Affaire Shaïna Hansye
Affaire Shaïna Hansye | |
Fait reproché | Féminicide |
---|---|
Chefs d'accusation | Assassinat |
Pays | France |
Ville | Creil |
Type d'arme | Couteau, essence, briquet |
Date | |
Nombre de victimes | 1 (Shaïna Hansye) |
Jugement | |
Statut | Affaire jugée : condamné à 18 ans de réclusion |
Tribunal | Cour d'assises des mineurs de l'Oise |
Date du jugement | |
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L'affaire Shaïna Hansye concerne le chantage, le viol en réunion, le harcèlement puis l'assassinat d'une adolescente agressée sexuellement à 13 ans puis poignardée et brûlée vive à 15 ans. Les évènements se sont déroulés du au à Creil.
L'affaire, de retentissement national dans un contexte de prise de conscience sur les violences commises contre les femmes, porte l'attention sur les violences auxquelles les adolescentes des cités peuvent être confrontées : viol en réunion, revenge porn, dénigrement et agressions[1],[2].
Déroulement des faits
[modifier | modifier le code]Chantage, agression sexuelle et viol en réunion
[modifier | modifier le code]En 2017, Mourad, un adolescent de 14 ans, aborde Shaïna, une jeune adolescente de 13 ans d'origine mauricienne[3], à la sortie de son collège, pour lui demander « son snap » (i.e. son identifiant sur la messagerie instantanée Snapchat). Rapidement, il entame avec elle une relation au cours de laquelle il se montre tout d'abord « gentil » et « attentionné » avant de changer radicalement de comportement en la frappant et en la photographiant nue sous la contrainte. Par la suite, il se sert du cliché qu'il a pris pour la faire chanter : soit elle accepte d'avoir un rapport sexuel avec lui, soit il le diffusera en public. Ainsi, lorsqu'il lui donne rendez-vous le dans une polyclinique en ruines à la lisière de la cité de La Cavée, elle obtempère tout en prenant le soin de se faire seconder par une amie (Maeva C.). Mourad demande à cette dernière de rester à l'extérieur du bâtiment alors qu'il emmène Shaina, de force, dans un de ses recoins[4],[5]. Là-bas, elle fait l'objet d'une agression sexuelle et d'un viol en réunion filmées et diffusées sur Snapchat de la part de Mourad et de deux de ses amis (Abdel et Kadher)[6],[7],[8].
Sous l'effet de la sidération, elle se rend au commissariat avec Maeva C. et sa mère, pour porter plainte. Sa souffrance n'aurait pas reçu la compassion attendue. Selon Charlie Hebdo, le médecin légiste estime qu'on « ne perçoit pas d'affect de tristesse, de honte ou de sentiment de culpabilité. Shaïna parle et se déshabille facilement. ». La policière qui prend sa déposition écrit en lettres capitales : « DISONS QU'AU COURS DE L'AUDITION, SHAÏNA NE MANIFESTE AUCUNE ÉMOTION PARTICULIÈRE »[9].
Harcèlement et passage à tabac
[modifier | modifier le code]Shaïna change de collège mais sa réputation de prétendue « fille facile » la poursuit. Son agresseur, mis en examen, est placé en centre éducatif fermé mais libéré au bout d'un mois.
Shaïna porte à nouveau plainte contre lui[10]. Il est mis en examen pour « violences en réunion, menaces de mort et vol » mais reste libre sous contrôle judiciaire[8].
Assassinat
[modifier | modifier le code]Fin -début , Shaïna est approchée par Mohamed[Note 1], un garçon de 17 ans de Nogent-sur-Oise scolarisé en classe de terminale économique et sociale au lycée Jules-Uhry de Creil[1],[11],[12]. Celui-ci entend alors profiter de sa mauvaise réputation pour avoir des relations sexuelles avec elle[11],[13],[14]. Le , elle lui annonce qu'elle est enceinte de lui et qu'elle refuse d'avorter. Il lui donne alors rendez-vous, dans la soirée, au cabanon du jardin ouvrier de la cité du Plateau-Rouher où ils avaient l'habitude de se rencontrer et où il a préalablement entreposé un couteau de cuisine, une paire de gants et une bouteille d’essence[15],[16]. Après son arrivée, il lui demande de se déshabiller « comme d'habitude » avant de la poignarder à une quinzaine de reprises[13],[17]. Il verse ensuite de l'essence sur son corps agonisant et y met le feu avec un briquet. Dans l'action, il est légèrement blessé au visage et à la jambe gauche par un retour de flamme[11],[18]. Vers 22 heures, les sapeurs-pompiers sont dépêchés sur place pour éteindre l'incendie et, à 23 heures, une explosion se fait entendre au niveau du cabanon[4],[19]. La dépouille « presque entièrement calcinée » de Shaina y est découverte le surlendemain, en début d'après-midi[19],[20]. Un appareil dentaire et une bague en or permettent son identification par la famille[21], qui est confirmée le par un test ADN[22].
