Aller au contenu

1900 (film)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
1900
Description de cette image, également commentée ci-après
Une scène du IIe acte avec Donald Sutherland, Robert De Niro et Gérard Depardieu.
Titre original Novecento
Réalisation Bernardo Bertolucci
Scénario Bernardo Bertolucci
Giuseppe Bertolucci
Franco Arcalli
Musique Ennio Morricone
Acteurs principaux Robert De Niro
Gérard Depardieu
Dominique Sanda
Donald Sutherland
Burt Lancaster
Sociétés de production Alberto Grimaldi
Produzioni Europee Associati (PEA)
Les Productions Artistes Associés
Artemis Film
Pays de production Drapeau de l'Italie Italie
Drapeau de la France France
Allemagne de l'Ouest Allemagne de l'Ouest
Genre Chronique historique dramatique
Durée 317 minutes
Sortie 1976

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

1900 (titre original : Novecento[a]) est un film franco-ouest-germano-italien réalisé par Bernardo Bertolucci et sorti en 1976. Le scénario a été écrit en collaboration avec Franco Arcalli dont le père avait été assassiné par les fascistes alors qu'il n'avait que cinq ans. Le titre du film et le style de la photographie font référence au tableau de Giuseppe Pellizza, Le Quart État (Il Quarto Stato).

Le film de 317 minutes (h 17)[1], parcourant l'histoire de l'Italie, est découpé en deux actes et quatre saisons. L'été représente l'enfance commune d'Alfredo (Robert De Niro) et d'Olmo (Gérard Depardieu) à l'aube du XXe siècle. L'automne représente la période entre la Première Guerre mondiale et l'avènement du régime fasciste. L'hiver représente l'apogée du fascisme et le printemps la chute de la république de Salò, dernier bastion des fascistes italiens.

Présenté hors compétition au Festival de Cannes 1976[2], le film figure dans la liste des 100 films italiens à sauver[3],[4].

Premier acte

[modifier | modifier le code]
Robert De Niro et Dominique Sanda (Alfredo et Ada).

Le film commence en pendant la Libération : dans la basse Émilie, des paysans armés capturent les derniers fascistes et un jeune homme armé d'un fusil tient en joue le riche propriétaire terrien Alfredo Berlinghieri.

Avec un saut dans le temps de 44 ans, l'action se déplace en 1901 avec le « bossu » du village, appelé Rigoletto, qui annonce la mort de Giuseppe Verdi. À proximité, dans la grande ferme de la famille Berlinghieri, dans la campagne de Poviglio, dans la basse province de Reggio d'Émilie, deux femmes donnent naissance à leur premier enfant. Rosina Dalcò, veuve et fille de paysans, donne naissance à Olmo, dont le père est inconnu, tandis qu'Eleonora, épouse de Giovanni, fils du propriétaire terrien Alfredo Berlinghieri, accouche d'un garçon qui sera prénommé Alfredo, comme son grand-père paternel. Dans ce moment de joie, où les disparités sociales s'effacent, M. Alfredo, heureux de la naissance de son petit-fils, distribue des bouteilles de champagne aux ouvriers agricoles et trinque à la santé des deux enfants avec Leo, grand-père d'Olmo et ancêtre de la grande famille Dalcò, où le nouveau-né n'est pas accueilli avec la même joie, car tout le monde le considère seulement comme une bouche supplémentaire à nourrir, dans une famille qui compte déjà 40 membres.

Burt Lancaster incarne le grand-père d'Alfredo.

Au fil des ans, Alfredo et Olmo grandissent dans les coutumes de leurs familles respectives, démontrant des caractères et des façons de voir profondément différents : entre eux, il existe une sorte d'amitié, faite de disputes et de querelles, qui se terminent toujours par un sourire. Au fond, Alfredo admire Olmo et ce dernier envie Alfredo. À la ferme, entre-temps, arrivent les premières machines agricoles, mal vues tant par Leo Dalcò que par le vieux Alfredo Berlinghieri, de plus en plus déprimé, et certains ouvriers agricoles commencent à fréquenter les ligues paysannes et à adhérer aux idées du socialisme révolutionnaire. Chez les Berlinghieri, en revanche, arrivent la sœur d'Eleonora et sa fille, Regina, du même âge qu'Alfredo.

