamment davantage[2] de calcium, de magnésium et de fer que les plantes terrestres), oligoéléments, vitamines (vitamine A, C, et E, provitamine A pour les algues rouges, vitamine B12 pour Porphyra umbilicalis ou Chlorella qui en sont une des rares sources végétales[3]), mais leur intérêt nutritionnel pour ces nutriments est variable en fonction de leur digestibilité et de leur assimilation[4]. Elles sont également riches en phlorotanins, fibres et contiennent, contrairement aux plantes terrestres, des protéines complètes contenant tous les acides aminés essentiels[5].

L'algue comestible peut aussi bien être de rive ou de fond, une macroalgue qu'une microalgue et appartient au groupe des algues vertes (les plus consommées sont la laitue de mer, l'ao nori et l’ulve), algues rouges (dulse, nori et carraghénanes), algues brunes (wakamé, kombu, aramé ou haricot de mer ou spaghetti de mer) et algues bleues (principalement la spiruline)[1].

Économie[modifier | modifier le code]

Sur les 15 millions de tonnes d'algues alimentaires consommées chaque année dans le monde, dont 93 % proviennent de l'algoculture[6], 75 % sont destinées à l'alimentation[7],[8], la majorité (près de 63 %) étant produite par la Chine et correspond à 33 % de Laminaires consommés en légumes, 22 % d’Eucheuma et 12 % de Kappaphycus alvarezii utilisés en PAI[9].

La France produit annuellement 90 000 tonnes de macroalgues (90 % en Bretagne, essentiellement Laminaria digitata et plus récemment Laminaria hyperborea) et 150 à 1 000 tonnes tonnes par l’aquaculture, ce qui la situe au 10e rang mondial. 80 % de la biomasse produite en France est pêchée en mer par une flottille d'une trentaine de navires goémonier, 20 % par des récoltants à pied (environ 300 personnes) de goémons de rive ou goémons épaves. « L’exploitation des algues compte plus de 1 600 emplois, avec près de 80 entreprises en production et transformation, pour une valeur estimée à 424 millions d’euros[10] ». La France consomme environ 180 000 en équivalent frais (import et export) d'algues essentiellement utilisées dans l’industrie des colloïdes alimentaires présente en Bretagne, ce qui la place au 9e rang mondial (chiffres 2011)[11].

Récolte et conservation[modifier | modifier le code]

Récoltées sur l'estran, elles doivent être rincées à l'eau de mer ou à l'eau douce pour retirer le sable, les petits coquillages. Les principaux modes de conservation sont :

Profil nutritionnel[modifier | modifier le code]

Composition pour 100 grammes d'algue fraîche :

Composant Teneur
Eau 90,5 g
Protéines 5,9 g
Glucides 2,1 g
Lipides 0,4 g
Iode 50,0 μg

Leur analyse nutritionnelle est similaire à celle des légumes.

Profil nutritionnel moyen (en pourcentage de matière sèche)[2] :

  • protéines : 20 % (de 8 à 35 % selon les espèces de macroalgue, le stade physiologique et la période de récolte, 70 % chez la spiruline)[12],
  • glucides : 53 %, dont 35 à 40 % de fibres (jusqu'à 87 % dans les algues brunes, dont plus de la moitié sont solubles)[13],
  • lipides : 2 % (de 1 à 5 %), surtout des acides gras polyinsaturés,
  • minéraux : 22 % (de 1 à 11 % de potassium, de 2 à 6 % de sodium et de calcium, de 3 à 9 % de chlore), la fraction minérale pouvant représenter jusqu'à 36 %[12].

La composition vitaminique des algues est intéressante, malgré de grandes variations saisonnières[12].

Les algues brunes et les Diatomées contiennent des phlorotanins qui peuvent avoir des effets anti-diabétiques, anti-cancérigènes, anti-oxydants, antibactériens, radioprotectifs et anti-VIH[14],[15].

Bénéfices potentiels pour la santé et risques[modifier | modifier le code]

Des recherches préliminaires donnent à penser que certaines algues alimentaires exercent une activité anti-cancéreuse (action des fucoïdanes (en)[16]), anti-inflammatoire (rôle du sélénium, du zinc, du cuivre) et antioxydante (fucoxanthine, phycoérythrine, catéchine)[17].

Leur richesse en fibres est favorable au transit intestinal, procure un sentiment de satiété utilisé dans les régimes d'amaigrissement et aurait un rôle hypocholestérolémiant et hypotensif[18].

