Abattoirs de la Mouche

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Abattoirs de la Mouche
Façade du marché aux bestiaux en 1914, à l'occasion de l'exposition internationale de Lyon.
Présentation
Type
Abattoir industriel
Architecte
Construction
Fermeture
Propriétaire
Ville de Lyon
Localisation
Département
Commune
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Les abattoirs de la Mouche associés à un marché aux bestiaux, sont un ancien complexe industriel lyonnais situé dans l'ancien quartier de la Mouche (actuellement Gerland) conçus par Tony Garnier, dont c'est le premier grand projet. Voulus par les autorités dès la fin du XIXe siècle, leur conception est entamée en 1906 et leur construction s'achève en 1928. L'abattoir est alors un modèle en France de lieu rationnel et hygiénique pour cette activité. Le site ferme définitivement en 1977, et il ne subsiste du site que la halle Tony-Garnier.

Histoire[modifier | modifier le code]

Précédents abattoirs lyonnais[modifier | modifier le code]

Avant les abattoirs de la Mouche, Lyon possède depuis le XIXe siècle deux abattoirs[1]. L'un est ouvert en 1839 dans le quartier de Perrache[note 1] et l'autre est bâti par Tony Desjardins à Vaise en 1858[note 2]. Mais ils sont critiqués dès leur ouverture car ils sont trop petits, peu pratiques et trop près des habitations[2]. Les conditions d'hygiène poussent à la fermeture des abattoirs de Perrache.

Contexte du projet[modifier | modifier le code]

À partir de 1887[3],[1], les élites réfléchissent à l'établissement d'un site beaucoup plus vaste et lointain, répondant à tous les critères d'une structure moderne et hygiénique. La municipalité rencontre toutefois l'opposition tout à la fois des gestionnaires des abattoirs existants que de la multitude d'artisans qui profitent des abattoirs dans leurs quartiers respectifs[2].

La municipalité commence donc par reprendre en régie directe la gestion des deux abattoirs en 1892, après expiration des baux, et relance immédiatement les études pour la création d'un nouvel ensemble dans le quartier de la Mouche. Toutefois, les oppositions font traîner les choses et c'est le maire Victor Augagneur qui met réellement le projet sur les rails. Il obtient un arrêté préfectoral fixant définitivement le futur abattoir dans le quartier de la Mouche[2].

En 1896, le directeur des abattoirs, M. Leclerc, va en Allemagne pour visiter les installations des grandes villes.

En 1906, Tony Garnier s'y rend aussi[3] sous la direction du nouveau maire Édouard Herriot (qui s'est substitué à V. Augagneur).

Projet[modifier | modifier le code]

Plan des abattoirs de la Mouche à Lyon 7e dessiné par Tony Garnier et reproduit dans la Construction lyonnaise, n°2, du 19/01/1909.

Un emplacement situé dans le quartier de La Mouche à Gerland, au lieu-dit La Colombière, est fixé dès 1901, puis déclaré d'utilité publique en 1903[3]. Le site est raccordé au réseau de trains de la société Paris-Lyon-Méditerranée[3].

Le maire E. Herriot, demande à Tony Garnier de faire les plans, en coordination avec Eugène Deruelle, chef vétérinaire des services municipaux et directeur technique du zoo du parc de la Tête d'or. Ce dernier prend, en 1905, la direction du service municipal de la vaccination et des abattoirs[4].

Le projet définitif des « Abattoirs de la Mouche »[5] est validé le 5 octobre 1908. Tony Garnier est nommé architecte par la Ville, le [3].

Premier chantier[modifier | modifier le code]

Marché aux bestiaux et abattoirs de La Mouche : le grand hall du marché vue perspective et vue intérieure par Tony Garnier (pl. 44) du recueil "Les grands travaux de la ville de Lyon [Livre] : études, projets et travaux exécutés 1921.

L'un des soucis techniques étant l'inondabilité du terrain, il est rehaussé de trois mètres sur l'ensemble du site, qui couvre vingt-trois hectares. Tony Garnier met en place un immense complexe en anticipant toutes les actions pour rationaliser les tâches des différents intervenants, et surtout leurs déplacements. Il prévoit ainsi un grand marché aux bestiaux de 80 x 210 m sous une halle de 17 000 mètres carrés à l'« audacieuse » charpente métallique Fives-Lille sur rotules en pied[6]mise au point par Victor Contamin. Cette structure ne repose sur aucun pilier.