Lors d'un bal organisé par les paysans, la dépression du vieux Berlinghieri culmine avec son suicide : son fils cadet Giovanni s'approprie alors l'héritage et la ferme grâce à un faux testament, devenant ainsi le nouveau propriétaire. Peu après, une tempête détruit la moitié de la récolte et Giovanni se rend chez les ouvriers agricoles pour leur annoncer les dégâts : le travail à accomplir est donc doublé. L'un des ouvriers agricoles, « Il Montanaro », se coupe l'oreille en signe de protestation. Le mécontentement général débouche sur la grève agricole de l'époque et, pour éviter que les terres ne se détériorent, les propriétaires sont contraints, à leur grand embarras, de faire le travail des ouvriers agricoles. Leo, après avoir assisté à ce changement, meurt d'un infarctus sous un arbre.

Plus tard, Olmo et les autres enfants des ouvriers agricoles sont envoyés à Gênes pour échapper à la pénurie alimentaire causée par la grève qui a duré plus de trois mois : après avoir salué sa mère, Olmo monte dans le train décoré de drapeaux rouges et s'éloigne dans la campagne.

Robert De Niro et Gérard Depardieu incarnent Alfredo et Olmo.
Gérard Depardieu et Stefania Sandrelli incarnent Olmo et Anita.

Les années passent et, lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Olmo combat au front dans l'armée royale, tandis qu'Alfredo, enrôlé avec le grade de lieutenant, parvient à éviter le départ pour le front grâce aux pots-de-vin versés par son père. À la fin du conflit, Olmo retourne à la ferme, où il retrouve sa mère, les ouvriers agricoles et Alfredo. La situation à la ferme est tendue : comme la plupart des hommes sont partis « mourir » à la guerre et que, par conséquent, la productivité a diminué, Giovanni a réduit les salaires des ouvriers agricoles afin d'enrichir son patrimoine, qui monte en flèche avec l'avènement de machines agricoles modernes toujours plus efficaces. De plus, une série de personnages louches se sont rapprochés de l'exploitation agricole, comme le fermier Attila Melanchini, ambitieux, impitoyable et pervers.

Olmo tombe amoureux d'Anita Furlan, une enseignante d'origine vénitienne, réfugiée de Vérone aux idées socialistes, avec laquelle il entame une lutte acharnée contre les puissants et l'exploitation des classes les plus pauvres. Alfredo, quant à lui, mène une vie aisée et, bien qu'il se dise socialiste, il ne fait rien de concret pour aider les travailleurs.

Les propriétaires terriens, alarmés par les mouvements révolutionnaires, les protestations et le refus d'un métayer nommé Oreste de quitter la ferme d'Avanzini le jour de la Saint-Martin, résistant aux gardes royaux, organisent une collecte à l'église afin de former un groupe chargé de réprimer les révoltes : c'est ainsi que le fascisme fait son entrée dans la campagne émilienne, où Attila Melanchini, désormais amant de Regina, cousine d'Alfredo, prendra le rôle de chef d'équipe des Chemises noires.

Alfredo et Olmo se rendent à Carpi, et après une mésaventure grotesque avec Neve, une prostituée épileptique, Alfredo fait la connaissance, à Reggio d'Émilie, chez son oncle Ottavio, d'Ada, une jeune femme douce et extravagante issue d'une famille aisée. Pendant une fête de village, les deux font l'amour dans la grange tandis que la maison du peuple est incendiée par des sympathisants fascistes : dans l'épilogue tragique du premier acte, Attila recrute une bande fasciste pour gâcher les funérailles des quatre morts de la maison du peuple.