Procès
[modifier | modifier le code]Chantage, agression sexuelle
[modifier | modifier le code]Le procès des agressions sexuelles s'est tenu à huis clos au tribunal pour enfants de Senlis le et le . Les trois plus jeunes sont poursuivis pour « agressions sexuelles et violences en réunion » et pour « enregistrement d'images pornographiques d'une mineure ». Mourad doit, de plus, répondre des faits de « pressions graves en vue d'obtenir des faveurs sexuelles »[10]. Un quatrième est jugé pour une autre agression qui s'est déroulée une semaine plus tôt. Les prévenus, restés silencieux, n'auraient pas pris conscience de la gravité de leurs actes[23].
En raison du « très jeune âge » de ces primodélinquants au moment des faits, le parquet a requis deux ans de prison dont un ferme pour Mourad, 15 mois dont 9 fermes pour Abdel et Kadher[24],[25]. Mourad, Abdel et Khader sont respectivement condamnés le à un an et huit mois de prison avec sursis probatoire d'une durée de deux ans. Le quatrième est relaxé, la matérialité des faits n'ayant pu être établie avec certitude[6].
L'avocate de la famille considère que Shaïna, dont la parole avait été mise en cause, est reconnue comme une victime[26]. Mais son père, Shakill, rappelle : « ils ont sali ma fille »[6].
Le parquet de Senlis a interjeté appel[27] en mars 2022 car les faits ont été commis en réunion[28]. Fin mai 2023, ils sont condamnés à des peines allant d'un à deux ans de prison avec sursis[29].
Passage à tabac
[modifier | modifier le code]L'agression physique d'octobre 2019 est jugée le au tribunal judiciaire de Senlis. L'ancien petit ami de Shaïna est condamné à 20 mois de prison dont 6 avec sursis. Son complice, qui a proféré des menaces de mort, est aussi reconnu coupable et condamné à 12 mois de prison avec sursis[30]. Les deux jeunes ont fait appel de la décision, un nouveau procès devra se tenir à la cour d'appel d'Amiens[31],[32].
Assassinat
[modifier | modifier le code]Le , Mohamed[Note 1], lycéen de 17 ans, est arrêté et placé en garde à vue[33]. Il nie les faits mais ses explications incohérentes sur son emploi du temps ainsi que des témoignages circonstanciés et des éléments de téléphonie en sa défaveur conduisent le procureur de la République de Senlis, Jean-Baptiste Bladier, à exiger son placement en détention provisoire et sa mise en examen pour « assassinat » et « destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux »[34]. À partir du , Mohamed[Note 1] est incarcéré à la prison de Liancourt[35].
Le , il est renvoyé devant la cour d'assises des mineurs, décision dont il a fait appel (rejeté le )[36] ; il est incarcéré[23] et continue de clamer son innocence[2].
Me Zoé Royaux, représentant la Fondation des femmes, partie civile, explique qu'en deux ans, Shaïna « a vécu toutes les violences de genre »[37]. L'avocat général estime que l'accusé redoutait la réaction de ses parents, très rigoristes en matière de sexualité. Deux ex-codétenus, auxquels l'accusé se serait vanté d'avoir tué Shaïna pour ne pas endosser la paternité d'un « bâtard », ne se sont pas présentés à l'audience[37].
L'avocat général requiert 30 ans de réclusion avec levée de l'excuse de minorité pour un crime, selon lui, « prémédité à chaque étape »[38].
Le , l'accusé est reconnu coupable par la cour d'assises des mineurs de l'Oise, et est condamné à 18 ans de réclusion criminelle[39]. Il ne fait pas appel.
Réactions
[modifier | modifier le code]Fin 2019, son frère Yasin crée l'association « Justice pour Shaïna — plus jamais ça » pour témoigner de « l'horreur et la souffrance » subies par sa sœur[2].
Sa mère, Parveen, explique : « Après cette agression, Shaïna était devenue encore plus déterminée. Elle voulait devenir avocate, elle ne voulait plus se laisser faire ».
Son avocate, Negar Haeri, précise : « Elle a été très courageuse. Beaucoup lui ont fait payer cette liberté. Si Shaïna avait été agressée par un Guy Georges, alors on l'aurait pleurée. » Elle conclut : « Elle est une sorte de figure martyre pour nous tous, pour qu'on prenne enfin ces questions des violences sexuelles et sexistes au sérieux ».
