Épistémologie

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L'épistémologie (du grec ancien ἐπιστήμη / epistếmê, « connaissance vraie, science » et λόγος / lógos / « discours ») est d'abord l'étude de la connaissance scientifique. Elle est également l'étude critique d'une science particulière, quant à son évolution, sa valeur, et sa portée scientifique et philosophique.

L'introduction en du mot « épistémologie » en français résulte d'un emprunt à l'anglais epistemology à l'occasion de la traduction de l' Essai sur les fondements de la géométrie de Bertrand Russell, le mot anglais ayant été lui-même formé pour traduire l'allemand Wissenschaftslehre, désignation par le philosophe postkantien Johann Gottlieb Fichte de sa propre philosophie comme Doctrine de la science.

En matière d'épistémologie, le XXe siècle s'interrogerait plutôt sur la rupture ou la continuité entre la connaissance commune et la science. Il reste que, même si elle se constitue en champ disciplinaire autonome au début du XXe siècle, l'épistémologie moderne trouverait son origine au XVIIIe siècle dans la philosophie de Kant.

Tandis qu'au début du XXe siècle, le positivisme d'Auguste Comte s'impose en France, on assiste en Allemagne à une dichotomie entre « sciences naturelles » (Naturwissenschaften) et « sciences de l'esprit » (Geisteswissenschaften) selon Wilhelm Dilthey. Paradoxalement, dans les années 1920, en Autriche, le Cercle de Vienne réaffirme toutefois l'unité des sciences, en donnant naissance à un courant néo-positiviste.

Une épistémologie historique spécifiquement française, qu'illustre entre autres Le nouvel esprit scientifique de Gaston Bachelard, renouvelle l'enseignement rationaliste d'Auguste Comte depuis la nouvelle chaire d'Histoire et de Philosophie des Sciences à la Sorbonne. En Europe centrale, bien qu'il n'ait pas été sans critiquer le positivisme logique, le philosophe des sciences autrichien Karl Popper introduit le critère de réfutabilité d'une théorie pour évaluer sa valeur scientifique, ce qui n'est pas sans faire question pour les sciences humaines.

Histoire du mot[modifier | modifier le code]

Le terme « épistémologie » vient du grec ancien ἐπιστήμη / epistếmê « connaissance, capacité à faire, art, habileté, compétence professionnelle, science » et λόγος / lógos « discours ». Le terme se traduit donc littéralement par discours sur la science.

L'introduction du mot « épistémologie » en français est relativement récente (1901) : elle résulte de la traduction de l' Essai sur les fondements de la géométrie de Bertrand Russell[1]. Il s'agit d'un « emprunt à l'anglais epistemology, formé pour traduire l'allemand Wissenschaftslehre [...], avec le grec epistémé “science, connaissance”, dérivé de epistanaï “savoir”, proprement “se tenir au-dessus de” et -logy »[1]. Son introduction en français vise à désigner « l'étude critique des sciences », afin de « déterminer leur valeur, leur origine et leur portée »[1].

Introduction dans la philosophie anglophone[modifier | modifier le code]

Une première occurrence du mot en 1847[modifier | modifier le code]

La première occurrence connue du néologisme epistemology date de  : elle se trouve dans un article anonyme sur l'écrivain allemand Jean Paul, paru dans la revue « The English Review »[note 1]. Le mot epistemology est alors forgé pour traduire celui de Wissenschaftslehre (Doctrine de la science (de)), du titre de la philosophie de Fichte[3] à laquelle il est fait allusion dans le roman Titan (de) de Jean Paul[4],[5],[note 2] :

« The title of one of the principal works of Fichte is 'Wissenschaftslehre,' which, after the analogy of technology, τεχνολογία, we render epistemology »

« Le titre de l'un des principaux ouvrages de Fichte est 'Wissenschaftslehre', que, après l'analogie de technologie, τεχνολογία, nous rendons epistemology »

Le lien ou l'influence entre cette première introduction anonyme et la suivante qui sera faite par James Frederick Ferrier, ne sont pas connus[6].

Introduction d'Epistemology en remplacement de la Wissenschaftslehre de Fichte[modifier | modifier le code]

Le mot epistemology est ensuite proprement introduit dans la littérature philosophique anglophone par James Frederick Ferrier en 1854, qui l'a utilisé dans ses « Instituts de métaphysique » [7],[8] :

« his section of the science is properly termed the Epistemology—the doctrine or theory of knowing, just as ontology is the science of being... It answers the general question, 'What is knowing and the known?'—or more shortly, 'What is knowledge?' »

— James Frederick Ferrier, Institutes of metaphysic: the theory of knowing and being

« Cette section de la science est correctement appelée l'epistemology - la doctrine ou la théorie de la connaissance, tout comme l'ontologie est la science de l'être... Elle répond à la question générale : "Qu'est-ce que la connaissance et le connu ? » ou plus brièvement, « Qu'est-ce que la connaissance ? »

— Institutes of metaphysic: the theory of knowing and being

Dans cet ouvrage, Ferrier présente l’immatérialisme de George Berkeley en le reformulant dans le vocabulaire de l’idéalisme allemand[9] dans la période du néokantisme. Ferrier introduit alors le terme pour transposer le terme Wissenschaftslehre de Fichte[10].

Par la suite, le terme epistemology reste assez peu employé pendant plusieurs décennies mais se répand chez des penseurs qui au contraire rejetaient la philosophie romantique allemande, c'est-à-dire celle de Kant et Fichte[11],[12].

De Russell à l'introduction du mot « épistémologie » en français[modifier | modifier le code]

Bertrand Russell emploie epistemology, dans son Essai sur les fondements de la géométrie en 1901, sous la définition d'analyse rigoureuse des discours scientifiques, pour examiner les modes de raisonnement qu'ils mettent en œuvre et décrire la structure formelle de leurs théories[13].

La définition de Couturat[modifier | modifier le code]

C'est comme simple remplacement pour epistemology que le néologisme épistémologie a été utilisé par Russell et Couturat dans les années 1890 dans de leurs correspondance[14]. Russell écrivait ses lettres en français, car Couturat ne maîtrisait pas bien l'anglais[15]. C'est ensuite dans la traduction de l’Essai sur les fondements de la géométrie de Russell qu'épistémologie apparaît officiellement pour la première fois en France en 1901[1],[16].

À la traduction de l'œuvre de Russell est annexé un Lexique philosophique rédigé par Louis Couturat, qui à l'entrée Épistémologie donne la définition d'une « théorie de la connaissance appuyée sur l'étude critique des Sciences, ou d'un mot, la Critique telle que Kant l'a définie et fondée »[17],[18].

Selon Pierre Wagner[19], Couturat introduit ainsi une première confusion entre théorie de la connaissance et philosophie des sciences[20], cette évolution n'étant pas sans conséquence[21].

Le partage au début du XXe siècle entre l' Erkenntnistheorie allemande et l' epistemology anglaise[modifier | modifier le code]

D'après l'article « Épistémologie » du Vocabulaire européen des philosophies, Bertrand Russell emploie de fait le terme epistemology dans un sens très éloigné de la philosophie kantienne[22] : tandis que Kant fournit « une langue commune aux sciences de l'esprit et aux sciences de la nature jusque dans les années 1930 », l'epistemology, telle qu'elle a été d'abord définie chez Russell et Moore, s'avère complètement différente dans les débuts du XXe siècle[22]. Dès lors, « l'épistémologie des savants allemands de la période 1850-1930 » revêt un caractère en quelque sorte « intraduisible » ou se trouve « simplement ignorée » des philosophes des sciences anglo-américains, après 1945[22] :

« L’intraduisibilité est, à l’occasion, si grande entre les deux traditions que l’épistémologie des savants allemands de la période 1850-1930 a été longtemps soupçonnée d’inintelligibilité, ou simplement ignorée, dans les travaux des philosophes des sciences anglo-américains d’après 1945 »

— Catherine Chevalley, Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles

À propos du discours philosophique sur la science, Catherine Chevalley postule une rupture dans l'histoire de la philosophie qu'elle situe précisément au début du XXe siècle « dans le partage qui se fait alors entre l' Erkenntnistheorie allemande et l' epistemology anglaise »[23]. Selon elle, des différences « se sont creusées ensuite à l'intérieur même de chaque langue, notamment en France » avec Gaston Bachelard, Georges Canguilhem, Michel Foucault : ces auteurs introduisent des « théories du concept étayées sur l'histoire des sciences et sur une réflexion sur les notions de valeur et de pouvoir »[23]. Pour Catherine Chevalley, la différence linguistique ne signifie toutefois qu'« une différence de perspective » qui n'interdit pas la communication : depuis le premier tiers du XXe siècle, les problèmes posés par le discours sur la science et la philosophie de la connaissance résulteraient sans doute de « la crise de la logique, des mathématiques et de la physique »[23].

Définitions[modifier | modifier le code]

Dans son cours de Culture scientifique, Jean-Claude Simard avertit son auditoire en ces termes : « lorsque l’on aborde l’épistémologie pour la première fois, il faut prendre acte des variations du terme » : chez les Anglo-Saxons, dit-il, le mot epistemology « évoque en général une branche spécialisée de la philosophie, la théorie de la connaissance », tandis qu'en France, « il fait plutôt référence à l’étude des théories scientifiques »[24]. Selon lui, « on peut réconcilier [...] ces deux acceptions en assimilant, de manière très générale, l’épistémologie à la théorie de la connaissance scientifique. »[24]

Selon Pierre Wagner, le terme français est usité tantôt comme synonyme de « philosophie des sciences », tantôt pour désigner la philosophie des sciences « de style français », tantôt pour traduire epistemology[19].

L'épistémologie, « bien qu'elle en soit l'introduction et l'auxiliaire indispensable », se distingue de la gnoséologie « en ce qu'elle étudie la connaissance dans le détail et a posteriori, dans la diversité des sciences et des objets plutôt que dans l'unité de l'esprit »[25],[26].

