Achille Laviarde

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Achille Laviarde
Achille Laviarde en 1902.
Fonction
Prétendant au trône
Royaume d'Araucanie et de Patagonie
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Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activité

Gustave Achille Laviarde, né le à Reims et mort le à Paris, est un aventurier et cryptarque français, devenu prétendant au trône du royaume d'Araucanie et de Patagonie sous le nom d'Achille Ier, succédant à Antoine de Tounens (Orélie-Antoine Ier), dont il était l'ami et le secrétaire.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance et jeunesse[modifier | modifier le code]

Achille Laviarde, né le au 201, rue du Barbâtre à Reims, est le fils de Bertrand Xavier Laviarde (1808-1867), fabricant de tissus, négociant, et de Marie Anne Rosalie Colmart (1812-1888), tenante d'un lavoir. Il passe son enfance dans sa ville natale, au 33 rue du Barbâtre.

À 18 ans, après ses études au Lycée Georges-Clemenceau de Reims, il part pour cinq ans de voyage en Europe, commençant par effectuer un tour de France, avant de visiter l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, la Belgique et l'Angleterre, et même de pousser jusqu'en Afrique du Nord. Lorsque son père meurt en 1867, Achille Laviarde est au service du bey de Tunis, il rentre alors à Reims pour tenir compagnie à sa mère[1] qui, alors veuve, tiendra un lavoir.

De retour en France, il s'engage en politique, dans le parti impérial. Lors des élections législatives de , il soutient le candidat impérial Édouard Werlé, ancien maire de Reims, qui est élu député.

Achille Laviarde parmi les bonapartistes présents lors de la proclamation de la majorité du prince impérial Louis-Napoléon Bonaparte (photomontage d'Appert, 1874).

Le , il assiste, officiellement, aux obsèques de l'ex-empereur Napoléon III, puis, le , il est à la tête du Comité rémois de pétition de l'appel au peuple à la proclamation de majorité du Prince impérial Louis-Napoléon Bonaparte (1856-1879)[2].

On le voit figurant comme chef délégué de la section de Reims aux côtés des impérialistes et de Paul de Cassagnac sur un photomontage représentant le groupe des personnalités rassemblées en 1874 à Camden House, à l'occasion de la proclamation de la majorité du prince impérial[3]. Son implication avec les bonapartistes lui vaut un épais dossier aux archives de la police de Paris.

Prétendant au trône d'Araucanie et de Patagonie[modifier | modifier le code]

Son prédécesseur Antoine de Tounens (1825-1878), roi d'Araucanie et de Patagonie sous le nom d'Orélie-Antoine Ier.

Achille Laviarde a sans doute été secrétaire du Français Antoine de Tounens (1825-1878), qui se proclamait roi d'Araucanie et de Patagonie sous le nom d'Orélie-Antoine Ier, lui portait de l'amitié et lui décerna, le , les titres de prince d'Aucas et duc de Kialéon, et le désigna par son testament comme son successeur éventuel[4].

Trois ans et demi après la mort d'Antoine de Tounens le , Achille Laviarde accède donc en 1882 au trône de son prédécesseur, sous le nom d'Achille Ier (en espagnol : Aquiles I), roi d'Araucanie et de Patagonie[5].

Achille Laviarde fera parfois état d'un testament cryptographique d'Antoine de Tounens dont le texte sera publié en 1888, dix ans après la mort de celui-ci[6], par lequel Antoine de Tounens l'avait désigné comme son héritier et successeur au trône d'Araucanie et de Patagonie. Achille Laviarde fait signer le un acte de renonciation à l'héritier naturel, Adrien de Tounens, boucher à Tourtoirac et neveu d'Antoine de Tounens[7]. Cet acte de renonciation mentionne aussi comme ministres secrétaires d'État le comte Antoine Jimenez et Antoine-Hippolyte Cros, duc de Niacalel, qui fait fonction de garde des sceaux, ainsi que des conseillers. Un ami des premières heures, Émile Godret, dit Bazière, et enfant du Barbâtre, est ministre de la Marine. En effet, à l'époque, l'épopée de son prédécesseur reste alors à ce point populaire en France qu'Achille Laviarde peut assurer le fonctionnement des institutions de cette monarchie en exil.