Des salles frigorifiques, des salles d'abattage, un restaurant, un garage. Le tout est desservi par une gare dédiée avec six quais de débarquement. Toutes les manipulations sont prévues de plain-pied, avec un sens de circulation unique[4].

Tony Garnier a prévu au départ un usage du béton pour toutes les structures[7], il se résout cependant pour supporter la couverture du Grand Hall à utiliser une structure de fermes en acier[7] qui domine le reste de l'opération [note 3]. Cette structure depuis la deuxième moitié du XIXe siècle est celle des halles et gares (ferme Polonceau); elle est associée à la transparence donnée par la glace de verre pour les sheds qui au moment de cette construction est en train de devenir un produit ordinaire. En dehors de cette structure, l'architecture globale voulue est celle du toit terrasse de la culture Classique, une vue personnelle de Garnier; elle est utilisée pour l'ensemble des autres bâtiments[7].

Les dalles et les pignons à redans sont en béton de mâchefer, recouvrant les fondations de béton[6] ; pour la grande halle la couverture est sur hourdis armés[6].

Les travaux débutent en 1909 et s'achèvent en 1914.

L'Exposition Internationale de 1914[modifier | modifier le code]

Affiche de Tony Garnier, 1913, Archives municipales de lyon.

En 1914, le site accueille l'Exposition internationale urbaine cette dernière a pour thème « La Ville moderne et l'hygiénisme ». L'exposition s'étend sur 75 hectares dont plus de 17 000m² dédiés aux pavillons des nations étrangères et aux pavillons coloniaux. 17 232 entreprises présentent leurs activités économiques et industrielles. La grande halle accueille les sections de l'automobile et des transports,de l'éclairage et de la métallurgie et du chauffage. La voie publique présente les sections des soieries et des vêtements. Un million de Lyonnais viennent visitent le chantier des abattoirs en construction. A partir du 1er août, la fréquentation baisse, le 6 août, les pavillons allemands et autrichiens sont fermés, les marchandises des nations ennemies sont saisies et l'exposition ferme définitivement le 11 novembre 1914 à la suite de la déclaration de la Première Guerre mondiale.

Première Guerre Mondiale : L'Arsenal de la Mouche[modifier | modifier le code]

Le site est réquisitionné, nommé Arsenal de la Mouche. Dans un premier temps, les halles des abattoirs de la Mouche accueille des blessés rapatriés. La société d'éclairage électrique s'y installe. Dans le cadre de l'effort de guerre, cette entreprise parisienne, délocalisée à Lyon, se transforme en usine d'armement. 12 000 hommes et femmes sont employés à l'usine pour produire 20 000 obus par jour envoyés sur le front[8].

Les abattoirs et marché aux bestiaux[modifier | modifier le code]

Photographie des abattoirs et du marché aux bestiaux de la Mouche.
Photographie des abattoirs et du marché aux bestiaux de la Mouche.

Les travaux reprennent enfin en 1924 pour finir en 1928[3]. Les abattoirs et le marché sont inaugurés le 9 Septembre 1928. Les établissements du marché aux bestiaux et des abattoirs se repartissent sur 240 000m².

Le marché aux bestiaux rassemblent 4000 bovins, 8000 moutons, et 3500 porcs[9].

Historiquement en France, la responsabilité sanitaire des communes aboutit à gérer sur un terrain lui appartenant un abattoir qui peut être pris en régie par une autre entreprise ; Le tout est budgété avec les taxes perçues[10].

L'ensemble des abattoirs est une entité économique qui présente une grande importance à une période de forte augmentation de la consommation de viande[11]. À cause des transports rapides par train, cela concerne la structure établie de production des animaux à viande, donc élargit l'échelle régionale[11].

Déterminé à partir des abattoirs de Chicago (« halle aux bestiaux, abattoir et cheville »), le complexe industriel de La Mouche distingue deux « métiers » : abatteur et commerçant. Liée à l'abattoir, une activité sur le cuir et les boyaux existe dans le quartier de Gerland, qui eut comme débouché la peausserie, les cordages de raquettes de tennis, et les ligatures chirurgicales.