Philosophie des sciences (Meyerson)[modifier | modifier le code]

Beaucoup plus rarement[pas clair], le terme « épistémologie » est utilisé comme synonyme de « philosophie des sciences »[27]. C'est le cas de Hervé Barreau qui considère que l'épistémologie est l'étude des sciences et vient « remplacer l'expression antérieure de philosophie des sciences qu'avaient employée Auguste Comte et Augustin Cournot […] ». Il ajoute : « L'épistémologie se distingue surtout de la théorie de la connaissance, telle qu'elle était entendue par les philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles, qui s'étaient préoccupés déjà d'élargir, au contact de la science moderne, les anciennes doctrines sur la connaissance humaine »[28].

À l'entrée « épistémologie » du Vocabulaire technique et critique de la philosophie, une citation de E. Meyerson (dans Identité et réalité) reconnaît que cet ouvrage réfère, par la méthode, au domaine de la philosophie des sciences, ou épistémologie, « suivant un terme suffisamment approché et qui tend à devenir courant »[29]. Le Dictionnaire historique de la langue française précise qu'« Il est donné comme équivalent de philosophie des sciences par Meyerson (1907) »[1].[16]

Comme l'indique effectivement le Dictionnaire historique de la langue française, « l'épistémologie se constitue à un moment où ce n'est plus la philosophie qui donne son statut à la science, mais la science qui peut être l'objet de la philosophie »[1] Un tel moment « correspond à une crise des fondements des mathématiques et de la physique, avec la théorie relativiste »[1].

Dans le sens de théorie de la connaissance[modifier | modifier le code]

Pour d'autres auteurs, l'épistémologie est synonyme de théorie de la connaissance[30] et peut donc se pencher sur des objets non scientifiques.

Dans ce sens là l'épistémologie est l'exact traduction du mot épistémologie en anglais.

Comme branche de la philosophie des sciences (Couturat, Lalande)[modifier | modifier le code]

La plupart des auteurs en privilégient la définition de l'épistémologie comme l'étude critique des sciences[31],[24] et de la connaissance scientifique. C'est une branche de la philosophie des sciences qui « étudie de manière critique la méthode scientifique, les formes logiques et modes d'inférence utilisés en science, de même que les principes, concepts fondamentaux, théories et résultats des diverses sciences, afin de déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée objective »[32].

En distinguant l'épistémologie de la théorie de la connaissance (en allemand : Erkenntnistheorie[33]), André Lalande propose qu'on élargisse « par un autre côté le sens du premier terme [épistémologie], de manière à y comprendre même la psychologie des sciences »[29]. Il précise toutefois que la distinction faite en français entre épistémologie et théorie de la connaissance (gnoséologie), si utile qu'elle soit, n'est usuelle ni en italien, ni en anglais[29].

D'après le Vocabulaire technique et critique de la philosophie en effet, l'épistémologie — pour laquelle le Vocabulaire de Lalande donne comme équivalent en allemand Wissenschaftslehre (Doctrine de la science (de), du titre de la philosophie de Fichte[3]) — ne consiste pas « proprement [en] l'étude des méthodes scientifiques, qui est l'objet de la Méthodologie et fait partie de la Logique. Ce n'est pas non plus une synthèse ou une anticipation conjecturale des lois scientifiques », c'est « plus précisément l'étude critique des principes, des hypothèses et des résultats de diverses sciences, destinée à déterminer leur origine logique (non psychologique), leur valeur et leur portée objective »[29].

Une épistémologie française : l'épistémologie historique[modifier | modifier le code]

Gaston Bachelard se présente comme l'épistémologue du « nouvel esprit scientifique » en France.

À partir d'Auguste Comte, il s'instaure « comme une tradition spécifique dans la culture philosophique française », analyse Pietro Redondi dans l'article « Sciences » du Dictionnaire des sciences historiques d'André Burguière (dir.) : ce sera, écrit-il, « une histoire des sciences avec des fondements philosophiques »[34]. En partant d'une définition actuelle de la connaissance scientifique, il s'agit de valoriser et juger le passé « d'après les normes de la rationalité scientifique ainsi définies »[34].

Cette « histoire épistémologique » initiée par Auguste Comte « se répercutera jusqu'à Gaston Bachelard », en passant par Henri Berr, Paul Tannery, Pierre Duhem, Abel Rey[34]. Successeur de Rey à la « nouvelle chaire d'Histoire et de Philosophie des Sciences à la Sorbonne », Gaston Bachelard se présente comme l'épistémologue du « nouvel esprit scientifique », « en puisant aux sources de la philosophie idéaliste et de la psychanalyse », renouvelant encore une fois par là « l'enseignement rationaliste qui avait été celui de Comte »[34].

Gaston Bachelard deviendra la figure emblématique de la « tradition épistémologique française » qui s'incarnera dans l'épistémologie historique[35].

Georges Canguilhem, quant à lui, confirme cet héritage philosophique par « les études d'histoire conceptuelle des sciences de la vie »[34].

« Science normale » de Thomas Kuhn[modifier | modifier le code]

Les travaux de Thomas Samuel Kuhn vont marquer une rupture fondamentale en philosophie, en histoire et en sociologie des sciences[36]. Il va historiciser la science et rejeter une conception fixiste de la science. Son ouvrage principal en la matière, La Structure des révolutions scientifiques (1962) pose qu'« il est ainsi difficile de considérer le développement scientifique comme un processus d’accumulation, car il est difficile d’isoler les découvertes et les inventions individuelles ».

« Lorsque les scientifiques ne peuvent plus ignorer plus longtemps des anomalies qui renversent la situation établie dans la pratique scientifique, alors commencent les investigations extraordinaires qui les conduisent finalement à un nouvel ensemble de convictions, sur une nouvelle base pour la pratique de la science » ajoute-t-il, qualifiant ces bases pratiques de paradigmes scientifiques (comme la lumière considérée comme un corpuscule, puis comme une onde, puis enfin comme une particule). Ces « épisodes extraordinaires » sont comme des « révolutions scientifiques » (ainsi celles apportées par Isaac Newton, Nicolas Copernic, Lavoisier, ou encore Einstein) : toutes viennent renverser un paradigme dominant. L'état d'une science, des connaissances et du paradigme, à une période donnée, constitue la « science normale » qui est selon Kuhn « une recherche fermement accréditée par une ou plusieurs découvertes scientifiques passées, découvertes que tel ou tel groupe scientifique [a considérées] comme suffisantes pour devenir le point de départ d’autres travaux. »

La science prise pour objet d'étude[modifier | modifier le code]

L’épistémologie est l'étude critique des sciences[24],[37],[38]. Selon Jean-Claude Simard, comme elle est à la fois « analytique et réflexive, elle constitue en ce sens une démarche du second degré examinant une activité première »[24].

Qu'est-ce que la science ?[modifier | modifier le code]

Au cours du XXe siècle, on assiste à des variations dans les contenus de l'épistémologie : en essayant de répondre à la question « qu'est-ce que la science ? », l'épistémologie se heurte en effet au « problème de l'unité scientifique et à celui des formes de la connaissance ». Autrement dit, la question pourrait se formuler ainsi : « y a-t-il rupture ou continuité entre la connaissance commune et la science ? »[1].

Dans le Dictionnaire historique de la langue française, il est notamment précisé qu'« au sens large, également repris de l'anglais pour désigner (1941) la théorie de la connaissance et de sa validité, l'emploi du mot [« épistémologie » venu de l'anglais epistemology] a été critiqué »[1].

Entre histoire et philosophie[modifier | modifier le code]

Selon Étienne Anheim, « depuis le XVIIIe siècle, la philosophie occidentale a été fortement infléchie dans un sens épistémologique, en particulier sous l'influence de Kant »[39].

En France et pour un historien comme Étienne Anheim, l'épistémologie « inspirée des sciences physiques [...] possède une nature proprement philosophique qui a souvent été sous-estimée par rapport au débat entre historiens méthodiques et sociologues durkheimiens » (Anheim évoque Paul Lacombe, auteur en 1894 de l'ouvrage De l'histoire considérée comme science, et François Simiand, auteur du « célèbre » article « Méthode historique et science sociale », paru en 1903 dans la Revue de synthèse historique)[39].

En Allemagne, à la même époque, Wilhelm Dilthey ou Max Weber distinguent au contraire les sciences de la nature des sciences de l'esprit, ce qui « les conduit à mobiliser également des ressources philosophiques, empruntées à la tradition herméneutique développée depuis Schleiermacher, qui trouve sa postérité chez Hans Georg Gadamer »[39].

D'après Anheim, le philosophe français Bergson exerça une « influence souterraine sur la conception du temps [dans le corpus] des Annales »[39]. Et L'introduction à la philosophie de l'histoire de Raymond Aron, paru en 1938 « peut être considéré comme un écho français à la discussion épistémologique allemande sur le statut de la connaissance historique dans une perspective herméneutique »[39]. D'autres exemples dans l'actualité de la réflexion historique sur le temps (François Hartog, Georges Didi-Huberman) « s'articulent à la tradition philosophique allemande, de Walter Benjamin à Reinhart Koselleck »[39].

Étienne Anheim montre ainsi comment :

« dans le domaine épistémologique, des traditions historiques et philosophiques se lient les unes aux autres pour produire des théories souvent concurrentes de la connaissance. Cet effort se déroule sur la toile de fond de l'essor d'une épistémologie des sciences fortement liées à la philosophie et à l'histoire des disciplines scientifiques[39]. »

Classification des sciences : tradition française et tradition allemande[modifier | modifier le code]

Classification des sciences d'après Auguste Comte (représentation graphique en anglais)
Wilhelm Dilthey distingue les Sciences naturelles (Naturwissenschaft (de)) et les « Sciences de l'esprit » (Geisteswissenschaften).

