Datation radiométrique
Une datation radiométrique (dite « par radiochronologie ») est une méthode de datation absolue utilisant la variation régulière au cours du temps de la proportion de radioisotopes dans certains corps. La plus connue est sans doute la datation par le carbone 14, mais il en existe bien d'autres. Toutes ne font pas appel aux mêmes raisonnements physiques et géologiques, et leurs précisions varient. Les méthodes de datations radiométriques constituent le cœur de la géologie isotopique.
Historique
Avant la découverte de la radioactivité, Lord Kelvin avait estimé l'âge de la Terre à quelque vingt millions d'années, en supposant que la seule source d'énergie capable de s'opposer au refroidissement était la chaleur résiduelle, initialement produite par la formation de la Terre. Un âge de seulement quelques dizaines de millions d'années fut considéré beaucoup trop court par les géologues, et un débat assez virulent s'ensuivit entre la communauté des géologues et celle des physiciens. Celui-ci ne devait prendre fin qu'une vingtaine d'années après la découverte de la radioactivité, trop tard pour que Kelvin puisse faire amende honorable. Plus tard, les physiciens ont pu apporter aux géologues des méthodes de datation absolue des roches qui se basent sur la radioactivité et les abondances actuelles de certains radioéléments et de leurs produits de désintégration.
Les premiers essais de datation radiométrique coïncident quasiment avec les premiers pas de la radioactivité sur la scène scientifique. La datation semble une des applications les plus naturelles de la radioactivité. La désintégration d'un élément radioactif obéit à la loi de décroissance exponentielle formulée en 1902 par Ernest Rutherford et Frederick Soddy. Ce phénomène régulier permet en principe de dater des événements que l'on peut associer à la production ou à l'accumulation d'un élément radioactif en un lieu donné et dont l'âge est de l'ordre de grandeur de la demi-vie de cet élément. Dès 1905, dans son cours à l'université Yale, Rutherford propose de dater des minéraux grâce à la radioactivité : « L'hélium observé dans les minéraux radioactifs est presque certainement dû à sa production par le radium et les autres substances radioactives contenus dans ces minéraux. Si le taux de production de l'hélium en fonction du poids des divers radioéléments était connu expérimentalement, il devrait être possible de déterminer l'intervalle de temps requis pour produire la quantité d'hélium observée dans des minéraux radioactifs, ou, autrement dit, de déterminer l'âge du minéral »[1].
Datation radiométrique et géologie
La maîtrise du temps transforme la géologie. L'étude des couches de terrain superposées donne leurs âges relatifs, à savoir leur ordre chronologique, mais pas leurs durées ou leur ancienneté par rapport au temps présent — en dehors d'estimations grossières qui supposent d'ailleurs, entre autres, une vitesse de formation constante.
En revanche, la datation de minéraux contenant des éléments radioactifs de demi-vie radiochronologiquement intéressantes donne, dès la fin des années 1910, une estimation raisonnable des durées géologiques en âge absolu. Il devient dès lors possible de délimiter les durées géologiques à l'aide de repères temporels, certes plus ou moins précis, mais référencés par rapport au présent. Cette quantification, dont la précision et la complexité se sont notamment accrue au cours de la seconde moitié du XXe siècle, a révolutionné la plupart si ce n'est toutes les branches de la géologie, permettant par ailleurs l'essor de nouvelles disciplines telles que l'étude des paléoenvironnements.
Mesure de l’âge de la Terre
Depuis le XIXe siècle, la question de l'âge de la Terre est un sujet de controverse passionnée. En 1921, Henry N. Russell suppose qu'une large portion de la croûte terrestre peut être traitée comme un réservoir unique et datée grâce au rapport entre parents radioactifs (uranium et thorium) et descendants stables (plomb) en supposant que la roche ne contient pas de plomb lors de sa formation. Il calcule un âge de la Terre compris entre 1 et 8 milliards d'années. Un comité sur l'âge de la Terre formé en 1931 conclut à la supériorité de la nouvelle méthode de datation de la Terre sur les anciennes.
À la suite de l’étude par Alfred Otto Carl Nier (en) des isotopes du plomb (1938) puis au modèle proposé par Arthur Holmes et Fritz Houtermans (1946), les travaux sur l'âge de la Terre aboutissent dans les années 1950 lorsque les chercheurs disposent de tous les outils nécessaires : la connaissance de la chaîne de désintégration des isotopes naturels de longue demi-vie (de l'ordre du milliard d'années) ainsi que les bons instruments de mesure. Comme la roche primordiale a été entièrement détruite par les mouvements de l'écorce terrestre et les processus sédimentaires, les tentatives de mesure directe de l'âge de la Terre sont vouées à l'échec. En 1956, Clair Patterson utilise la méthode de datation par l'uranium-plomb pour dater une météorite en supposant qu'elle vient d'une planète formée à peu près en même temps que la Terre et estime l'âge de la Terre à 4,55 milliards d'années à 70 millions d'années près[a].
Notes et références
Notes
- C'est à la suite de ces recherches que Clair Patterson mit en évidence la pollution globale de l'atmosphère par le tétraéthylplomb utilisé comme anti-détonant dans l'essence.
Références
- Traduction de G.B. Dalrymple, The age of the Earth, Stanford University Press, Stanford, 1991, p. 70-71.
Voir aussi
Bibliographie
- Étienne Roth (dir.), Bernard Poty (dir.) et al. (préf. Jean Coulomb), Méthodes de datation par les phénomènes nucléaires naturels, Paris, Éditions Masson, coll. « Collection CEA », , 631 p. (ISBN 2-225-80674-8).
- (en) K. Gopalan, Principles of radiometric dating, Cambridge (Royaume-Uni), Cambridge University Press, , 224 p. (ISBN 978-1-107-19873-9, lire en ligne)