Second acte

[modifier | modifier le code]
Romolo Valli, Robert De Niro et Donald Sutherland incarnent Giovanni, Alfredo et Attila.

Quelques années se sont écoulées depuis les événements du premier acte et le fascisme est désormais au pouvoir : Alfredo est en vacances à Capri dans un hôtel luxueux avec son oncle homosexuel Ottavio et sa petite amie Ada. Les trois ont l'intention de se rendre à Taormine, le plus loin possible de la violence fasciste. C'est justement au moment du départ qu'arrive la nouvelle de l'aggravation de la maladie du père d'Alfredo, qui retourne alors à la ferme. Là, après avoir enterré son père peu aimé et hérité du rôle de maître, il tombe sur Olmo alors que celui-ci vole le pistolet du défunt Giovanni. Olmo explique à Alfredo que, pendant son absence, Anita est morte en couches, que sa fille a été prénommée comme sa mère et qu'Attila est devenu encore plus brutal qu'auparavant et exerce un contrôle violent sur l'exploitation agricole. Olmo demande alors à son ami de licencier Attila, mais Alfredo refuse par lâcheté : c'est le début d'une rupture progressive entre les deux amis.

Alfredo décide ensuite d'épouser Ada, suscitant la jalousie maladive de Regina, amoureuse de son cousin : au cours du mariage, Attila et Regina, après avoir été réprimandés par Alfredo pour leur comportement déplaisant, tuent le jeune Patrizio Avanzini, fils d'un propriétaire terrien, lors d'une pratique sexuelle dans laquelle ils l'avaient impliqué. Olmo est accusé du meurtre et roué de coups par les fascistes, sous les yeux d'Alfredo impuissant, avant d'être sauvé in extremis par un vagabond déséquilibré qui s'accuse lui-même du crime.

Donald Sutherland incarne Attila, ensanglanté après avoir tué le chat.

Au fil des ans, Olmo devient charcutier entre la basse plaine de Parme et celle de Reggio d'Émilie, tandis qu'Alfredo devient un bourgeois impitoyable comme son père et Ada une alcoolique mal aimée de son mari et de la famille de celui-ci. La veille de Noël, Ada s'enfuit de chez elle et se rend chez Olmo. Son mari la retrouve dans une auberge, où ils se réconcilient. Attila et Regina, quant à eux, continuent leurs crimes : déterminés à s'approprier la villa des époux Pioppi, après avoir fait mourir le mari de chagrin, ils se présentent chez la veuve qui, après les avoir fait entrer, les piège dans le salon dans le but de se venger et de récupérer la villa. Attila enfonce alors la porte, viole et tue la femme, puis l'empale sur le portail : Ada et Alfredo tombent sur la foule qui s'est rassemblée autour du cadavre de la veuve. Ada, bouleversée par ce nouvel acte de violence, s'enfuit avec la voiture d'Alfredo, laissant son mari à pied. Ce dernier, désespéré, se rend chez Olmo, avec qui il discute après s'être éloigné pendant longtemps.

Quelque temps plus tard, Ada s'est isolée dans la cour où vivent les paysans et Olmo, avec les autres ouvriers agricoles, se rebelle contre Attila en le frappant avec du fumier de cheval et en l'humiliant devant les paysans, se retrouvant ainsi contraint de fuir pour éviter des représailles. Ada fait de même peu après, lassée de l'indifférence de son mari. La fuite d'Olmo n'apaise pas la colère d'Attila, qui se venge un jour de pluie en tuant les ouvriers agricoles qui avaient participé à la révolte.

Laura Betti incarne Regina, capturée et séquestrée dans la soue à cochons.
Gérard Depardieu incarne Olmo, alors que se joue le procès du patron de ferme Alfredo devant tous les paysans.