Selon Anastasios Brenner, « la tradition française a longtemps été dominée par l’idée de l’unité du savoir », idée dont les origines remonteraient sûrement à Descartes[40]. Même si Ampère a proposé de distinguer « entre sciences cosmologiques et sciences noologiques »[note 3], en quoi il préfigurait Dilthey, Auguste Comte s'y est opposé, de sorte que c'est la classification comtienne des sciences qui l'a emporté, parce qu'elle est apparue « bien supérieure à celle de son adversaire »[40]. Dès lors, « l’influence profonde du positivisme en France au XIXe siècle a eu pour effet d’enraciner une conception unitaire de la science »[40].

Dans la tradition allemande, c'est au contraire « l’idée d’une dichotomie entre Naturwissenschaften et Geiteswissenschaften » qui domine[40]. Et l’influence allemande va conduire à un « renversement de perspective en France », où l'idée d'une dichotomie s'installe au cours du XXe siècle. Brenner constate là un « chassé-croisé curieux », entre la montée en puissance du positivisme et « l’affirmation de l’unité des sciences en Autriche par le Cercle de Vienne »[40].

Dans le débat entre les sciences de la nature et les sciences de l'homme, écrit Anastasios Brenner, « il reste à savoir si le style d’explication adopté dans les sciences de la nature peut valoir dans un domaine où la contingence figure de façon essentielle »[40].

L'épistémologie dans l'histoire des sciences et de la philosophie[modifier | modifier le code]

L'histoire des sciences et de la philosophie a produit de nombreuses théories quant à la nature et à la portée du phénomène scientifique. Il existe ainsi un ensemble de grands modèles épistémologiques qui prétendent expliquer la spécificité de la science. Le XXe siècle a marqué un tournant radical. Très schématiquement, aux premières réflexions purement philosophiques et souvent normatives sont venus s’ajouter des réflexions plus sociologiques et psychologiques, puis des approches sociologiques et anthropologiques dans les années 1980, et enfin des approches fondamentalement hétérogènes à partir des années 1990 avec les Science studies. Le discours sera également interrogé par la psychologie avec le courant du constructivisme.

Pour Bruno Latour dans l'un de ses livres, l'épistémologie s'intéresse à la « science en action », c'est-à-dire à sa mise en œuvre au quotidien et plus seulement à la nature des questions théoriques qu'elle produit.

Selon Hervé Barreau, l'épistémologie moderne tire son origine du criticisme de Kant au XVIIIe siècle et du positivisme de Comte aux XIXe et XXe siècles[41]. Mais elle puise également à des traditions plus anciennes, dont les traditions antique et cartésienne. C'est au début du XXe siècle que l'épistémologie se constitue en champ disciplinaire autonome.

Toujours selon Hervé Barreau, « la substitution de l'épistémologie à la théorie classique de la connaissance […] a eu au moins le mérite de manifester clairement la différence entre la connaissance commune et la connaissance scientifique »[42].

Parménide

Antiquité[modifier | modifier le code]

D'après Maurice Sachot, Parménide serait le fondateur de l'épistémologie, en exposant dans la première partie du Poème les règles épistémiques auxquelles toute connaissance du réel doit se soumettre pour prétendre à quelque vérité. Et en présentant dans la seconde partie sa propre conception du monde (sa doxa), proposant un modèle théorique d’interprétation, qu’il nomme diakosmos, « transmonde », et dont la métaphore clé est la reproduction sexuée, il peut aussi être considéré comme le père de la science au sens moderne du mot[43].

Cartésianisme et rationalisme[modifier | modifier le code]

Le rationalisme est un courant épistémologique, né au XVIIe siècle, et pour lequel « toute connaissance valide provient soit exclusivement, soit essentiellement de l'usage de la raison »[44].

René Descartes.

Des auteurs comme René Descartes (on parle alors du cartésianisme), ou Leibniz fondent les bases conceptuelles de ce mouvement, qui met en avant le raisonnement en général, et plus particulièrement le raisonnement déductif, dit aussi analytique. Il s'agit donc d'une théorie de la connaissance qui postule le primat de l'intellect. L'expérimentation y a un statut particulier : elle ne sert qu'à valider ou réfuter les hypothèses. En d'autres mots, la raison seule suffit pour départager le vrai du faux dans le raisonnement rationaliste. Les rationalistes prennent ainsi comme exemple le célèbre passage du dialogue de Platon, dans le Ménon, où Socrate prouve qu'un jeune esclave illettré, étape par étape et sans son aide, peut refaire et redémontrer le théorème de Pythagore.

Le rationalisme, surtout moderne, prône le primat des mathématiques sur les autres sciences. Les mathématiques représentent, en effet, le moyen intellectuel démontrant que l'intellect et la raison peuvent parfois se passer de l'observation et de l'expérience. Déjà Galilée, en 1623, suivant la conception cosmologique proposée par Platon dans le Timée, expliquait dans son ouvrage L'essayeur — qui est également une démonstration de logique — :

« Le grand livre de l'Univers est écrit dans le langage des mathématiques. On ne peut comprendre ce livre que si on en apprend tout d'abord le langage, et l'alphabet dans lequel il est rédigé. Les caractères en sont les triangles et les cercles, ainsi que les autres figures géométriques sans lesquelles il est humainement impossible d'en déchiffrer le moindre mot. »

Empirisme[modifier | modifier le code]

Isaac Newton.

L'empirisme postule que toute connaissance provient essentiellement de l'expérience. Représenté par les philosophes anglais Francis Bacon, John Locke et George Berkeley, ce courant postule que la connaissance se fonde sur l'accumulation d'observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois par un raisonnement inductif (dit aussi synthétique), allant par conséquent du concret à l'abstrait. L'induction consiste, selon Hume en la généralisation de données de l'expérience pure[45], appelée « empirie » (ensemble des données de l'expérience), qui est ainsi l'objet sur lequel porte la méthode. Néanmoins, Bertrand Russell mentionne dans son ouvrage Science et Religion ce qu’il nomme le « scandale de l’induction » : cette méthode de raisonnement n'a rien d'universel, en effet, et selon lui les lois admises comme générales par l'induction n'ont été cependant vérifiées que pour un certain nombre de cas expérimentaux. Dans l'empirisme, le raisonnement est secondaire alors que l'observation est première[note 4]. Les travaux d'Isaac Newton témoignent d'une méthode empirique dans la formalisation de la loi gravitationnelle.

L'empirisme se décompose lui-même en sous-courants[46] : le matérialisme qui explique que seule l'expérience sensible existe ; le sensualisme qui considère que les connaissances proviennent des sensations (c'est la position de Condillac par exemple) ; l'instrumentalisme, qui voit dans la théorie un outil abstrait ne reflétant pas la réalité.

Enfin, l'empirisme aurait percé dans le champ scientifique, selon Robert King Merton (dans Éléments de théorie et de méthode sociologique, 1965) grâce à ses liens étroits avec l'éthique protestante et puritaine. Le développement de la Royal Society de Londres, fondée en 1660 par des protestants, en est ainsi l'expression aboutie : « la combinaison de la rationalité et de l'empirisme, si évidente dans l'éthique puritaine, forme l'essence de la science moderne », explique Merton.

Par delà l'empirisme et le rationalisme : Francis Bacon[modifier | modifier le code]

Francis Bacon

Avec l'ambition de refonder la science, et plus encore de réaffirmer l'esprit scientifique, dans un contexte historique dominé par les doctrines et les théories, Francis Bacon, se proposa de dépasser les écueils de l'empirisme et du rationalisme :

« Les sciences ont été traitées, ou par les empiristes, ou par les dogmatiques. Les empiriques, semblables aux fourmis, ne savent qu'amasser et user ; les rationalistes, semblables aux araignées font des toiles qu'ils tirent d'eux-mêmes ; le procédé de l'abeille tient le milieu entre ces deux : elle recueille ses matériaux sur les fleurs des jardins et des champs, mais elle les transforme et les distille par une vertu qui lui est propre : c'est l'image du véritable travail de la philosophie, qui ne se fie pas aux seules forces de l'esprit humain et n'y prend même pas son principal appui, qui ne se contente pas non plus de déposer dans la mémoire, sans y rien changer, des matériaux recueillis dans l'histoire naturelle et les arts mécaniques, mais les porte jusque dans l'esprit, modifiés et transformés. C'est pourquoi il y a tout à espérer d'une alliance intime et sacrée de ces deux facilités expérimentale et rationnelle ; alliance qui ne s'est pas encore rencontrée (Novum organum). »

Épistémologie kantienne : le criticisme[modifier | modifier le code]

Pour Roger Verneaux, qui a étudié la pensée de Kant, l'épistémologie est, au suprême degré, et avant tout, « la critique de la connaissance ». C'est la plus noble des entreprises humaines en tant que préalable à toute entreprise scientifique[47].

D'après Bertrand Russell, Kant est « le créateur de l'Épistémologie ».

Kant offre un changement de perspective radical vis-à-vis de l'empirisme : c'est une véritable révolution épistémologique, qu'il qualifie lui-même par l'expression célèbre de « révolution copernicienne ». Hume avait déjà placé le sujet au centre de la connaissance. Kant, lui, va jusqu'à affirmer que la véritable origine de la connaissance est dans le sujet et non dans une réalité vis-à-vis de laquelle nous serions passifs[réf. nécessaire].

Il reprend certains principes des empiristes : « Ainsi, dans le temps, aucune connaissance ne précède l'expérience, et toutes commencent avec elle », explique-t-il dans Critique de la raison pure.

Ainsi pour Kant, note Claude Mouchot[48], « l'objet en soi, le noumène, est et restera inconnu » et « nous ne connaitrons jamais que les phénomènes », et en cela Kant reste très actuel. Selon les termes de Kant (Critique de la raison pure) « il n’y a que les objets des sens qui puissent nous être donnés […] ils ne peuvent l’être que dans le contexte d’une expérience possible ».