En tant que roi d'Araucanie, Achille Laviarde a comme premier soin de créer des ordres de chevalerie, il « accordera une concession à une compagnie britannique qui ne verra jamais le jour, se fera lui-même duc de Kiaélon et comte d'Alsena, distribuera des titres, des cordons et des étoiles, désavouera ses consuls et chargés d'affaires qui en Italie avaient essayé d'escroquer les Salésiens »[8] (Monseigneur Infante, prélat chilien, interrogé à cette occasion sur l'existence du royaume d'Araucanie dénonce la farce[9] et déclare en des termes assez rude que le royaume n'existe que dans les esprits de certains[10]).

Achille Laviarde en costume mapuche.

Ayant échoué dans toutes ses tentatives importantes, il exploite la situation par de petits moyens. Antoine de Tounens avait créé l'ordre de la Constellation du Sud : Achille Laviarde le réglemente et définit les classes et les insignes ; les amateurs sont nombreux car l'insigne comporte beaucoup de rouge[11] (pour le ruban de la Couronne d'acier qui ressemble à celui de la Légion d'honneur il est demandé 100 à 200 francs) et il a aussi coutume de désintéresser ses créanciers les plus exigeants en leur décernant un grade dans les ordres du royaume[12] : des naïfs se laissent toujours prendre à cette « ferblanterie exotique ».

Achille Laviarde habite à Paris, place du Trône, mais réside plus fréquemment au cabaret Le Chat noir, au pied de la butte Montmartre, et le protocole exige que les nouveaux venus soient présentés au roi[11].

Achille Laviarde arborant ses décorations.

Le journaliste Paul Ginisty rapporte qu'on peut le voir « trônant » dans les cafés de Montmartre où « pour un bock offert, il vous bombardait aussitôt dignitaire de la couronne. Des gens qui avaient été jusqu'à payer une troisième tournée s'en retournaient au moins ducs et pairs, ou avec la solennelle promesse d'une charge de ministre quand les Araucaniens se décideraient à appeler à eux leur monarque. C'est de quoi Achille premier n'était pas très pressé »[13].

Selon l'écrivain Jean Raspail, « il régna en roi d'opérette sur les cabarets de Montmartre et de Montparnasse tant qu'il y tint table ouverte »[14].

Dans ses dernières années, il réside à Reims, pour réduire ses dépenses.

Achille Laviarde, contrairement à son prédécesseur Antoine de Tounens, ne s'est jamais rendu au Chili.

Les prétendants au trône d'Araucanie et de Patagonie sont considérés par diverses sources comme des monarques et souverains de fantaisie[15],[16], [17],[18],[19] et Achille Laviarde, qui était « un citoyen français ne possédant aucun titre d'identité attestant des qualités ou des titres étrangers de cette sorte et n'ayant que des prétentions fantaisistes sur un royaume sans existence légale et ne jouissant d'aucune reconnaissance internationale »[20] est parfois qualifié de « roi d'opérette »[14], « d'intrus dans la famille des têtes couronnes »[21] et de « joyeux fumiste »[22] (le , le tribunal correctionnel de Paris a jugé qu'Antoine de Tounens, premier roi d'Araucanie et de Patagonie, ne justifiait pas de sa qualité de souverain)[23].

Franc-maçonnerie[modifier | modifier le code]

Giambattista Pessina, autoproclamé Grand Hiérophante de l'Antique et Primitif Rite Oriental de Memphis et Misraïm, Souverain Grand Maître Impérial pour les deux Hémisphères[Quoi ?], lui décerne le titre de "grand-maître honoraire du rite et grand protecteur du Souverain Sanctuaire de Naples" (sic)[24]. Achille Laviarde lui décerne en retour le grade de Grand Croix de l'ordre royal de la couronne d'acier et en fait son chargé d'affaires en Italie[25].

Vie privée[modifier | modifier le code]

le à Londres, Achille Laviarde épouse Marie Élisa Octavie Guéry (1852-1893), tenue pour une sud-américaine, mais qui est née à Reims d'un père ferblantier, dans le même canton que son mari[26]. Ils n'ont pas eu d'enfants.