- Après le procès
Yasin Hansye écrit au président de la République : « Elle a souffert et ses bourreaux n'ont jamais exprimé le moindre regret ». Il s'inquiète pour « toutes ces adolescentes et ces jeunes femmes de nos quartiers qui n'osent plus aimer, n'osent plus parler, effrayées à l'idée de finir comme ma sœur, parce que leurs agresseurs n'auront plus peur »[29].
Me Negar Haeri estime que, malgré l'arsenal législatif et règlementaire mis en place, « on ne donne pas encore à ces affaires là la gravité qu'elles ont »[38].
Hommages
[modifier | modifier le code]Une marche blanche est organisée à Creil le [40].
En 2023, une pétition est lancée pour qu'un « lieu de mémoire » soit aménagé par la mairie de Creil[41],[42]. L'association de défense des enfants Mouv’Enfants s'associe à cette demande[43]. En , un jardin privé fleuri à la mémoire de Shaïna est aménagé par la mairie et concédé à la famille sur le lieu du crime[44],[45].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Le prénom a été changé, conformément à l'article L513-4 du Code de la justice pénale des mineurs en France.
Références
[modifier | modifier le code]- Sylvie Lecherbonnier et Sabrina El Mosselli, « A Creil, le difficile dialogue autour des violences sexistes et sexuelles », Le Monde, (consulté le )
- « Affaire Shaïna : le viol en réunion de l'adolescente brûlée vive en 2019 jugé lundi », sur LEFIGARO, (consulté le ).
- E. Moris, « Le procès pour meurtre de Shaïna 15 ans, une jeune fille d'origine mauricienne, démarre à huis clos », sur Zinfos Moris, L’actualité de l'île Maurice (consulté le )
- Lorraine de Foucher, « Shaïna, 15 ans, poignardée et brûlée vive à Creil : « Ce n’est pas un fait divers, mais un fait de société » », Le Monde, (consulté le )
- Elodie Dalloo, « PROCÈS DES AGRESSEURS DE SHAÏNA, VIOLÉE À 13 ANS ET TUÉE À 15 ANS, EN FRANCE - PARVEEN HANSYE : «MA FILLE A ÉTÉ PRIVÉE DE SON ENFANCE» », 5-Plus Dimanche, (consulté le )
- Caroline Politi, « Affaire Shaïna : « Ils ont sali ma fille… » Du sursis pour trois hommes jugés pour l’agression sexuelle de l’adolescente », sur 20 Minutes, .
- Benjamin Derveaux, « Jusqu’à un an de prison avec sursis pour avoir agressé sexuellement Shaïna, 2 ans avant son assassinat », sur leparisien.fr, (consulté le ).
- « Shaïna, violée à 13 ans, tuée à 15 ans : "Pour eux, elle l'avait bien mérité" », sur www.marianne.net, 2022-01-30utc18:07:55+0200 (consulté le )
- https://charliehebdo.fr/2022/01/justice/moi-shaina-violee-tabassee-tuee-et-enterree-par-tout-le-monde/
- « Creil : le viol en réunion de Shaïna, 13 ans et brûlée vive alors qu'elle était enceinte, jugé devant le tribunal correctionnel », sur La Dépêche, (consulté le ).
- Caroline Politi, « Assassinat de Shaïna : Le calvaire de l’adolescente, poignardée et brûlée vive, aux assises », 20 Minutes, (consulté le )
- Thomas Dievart, « Meurtre de Shaina à Creil: le principal suspect renvoyé devant la cour d’assises des mineurs de l’Oise », Le Courrier picard, (consulté le )
- Alexandra Giraud, « Violée, poignardée et brûlée vive : l’effroyable calvaire de Shaïna Hansye », Oise Hebdo, (consulté le )
- Virginie Fauroux, « VIDÉO - Assassinat de Shaïna : le témoignage déchirant de son frère dans "Sept à Huit" », TF1, (consulté le )
- Romane Idres, « Meurtre de Shaïna à Creil : le procès très attendu s'ouvre devant la cour d'assises des mineurs de l'Oise », France 3 Hauts-de-France, (consulté le )
- Benjamin Derveaux, « Shaïna, poignardée et brûlée vive dans l’Oise : 30 ans de prison requis contre l’accusé », Le Parisien, (consulté le )
- « Shaïna, 15 ans, poignardée et brûlée vive : le procès de son ex-petit ami s’ouvre lundi », Ouest-France, (consulté le )
- « Après l’assassinat de Shaïna à Creil, le principal suspect a contesté son renvoi en justice », Le Courrier picard, (consulté le )
- Pierre Chemel, « Creil : le corps calciné d'une jeune femme découvert dans les jardins familiaux », sur Actu.fr, (consulté le )
- « Oise : le procès de l'ex-petit ami de Shaïna, poignardée et brûlée vive à 15 ans, s'ouvre ce lundi », Europe 1, (consulté le )
- Valentine Arama, « Shaïna, 15 ans et brûlée vive, « il y a eu une persistance à ne pas la croire » », Le Point, (consulté le )
- « Creil. Le corps retrouvé calciné a été identifié comme celui d’une adolescente de 15 ans », Oise Hebdo, (consulté le )
- « Viol de Shaïna Hansye deux ans avant son meurtre : prison avec sursis pour trois des quatre auteurs », sur Oise Hebdo, .