Kant reste également très actuel par sa « reconnaissance de l'existence de cadres (spatio-temporels), au travers desquels le réel se présente à nous » écrit encore Claude Mouchot[48]. Toutefois, le caractère a priori de ces cadres de la mécanique classique (seule existante au temps de Kant) ne peut plus être accepté aujourd'hui, à la suite notamment de la remise en cause de la notion d'espace-temps par la mécanique relativiste[réf. nécessaire]. Tout au moins pouvons-nous considérer ces cadres comme étant construits par le sujet, ce qui est le point de vue du constructivisme. Russel fait remonter la filiation de l'épistémologie à Kant :

« Ce fut seulement de Kant, le créateur de l'Épistémologie, que le problème géométrique reçut sa forme actuelle »[49].

On a considéré à l'époque — peut-être à tort — que la problématique de Fichte était éloignée de la problématique kantienne et l'on a attribué le concept d'épistémologie à Eduard Zeller, lequel utilise le mot allemand Erkenntnistheorie (« théorie de la connaissance ») dans un sens kantien[pertinence contestée][50], c'est-à-dire portant sur la possibilité de la connaissance et les fondements des sciences particulière.[19]

Subjectivité postkantienne : Idéalisme allemand, « Sciences de l'esprit »[modifier | modifier le code]

De Kant à Hegel[modifier | modifier le code]

Idéalisme allemand : Kant, Fichte, Schelling, Hegel

Alors qu'on a souvent évoqué l'influence qu'auraient exercée Descartes et Rousseau dans la philosophie allemande, notamment dans « l’idéalisme multiforme qui s’est développé de Kant à Hegel, à savoir Descartes pour la philosophie théorique et Rousseau pour la philosophie pratique », Bernard Bourgeois considère qu'« en ce qui concerne Descartes, son influence a été fort limitée » : les problématiques de Descartes d'une part, de Kant et de ses successeurs d'autre part, sont à ses yeux très différentes[51]. Dans le Cogito, la problématique cartésienne est ontologique, elle « s’interroge sur ce qui est véritablement » : la problématique de la réflexion y est provisoire, pour laisser la place peu après « à une problématique d’un tout autre type, privilégiant dans son objet essentiellement la déduction, et une déduction à portée ontologique »[51]. Chez Kant et les postkantiens, « la problématique philosophique se déploie sur la base d’une science constituée, une science qui réussit, à savoir la physique newtonienne notamment. Elle ne présente pas une interrogation ontologique, mais une interrogation sur l’ontologie »[51]. Pour le Je pense transcendantal, la question devient celle de savoir « comment un discours scientifiquement assuré est possible »[51].

Dans l'idéalisme allemand, « tout le champ du savoir s’étend d’une réflexivité première – celle du Je pense – à une réflexivité dernière – la réflexivité essentiellement éthique ». Chez Fichte, « la conscience de soi la plus concrète, la représentation de soi la plus totale, est celle du Je éthique »[51]. Cette « présence à soi de la pensée », qui n'est en fait pas une « réflexion proprement dite », Fichte la désigne du terme « intuition » : « il s’agit de l’intuition intellectuelle, de l’intuition de l’intellect, en tant que l’intellect, à la différence de la sensibilité, réceptivité ou passivité, est une activité. L’intuition intellectuelle est la présence à soi immédiate de l’agir qu’est la pensée »[51].

Selon Alexis Philonenko, Fichte, qui trouvait la philosophie de Kant « inachevée », peut être considéré comme « une marche dans l'escalier menant via Schelling de Kant à Hegel »[52].

En reprenant l'idée kantienne que la subjectivité est un des fondements de toute philosophie, la subjectivité étant le fondement de la « philosophie transcendantale » (cf. §16 de la Critique de la raison pure), Hegel re-développe l'idée d'une subjectivité absolue, au travers du concept de Moi chez Fichte, pour en faire une phénoménologie de l'esprit. Il s'agit aussi pour les penseurs de cette époque de défendre la primauté de l'Esprit sur la nature[53].

D'une « conception encyclopédique de la science » aux sciences de l'esprit (Geisteswissenschaften)[modifier | modifier le code]

Dans les premières années du XIXe siècle, Schelling et surtout Hegel « conçoivent l'idée d'une philosophie ou “science de l'esprit” »[54]. Cette « science philosophique » est exposée dans la troisième et dernière partie de l' Encyclopédie des sciences philosophiques (1817, 1820-1830) qui représente « le système achevé de Hegel » (la première partie traite de la logique et la seconde partie de la philosophie de la nature)[54].

Selon Myriam Bienenstock, c'est à cette « conception encyclopédique de la science, héritée du XVIIIe siècle », que s'oppose, dans la première moitié du XIXe siècle, ce que Heinrich Heine a dénommé l'« école romantique ». Cette dernière reprend, en la transformant, l'opposition aristotélicienne de la « science » à l'« histoire »[54]. Pour ses adeptes en effet, « l'histoire relève d'autres démarches que celles réservées à la “science” proprement dite parce qu'elle traite, par définition, de ce qui est singulier, unique — individuel »[54]. À cette raison s'ajoute celle « du changement, de l'historicité fondamentale de l'être humain » que, dans la seconde moitié du XIXe siècle, vont mettre en avant les partisans de l'historicisme. Ou s'y ajoute encore « l'idée selon laquelle le comportement humain, précisément parce qu'il est l'expression d'une individualité singulière, située dans l'histoire, devrait être compris plutôt que simplement expliqué, comme le veulent les sciences de la nature »[54].

Dans le sillage de la « philosophie de la vie » (Lebensphilosophie) : Bergson, Dilthey, Nietzsche, Schopenhauer.

Isabelle Kalinowski rapporte la « formule demeurée fameuse » de Wilhelm Dilthey[55] :

« Nous expliquons la nature, nous comprenons la vie psychique »

— Wilhelm Dilthey

L'opposition de « l’expliquer » (erklären) et du « comprendre » (verstehen) correspond donc au « dualisme des types de sciences » : les sciences de la nature s'opposent aux sciences de l’esprit chez Dilthey[55]. Ou autrement dit, « les “sciences de l'esprit” ou Geisteswissenschaften sont fondamentalement distinctes des sciences de la nature »[54].

D'après Sylvie Mesure, « le philosophe allemand Wilhelm Dilthey, dès son Introduction » aux sciences de l'esprit (1883), désigna son entreprise comme une « critique de la raison historique » : ce qu'avait fait la Critique de la raison pure à l'égard des sciences de la nature, il s'est agi pour lui de le transposer aux sciences historiques, en posant le problème de leur objectivité et de ses limites »[56]. L'entreprise de Dilthey visait d'une part à « isoler les sciences historiques des sciences physiques, en dégageant leurs principes propres », d'autre part, et c'est épistémologiquement le plus important, « à établir l'autonomie de ces sciences de la réalité sociale, culturelle et politique qui rassemble l'historicité de leurs objets ». C'est ici que son œuvre est à l'évidence « en rupture avec l'épistémologie positiviste alors dominante »[56].

Pour Myriam Bienenstock, si la « philosophie de la vie » (Lebensphilosophie) fonde la « science de l'esprit » de Dilthey en rendant compte de ses catégories de base, elle est « étrangère à la « philosophie morale » en honneur en France, tout au long du XIXe siècle »[54]. Mais en Allemagne, l'influence de Dilthey s'est avérée considérable ; elle s'est exercée notamment en histoire de la littérature et en philosophie, a joué un rôle important dans la formation de la pensée de Heidegger ainsi que dans l'herméneutique de Gadamer, c'est-à-dire « bien au-delà des frontières de l'Allemagne »[54].

Tournant positiviste et positivisme logique en France[modifier | modifier le code]

Auguste Comte.

Auguste Comte distingue trois états historiques :

  1. dans l'état théologique, l'esprit de l'homme cherche à expliquer les phénomènes naturels par des agents surnaturels.
  2. dans l'état métaphysique, l'explication se fonde sur des forces naturelles mais encore personnifiées (la théorie de l'éther par exemple).
  3. avec l'état positif, l'esprit ne cherche plus à expliquer les phénomènes par leurs causes, mais il s'édifie sur des faits constatables et mesurables.

Le personnage de Newton est, pour Comte, révélateur de cette « marche progressive de l'esprit humain »[57].

La science doit ainsi mettre en œuvre des hypothèses, permettant de se passer de l'expérience, et aboutissant à la formation de lois non contradictoires. Comte cite ainsi, comme exemple, la théorie de la chaleur de Joseph Fourier, qu'il a bâtie sans avoir à observer la nature du phénomène. Le positivisme met en avant la qualité prédictive de la science, qui permet de « voir pour prévoir » selon les mots de Comte, dans ses Discours sur l'ensemble du positivisme (1843). Néanmoins, pour lui, la méthode scientifique culmine dans la mise en pratique, dans l'action : ce que le discours moderne appellera l'application scientifique. L'ingénierie est ainsi la main de la science, caractérisée par le savoir-faire. La science est avec Comte indissociable de l'action :

« Science, d'où prévoyance ; prévoyance d'où action »

Dans la philosophie de Comte, l'esprit se limite au « comment », et renonce à la recherche du « pourquoi ultime » des choses.

Philosophie contemporaine[modifier | modifier le code]

Le Cercle de Vienne[modifier | modifier le code]

Entrée du « Séminaire de mathématiques » à l'Université de Vienne, Boltzmanngasse, lieu de rendez-vous du Cercle de Vienne.

Le « cercle de Vienne » (Wiener Kreis) qui se forme à partir de 1923 autour de la personnalité de Moritz Schlick, projette de « développer une nouvelle philosophie de la science dans un esprit de rigueur, et en excluant toute considération métaphysique »[58]. Les thèmes principaux élaborés de concert avec une autre association fondée à Berlin par Hans Reichenbach (cercle de Berlin) vont donner naissance au « néo-positivisme, ou positivisme logique »[58]. Si l'avènement du nazisme a contraint le groupe viennois à la diaspora vers l'Amérique et l'Angleterre, la plupart de ses membres y ont poursuivi leur carrière, tandis que « leurs travaux se sont imposés à l'ensemble du monde philosophique »[58].