Décès[modifier | modifier le code]

Pierre tombale d'Achille Laviarde et de son épouse Marie Guéry, au cimetière de Tourtoirac, à la gauche de celle d'Antoine de Tounens.

Il meurt le à Paris, âgé de 60 ans, terrassé par une congestion, et est inhumé à Reims dans le caveau de famille[27]. Ses restes et ceux de son épouse Marie Guéry sont transférés en 1976 au cimetière de Tourtoirac, où est enterré son prédécesseur Antoine de Tounens. Sur leur tombe, située à gauche de celle d'Antoine de Tounens, ils sont désignés comme « S.M. Achille Ier, Roi d'Araucanie » et « S.M. Doña Maria d'Araucanie ».

Succession[modifier | modifier le code]

Antoine-Hippolyte Cros (1833-1903), successeur d'Achille Laviarde sous le nom d'Antoine II.

Achille Laviarde meurt le sans laisser d'héritier ni de testament. Un de ses amis, Antoine-Hippolyte Cros (1833-1903) (qu'il a vraisemblablement rencontré au cabaret Le Chat noir), est désigné comme son successeur (sous le nom d'Antoine II) par le conseil d'État du royaume (formé des sept membres restant de la Société des médaillés de la Constellation du Sud)[28], et conformément à la volonté d'Achille Laviarde[29] (car on raconte qu'il a cédé sa couronne à Antoine-Hippolyte Cros, à l'issue d'une partie de cartes perdue au cabaret Le Chat noir[30]).

À ce sujet, l'écrivain Jean Raspail indique : « Il n'y eut jamais qu'un seul roi de Patagonie S. M. Orélie-Antoine Ier. Achille Laviarde inaugura une fausse dynastie qui s'acheva avec Antoine Cros. Jacques Bernard [successeur d'Antoine Cros], ne fut ni roi ni prince patagon. »[31].