On revient ainsi à la scène initiale, pendant le jour tant attendu de la Libération : les paysans capturent Attila et Regina, qui tentent de s'enfuir, puis exécutent le fermier devant les tombes de ses propres victimes et abandonnent la femme dans la pauvreté. Anita, désormais adulte, retrouve Olmo, enfin de retour à la ferme, qui retrouve à son tour Alfredo. Les paysans de la plaine et ceux de la montagne entament un procès populaire, au cours duquel Olmo condamne Alfredo à une mort virtuelle, avec un coup de fusil tiré en l'air pour symboliser la mort de la partie vile et impitoyable de son meilleur ami. Au début, les ouvriers agricoles ne comprennent pas la décision d'épargner leur maître, mais ils l'acceptent finalement en courant librement dans les champs sous le grand drapeau rouge, caché pendant les vingt années de dictature. Les représentants du Comité de libération nationale (CLN), chargés du désarmement des partisans, arrivent en camion : Olmo est le premier à accepter de déposer son fusil, mais pas avant d'avoir réaffirmé qu'il ne s'agit pas d'un geste de capitulation devant les patrons.

Alfredo et Olmo recommencent à se disputer comme lorsqu'ils étaient enfants.

Les protagonistes, désormais âgés de 75 ans, vieillissent ensemble et meurent comme leurs grands-parents respectifs, Alfredo se suicidant en se jetant sous un train et Olmo, attendant la mort, s'asseyant à l'ombre d'un arbre.

Fiche technique

[modifier | modifier le code]

Icône signalant une information Sauf indication contraire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données cinématographiques Unifrance, présente dans la section « Liens externes ».

Distribution

[modifier | modifier le code]
Dominique Sanda et Robert De Niro dans une scène du film.

Bertolucci souhaitait créer un film épique sur l'Italie depuis plusieurs années. C'est grâce au succès du Dernier Tango à Paris qu'il réussit à trouver le budget de 6 millions de dollars (énorme pour l'époque) auprès de trois producteurs différents pour produire ce film à la distribution prestigieuse (De Niro, Depardieu, Lancaster, Hayden), avec de nombreux figurants, et qui reconstitue l'environnement de l'Italie du début du XXe siècle[8]. Ce budget fut par la suite dépassé pour atteindre 9 millions[9].

Le réalisateur, qui avait initialement prévu son projet comme un téléfilm en plusieurs épisodes, réalisa une première mouture d'un seul tenant de plus de cinq heures. Le producteur Alberto Grimaldi, qui était contractuellement obligé par la Paramount de produire un film de trois heures et demie au maximum, dut enfermer le réalisateur en salle de montage afin qu'il réduise la durée de l'œuvre[10].

Fort de l'accueil favorable reçu par Le Dernier Tango à Paris, Bertolucci approfondit la veine transgressive de son cinéma. Le film comporte des scènes de sexualité explicite où les deux jeunes garçons comparent leurs érections ou, plus tard, alors qu'ils sont de jeunes hommes, l'actrice Stefania Casini les masturbe[11]. Il met en scène crûment la perversion d'Attila, un fasciste (incarné par Donald Sutherland) qui massacre un chaton, viole un enfant et le tue sauvagement, avant d'empaler sur la grille de sa propriété une veuve qui l'avait séquestré[12]. De ce fait, le film connaît des interdictions aux mineurs.

Attribution des rôles

[modifier | modifier le code]
Gérard Depardieu dans une scène du film.

Le film rassemble une distribution internationale. Les protagonistes Olmo et Alfredo sont incarnés à l'âge adulte respectivement par Gérard Depardieu et Robert De Niro. Parmi les autres visages de ce film, on retrouve Burt Lancaster, qui interprète le rôle du grand-père d'Alfredo, et Donald Sutherland dans le rôle d'Attila Melanchini, le principal antagoniste, un fermier cruel qui tue violemment tous ceux qui s'opposent à lui et qui, avec sa férocité asservie au pouvoir, représente l'arrivée dévastatrice du fascisme dans un pays où la riche bourgeoisie commence à craindre les différentes organisations socialistes qui défendent les travailleurs. Parmi les victimes d'Attila, Ida Pioppi est interprétée par Alida Valli. La célèbre diva du cinéma muet Francesca Bertini est également présente, dans le rôle de la sœur Desolata.