Pour le philosophe américain Sydney Hook, auquel se réfère Gilles Gaston Granger, le monde philosophique germanique entre les deux guerres se caractériserait en 1930 « par l'influence dominante d'une tradition idéaliste purement autochtone » et ferait preuve d'une « “étonnante indifférence” à l'égard des résultats et des méthodes de la physique moderne » : à l'occasion, on y entendrait dire par exemple « qu'une activité scientifique spécialisée fait obstacle à une intuition philosophique supérieure... » (S. Hook, Journal of American Philosophy, vol. XXVII, no 6, 1930)[58]. Selon Granger, « c'est sans doute contre cette situation que réagissent les fondateurs du cercle de Vienne, qui invoquent le plus souvent comme inspirateurs immédiats Mach, Poincaré, Einstein, Frege, Russell et Wittgenstein »[58].

Karl Popper, « d'après ses propres dires » entend parler du « Cercle de Schlick » surtout vers 1926-1927, rapporte la philosophe Mélika Ouelbani : « il avait fréquenté le séminaire de Carnap et avait eu des discussions privées avec presque tous les membres du Cercle – à savoir, Schlick, Carnap, Waismann, Hahn, Frank, Von Mises, Reichenbach et Neurath »[59]. Selon Ouelbani, Popper aurait en réalité « critiqué le positivisme logique à travers Carnap »[59].

Critiques du positivisme logique[modifier | modifier le code]

Quine et « l'épistémologie naturalisée »[modifier | modifier le code]

Avec l'article Deux dogmes de l'empirisme, Willard Van Orman Quine critique deux aspects centraux du positivisme logique. Le premier est la distinction entre vérités analytiques et vérités synthétiques : il y aurait des propositions vraies indépendamment des faits, qui seraient vraies en vertu de leur seule signification. Le second dogme, le réductionnisme, est la théorie selon laquelle les énoncés doués de sens peuvent être reformulés en énoncés portant sur des données de l'expérience immédiate (dans ce cas un énoncé analytique serait un énoncé confirmé par l'expérience dans tous les cas).

Ce texte constitue une attaque en règle contre l'héritage théorique du positivisme logique. Comme le précise Quine lui-même, « Another effect is a shift toward pragmatism » : « Les deux dogmes de l'empirisme » marque le grand retour du pragmatisme dans la philosophie américaine, au sein même du mouvement intellectuel qui l'avait évincé de la scène intellectuelle : la philosophie analytique (sous sa forme empiriste).

Avec l'« épistémologie naturalisée », Quine, dans un point de vue naturaliste, affirme que la philosophie de la connaissance et des sciences constitue elle-même une activité scientifique, corrigée par les autres sciences, et non pas une « philosophie première » fondée sur une métaphysique.

Critique de l'induction de Mach[modifier | modifier le code]
Ernst Mach.

Inventeur de la mesure de la vitesse de propagation du son, Ernst Mach développa une pensée épistémologique qui influença notamment Albert Einstein. Dans La Mécanique, exposé historique et critique de son développement[60], Mach dévoile la conception mythologique qui sous-tend les représentations mécanistes de son époque et qui aboutissent au conflit des spiritualistes et des matérialistes. Mais la critique de Mach porte surtout sur la méthode de l'induction, pendant de la déduction. Dans La Connaissance et l'erreur (1905), Mach explique que le travail du savant porte avant tout sur les relations des objets étudiés entre eux, et non sur leur classement. La démarche de recherche est avant tout mentale conclut Mach : « Avant de comprendre la nature, il faut l'appréhender dans l'imagination, pour donner aux concepts un contenu intuitif vivant »[61]. Par ailleurs, Mach défend l'idée que la science est symbolique, thèse qu'il reprend chez Karl Pearson dans La Grammaire de la science (1892)[62] et qui explique que la science est « une sténographie conceptuelle ». Mach annonce que seule la méthode empirique est scientifique :

« Nous devons limiter notre science physique à l'expression des faits observables, sans construire d'hypothèses derrière ces faits, où plus rien n'existe qui puisse être conçu ou prouvé[63] »

Réfutabilité de Karl Popper[modifier | modifier le code]
Karl Popper vers 1980.

Le philosophe autrichien Karl Popper (1902-1994) bouleverse l'épistémologie classique en proposant une nouvelle théorie de la connaissance, dès 1934 avec la Logique de la découverte scientifique. Il donne à l'épistémologie de nouveaux concepts et outils d'examen, comme la réfutabilité (capacité d'une théorie scientifique de se soumettre à une méthode critique sévère) ou l'infaillibilité (qui définit a contrario les théories métaphysiques, psychanalytiques, marxistes, astrologiques). Il propose ainsi de voir dans la réfutabilité le critère permettant de distinguer la science de la non-science. Un énoncé est ainsi « empiriquement informatif, si et seulement s'il est testable ou réfutable, c'est-à-dire s'il est possible, au moins en principe, que certains faits puissent le contredire »[64]. Néanmoins, Popper admet que les énoncés non réfutables peuvent être heuristiques et avoir un sens (c'est le cas des sciences humaines).

Popper émet par ailleurs une critique de la thèse de l'unicité de la science, notamment dans son ouvrage La Logique de la découverte scientifique. L'idée d'un système de connaissance est futile selon lui : « nous ne savons pas, nous ne faisons que conjecturer. » L’idéal d’une connaissance absolument certaine et démontrable s’est révélé être une idole. Selon lui, enfin, l'induction n'a aucune valeur scientifique :

« Il n'y a pas d'induction parce que les théories universelles ne sont pas déductibles d'énoncés singuliers[65]. »

« Programmes de recherche scientifique » de Imre Lakatos[modifier | modifier le code]

La pensée d'Imre Lakatos (1922-1974) est en droite file de celle de Popper. Il est le créateur de la notion de « programmes de recherche scientifique » (P.R.S) qui est un corpus d'hypothèses théoriques lié à un plan de recherche au sein d'un domaine particulier (un « paradigme ») comme la métaphysique cartésienne par exemple. Lakatos, bien qu'étant l'élève de Karl Popper, s'oppose à lui sur le point de la réfutabilité. Un programme de recherche est selon lui caractérisé à la fois par une heuristique positive (qui définit ce qu'il faut chercher et quelle méthode utiliser) et une heuristique négative (les hypothèses sont inviolables).

Holisme épistémologique[modifier | modifier le code]

Opposé à toute interprétation matérialiste et réaliste de la chimie et de la physique, Pierre Duhem proposa une conception qu'on qualifiera ensuite d'« instrumentaliste » de la science dans La Théorie physique. Son objet et sa structure (1906). Selon l'instrumentalisme, la science ne décrit pas la réalité au-delà des phénomènes mais n'est qu'un instrument le plus commode de prédiction.

Le holisme épistémologique de Quine ne se limite pas à la physique comme celui de Duhem, ni même aux sciences expérimentales comme celui de Carnap mais s'étend à toute la science, logique et mathématique comprise.

Phénoménologie de Husserl[modifier | modifier le code]

Pour Edmund Husserl, la phénoménologie prend pour point de départ l'expérience en tant qu'intuition sensible des phénomènes afin d'essayer d'en extraire les dispositions essentielles des expériences ainsi que l'essence de ce dont on fait l'expérience.

Constructivisme et systémique[modifier | modifier le code]
Jean Piaget, fondateur de l'épistémologie génétique.

Le terme constructivisme est né au début du XXe siècle avec le mathématicien néerlandais Brouwer qui l'utilisa pour caractériser sa position sur la question des fondements en mathématiques comme discipline maîtresse. Mais c'est surtout Jean Piaget qui a su apporter au constructivisme ses lettres de noblesse : avec la publication en 1967 de l'encyclopédie de la Pléiade et notamment du volume XXII : Logique et connaissance scientifique, il opère selon Jean-Louis Le Moigne une « renaissance du constructivisme épistémologique, notamment à partir des travaux de Bachelard »[66]. Toutefois, selon Ian Hacking, c'est Kant qui fut le « grand pionnier de la construction »[67].

L'école constructiviste n'accepte comme vrai que ce que le scientifique peut construire, à partir d'idées et d'hypothèses que l'intuition (comme fondement des mathématiques) accepte comme vraies, et qui sont représentables. Le psychologue et épistémologue Jean Piaget expliquera ainsi que le « fait est (…) toujours le produit de la composition, entre une part fournie par les objets, et une autre construite par le sujet »[68]. L'expérimentation ne sert alors qu'à vérifier la cohérence interne de la construction (c'est la notion de modèle épistémologique).

Piaget étendra cependant le cadre constructiviste à ce qu'il nomme l'« épistémologie génétique » qui étudie les conditions de la connaissance et les lois de son accroissement, en lien avec le développement neurologique de l'intelligence. Pour lui, l'épistémologie englobe la théorie de la connaissance et la philosophie des sciences (ce qu'il nomme le « cercle des sciences » : chaque science renforce l'édifice des autres sciences). Autrement dit, « la succession des sciences dans l'histoire obéit à la même logique que l'ontogenèse des connaissances »[69]. Sans parler de ressemblance totale, les mécanismes, de l'individu au groupe de chercheurs et donc, aux disciplines scientifiques, sont communs (Piaget cite ainsi l'« abstraction réfléchissante »).

Refusant l'empirisme, l'épistémologie constructiviste pose que la connaissance se fait au moyen d'une dialectique, du sujet à l'objet et de l'objet au sujet, par un aller et retour expérimental.

Jean Piaget[70] proposait de définir l’épistémologie « en première approximation comme l’étude de la constitution des connaissances valables », dénomination qui, selon Jean-Louis Le Moigne, permet de poser les trois grandes questions de la discipline :

  1. Qu’est ce que la connaissance et quel est son mode d'investigation (c'est la question « gnoséologique ») ?
  2. Comment la connaissance est-elle constituée ou engendrée (c'est la question méthodologique) ?
  3. Comment apprécier sa valeur ou sa validité (question de sa scientificité) ?