En 1966, l'activité est sous la responsabilité du Grand-Lyon, par la loi nationale[1]. Négociants en bestiaux, bouchers, charcutiers et tripiers y travaillent jusqu'en 1967 quand les abattoirs déménagent à Corbas. Dans la période finale, ce savoir-faire est réparti en 57 entreprises de la nouvelle structure économique qui est non municipale : la régie Cibieval (créée en 1975)[12].

A partir de 1967, les bâtiments de Gerland sont alors désaffectés.

Monument Historique[modifier | modifier le code]

En 1975, une forte campagne médiatique éclaire la potentielle destruction de l'oeuvre de Tony Garnier. La Halle et ses pavillons des Abattoirs de la Mouche sont inscrits sur la liste des monuments historiques lyonnais.

Bien que protégée, la Halle est abandonnée et inexploitée pendant dix années.

Renaissance en salle de concert[modifier | modifier le code]

En 1987, la Ville de Lyon, propriétaire des Halles décide de confier sa réhabilitation aux architectes Reichen & Robert[13], mais l'activité d'affectation n'est pas officielle..

Les travaux sont colossaux : réfection du sol, création des sous-sols pour des locaux techniques, création des colonnes techniques pour un espace modulable. Un éclairage des arches métalliques type « Tour Eiffel » met en valeur la structure architecturale. Elle possède une capacité de 4 416 à 5 496 places assises et une capacité totale de 17 000 places[14], avec les normes de sécurité en vigueur.

Dès , la halle rénovée devient un lieu culturel lyonnais officiel sous le nom de « halle Tony-Garnier ». Elle accueille un programmation d'événements : tournages, concerts, salons et conventions. Les premiers concerts (Mylène Farmer et Paul McCartney) la font connaitre au niveau international[15]. Elle est à cette époque la deuxième plus grande salle de concert en France[16].

Vue intérieur de la halle Tony Garnier, lors du concert de System of a Down, le 14 avril 2015.

Sa programmation éclectique et sa situation géographique la rendent populaire (Téléthon, Festival Berlioz, Festival Lumière, concert d'artiste français ou internationaux).

En 2000, l'atelier de la Rize de l'architecte Albert Constantin détient le marché pour optimiser la modularité des lieux, l'isolation acoustique, l'installation de passerelles techniques et de gradins rétractables[17]. Ces aménagements permettent de moderniser et perfectionner l'éclairage en vue d'une exploitation en tant que salle de spectacle.

La salle de concert et d'exposition a vu sa renommée établie par la constitution de la première biennale européenne d'art contemporain en 1997 à Lyon par le Musée d'Art contemporain de Lyon. Cette biennale s'associe depuis 1991[18] aux différentes biennales de cinéma danse etc. en Europe.