Lieux de tournage

[modifier | modifier le code]

Les lieux de tournage correspondent tous aux lieux où se déroule l'intrigue.

Le film est tourné dans les provinces de Parme, Crémone, Reggio Emilia, Mantoue et Modène. Dans la région de Mantoue, l'équipe a tourné certaines scènes au sanctuaire de la Bienheureuse-Vierge-des-Grâces de Curtatone et dans une villa de San Prospero di Suzzara, tandis que l'exécution du fasciste Attila est filmée dans l'ancien cimetière de Poggio Rusco. Certaines scènes sont tournées dans le palais Canossa et sur la place du même nom dans le centre historique de Mantoue[13].

La ferme où se déroule le film est l'exploitation agricole Corte delle Piacentine, datant de 1820, située à Roncole Verdi, un hameau de Busseto ; le réalisateur Bertolucci tournera également certaines scènes de son film La luna (1979) à Corte delle Piacentine. Il s'agit du lieu de naissance de Giuseppe Verdi, comme le rappelle le nom même du hameau. De nombreuses scènes sont tournées à la ferme Badia di Voltido (province de Crémone), à Pontirolo di Drizzona (province de Crémone), à Rivarolo del Re ed Uniti (province de Crémone), à San Giovanni in Croce (province de Crémone) et à Guastalla (province de Reggio d'Émilie) : sur la place Mazzini de cette dernière localité a été tournée l'une des scènes de foule du film, les funérailles des victimes de l'incendie fasciste de la Casa del popolo[14].

Les intérieurs de la maison d'Ottavio Berlinghieri sont tournés dans une villa à San Donnino (hameau de Modène).

Peu de scènes sont tournées en dehors de la plaine du Pô : celle du train qui passe au-dessus de la mer, réalisée dans les tunnels des Cinque Terre, près de Riomaggiore, dans la province de La Spezia ; celle à la mer à Capri, réalisée effectivement sur l'île[15] ; certaines dans des décors reconstruits à Cinecittà, comme la conversation entre Alfredo et Ada ivre[14].

Accueil public et critique

[modifier | modifier le code]
Laura Betti et Donald Sutherland incarnent les fascistes de l'histoire, symbolisant selon Olivier Père un « dérèglement monstrueux des sens et une décadence morale totale »[16].

Le film de 317 minutes (h 17) sort en deux parties en Italie. Le film enregistre 10 359 326 entrées dans les salles italiennes[17], ce qui en fait le 2e film le plus populaire de l'année 1976-1977 après King Kong[18] et le 35e film le plus populaire de tous les temps en Italie. En France, le film enregistre 1 748 512 entrées, ce qui en fait le 17e film du box-office France 1976[19].

Aux États-Unis, le film est lourdement censuré et mal distribué, notamment dû à une teneur idéologique jugée trop pro-communiste[20]. Le public n'est pas au rendez-vous et la critique est globalement négative. Dans le Chicago Sun-Times, le critique de cinéma Roger Ebert écrit que le film « ne semble mener nulle part. Il n'est épique que par sa longueur »[21].