Ces travaux vont inspirer plusieurs auteurs. Certains, liés à la systémique, sont publiés par Paul Watzlawick en 1980 dans l’ouvrage L’invention de la réalité – Contributions au constructivisme[71]. Edgar Morin offre au constructivisme son « discours de la méthode » avec La Méthode[66]. Herbert Simon renouvelle la classification des sciences avec Les sciences de l’artificiel[72].

Structuralisme[modifier | modifier le code]

Le structuralisme est un ensemble de courants holistes en épistémologie apparus principalement en sciences humaines et sociales au milieu du XXe siècle, ayant en commun l'utilisation du terme de structure entendue comme modèle théorique (inconscient, ou non empiriquement perceptible) organisant la forme de l'objet étudié pris comme un système, l'accent étant mis moins sur les unités élémentaires de ce système que sur les relations qui les unissent. La référence explicite au terme structure, dont la définition n'est pas unifiée entre les différents courants de pensée concernés, se systématise progressivement avec la construction institutionnelle des sciences humaines et sociales à partir de la seconde moitié du XIXe siècle dans la filiation positiviste ; cependant certains auteurs font remonter bien antérieurement (jusqu'à Aristote) la généalogie du structuralisme.

La définition du structuralisme et de ses frontières disciplinaires est devenue un champ de recherche à part entière, complexe et en évolution rapide. Actuellement, le terme en français tend à désigner deux types de phénomènes :

  • dans le sens le plus connu (structuralisme généralisé)[73], une période particulière de l'histoire des idées scientifiques, un phénomène transitoire de mode intellectuelle à caractère contestataire ayant eu cours entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, essentiellement en France, débordant largement les frontières universitaires pour envahir le champ littéraire, médiatique et politique ; ce « moment structuraliste », inspiré essentiellement de la linguistique saussurienne et très marqué par son formalisme, s'est organisé autour d'un petit nombre de personnalités-phares : Roland Barthes en littérature, Jacques Lacan en psychanalyse, Michel Foucault et Louis Althusser en philosophie ;
  • dans son acception épistémologique plus spécialisée[74],[75], un paradigme scientifique proche de la systémique où la notion de structure est centrée sur la genèse dynamique des systèmes de l'esprit et du sens, entendus au sens de la philosophie de la forme, avec une généalogie remontant jusqu'à Aristote ; c'est dans cette lignée naturaliste du structuralisme que s'est situé l'ethnologue Claude Lévi-Strauss, en développant à partir des années 1950 l'anthropologie structurale en rupture avec les courants de l'anthropologie anglo-saxonne de l'époque (évolutionnisme, diffusionnisme, culturalisme, fonctionnalisme).
Michel Foucault[modifier | modifier le code]

Pour Hervé Barreau[76], « on a désigné [dans le passé] en France par épistémologie l'étude de l’épistémè, c'est-à-dire de ce que Michel Foucault considérait comme un corps de principes, analogues aux “paradigmes” de T. S. Kuhn, qui sont à l’œuvre simultanément dans plusieurs disciplines, et qui varient dans le temps de façon discontinue ». […] C'est pourquoi la conception foucaldienne de l'épistémologie, que son auteur avait bornée du reste aux sciences de la vie et aux sciences de l'homme, ne peut prétendre occuper le terrain de ce qu'on entendait jadis par la philosophie des sciences.

Cette épistémologie foucaldienne est incluse dans l'épistémologie actuelle.

Épistémologie comparative de Gilles Gaston Granger[modifier | modifier le code]
Gilles Gaston Granger.

Introduite par Gilles Gaston Granger, l'Épistémologie comparative a pour objet la comparaison de théories ou de systèmes scientifiques en vue de dégager « l'homologie formelle du fonctionnement de différents concepts dans ces structures »[77].

Une chaire d'Épistémologie comparative a été créée au Collège de France en 1987[note 5].

Épistémologie complexe[modifier | modifier le code]

Dans ce courant de pensée, l'objet à étudier est considéré comme un système complexe, c'est-à-dire qu'il est fonction d'une multitude de paramètres et inclut des inerties, des non-linéarités, des rétroactions, des récursivités, des seuils, des jeux de fonctionnement, des influences mutuelles de variables, des effets retard, des hystérésis, des émergences, de l'auto-organisation, etc. Il est en relation avec son milieu, qui l'alimente en entrées (par ex. énergie et commandes) et à qui il donne des sorties (par ex. production et déchets).

En France, Henri Poincaré est un précurseur de cette approche[78]. Edgar Morin et Jean-Louis Le Moigne l'ont développé par leurs travaux, écrits et conférences.

Questions et applications[modifier | modifier le code]

Jean Ladrière donne une définition de la rationalité scientifique : « Une démarche rationnelle, dans l'ordre cognitif comme dans l'ordre de l'action, est une démarche qui s'accompagne de la monstration de sa validité ou de sa légitimité, conformément à des critères qui peuvent eux-mêmes être reconnus comme acceptables au regard d'une critique éventuelle »[79]. L'exigence fondatrice de la rationalité c'est la nécessité de justifier le pourquoi de ses jugements.

« La recherche de rationalité est une démarche atemporelle, mais les formes de la raison sont […] historiques et donc contingentes », nous dit Michel Morange[80].

On retrouve dans ces différentes questions des aspects descriptifs et normatifs.

Contexte de découverte et contexte de justification : pendant longtemps, la question de la découverte ne relève pas de l'épistémologie, mais au mieux de la psychologie (recherche des intentions, des pré-pensés… du chercheur).

Les choses ont changé progressivement : l'épistémologie moderne ré-interroge les corpus de connaissances scientifiques acquises et questionne les contextes de découverte, de validation, de communication et d'enseignement de la Science et de la recherche en train de se faire[81].

Thèmes de l'épistémologie[modifier | modifier le code]

L'épistémologie est principalement axée sur l'analyse de la spécificité et des conditions d'existence de la connaissance scientifique. Autrement dit, elle se penche sur des questions telles que : qu'est-ce qu'une science et comment la reconnaît-on ? Quelles sont les différences entre une connaissance scientifique et un savoir qui ne l'est pas ?[82]

Sur la méthode scientifique elle-même[83] ont retrouve les questionnement sur l'explication ; la confirmation ; la causalité ; le réalisme scientifique et l'ontologie des objets de la science, donc débarrassée de toute métaphysique.

On trouve ensuite d'autres thèmes : le changement dans la science (nommée la « paradigmatologie » par Edgar Morin), l'impact du concept de l'émergence sur la notion de réduction en science, les approches syntaxiques et sémantiques dans l'analyse des théories scientifiques.

Thèmes des épistémologies des sciences spéciales[modifier | modifier le code]

L'épistémologie régionale de la science (cas de la biologie par exemple) a conduit à la déclinaison en épistémologies des sciences spéciales. Il peut s'agir[83] :

  • d'un thème général qui a été particularisé par la science spéciale ;
  • de l'émergence sur le devant de la scène d'un nouveau thème lié spécifiquement à la science spéciale et qui ne se généralise pas aux autres disciplines.

Par exemple, le thème de l'éthique qui est posée à l'économie dont on ne peut accepter que la science qui la prend pour objet ne s'inquiète pas du sort de populations fragiles (page 109)[41].

Certains auteurs ont voulu « imposer » à l'épistémologie des processus d'une science spéciale : par exemple l'épistémologie évolutionniste « calque » sur l'épistémologie la théorie évolutionniste des espèces décrite dans la biologie.

Production des connaissances scientifiques[modifier | modifier le code]

Les questions épistémologiques portent par exemple sur :

  • Quelle place accorder à l'intuition, à la créativité, à l'imagination, à l'analogie entre disciplines, à la sérendipité ?
  • Quelles méthodes ? La question de la déduction, de l'induction
  • Quelles formes de validations ?… On trouve ici la question de l'explication, de la validation…
  • Il y a aussi la question de l'unité de la science ou de production de science dans un contexte pluridisciplinaire/interdisciplinaire[84].

Un exemple volontiers cité[note 6] est l'étonnement des mathématiciens grecs devant le fait que la diagonale du carré ne puisse correspondre à aucune fraction irréductible p/q, à une époque où on n'imaginait de nombres que rationnels (l'irrationalité de pi était encore inconnue). En effet, on aurait eu alors (p/q)² = 2, soit p² = 2 q². Cela aurait impliqué que p² soit pair, soit p = 2k ; mais en ce cas p² aurait valu 4k² et la fraction p/q n'aurait pas été irréductible, ce qui était contraire à l'hypothèse.

Déduction[modifier | modifier le code]

La méthode hypothético-déductive est régulièrement considérée comme la production scientifique par excellence, surtout depuis que la science s'inscrit dans le paradigme de la recherche appliquée, qui consiste à travailler à résoudre des problèmes identifiés d'avance, selon la méthode du problem-solving. Cependant, la démarche mise en œuvre par les découvreurs échappe régulièrement à cette approche, très rationaliste.

Induction[modifier | modifier le code]

L'induction consiste à se fonder sur l'observation de cas singuliers pour justifier une théorie générale ; c'est l'opération qui consiste à passer du particulier au général. Le problème est de savoir s'il peut être épistémologiquement valide de croire que les théories universelles sont justifiées voire vérifiées par la seule prise en compte d'un grand nombre d'observations singulières passées. Par exemple, nous avons observé que le soleil, jusqu'ici, se lève le matin. Mais rien ne semble justifier notre croyance au fait qu'il se lèvera encore demain. Ce problème avait été jugé insoluble par Hume, pour lequel notre croyance relevait de l'habitude consistant à voir telle cause susciter tel effet, ce qui ne présume pas que ce soit le cas dans la réalité. Cette position non réaliste fut critiquée par Emmanuel Kant, Karl Popper et Ernest Mach bien que le concept d'induction, tout comme celui de réfutation, regroupent aujourd'hui une variété de théories allant des plus naïves aux plus sophistiquées.