Les algues alimentaires sont des espèces bioaccumulatrices de pesticides ou de métaux lourds (cadmium et surtout arsenic), leur récolte dans une région polluée entraîne des risques pour la santé humaine. Aussi les autorités sanitaires sont amenées à émettre des recommandations sur la teneur maximale autorisée de ces contaminants dans les algues alimentaires[1].

Le microbiote intestinal des Japonais possède une bactérie capable de dégrader les polysaccharides des algues rouges consommées. Une analyse détaillée du génome de Bacteroides plebeius (en) révèle qu'un opéron spécialisé dans la dégradation de ces polysaccharides a été transféré à partir d'une bactérie marine ancestrale, Zobellia galactanivorans (en), utilisant cette même ressource alimentaire[19]. Ce phénomène serait lié au régime alimentaire des Japonais, riche en algues consommées surtout sous forme de sushi. Appelé « sushi factor », il met en évidence le transfert horizontal de gènes entre des bactéries intestinales et des bactéries de l’environnement et l'évolution des micro-organismes du microbiote intestinal en réponse à de nouvelles sources alimentaires. Il est très probable « que de tels transferts aient eu lieu tout au long de l’évolution des vertébrés, expliquant la prévalence des enzymes de dégradation de polysaccharides de plantes terrestres dans la microflore des herbivores et omnivores[20] ».

Liste d'algues comestibles[modifier | modifier le code]

Selon la FAO, 145 espèces d’algues seraient régulièrement consommées dans le monde[21]. Sauvages ou cultivées, elles sont utilisées directement ou indirectement sous forme de compléments alimentaires ou d'additifs. On peut compter parmi celles-ci :

Réglementation de l'Union européenne[modifier | modifier le code]

Dans la réglementation de l'Union européenne, les algues alimentaires sont considérées comme des Nouveaux aliments ou « Novel food ». Leur consommation étant négligeable voire nulle au sein de la Communauté européenne avant le , date de la mise en place de la réglementation (CE) 258/1997, leur mise sur le marché doit être validée par le Groupe scientifique sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies (groupe NDA)[22] de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)[23].

L’algue doit répondre à des critères toxicologiques (teneur en métaux lourds et iode) et microbiologiques précis.

Depuis le , 24 algues sont autorisées à la consommation en France (8 algues brunes, 11 algues rouges, 2 algues vertes et 3 microalgues)[24].

Des produits isolés à partir des algues doivent aussi bénéficier d’une autorisation : l’huile extraite de Schizochytrium a reçu une autorisation de mise sur le marché[25].

Réglementation en France[modifier | modifier le code]