Une grande partie de la critique française et italienne accueille frileusement le film[22]. Le film suscite selon Jean Antoine Gili[23] de violentes polémiques et des accusations de la part de certains milieux de gauche, avec l'exception notable du journal communiste L'Humanité : « L'exemple le plus grandiose, jusqu'à présent en Occident, d'un grand film politique, d'une grande fresque épique et populaire ». Les critiques négatives incluent Michel Ciment de la revue Positif qui écrit qu' « en voulant inscrire son film dans la perspective du compromis historique, Bertolucci se trouve prisonnier d’une plate-forme électorale », et que le fait « d'idéaliser le prolétariat interdit à Bertolucci de démonter le mécanisme de l'adhésion des masses au fascisme[24] ». Pour François Forestier dans L'Express : « Cinéma de l’utopie, cinéma de combat, 1900 est une œuvre démesurée. Est-ce l’importance des moyens mis en œuvre, est-ce la conception de l’ensemble ? Ce film a la beauté d’une bataille perdue »[25]. De même, Serge Toubiana estime dans les Cahiers du cinéma qu'il s'agit d'un film simpliste, hommage au parti communiste : « Novecento est dédié à Berlinguer de la même façon que, au temps des rois, un artiste offrait son oeuvre d’art au pouvoir. Il y a un aristocratisme du rapport de Bertolucci à la politique »[26].

Les deux actes du film s'ouvrent sur le tableau Il Quarto Stato de Giuseppe Pellizza. D'abord centré sur la tête de l'homme du premier plan, un lent zoom arrière finit par montrer l'ensemble des personnages.

Cependant, le film a été réhabilité avec le temps par la critique. Pour Pitiot et Marbella dans leur ouvrage Sur Bertolucci, les journalistes ont exploité à outrance la dimension politique des films du réalisateur : « Pour certains critiques français, 1900 a été l’objet d’un formidable malentendu critique. J’ai rarement vu des critiques par ailleurs estimables faire preuve d’autant d’incompréhension sur un film parce qu’ils sont vraiment restés à la surface des choses, au contenu… »[27]. Pour Sauro Borelli, « En substance, le film s’impose, encore et toujours, comme une saga aux tons mélodramatiques, souvent sanglants, dilatée en un raccourci socio-politique d’une imposante poétique visionnaire. Certes, dans une analyse rigoureuse sur le plan spécifiquement idéologique ou sur celui plus particulièrement spectaculaire, affleurent çà et là des zones d’ombre, des simplifications, des ambiguïtés ; cela dit, c’est vraiment dans le contexte du dessein totalisant de cette épopée populaire que Novecento grandit et se charpente dans toute sa complexe et efficace structure dramatique »[23]. Pour Joël Magny, « 1900 n’est pas le film politique intégré dans un discours marxiste de circonstances, sinon de propagande, qu’on a parfois voulu y voir. Et prouve que Bertolucci ne milite pas pour se taire ». Le message du film serait une sorte de « compromis historique » entre la démocratie chrétienne, assimilée à Alfredo, et le prolétariat, représenté par Olmo et le PCI ; le tout pouvant « peut être lu comme un hymne au peuple par un bourgeois, l’aventure d’un bourgeois qui se projette dans le rôle du prolétariat à l’aide d’un film »[28]. Pour Laurence Schifano, le film est aussi imprégné de l'histoire de l'Italie et l'art opératique italien : « La nation italienne et ses rêves d’unités territoriales et politiques commencent à prendre forme sur les champs de bataille et sur les scènes lyriques des opéras. Au XXe siècle, c’est le cinéma qui se fait héritier de cette vocation culturelle du mélodrame à exprimer, émouvoir et unifier la conscience civile et nationale. D’où l’enjeu que représente, au sein d’œuvres engagées et d’empreinte gramscienne comme celle de Visconti, de Bertolucci et des Taviani, la référence fondamentale de l’opéra »[29]. Pour Samuel Douhaire dans Télérama, si le message du film peut sembler caricatural, « Novecento est beaucoup plus convaincant — et séduisant — dans sa célébration de la vie, de la terre, du sexe et des saisons, magnifiquement photographiées par Vittorio Storaro. La mise en scène, ample et souvent virtuose, reste magnifique de lyrisme »[30].