Validation des connaissances scientifiques[modifier | modifier le code]

Vérification[modifier | modifier le code]

C'est le problème des fondements de la connaissance scientifique :

  • la nature de la connaissance : connaissance scientifique ou générale, exclusion de la métaphysique de la Science… C'est notamment la question de la démarcation,
  • la validation de la connaissance, de la question du réalisme/antiréalisme, et bien sûr la question du rapport au vrai.

Ce qui mène également à la question du relativisme.

Nature des connaissances[modifier | modifier le code]

Historiquement, cette question épistémologique concerne plus directement la question de savoir comment identifier ou démarquer les théories scientifiques des théories métaphysiques. Au XXIe siècle, il y a aussi le tri entre la connaissance en général et la connaissance véritablement scientifique.

Les philosophes positivistes fondateurs du Cercle de Vienne, pensaient que le seul critère de démarcation qui puisse être valide, (afin d'éliminer la métaphysique), était la vérifiabilité des énoncés singuliers, seules données des sens capables de permettre la vérification des théories générales de la science, à la condition qu'elles soient suffisamment nombreuses et bien observées.

Pour Karl Popper, philosophe des sciences du XXe siècle et adversaire des thèses et du projet du Cercle de Vienne, aucune théorie scientifique générale n'a jamais pu être établie par une quelconque forme d'induction, donc être vérifiée. Il critique le raisonnement par induction : ce dernier a pour lui une valeur psychologique mais pas une valeur logique. De nombreuses observations cohérentes ne suffisent pas à prouver que la théorie qu'on cherche à démontrer soit vraie. A contrario, une seule observation inattendue suffit à réfuter une théorie. Ainsi, mille cygnes blancs ne suffisent pas à prouver que tous les cygnes sont blancs ; mais un seul cygne noir suffit à prouver que tous les cygnes ne sont pas blancs. Voir Paradoxe de Hempel.

Karl Popper pense que les théories scientifiques ne peuvent pas être justifiées, même sur la base d'un très grand nombre d'observations empiriques, elles peuvent seulement être évaluées à partir de tests dont la logique consiste à tenter de mettre à l'épreuve les connaissances scientifiques (la réfutation). Il en résulte qu'une théorie ne peut être « prouvée » mais seulement considérée comme non invalidée jusqu'à preuve du contraire. Partant de là, on peut distinguer :

  • les théories impossibles à réfuter (par l'observation ou l'expérience)
  • les théories qui peuvent être invalidées.

D'autre part il pense qu'aucune théorie scientifique n'est logiquement ou même empiriquement vérifiable si l'on admet sous ce terme la notion de certitude ou de vérification avec certitude. Karl Popper soutient même qu'une théorie ne peut être scientifique que si elle est potentiellement fausse (réfutable), et même fausse en comparaison de la vérité certaine à laquelle elle prétendrait se rapprocher. Seules les théories potentiellement réfutables (celles associables à des expériences dont l'échec prouverait l'erreur de la théorie) font partie du domaine scientifique; c'est le « critère de démarcation des sciences ».

Le problème de la démarcation (identifié comme étant le problème de Kant par Karl Popper[85]) s'articule à celui de la justification des théories :

  • soit selon une méthode inductive,
  • soit par une méthode hypothético-déductive.

Dans le domaine de la science empirique, la vérification devrait plutôt être assimilable à la corroboration (Karl Popper), c'est-à-dire à une forme relative et non absolue de vérité, toujours dépendante des tests scientifiques qui ont pu être réalisés par une communauté de chercheurs. Ainsi, en science, la vérification des théories seraient donc toujours relative à des tests eux-mêmes relatifs à d'autres tests précédents et toujours améliorables, et jamais absolus.

Réfutation[modifier | modifier le code]

Rendu célèbre par l'œuvre de Karl Popper, ce terme implique la possibilité d'évaluer empiriquement les énoncés généraux de la science par l'intermédiaire de tests. Seules les théories formulées de manière à pouvoir permettre la déduction logique d'un énoncé particulier capable potentiellement de les réfuter, peuvent, pour Karl Popper, être considérées comme scientifiques et non métaphysiques.

Mais Popper propose qu'il existe deux niveaux de réfutabilité. La réfutabilité « logique » et la réfutabilité « empirique » ; sachant qu'un énoncé réfutable d'un point de vue logique ne l'est peut-être pas d'un point de vue empirique. Par exemple, l'énoncé « tous les hommes sont mortels » est logiquement réfutable, mais empiriquement irréfutable puisque aucun être humain ne pourrait vivre assez vieux pour vérifier qu'un homme est immortel.

Karl Popper a toujours soutenu qu'aucune réfutation empirique ne pouvait être certaine, car il est toujours possible de sauver une théorie d'une réfutation par l'adoption de stratagèmes ad hoc. En conséquence, pour Popper, le critère de démarcation reposant sur la réfutation, doit avant tout être un critère méthodologique puisque tout reposerait, en dernier ressort, sur les décisions de la communauté scientifique, pour accepter ou rejeter la valeur d'un test, d'une réfutation ou d'une corroboration[86].

Relativisme[modifier | modifier le code]

Paul Feyerabend observait à l'exemple de la naissance de la mécanique quantique que souvent l'avancement scientifique ne suit pas de règles strictes. Ainsi, selon lui, le seul principe qui n'empêche pas l'avancement de la science est « a priori tout peut être bon » (ce qui définit l'anarchisme épistémologique - à distinguer de « tout est bon » (anything goes), que Feyerabend lui-même récusait). Il critique donc l'aspect réducteur de la théorie de la réfutabilité et défend le pluralisme méthodologique. Il existe selon lui une très grande variété de méthodes différentes adaptées à des contextes scientifiques et sociaux toujours différents.

De plus, il remet en question la place que la théorie de la réfutabilité accorde à la science, en faisant d'elle l'unique source de savoir légitime et le fondement d'une connaissance universelle qui dépasse les clivages culturels et communautaires. Enfin, Feyerabend critique le manque de pertinence pour décrire correctement la réalité du monde scientifique et des évolutions des discours et pratiques scientifiques.

Son œuvre principale, Contre la méthode. Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance, fut reçue très négativement par la communauté scientifique, car elle accusait la méthode scientifique d'être un dogme et soulevait la question de savoir si la communauté doit être aussi critique par rapport à la méthode scientifique que par rapport aux théories qui en résultent.

Évolution et dynamique des connaissances[modifier | modifier le code]

La question épistémologique concerne la nature du processus dynamique du changement scientifique :

  • La science avance-t-elle par sauts ? Continuisme et discontinuisme,
  • La science progresse-t-elle que de l'intérieur ? ou bien est-ce que les non scientifiques font progresser la Science ? internaliste et externalisme.
  • Ce qui renvoie à nouveau au problème du relativisme.

Continuisme et discontinuisme[modifier | modifier le code]

Bachelard et l'« obstacle épistémologique » : Gaston Bachelard définit ce dernier, en 1934, dans un article intitulé La formation de l'esprit scientifique, comme étant « la rectification du savoir, l'élargissement des cadres de la connaissance ». Pour lui, le scientifique doit se dépouiller de tout ce qui constitue les « obstacles épistémologiques internes », en se soumettant à une préparation intérieure afin que sa recherche progresse vers la vérité. La notion d’« obstacle épistémologique » est ce qui permet de poser le problème de la connaissance scientifique : c'est à partir du moment où celui-ci est surmonté, donnant lieu à une « rupture épistémologique », que l'on atteint le but recherché. Les obstacles sont, pour Bachelard, non seulement inévitables, mais aussi indispensables pour connaître la vérité. Celle-ci en effet n'apparaît jamais par une illumination subite, mais au contraire, après de longs tâtonnements, « une longue histoire d'erreurs et d'errances surmontées ».

Bachelard dénonce l'opinion que laisse l'expérience empirique et son influence sur la connaissance scientifique : « le réel n'est jamais ce que l'on pourrait croire, il est toujours ce qu'on aurait dû penser », dit-il. « La science s'oppose formellement à l'opinion : l'opinion ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissances ». La connaissance scientifique consistera à revenir sans arrêt sur le déjà découvert.

Mettant l'accent sur la discontinuité dans le processus de la construction scientifique, Thomas Samuel Kuhn discerne des périodes relativement longues pendant lesquelles la recherche est qualifiée de « normale », c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans la lignée des paradigmes théoriques dominants, périodes pendant lesquelles de brefs et inexplicables changements constituent une véritable « révolution scientifique ». Le choix entre les paradigmes n'est pas fondé rationnellement. Cette posture implique que chaque paradigme permet de résoudre certains problèmes et, de là, les paradigmes seraient incommensurables.

Internalisme et externalisme[modifier | modifier le code]

La vision internaliste ne prend en compte que l’histoire des idées scientifiques, de découverte en découverte, indépendamment de tout contexte : les savants sont un monde à part, qui progresse indépendamment du reste. La science se nourrit d’elle-même. Il est ainsi possible de comprendre l’histoire des sciences sans se référer au contexte historique, social, culturel. Dans cette vision l’important, ce sont les étapes de progression de l’histoire scientifique.

La vision externaliste rend au contraire la science dépendante de l’économie, de la psychologie, etc. Cela amène à des conséquences différentes suivant le contexte

Applications[modifier | modifier le code]

Longtemps, l'épistémologie a porté exclusivement sur le contenu de la science, l'histoire de ce contenu, et la généalogie des avancées de ce contenu. La science en tant qu'institution humaine était laissée à d'autres disciplines, notamment à la sociologie. La question de la nature de la science se confondait alors avec celle de la nature de la connaissance scientifique. Mais Hervé Barreau signale que ce contenu de science ne se souciait pas de la différence entre connaissance commune et connaissance scientifique[41]. Il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que la philosophie et l'épistémologie « manifestent la faiblesse des opinions et des croyances communes »[41] afin que l'épistémologie se centre véritablement sur la connaissance scientifique.

