Abbaye d'Elten

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Abbaye d’Elten
La chapelle, reconstruite après 1945.
La chapelle, reconstruite après 1945.

Ordre Bénédictine
Fondation 967
Fermeture 1803
Diocèse diocèse d'Utrecht
Fondateur Wichmann de Hamaland
Dédicataire Saint Vit
Style(s) dominant(s) roman
Localisation
Pays Allemagne
Région historique Rhénanie-du-Nord-Westphalie
Commune Emmerich
Coordonnées 51° 51′ 51″ nord, 6° 10′ 15″ est
Géolocalisation sur la carte : Allemagne
(Voir situation sur carte : Allemagne)
Abbaye d’Elten

L’abbaye d’Elten (aujourd'hui à Emmerich) a été fondée vers 967 et dissoute entre 1803 et 1811. Ce couvent de Rhénanie bénéficiait de l'immédiateté impériale.

Fondation[modifier | modifier le code]

Entre la fin du IXe et le début du Xe siècle, un château fort des comtes de Hamaland se dressait au sommet de l’Eltenberg, colline qui surplombe de 60 m la plaine du Rhin. D'après les fouilles menées dans les années 1960, cette forteresse aurait été édifiée après les invasions normandes. Les sources font mention d'une visite de l'empereur Othon Ier en 944[1].

C'est sans doute en 967 que le comte Wichmann d'Hamaland a fondé un couvent, car l’empereur Othon Ier fit donation en 968 à l'abbaye d'Elten d'un fief d'Empire, très certainement celui que le comte Wichmann avait en tenure[2]. En outre, l'empereur confirma en 970 la propriété des fiefs héréditaires que l'abbaye avait reçus du comte Wichmann[3].

En 970, le comte Wichmann remit l'abbaye à l'autorité du pape[4]. Sa fille, Liutgarde, fut la première abbesse. Le couvent était consacré à Saint Vit. Othon II plaça dès 973 l'abbaye sous protection impériale, de sorte que les sœurs obtinrent le droit d'élire leurs abbesses, et bénéficièrent de l'immunité. Il revenait toutefois à l'évêque d'Utrecht d'approuver l'élection de l'abbesse[5].

Mais il advint que la sœur de la première abbesse, Adèle d'Hamaland, contestât la légalité de la donation : elle exigea le partage des terres de son père. Il s'ensuivit une faide au cours de laquelle le mari de la plaignante, le comte Baldéric[Lequel ?] de Drenthe mit à sac l'abbaye à deux reprises. À la mort de l'abbesse Liutgarde, Adèle et le comte durent comparaître à devant le lit de justice impérial ; le conflit ne s'éteignit toutefois qu'à la mort d'Adèle, vers 1017. Lors du procès en succession de 996, l’empereur Othon III décida de placer le couvent sous sa protection personnelle, lui attribuant ainsi un rang protocolaire équivalant à celui des abbayes royales d’Essen, de Quedlinbourg et de Gandersheim ; il prorogea les donations de Wichmann en autorisant l'abbaye à prélever la dîme pour Saint-Pierre. Il confirma les donations des deux premiers empereurs ottoniens, enfin l'immunité et le droit des moniales à élire l'abbesse, sous réserve d'approbation de l'évêque d'Utrecht[6].

Au cours du Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Détail du maître-autel, à l'intérieur de la chapelle.

La congrégation perdit temporairement le bénéfice de l'immédiateté impériale sous le règne d'Henri IV, qui fut attribué en 1083 à l'archevêque de Hambourg-Brême. Mais en 1129 au plus tard, l'abbaye redevenait impériale, comme en témoigne un diplôme de Lothaire III[7].

À partir du XIIe siècle, les abbesses eurent le statut de princesses d'empire. Elles étaient couronnées par le roi lui-même ou l'un de ses émissaires, mais cela n'est attesté qu'à partir de 1403. L'abbesse Elsa (1390) fut la première à recevir cette dignité[8].

