Adriaan van de Spiegel

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Adriaan van de Spiegel
Adriaan van de Spiegel, portant le collier d'or reçu du Sénat de Venise
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
Adriaan van den SpieghelVoir et modifier les données sur Wikidata
Domicile
Formation
Activités
Autres informations
A travaillé pour
Directeur de thèse
Distinction

Adriaan van de Spiegel (Adriaan van den Spiegel, Adrien Spiegel ou van den Spieghel ou Adrianus Spigelius) (né à Bruxelles en 1578 et mort à Padoue le ) est un médecin, anatomiste et botaniste belge. Il est considéré comme l'une des grandes figures de la ville de Padoue où il a passé la majeure partie de sa carrière.

Biographie[modifier | modifier le code]

Fils d'Adrien, chirurgien inspecteur général des chirurgiens de l'armée et de la marine des Pays-Bas[1], et de Barbe Geens, Adrianus Spigelius est né en 1578 à Bruxelles dans les Pays-Bas espagnols, la "Germanie inférieure"[note 1] : « qui et ipse germanus sum »[note 2]. Suivant la voie de son père et de son grand-père, il commence ses études de philosophie et de médecine à Louvain et à Leyde, et les continue à Padoue, dans la République de Venise, où il suit les leçons d'anatomie de Hieronymus Fabricius et de Giulio Cesare Casseri[1], tout en donnant des leçons de botanique à ses condisciples, particulièrement aux jeunes Allemands qui fréquentent le jardin de l'université. Il séjourne à Pise et à Bologne, où il a pu croiser son compatriote bruxellois Jean Jacobs, et sillonne l'Italie pour étudier la botanique et récolter des plantes[2]. Vers 1604, il est promu docteur en médecine ; il accompagne son vieux maître Fabricius dans ses consultations à Venise et à Florence pour soigner un prince de Médicis. Au décès d'Ercole Sassonia en 1607, il postule en vain la chaire de médecine de Padoue. En 1612, il quitte l'Italie pour un voyage dans les Pays-Bas espagnols (actuelle Belgique) et dans d'autres régions du Saint-Empire. Peu après, il est nommé Medicus Primarius de Bohême et de Moravie[3]. Le , le sénat de Venise le rappelle à Padoue pour succéder à Casseri à la chaire d'anatomie et de chirurgie ; il entre en fonction le [4], le montant de son salaire est de 500 florins[5].

Spigelius meurt le , à l'âge de 46 ans, la cause de son décès varie selon les sources[5] : il serait mort des suites d'une infection contractée en se coupant sur un verre brisé lors du mariage de sa fille[note 3] ou d'une hépatite consécutive à un épuisement[note 4]. Il est inhumé dans l'Église des érémitiques de Padoue ; sur sa tombe est gravée l'épitaphe suivante, formée de deux distiques élégiaques[6] :

« Prodidit, adjuvit, secuit cum laude perenni,
Abdita, languentes, corpora Spigelius.
Cingitur hoc saxo corpus, sed spiritus astris.
Haec sunt virtutum praemia. Lector abi.
 »

qui peut être traduite comme : « Van de Spiegel, avec des louanges continuelles, a révélé des choses cachées (prodidit abdita), a aidé les malades (adjuvit languentes), a disséqué des corps (secuit corpora). Son corps est ceint par cette pierre, mais son esprit par les étoiles. Ce sont là les récompenses des vertus. Lecteur, tu peux maintenant t’en aller. »

Médecin et anatomiste[modifier | modifier le code]

Son ouvrage majeur en anatomie est le De humani corporis fabrica libri X tabulis aere incisis exornati, publié à titre posthume en 1627. Ce livre est conçu comme une mise à jour, un siècle plus tard, des connaissances en anatomie synthétisées par son compatriote André Vésale qui fut aussi étudiant à Padoue, et dont il a emprunté le titre.

Spigelius étudie le système nerveux et le système circulatoire. Se basant sur les travaux d'Hippocrate et de Galien, il complète leurs observations avec les siennes sur les différents types de fièvres et notamment sur la fièvre rémittente (febris semitertiana) et les publie en 1624 dans De semitertiana. Il s'intéresse aussi aux Platyhelminthes et aux vers ronds et publie une monographie consacrée au ténia.