Pour Olivier Père, « Le récit comprend de nombreux morceaux de bravoure et des grands mouvements de foule mais c’est dans les scènes intimistes que le réalisateur se montre le plus inspiré, signant de magnifiques moments d’insouciance, d’inquiétude ou d’horreur pure. Dans un mouvement grandiose Bertolucci mêle les influences esthétiques d’Hollywood, Cinecittà et Mosfilm »[16].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. En italien, « novecento » (une aphérèse de « millenovecento ») désigne « les années 1900 » (de 1900 à 1999). Il peut être traduit par « XXe siècle ». Cette traduction fut dénoncée par plusieurs critiques comme un contresens, d'autant que le film commence en 1901. Voir « 1900 », sur Institut Lumières, et « 1900 : les réactions de la critique italienne et française », sur Mécanique filmique – Cinéma et représentations,
  2. Crédité sous le nom de Paolo Branco.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. [vidéo] « Novecento (1900) », AlloCine (consulté le )
  2. « 1900 », sur festival-cannes.com
  3. (it) « Novecento », sur retedeglispettatori.it
  4. (it) « Ecco i cento film italiani da salvare », sur corriere.it
  5. a b c et d « Mille neuf cent », sur encyclocine.com (consulté le ).
  6. a et b (it) « Novecento », sur cinematografo.it (consulté le ).
  7. Voir sur cnc.fr.
  8. Gérard Camy, Alain Riou, 50 films qui ont fait scandale, Corlet-Télérama, , p. 109.
  9. Voir sur boxofficemojo.com.
  10. Voir sur geraldpeary.com.
  11. (en) Matthew Turner, « Watching Bertolucci’s 1900 », sur MostlyFilm, (consulté le ).
  12. « Bernardo Bertolucci – “1900” (1976) », sur Culturopoing (consulté le ).
  13. (it) « Novecento (1976) », sur davinotti.com
  14. a et b documentaire Bertolucci secondo il cinema, de Gianni Amelio, 1976
  15. (it) « Novecento », sur italyformovies.it
  16. a et b « 1900 », sur arte.tv
  17. (it) « La classifica dei film più visti di sempre al cinema in Italia », sur movieplayer.it (consulté le )
  18. (it) Maurizio Baroni, Platea in piedi : Manifesti e dati statistici del cinema italiano, Bolelli Editore, (lire en ligne)
  19. « Analyse box-office », sur cbo-boxoffice.com
  20. (it) Chara Ugolini, « Bernardo Bertolucci, "Questo Novecento quarant'anni dopo un omaggio alla cultura contadina" », sur repubblica.it
  21. « 1900 », sur rogerebert.com
  22. Aurélien Portelli, « 1900 », sur iletaitunefoislecinema.com
  23. a et b Jean Antoine Gili, Le cinéma italien, Paris, Union Générales d’Editions, (ISBN 2-264-00955-1)
  24. Michel Ciment, « Dialectique ou barres parallèles ? (1900) », Positif, nos 183-184,‎ , p. 112-114
  25. Albert CERVONI, « Novecento, simplement de la haute voltige ?», in Cinéma 76, n°214, octobre 1976, pp. 102-105
  26. Serge Toubiana, « Le ballon rouge (Novecento) », in Cahiers du cinéma, n°270, septembre-octobre 1976, pp.58-60
  27. Pierre Pitiot et Jean-Claude Mirabella, Sur Bertolucci, Castelnau-le-Lez, Éditions Climats, (ISBN 2-907563-43-2)
  28. Joël MAGNY, « Dimension politique de l’œuvre de Bernardo Bertolucci de Prima della Revoluzione à Novecento », in Michel ESTEVE (présenté par), Bernardo Bertolucci, Paris, Etudes Cinématographiques, n°122-126, 1979, 142 p.
  29. Laurence SCHIFANO, Le cinéma italien de 1945 à nos jours (Crise et création), Paris, Nathan Université, Cinéma 128, 1995, 128 p.)
  30. « 1900 Film (1 et 2/2) de Bernardo Bertolucci (Novecento, Italie/France/Allemagne, 1976) », sur telerama.fr

Article connexe

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]