Quelques portraits[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 186.
  2. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 18è-188.
  3. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 188-189.
  4. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 189-190.
  5. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 190.
  6. Bruno Fuligni, L'Etat c'est moi: histoire des monarchies privées, principautés de fantaisie et autres républiques pirates, Editions de Paris, (lire en ligne), p. 103.
  7. Bruno Fuligni, Politica Hermetica Le souverain caché, Lausanne, Age d'homme, (lire en ligne), p. 147.
  8. Marc Blancpain, Orllie Antoine Ier: roi d'Araucanie et de Patagonie, P. Fanlac, (lire en ligne), p. 114.
  9. François Caradec, Noël Arnaud, Encyclopédie des farces et attrapes et des mystifications, J. J. Pauvert, (lire en ligne), p. 73.
  10. Bruce Chatwin, In Patagonia, Penguin, (lire en ligne).
  11. a et b Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 190.
  12. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 192.
  13. Paul Ginisty, Souvenirs de journalisme et de théâtre, Primento, (lire en ligne).
  14. a et b Bruno Fuligni, L'Etat c'est moi: histoire des monarchies privées, principautés de fantaisie et autres républiques pirates, Editions de Paris, (lire en ligne), p. 101.
  15. Bruno Fuligni, Politica Hermetica Les langues secrètes, t. 13, L'Age d'homme, (lire en ligne), p. 135.
  16. Journal du droit international privé et de la jurisprudence comparée, (lire en ligne), p. 910.
  17. Henry Montaigu, Histoire secrète de l'Aquitaine, A. Michel, (lire en ligne), p. 255.
  18. Camille Lavoix,, Argentine : Le tango des ambitions, Nevicata, (lire en ligne).
  19. Bulletin de la Société de géographie de Lille, (lire en ligne), p. 150.
  20. Intermédiaire des chercheurs et curieux, (lire en ligne), p. 51.
  21. Annales catholiques : revue religieuse hebdomadaire de la France et de l'Église, (lire en ligne), p. 57.
  22. Pierre Dufay rédacteur en chef de L'ICC, Royautés de fantaisie in Intermédiaire des chercheurs et curieux, Paris, B. Duprat, (lire en ligne), p. 401-403.
  23. Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire, (lire en ligne).
  24. Charles Hacks, Le Diable au XIXe siècle, ou les Mystères du Spiritisme, Delhomme et Briguet (lire en ligne), p. 472.
  25. Domenico Margiotta, Le palladisme: culte de Satan-Lucifer dans les triangles maçonniques, H. Falque, (lire en ligne).
  26. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 192.
  27. Travaux de l'Académie nationale de Reims, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 193.
  28. Marc Blancpain, Orllie Antoine Ier: roi d'Araucanie et de Patagonie, P. Fanlac, (lire en ligne), p. 114.
  29. Bruno Fuligni, L'Etat c'est moi: histoire des monarchies privées, principautés de fantaisie et autres républiques pirates, Editions de Paris, (lire en ligne), p. 104.
  30. Arnaud Chaffanjon, Bertrand Galimard Flavigny, Ordres & contre-ordres de chevalerie, Paris, Mercure de France, , p. 286.
  31. Bruno Fuligni, L'Etat c'est moi: histoire des monarchies privées, principautés de fantaisie et autres républiques pirates, Editions de Paris, (lire en ligne), p. 104.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • René Druart, Travaux de l'Académie nationale de Reims : Etude sur Achille Laviarde, roi d'Araucanie, Reims, P. Giret, (lire en ligne), p. 186-195.
  • Pierre Dufay rédacteur en chef de L'ICC, Royautés de fantaisie in Intermédiaire des chercheurs et curieux, Paris, B. Duprat, (lire en ligne), p. 403.
  • , Achille Laviarde, in Travaux de l'Académie de Reims, no 155, Reims, 1951-1952.
  • Simon de Schryver, Le Royaume d'Araucanie-Patagonie, Antoingt, 1887.
  • Achille Gigante, Il nuevo regno Arauco-Patagone (actes diplomatiques d'Achille Laviarde), Rome, 1888 (BM Reims).
  • Jean Émile-Bayard, Montmartre, hier et aujourd'hui. Avec les souvenirs de ses artistes et écrivains les plus célèbres. Ouvrage orné de 15 h.-t. d'après les eaux-fortes originales de M. Lucien M. Gautier, Jouve & Cie éditeurs, Paris, 1925.
  • Eugène Dupont, Rois d'opérette, p. 357 à 377, in Almanach Matot-Braine, 1935, reproduit sur le site de La vie Rémoise.
  • Claude Pasteur, Le descendant du roi d'Araucanie, in Miroir de l'Histoire, août-.
  • Dominique Labarre de Raillicourt, Nouveau Dictionnaire des Biographies françaises et étrangères, tome I, fascicule 10 (rois d'Araucanie), 1965.
  • Jacques Fontugne, Gustave Achille Laviarde 1841-1902, communication faite en séance de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, à Châlons le .
  • Jacques Fontugne, Généalogie Laviarde (1978).
  • Jacques Fontugne, baron de Fonte-Milla, vice-président du Souvenir Franco-Araucanien, Renseignements bibliographiques sur Achille Ier, second roi d'Araucanie de 1882 à 1902, Cahiers de l'Académie des Hautes Études Araucaniennes, no 21, Paris, 1979.
  • Michel Gaudart de Soulages et Hubert Lamant, Dictionnaire des Francs-maçons français, éd. Albatros, 1981 (Achille Laviarde, Grand Maître honoris de la Franc-maçonnerie italienne).
  • Bernard Fouqueray, Achille Laviarde, enfant de Fléchambault, roi d'Araucanie, article publié dans Ville de Reims Informations en .
  • Société bretonne des études patagonnes (président d'honneur : François Jean Mouneix, arrière-petit-neveu de Sa Majesté Orllie-Antoine 1er), no 8, L'acharnement de la police parisienne contre Achille Laviarde. Dinan, éditions Protésilas, 2001.
  • Philippe Prince d´Araucanie: Histoire du Royaume d´Araucanie (1860-1979), une Dynastie de Princes Français en Amérique Latine. S.E.A., Paris 1979, 468 p.
  • 4000 ans de mystifications historiques, Gerald Messadié, 2011 [1]

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Liens externes[modifier | modifier le code]