La toute première chapelle, édifiée vers 1100, était une grande basilique romane, longue de 65 m et coiffée d’une coupole octogonale. La chapelle fut consacrée en 1129 par l'évêque Sigward de Minden en présence de l'empereur Lothaire. À cette occasion , l'empereur promulgua le prélèvement annuel de deux livres sur les rentes de l'octroi de Duisbourg[7] comme rente de la congrégation.

Possessions et territoire[modifier | modifier le code]

En 1789, le territoire environnant, propriété de la congrégation, s'étendait sur 1 469 ha : au-delà du couvent, il englobait les bourgs de Hochelten et de Niederelten et les villages voisins[8]

Au-delà, la congrégation disposait de droits contestés sur des terres se trouvant pour partie dans les actuels Pays-Bas, et pour partie dans le duché de Clèves : un chapelet de fiefs compris entre Arnhem et Xanten. Ces possessions furent confirmées au XIIe siècle par un privilège (1129) de l'empereur Lothaire[9].

La prévôté[modifier | modifier le code]

L’abbesse avait le pouvoir de nommer elle-même le prévôt, comme l'atteste un diplôme du Xe siècle. Au XVe siècle, la prévôté était traditionnellement attribuée aux ducs de Gueldre[10]. Après la chute de la Gueldre en 1473, cet office revint naturellement à Charles le Téméraire, lequel l'attribua immédiatement aux ducs de Clèves. Puis les électeurs de Brandebourg, nouveaux princes de Clèves, reprirent la fonction à partir de 1614. Avec la construction du Brandebourg-Prusse, les princes de Hohenzollern s'efforcèrent de plus en plus de limiter les prérogatives des abbesses : ainsi, ils firent annoncer lors de la foire Saint-Vit de 1683 que la juridiction civile serait désormais exercée en pleine souveraineté par le Brandebourg. Les princes de Prusse cherchaient en outre à contrôler l'élection des abbesses, sans succès pourtant jusqu'en 1678. Le droit de chasse fut retiré au XVIIe siècle[10].

Toutefois, tandis qu'elles perdaient leur souveraineté sur les terres au profit du Brandebourg-Prusse, les moniales purent compter jusqu'en 1803 sur leur statut juridique impérial et leurs rentes sur les octrois, à l'exception du péage de la foire Saint-Vit, accordé dès 1433 au prévôt[10].

Évolution du couvent après la Réforme[modifier | modifier le code]

La maison des abbesses au XVIIe siècle.

On dispose de peu de témoignages sur la congrégation avant la réforme : seule une liste de l'an 1380 fournit les noms de douze chanoinesses et de leurs douze assistantes[10]. Toutefois, les nécrologies des XVe et XVIe siècle ont permis de recenser 60 familles parmi les fidèles de l'abbaye, mais sa portée est controversée[11]. À partir du XVe siècle, les chanoinesses ne se recrutaient sans doute plus que dans le haut-clergé[12].

La chapelle et les édifices conventuels furent détruits en 1585 au cours de la Furie iconoclaste. Pour les soixante années qui suivirent, les moniales durent trouver refuge dans une maison de l'Ordre, à Emmerich. Quant à la chapelle, elle ne fut restaurée qu'en partie, avant d'être reconstruite en 1670. La dissolution de l'évêché d'Utrecht, consécutive aux progrès de la Réforme, assura en 1669 une exemption totale à l'abbaye, qui ne dépendait plus d'aucun cercle électoral. Les abbesses n'étaient pas même membres du Consistoire rhénan[13].

Au XVIIIe siècle, il n'y avait plus que six prébendes pour les chanoinesses, quatre étant désormais réservées à des chanoines. L'abbesse était assistée par une doyenne et une économe[14] ; et si, dans les premiers temps, les rentes d'une prébende ne revenaient aux moniales que dans la mesure où elles avaient rejoint physiquement l'abbaye, ce n'était plus guère le cas à partir du XVIIe siècle[15]. Parfois, les moniales étaient admises encore enfant et étaient éduquées au sein du couvent[16].