En 2019, elle fait l'objet d'une exposition en résonance avec la célébration du 150e anniversaire de la naissance de Tony Garnier en partenariat avec les Archives municipales de Lyon intitulée « La Halle, une bête de scène »[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Dans le carré formé actuellement par le quai Perrache, le cours Bayard, la rue Casimir-Perier et la rue Delandine.
  2. Sur le terrain jouxtant les rues Louis-Loucheur et de la Grange.
  3. photos Pacalet de l'intérieur du Grand Hall en activité comme Hangar;
    Le hangar fait partie des constructions très techniques et impressionnantes de l'époque 1900-1914 - quelques exemples: Hangar à dirigeables d'Écausseville, Royan, Établissements Bessonneau [1]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Communauté urbaine de Lyon, Archives du Grand Lyon, « Archives du service des abattoirs 1886-1978 » [PDF], , p. 6 — Présentation des sites des abattoirs communaux : L’organisation spatiale des centres d’abattage et des marchés aux bestiaux fut caractérisée dès le Moyen Age par sa grande dispersion, qui n’évolua pas pendant des siècles. Interdites officiellement par l’ordonnance du 30 août 1839, les tueries particulières furent longues à disparaître. Elles aboutirent à une multiplication de petits établissements d’abattage dans la couronne suburbaine de Lyon.
    Dans la multiplicité des lieux d’abattage, la Municipalité de Lyon mis en place les deux abattoirs de Perrache le 1er janvier 1840 et de Vaise le 15 avril 1858. À partir de l’ordonnance du 30 mars 1858, tous les bouchers de Lyon furent tenus d’y abattre toutes leurs bêtes. Ce fut le début du déclin des tueries particulières, qui devinrent des pôles mineurs d’abattage. Vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, l’exploitation des abattoirs et des marchés aux bestiaux ne pouvait plus être suivie dans les constructions existantes qui manquaient d’étendue, étaient défectueuses et qui ne garantissaient plus un niveau satisfaisant d’hygiène. L’idée fondamentale fut celle de la concentration géographique de l’abattage et du marché au vif sur un organisme à caractère, non plus artisanal, mais industriel. La solution d’un point fixe central fut évoquée dès 1887, comme l’avait déjà fait Paris avec les abattoirs de la Villette dont les travaux avaient commencés dès 1865.
  2. a b et c Dictionnaire historique Lyon, p. 18.
  3. a b c d e et f Guiheux et Cinqualbre 1989, p. 146.
  4. a et b Dictionnaire historique Lyon, p. 19.
  5. « Du nom de la rivière qui afflue rive droite du Rhône juste après la pointe de la confluence », (guide La Mouche (site GrandLyon consulté le 11/11/2019).
  6. a b et c Philippe Dufieux, « Tony Garnier et l'architecture à l'Exposition de 1914 », dans Lyon, centre du monde ! L'exposition internationale urbaine de 1914, p. 64-79.
  7. a b et c Exposition Tony Garnier, Caue Lyon, (consulté le 9/11/2019).
  8. « Lyon. Arsenal de la Mouche. Usinage des éléments d'obus. », Res151075_004_0072, sur Bibliothèque municipale de Lyon.
  9. « Le marché aux bestiaux et les abattoirs de La Mouche ».
  10. Pauline Laugraud, Archives du service des abattoirs ; Gestion et fonctionnement des abattoirs 1886-1978 2014 - Archives du Grand Lyon (lire en ligne), (consulté le 11/11/2019).
  11. a et b Mme Jaffrennou-Buisson Le marché bovin de Lyon (La Mouche), ed. Géocarrefour, 1935, photos Pacalet site Persée, (consulté le 10/11/2019).
  12. Commerçants et industriels de la viande en France 1945-2006 (site issuu consulté le 11/11/2019).
  13. « Halle Tony Garnier - reconversion en équipement culturel », sur reichen-robert.fr.
  14. « Halle Tony Garnier », sur lyon.fr (consulté le ).
  15. J. Iaboni, « Ça s'est passé près de chez vous le 5 novembre... en 1989 », sur Le Progrès, (consulté le ).
  16. Caroline Girardon, « Lyon: La halle Tony Garnier fête ses 100 ans », sur 20 Minutes, (consulté en ).
  17. « AIA Atelier de la Rize Architectes », sur archi-guide.com (consulté le ).
  18. Historique de la biennale d'art contemporain (consulté le 10/11/2019).
  19. « Une série d’événements pour marquer cet anniversaire », sur Le Progrès, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jaffrennou-Buisson, « Le marché bovin de Lyon (La Mouche) », Les Études rhodaniennes, vol. 11, no 2,‎ , p. 189-206 (DOI https://doi.org/10.3406/geoca.1935.6423, lire en ligne)
  • Gérard Faye, Etude statistique sur les saisies des viandes de bovins à l'abattoir municipal de Lyon : Thèse présentée à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, Lyon, Impr. Bosc Frères, , 48 p.
  • Alain Guiheux (dir.) et Olivier Cinqualbre (dir.) (Publié à l'occasion de l'exposition « Tony Garnier (1869-1948) » présentée par le Centre de Création Industrielle du 7 mars au 21 mai 1990), Tony Garnier : L'œuvre complète, Paris, Centre Pompidou, coll. « Monographie », , 254 p. (ISBN 2-85850-527-6), p. 146-150.
  • [Dictionnaire historique Lyon] Patrice Béghain, Bruno Benoit, Gérard Corneloup et Bruno Thévenon (dir.), Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, Stéphane Bachès, , 1054 p. (ISBN 978-2-915266-65-8, BNF 42001687)
  • Pauline Laugraud, Gestion et fonctionnement des abattoirs, 1886-1978, Lyon, Communauté urbaine de Lyon,
  • Maria-Anne Pivat-Savigny (dir.) et Philippe Dufieux, Lyon, centre du monde ! : l'Exposition internationale urbaine de 1914, Lyon,
    Musées Gadagne exposition Novembre 2013 - Avril 2014, Fage-Editions, , 335 p. (ISBN 978-2-84975-305-7)
    .
  • Rues de Lyon N°59 de Christophe Fournier.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Site de la Bml