Botaniste[modifier | modifier le code]

Spigelius aborde l'étude des végétaux en anatomiste, cherchant à comprendre leur organisation interne et établissant la distinction entre les tissus et les organes[7]. Ses travaux ont constitué une référence en anatomie végétale jusqu'aux observations réalisées au microscope par Marcello Malpighi, Antoni van Leeuwenhoek et Nehemiah Grew. Son petit opuscule Isagoges in rem herbariam est un manuel pratique, de poche, à l'intention des étudiants en botanique. Il y explique notamment pour la première fois la manière de réaliser des herbiers, technique inventée par Luca Ghini moins d'un siècle auparavant, qu'il nomme « jardins d'hiver » et la méthode pour prendre des empreintes végétales (en)[4]. La seconde partie de l'ouvrage traite de botanique appliquée à la médecine ; il y distingue aliment et médicament, présente les plantes alimentaires, expose comment toute plante peut devenir un médicament et propose une classification basée sur les fruits qu'il considère comme la partie la plus noble de la plante[8].

Hommages et éponymie[modifier | modifier le code]

En le sénat de Venise lui décerne le titre de Chevalier de Saint-Marc et lui offre un collier d'or[4].

Le genre Spigelia (Loganiaceae) a été nommé en son nom par Linné en 1753.

En 1764, Josef Thaddäus Klinkosch (1734/5-1778) a appelé « hernie de Spiegel (en) » une rare hernie ventrale latérale qui se produit dans les fascia semilunaires décrits par Spigelius[9].

Le « lobe de Spigelius », nommé en souvenir de celui qui l'a décrit, désigne le petit lobe postérieur du foie[10].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Décédé à l'âge de 47 ans, Spigelius n'a publié que quatre ouvrages de son vivant, mais a laissé plusieurs manuscrits qui ont été publiés à titre posthume par son beau-fils, Liberalis Crema, et par Daniel Rindfleisch, plus connu sous le nom de Bucretius[1].

Œuvres publiées de son vivant[modifier | modifier le code]

  • Isagoges in rem botanicam libri duo, Patavii, 1606, 1608
  • De lumbrico lato liber cum notis et ejusdem Lumbrici icone, Patavii, 1618
  • De semitertiana libri quatuor, Francofurti, 1624 (lire en ligne)
  • Catastrophae anatomicae publicae in celeberrimo Lycaeo Patavino feliciter absolutae, Patavii, J.-B. Martinus, 1624

Œuvres publiées à titre posthume[modifier | modifier le code]

  • De formato foetu liber singularis, manuscrit daté de 1625, publié en 1626 à Padoue et en 1631 à Francfort par Liberalis Crema (lire en ligne)
  • De humani corporis Fabrica libri X tabulis aere incisis exornati, manuscrit daté de 1625, édition altérée publiée en 1627 à Venise par Daniel Bucretius[note 5]
  • De humani corporis fabrica libri decem, tabulis XCIIX aere incisis elegantissimis, nec antehac visis exornati, texte original publié en 1632 à Francfort par Liberalis Crema.
  • Isagoges in rem herbariam libri duo, Elzevir, Lugduni Batavorum, 1633, édition suivie du catalogue du jardin botanique et d'un index des plantes de la flore des environs de Leyde par Adolphe Vorst
  • De Lithotomia, sive calculi vesicae sectione, consultatio, lettre reproduite dans : Jean van Beverwyck, De Calculo, Elzevir, Lugduni Batavorum, 1638.