La dissolution[modifier | modifier le code]

Le recès d'Empire (1803) attribua les abbayes sécularisées d’Essen et d’Elten, ainsi que l’abbaye de Werden à la Prusse, qui dut à son tour les remettre en 1806 au Grand-duché de Berg. La congrégation elle-même sera dissoute en 1811.

La chapelle fut pratiquement rasée à la fin de la Seconde guerre mondiale. Elle a été reconstruite selon les canons romans, aux dimensions de l'édifice de 1670. Seuls quelques corps de logis conventuels voisins de la chapelle ont pu être préservés. La résidence des abbesses et le collège Saint-Stanislas abritent désormais une retraite jésuite[17].

Le trésor de l'abbaye[modifier | modifier le code]

Un témoignage du rayonnement du couvent est son trésor, qui consistait en objets liturgiques et reliques. Une part considérable de ces objets a disparu au cours des guerres napoléoniennes avant d'être restitués à la chapelle ; mais l'objet le plus précieux est à présent détenu par des particuliers : c'est un reliquaire de plus de 50 cm de hauteur, orné d'émaux et d'ivoire, représentant l'ancienne basilique et sa coupole. Il est exposé au Victoria and Albert Museum à Londres. Deux ostensoirs gothiques (vers 1400) ont également été perdus au cours des déménagements de la seconde guerre mondiale[18]. Le trésor de l'abbaye est aujourd'hui exposé au public avec celui de l'ancienne congrégation Emmeric-Martin, dans l'église Saint-Martin.

Les abbesses[modifier | modifier le code]

  • 968–973: Liutgard Ire[19]
  • 993–997: Liutgard II (incertain, peut-être la même personne que Liutgard Ire)
  • : Richardis
  • –1056: Riklindis
  • : Ermengarde Ire
  • : Giltrude
  • –1229: Ermengarde II
  • : Adélaïde Ire
  • : Guda
  • 1241–1244 Adélaïde de Lippe
  • 1273–1280: Godela
  • 1301–1328: Mabilia de Batenburg
  • 1336 Ermengarde von dem Berge
  • 1340–1365: Ermengarde III de Berg
  • 1365–1402: Élisabeth Ire von Holtzate
  • : Lucie de Kerpen
  • : Agnès de Bronckorst
  • : Élisabeth II, comtesse de Dhaun-Kyrburg (née vers 1450), sans doute la fille benjamine du comte Jean IV von Dhaun (1410-1476)
  • 1513–1544: Veronica von Reichenstein
  • – 23. : comtesse Madeleine zu Wied-Runkel et Isenburg
  • 7. August 1572– : comtesse Marguerite zu Manderscheid-Blankenheim
  • 1603–1645: Agnès-Elizabeth, comtesse de Limbourg-Bronkhorst-Stirum (1563–1645)
  • 1645–1674: comtesse Maria-Sophie de Salm-Reifferscheid, déjà abbesse de Vreden.
  • : comtesse Marie-Françoise Ire de Manderscheid-Blankenheim, et abbesse de Vreden.
  • 1708 – : comtesse Anna-Juliana de Manderscheid-Blankenheim, coadjutrice depuis 1701, et princesse-abbesse de Thorn depuis 1706.
  • : comtesse Marie-Eugénie de Manderscheid-Blankenheim (sœur de la précédente)
  • : comtesse Marie-Éléonore Ernestine de Manderscheid-Blankenheim (sœur de la précédente)
  • 1740–1784: comtesse Marie-Françoise II de Manderscheid(-Blankenheim et de Gerolstein) (1699-1784)
  • 1784–1789: Walburge Marie, chambellan de Waldburg-Zeil-Wurzach († )
  • 1790–1796: comtesse Joséphine-Marie zu Salm-Reifferscheid-Bedburg (1731–1796)
  • 1796–1805: comtesse Maximilienne Françoise von Salm-Reifferscheid (1765-1805)
  • Dez. 1805: princesse Louise-Wilhelmine Frédérique de Radziwill (1797-1809), fille de Louise de Prusse (1770-1836) et du prince Anton Radziwiłł; elle ne put prendre ses fonctions compte tenu que la Prusse venait de céder le duché de Clèves à la France.
  • 1806–1811: Laetitia Joséphine Murat (1802–1859), fille de Joachim Murat et de Caroline Bonaparte, avec lesquels elle partit en 1808 à Naples. La charge d'abbesse n'était déjà plus qu'un titre de pension de l'Empire français.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Anton Fahne, Das fürstliche Stift Elten. Aus authentischen Quellen, Bonn, Bruxelles, Cologne (1850)
  • Günther Binding, Walter Janssen, Friedrich K. Jungklaass: Burg und Stift Elten am Niederrhein: archäologische Untersuchungen der Jahre 1964/65 (Rheinische Ausgrabungen, vol. 8). Rheinland-Verlag, Düsseldorf 1970. ISSN 0557-7853
  • Handbuch des historischen Stätten in Deutschland. Vol. 3 Nordrhein-Westfalen. Stuttgart (1970) p. 327 et suiv.
  • Manuel Hagemann, Emmerich-Elten - Stift Hochelten. In: Nordrheinisches Klosterbuch, vol. 2. Verlag Franz Schmitt, Siegburg 2012, p. 248–257, (ISBN 978-3-87710-449-1)
  • Nathalie Kruppa, Elten. In: Höfe und Residenzen im spätmittelalterlichen Reich. Ein dynastisch-topographisches Handbuch (Akademie der Wissenschaften Göttingen, Residenzenforschung, vol. 15.I). Jan Thorbecke Verlag, Ostfildern 2003, (ISBN 3-7995-4515-8) Onlinefassung (PDF; 70 kB)