- Caroline Politi, « Affaire Shaïna : Jusqu’à un an de prison requis contre les adolescents soupçonnés d’agressions sexuelles en réunion », sur 20 Minutes, (consulté le ).
- « Agressions sexuelles de Shaïna à Creil: jusqu’à un an de prison ferme requis par le parquet », sur Libération (consulté le )
- Negar Haeri, «Telle Cassandre, le drame de Shaïna est peut-être de ne pas avoir été crue», sur Le Figaro, .
- « Affaire Shaïna : le parquet fait appel du jugement pour le viol de l'adolescente », sur Marianne, (consulté le ).
- « Agression sexuelle de Shaïna à Creil : l'un des condamnés fait appel, un nouveau procès s'organisera à Amiens », sur France 3 Hauts-de-France (consulté le ).
- Ambre Lepoivre, « «Il n'est pas trop tard» : après la mort de Shaïna, son frère adresse une lettre à Emmanuel Macron », sur Le Figaro, (consulté le ).
- Rémi Surrans, « Affaire Shaïna. Invectives, disparition d'un prévenu, peines de prison : le récit du procès pour violences aggravées », sur France 3, .
- « Procès de l'agression de Shaïna Hansye : Les accusés reconnus coupables font appel », sur ouais.media (consulté le )
- Par Simon Gourru Le 25 juin 2024 à 17h56, « Procès de l’agression de Shaïna six mois avant son assassinat : reconnus coupables, les deux prévenus font appel », sur leparisien.fr, (consulté le )
- « Meurtre de Shaïna dans une cabane à Creil: son petit ami suspecté », Le Courrier picard, (consulté le )
- « Creil. Le meurtrier présumé de Shaïna Hansye, 15 ans, mis en examen et placé en détention », Oise Hebdo, (consulté le )
- Benjamin Derveaux, « Shaïna, poignardée et brûlée vive à 15 ans : l’assassin présumé renvoyé devant la cour d’assises des mineurs », Le Parisien, (consulté le )
- Par Benjamin Derveaux Le 1 juillet 2022 à 18h13 et Modifié Le 2 Juillet 2022 À 14h34, « Shaïna, poignardée et brûlée vive à 15 ans : l’assassin présumé renvoyé devant la cour d’assises des mineurs », sur leparisien.fr, (consulté le )
- « L'assassin de Shaïna condamné à 18 ans de prison », sur Le Figaro, (consulté le ).
- Sandrine Etoa-Andegue, « Ils ont fait l'actu. Maître Negar Haeri, avocate de la famille de Shaïna Hansye revient sur le procès de l'assassin de la victime agée de 15 ans », sur France Info, (consulté le ).
- Benjamin Derveaux, « Shaïna, poignardée et brûlée vive dans l’Oise : l’ex-petit ami condamné à 18 ans de réclusion criminelle », sur leparisien.fr, (consulté le ).
- « Meurtre de Shaïna Hansye : une marche blanche organisée deux ans après son assassinat », sur Franceinfo, (consulté le )
- Théo Putavy, « Assassinat de Shaïna: sa famille lance une pétition pour obtenir le jardin fleuri promis par la ville de Creil », sur BFM TV, (consulté le ).
- Yasin Hansye, « N'oublions pas Shaïna Hansye, poignardée et brûlée vive à l'âge de 15 ans à Creil », sur Change.org, .
- Otto Beaumont-Senn, « Creil. L’association Mouv’Enfants réclame à son tour le « Jardin fleuri de Shaïna » », sur Oise Hebdo, .
- Simon, « À Creil, « un joli jardin » pour Shaïna, poignardée et brûlée vive à l’âge de 15 ans », sur Le Parisien, .
- Lucie Caillieret, « Un jardin créé pour rendre hommage à Shaïna, assassinée à Creil en 2019 : "c’est pour qu’elle ne tombe jamais dans l’oubli" », sur France Info, .
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Laure Daussy, La réputation : enquête sur la fabrique des « filles faciles », Paris, Les Échappés, coll. « Essais, récits, témoignages », , 224 p. (ISBN 978-2-35766-198-1, présentation en ligne), [présentation en ligne], [présentation en ligne].
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Affaire Shérazade Belayni
- Affaire Sohane Benziane
- Affaire Sihem Belouahmia
- Liste d'affaires criminelles françaises depuis 1900