En France, une liste établie en 1990 et régulièrement remise à jour recense les algues comme pouvant être utilisées comme aliments (25 en 2020)[26] : algues brunes (Ascophyllum nodosum, Fucus vesiculosus, Fucus serratus, Himanthalia elongata « Haricot de mer », Undaria pinnatifida « Wakamé », Laminaria digitata et Saccharina japonica « Kombu », Laminaria saccharina « Kombu royal », Alaria esculenta), algues rouges (Palmaria palmata « Dulse », Porphyra umbilicalis « Nori », Porphyra tenera (en), Porphyra yezoensis (de), Porphyra dioica, Porphyra purpurea (en), Porphyra laciniata, Porphyra leucostica, Chondrus crispus « Pioca », Gracilaria verrucosa « Ogonori », Lithothamnium calcareum « maërl »), algues vertes (Ulva sp. « Laitues de mer », Enteromorpha sp. « Aonori »), microalgues (Spirulina sp., Odonthella aurita, Chlorella)[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Géraldine Demoulain, Céline Leymergie, « Les algues, le trésor de la mer », sur Haute école de santé de Genève,
  2. a et b (en) Paul MacArtain, Christopher I.R. Gill, Mariel Brooks, Ross Campbell, Ian R. Rowland, « Nutritional value of edible seaweeds », Nutrition Reviews, vol. 65, no 12,‎ , p. 535-543
  3. Claire König, « Les algues, végétaux aquatiques », sur Futura-Sciences,
  4. Les polysaccahrides des algues, en se fixant sur les protéines, les polyphénols en inhibant les enzymes digestives (trypsine, chymotrypsine, pepsine), empêchent une bonne assimilation.
  5. Joëlle Fleurence, J.L. Guéant, « Les algues : une nouvelle source de protéines », Biofutur, no 191,‎ , p. 32-36
  6. Faut-il vraiment manger des algues Gérard Tremblin, Brigitte Moreau sur The conversation
  7. Pascale Santi, « Les bienfaits méconnus des algues », sur lemonde.fr,
  8. 12,5 % est utilisé pour l’extraction des phycocolloïdes. Le restant est exploité dans les différents secteurs que sont l’agriculture, l’alimentation animale, la cosmétique. Cf. H. Marfaing, Y. Lerat, « Les algues ont-elles une place en nutrition ? », Phytothérapie, vol. 5, Supplément 1,‎ , p. 2.
  9. Département des pêches et de l’aquaculture de la Food and agriculture organization, « La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture », 2010, p.20-24
  10. « Les macroalgues. Les chiffres clés », sur idealg.org (consulté le ).
  11. Bretagne Développement Innovation, Programme BREIZH’ALG Développer le secteur de l'algue alimentaire en Bretagne, étude de marché et d’opportunité économique relative au secteur de l’algue alimentaire en France, en Europe et à l’international, septembre 2012, p.26
  12. a b et c H. Marfaing, Y. Lerat, « Les algues ont-elles une place en nutrition ? », Phytothérapie, vol. 5, Supplément 1,‎ , p. 3
  13. M. Lahaye, B. Kaeffer, « Les fibres algales », Cahier Nutrition Diététique, vol. 32, no 2,‎ , p. 90-99
  14. S. Gupt & N. Abu-Ghannam. 2011. Bioactive potential and possible health effects of edible brown seaweed. Trends in Food Science & Technology 22: 315-326. DOI 10.1016/j.tifs.2011.03.011
  15. Yong-Xin Li, Isuru Wijesekara, Yong Li & Se-Kwon Kim. 2011. Phlorotannins as bioactive agents from brown algae. Process Biochemistry 46:2219-2224. DOI 10.1016/j.procbio.2011.09.015
  16. (en) A Cumashi et col, « A comparative study of the anti-inflammatory, anticoagulant, antiangiogenic, and antiadhesive activities of nine different fucoidans from brown seaweeds », Glycobiology, vol. 17, no 5,‎ , p. 541-542
  17. (en) HC Shin et col, « An antioxidative and anti-inflammatory agent for potential treatment of osteoarthritis from Ecklonia cava », Archives of Pharmaceutical Research, vol. 29, no 2,‎ , p. 165-171
  18. (en) A. Jiménez-Escrig, F.J. Sánchez-Muniz, « Dietary fibre from edible seaweeds : Chemical structure, physicochemical properties and effects on cholesterol metabolism », Nutrition Research, vol. 20, no 4,‎ , p. 585-598
  19. (en) Jan-Hendrik Hehemann, Gaëlle Correc, Tristan Barbeyron, William Helbert, Mirjam Czjzek & Gurvan Michel, « Transfer of carbohydrate-active enzymes from marine bacteria to Japanese gut microbiota », Nature, vol. 464, no 7290,‎ , p. 908–912 (DOI 10.1038/nature08937).
  20. Mirjam Czjzek, Gaëlle Correc et Gurvan Michel, « Sommes-nous ce que nous mangeons ? Le transfert de gènes du milieu marin vers la microflore intestinale chez les Japonais », Med Sci (Paris), vol. 26, no 10,‎ , p. 811-813 (DOI 10.1051/medsci/20102610811).
  21. « Alimentation : découvrez les propriétés nutritives de sept espèces d’algues », sur National Geographic,
  22. « EFSA, nutrition », sur AESA, Groupe scientifique sur les produits diététiques, la nutrition et les allergies
  23. « Autorité européenne de sécurité des aliments », sur Europa.eu
  24. Réglementation Française, Données du Centre d'étude et de valorisation des algues
  25. (en) « Scientific Opinion on the extension of use for DHA and EPA-rich algal oil from Schizochytrium sp. as a Novel Food ingredient », sur EFSA,
  26. Macroalgues et microalgues alimentaires - Statut règlementaire en France et en Europe, Synthèse CEVA 2019, 19 mars 2020, p. 3
  27. De nombreuses laminaires ne figurent pas dans cette liste car leur trop forte teneur en iode peut favoriser l'hyperthyroïdie. Le législateur n'a pas pris en compte que le traitement culinaire rendant leurs frondes consommables, élimine 90 % de cet élément. Par contre, il autorise la consommation des Fucus et d'Ascophyllum caoutchouteuse dont la texture les rend peu agréables en bouche. Cf. René Pérez, Ces algues qui nous entourent, Éditions Quae, , p. 69.

5. Joël Fleurence

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]