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Otto I. (RI II) n. 470 944 iuli 18 Eltnon Regest auf RI-online
  2. D'après Theodor Joseph Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins oder des Erzstiftes Cöln, Urkunde 110, , partie 1, p. 779–1200/[81]65.
  3. D'après Theodor Joseph Lacomblet, Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins oder des Erzstiftes Cöln, Urkunde 112, , partie 1, [83]67.
  4. Johannes XIII. (RI II, 5) n. 467a Regest auf RI-online
  5. Otto II. (RI II) n. 646 973 Dezember 14, Nimwegen Regest auf RI-online
  6. Otto III. (RI II) n. 1217 996 décembre 18, Nimègue Regest auf RI-online
  7. a et b Lothar III. (RI IV, 1, 1) n. 181 1129 Februar 2 - 3 Elten Regest auf RI-online
  8. a et b D'après Nathalie Kruppa, Höfe und Residenzen im spätmittelalterlichen Reich. Ein dynastisch-topographisches Handbuch, Académie des Sciences de Göttingen, PDF; 70 k (lire en ligne), « Elten. », p. 706.
  9. Lothar III. (RI IV, 1, 1) n. 186 (1129) April 10 Goslar Regest auf RI-online
  10. a b c et d Nathalie Kruppa: Elten. In: Höfe und Residenzen im spätmittelalterlichen Reich. Ein dynastisch-topographisches Handbuch (Sonderdruck) Onlinefassung (PDF; 70 kB), S. 707.
  11. Cf. à ce sujet Franz-Josef Felten et Irene Crusius (dir.), Studien zum Kanonissenstift, Göttingen, , « Wie adelig waren Kanonissenstifte (und andere weibliche Konvente) im (frühen und hohen) Mittelalter. », p. 57.
  12. Franz J. Felten, op. cit. p. 108.
  13. Cf. Julius von Ficker, Vom Reichsfürstenstande., vol. 1, Innsbruck, , p. 375.
  14. D'après Ute Küppers-Braun, Zur Sozialgeschichte hochadeliger Damenstifte im 17. und 18. Jahrhundert. In: Irene Crusius op. cit. p. 356.
  15. Ute Küppers-Braun, op. cit. p. 362.
  16. Ute Küppers-Braun, op. cit. p. 369.
  17. Cf. Collège Saint-Stanislas
  18. Cf.Trésor de l'église Saint-Martin-et-Emmeric
  19. D'après WP:nl. Complété avec la notice de guide2womansleaders.com et la Liste des abbesses résidentes