L'ensemble des œuvres de Spigelius ont été rééditées en deux volumes, en 1645 à Amsterdam, par A. vander Linden, sous le titre Spigelii Bruxellensis... opera quae extant omnia.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'expression "Belgica" ou "Germania inferior" désignait chez les humanistes les "Pays-Bas". Parfois Erasme, par exemple dans divers écrits ou dans sa correspondance, se désignait aussi comme Germanus ("Ego, Germanus"). Parmi de nombreuses références : Judith Pollmann, Andrew Paul Spicer, Public Opinion and Changing Identities in the Early Modern, 2007, p. 64 : "The Dutch term Nederlanden, the Latin words Gallia Belgica and Inferior Germania and the French Pays Bas appears on maps of the Low Countries from 1557". Barthold Henrik Lulofs, Kort overzigt van de geschiedenis der Nederlanden, 1835 : "Is er onderscheid te maken tusschen de benaming van Nederlanden, en die van Nederduitschland (Germania Inferior) , gelijk sommigen de Nederlanden wel noemen ?" (trad. : "Faut-il faire une différence entre l'appellation Pays-Bas et celle de Basse Allemagne (Germania Inferior), comme certains appellent les Pays-Bas ?"). Jean-Marie Duvosquel, Ignace Vandevivere, Splendeurs d'Espagne et les villes belges 1500-1700, 1985 : "Les habitants des Pays de par-deçà furent plus inventifs. Ils parlaient souvent de Basse Allemagne (Nederduitsland ; Germania inferior), mais leur préférence allait au terme Pays-Bas (Nederlanden ; en espagnol : paesos bassos)". Parmi les nombreuses cartes géographiques anciennes : Petrus Kaerius, "Germania inferior, id est XVII. Provinciarum eius novae et exactae Tabulae geographicae", Amstelodami, impensis Pet. Kaerii, 1622, in folio maximo.
  2. Isagoges in rem herbariam, 1633, p. 9. Ceci pose aussi la question de la nationalité que les habitants des Pays-Bas se donnaient ou qu'on leur donnait à l'étranger. Il faut distinguer les termes administratifs des documents officiels, des expressions littéraires ou populaires, comme Fiamminghi, Belgae etc. Concernant Erasme lire par exemple : Istvan Bejczy, "Erasmus becomes a Netherlander", dans : The Sixteenth Century Journal, vol. 28, n°. 2 (Summer, 1997), pp. 387-399.
  3. selon Johann Antonides van der Linden et Georg Abraham Mercklin, Lindenius renovatus
  4. selon Tomasini (cité par van Bambeke 1921-1924)
  5. Le texte manquant d'illustrations, Bucretius y a ajouté 98 gravures de Joseph Maurer qu'il avait obtenues de Casseri, mais il semble y avoir également introduit des erreurs (Lindeboom 2008).

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Lindeboom 2008
  2. Morren 1838, p. 55.
  3. « Adriaan van den Spiegel », sur Whonamedit ? A dictionary of medical eponyms (consulté le ).
  4. a b et c van Bambeke 1921-1924.
  5. a et b Paquot 1765.
  6. (de) F.W. Lippich, « Ueber die öffentlichen Anstalten für ärtzliche Realbildung und Wirksamkeit in Padua », Medicinische Jahrbücher der kaiserlichen königlichen Österreichischen Staates, vol. 20,‎ , p. 110 (lire en ligne)
  7. Morren 1838, p. 69.
  8. Morren 1838, p. 78-79.
  9. (en) « Spigelian hernia (rare) », sur About Hernias.
  10. (en) Louis Robert Effler, The eponyms of anatomy, Press of McManus-Troup co., (lire en ligne), p. 276-278

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Noël Paquot, « Adrien vanden Spieghel ou Adr. Spigelius », dans Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, de la principauté de Liège, et de quelques contrées voisines, Louvain, (lire en ligne), p. 167-168
  • Charles Morren, « Adrien Spiegel », Revue de Bruxelles,‎ , p. 51-80
  • Charles van Bambeke, « Spiegel (Adrien van den) », dans Biographie nationale, vol. 23, Bruxelles, Académie nationale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 1921-1924, col. 330-334
  • (nl) Gerrit Arie Lindeboom, Adriaan van den Spiegel (1578-1625): Hoogleraar in de ontleed- en heelkunde te Padua, Amsterdam, Rodopi, coll. « Nieuwe Nederlandse bijdragen tot de geschiedenis der geneeskunde », , 125 p. (ISBN 9062037127 et 978-9062037124)
  • (en) Gerrit Arie Lindeboom, « Spiegel, Adriaan van Den », dans Complete Dictionary of Scientific Biography, Encyclopedia.com, (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]