D'autre part, les premières épistémologies ne posaient pas la question des capacités de la sensibilité et de l'entendement de l'être humain permettant la connaissance, pas plus que de l'origine de ces dites capacités. Hervé Barreau estime que c'est Kant qui est à l'origine de cette question ; « [Kant montre] que la connaissance scientifique était seulement possible à partir des formes a priori de la sensibilité et de l'entendement »[87].

Ensuite, est venue la question du passage de la connaissance commune, plus ou moins empirique, à la connaissance scientifique. Hervé Barreau évoque David Hume, mais retient surtout la psychologie du XIXe siècle comme seule capable d'expliquer ce passage avec « des résultats acceptables ». « Husserl qui est le fondateur du mouvement phénoménologique […] a dénoncé [le fondement idéaliste] de la connaissance scientifique par la psychologie [c'est-à-dire par la subjectivité de l'apprenant] »[76]. Ce sont les sciences cognitives qui sont actuellement en pointe dans ces explications.

L'épistémologie a ensuite épousé un courant « historique » avec l’avènement de la méthode historico-critique comme méthode directrice. « Les scientifiques commencent à produire des travaux en histoire [des sciences] et en philosophie des sciences [= l'épistémologie] »[88]. C'est cette méthode historico-critique susceptible d'être perpétuellement révisée et perfectionnée qui a été utilisée par Bachelard et Canguilhem[89].

Ces dernières décennies, certains courants de la sociologie (science studies notamment) ont réclamé un « droit de regard » sur ce contenu en analysant le contexte de production de science par la communauté scientifique, d'autre part certains épistémologues jugent nécessaire de porter attention aux dimensions concrètes de l'activité scientifique pour mieux comprendre l'avancement de la connaissance scientifique.

Le progrès des connaissances aidant, le nombre des sciences étudiées et le volume des réponses spécifiques rattachées à certaines sciences n'ont cessé d'augmenter. Une classification s'est mise en place autour d'une discipline « phare » dénommée la science spéciale qui porte les problématiques spécifiques par rapport à la science en général.

Acteurs épistémologues[modifier | modifier le code]

Au XXIe siècle, un double mouvement se dessine[90] :

  • les philosophes (ontologues, épistémologues) [des sciences] se doivent de connaître les sciences sur lesquelles et à partir desquelles ils s'expriment,
  • les « scientifiques qui ne mettent pas à jour leur philosophie [et l'histoire de leur discipline] contaminent leur science avec des philosophies moribondes ».

Guillaume Lecointre juge aujourd'hui nécessaire de rappeler aux chercheurs les termes du contrat tacite qui conditionne la possibilité de reproductibilité des expériences scientifiques[91] :

  1. scepticisme initial sur les faits ;
  2. réalisme de principe ;
  3. matérialisme méthodologique ;
  4. rationalité [et logique].
Chaire d'Épistémologie comparative au Collège de France.

Institutions[modifier | modifier le code]

En France[modifier | modifier le code]

En France, l'épistémologie a le statut institutionnel d'une discipline à part, distincte de la philosophie et de l'histoire : elle constitue ainsi la section 72 du CNU. Elle y occupe plusieurs dizaines de laboratoires, dont notamment l'IHPST[92], le Centre de recherche en épistémologie appliquée, REHSEIS, le Centre François Viete, les Archives Henri Poincaré, le Centre Georges Canguilhem, l'Institut Jean-Nicod[93], le Centre Gilles Gaston Granger, l'IRIST, l'unité Savoirs et Textes, le GRS (Groupe de recherche sur les savoirs), qui regroupent des centaines de chercheurs, le CREA (Centre de recherche en épistémologie appliquée)[94], le CEP (Centre d'épistémologie et de physique)[95] ou le Centre de recherches Alexandre-Koyré. Elle intéresse plus d'une vingtaine d'écoles doctorales et des sociétés savantes comme la Société de philosophie des sciences[96] (dépendant de l'ENS Ulm) ou la SFHST ou des listes de diffusion comme Theuth. En 1987, une chaire d'Épistémologie comparative est créée au Collège de France pour Gilles Gaston Granger.

Auteurs de référence[modifier | modifier le code]

Auteurs anciens[modifier | modifier le code]

XXe siècle[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'Oxford English Dictionary donne comme première occurrence la reprise de l'article sur Jean Paul dans The Eclectic Magazine en novembre 1847 et comme étymologie, un emprunt au grec combiné avec un suffixe anglais, d'après le terme allemand Wissenschaftslehre employé par Fichte[2]
  2. L'écrivain allemand Jean Paul (Johann Paul Friedrich Richter, 1763-1823) condamne la philosophie idéaliste de Fichte dans son roman Titan (de), 1800-1803) par le truchement de Schoppe, l'un des personnages du roman, dont il est dit dans le quatrième volume du roman que la « philosophie de Fichte » (Grundlage der gesamten Wissenschaftslehre (de)) lui a troublé l'esprit jusqu'à le faire enfermer comme fou.
  3. Référence TLFi : « Sciences noologiques. Sciences qui étudient le monde de l'esprit, de la pensée », [lire en ligne].
  4. Y compris en mathématique, où l'on parle de quasi-empirisme : Philosophie et mathématiques : sur le quasi-empirisme de Patrick Peccatte.
  5. Voir ou revoir la série télévisuelle de Jacob Bronowski L’évolution de l’homme (The Ascent of Man) de la BBC qui l’a rendu célèbre auprès du grand public cultivé, disponible aussi en francophonie.
  6. Entre autres dans le volume de la Pléiade consacré à l'épistémologie.

Références[modifier | modifier le code]

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  6. (en) User:Klarm768, « Is James Frederick Ferrier More-Likely-Than-Not the Author of Jean Paul? » Accès libre, sur en.wikisource.org, (consulté le ).
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  8. Renault 2001, p. 286.
  9. Laurent Jaffro, « Reid said the business, but Berkeley did it. Ferrier interprète de l'immatérialisme », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2010/1 (Tome 135), p. 135-149. DOI : 10.3917/rphi.101.0135. [lire en ligne].
  10. Mariam Zovinar Magarditchian, « Épistémologie et philosophie des sciences: Histoire des concepts au XIXe siècle », Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. Tome 106, no 2,‎ , p. 345–372 (ISSN 0035-2209, DOI 10.3917/rspt.1062.0345, lire en ligne, consulté le ) :

    « Soixante ans après la première introduction de la Wissenschaftslehre, Ferrier transpose et traduit ce qu’il en retient comme modalité ultime et première de connaissance »

    .
  11. Dominique Lecourt, « Le mot d’« épistémologie » », dans : Dominique Lecourt, La philosophie des sciences, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2015, p. 16-17. [lire en ligne].
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  17. Reproduit in [[#Wagner2002|Wagner 2002]], p. 40.
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  22. a b et c Catherine Chevalley, « Épistémologie » (article), dans Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, (ISBN 978-2-02-143326-5 et 2-02-143326-9, OCLC 1127535502, lire en ligne) :

    « Mais, à cette problématique de l’objectivation ou de la constitution héritée de Kant et qui fournit une langue commune aux sciences de l’esprit et aux sciences de la nature jusque dans les années 1930, s’oppose à partir du début du XXe siècle la problématique toute différente de l’epistemology, définie d’abord chez B. Russell et G. E. Moore par une affirmation polémique de « l’indépendance des faits à l’égard de l’expérience », puis développée dans la direction de l’analyse logique du langage et de la structure des théories physiques. L’intraduisibilité est, à l’occasion, si grande entre les deux traditions que l’épistémologie des savants allemands de la période 1850-1930 a été longtemps soupçonnée d’inintelligibilité, ou simplement ignorée, dans les travaux des philosophes des sciences anglo-américains d’après 1945. »

  23. a b et c Catherine Chevalley, « Épistémologie » (article), dans Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, Le Robert, (ISBN 978-2-02-143326-5), p. 358-366.
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  80. Michel Morange, À quoi sert l'histoire des sciences ? : conférence prononcée le 26 octobre 2006…, Versailles, Éditions Quæ, , 67 p. (ISBN 978-2-7592-0082-5).
  81. Julien Gargani, Voyage aux marges du savoir : Ethno-sociologie de la connaissance, L'Harmattan, 2011.
  82. Trinquecoste 2022, ÉPISTÉMOLOGIE, p. 141. « il s’agit, pour l’essentiel, de l’analyse que l’on peut produire quant à la particularité et aux conditions d’existence de la connaissance scientifique. En d’autres termes qu’est-ce qu’une science ? À quoi la reconnaît-on ? Ou encore qu’est-ce qui distingue une connaissance scientifique d’un savoir qui ne l’est pas ? »
  83. a et b (dir) Barberousse, Bonnay, Cozic, Précis de philosophie des sciences, Paris, Vuibert, , 709 p. (ISBN 978-2-7117-2070-5).
  84. Julien Gargani, Carnet de voyage à Chandigarh : Ethnologie d'une recherche scientifique en Inde, L'Harmattan, 2017.
  85. Karl Popper, Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance, Hermann.
  86. Karl Popper, Le réalisme et la science, Hermann.
  87. Barreau 2013, p. 8.
  88. Barreau 2013, p. 12.
  89. Barreau 2013, p. 15.
  90. Marc Silberstein (dir.), Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain, Paris, Éditions matériologiques, , 1374 p. (ISBN 978-2-919694-25-9).
  91. Lecointre Guillaume, Les sciences face aux créationnismes. Ré-expliciter le contrat méthodologique des chercheurs, Versailles, Éditions Quæ, , 172 p. (ISBN 978-2-7592-1686-4, lire en ligne), p. 102-111.
  92. Direction : P. Wagner.
  93. Direction : R. Casati.
  94. Le laboratoire du CREA a été fermé en décembre 2011.
  95. Direction : P. Binant.
  96. Présidente : F. Merlin.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs :)

Guglielmo Rinzivillo, Epistemologia e sociologia del conoscere, Roma,

NUova Cultura, 2023, (ISBN 978-88-3365-580-2).

Dictionnaires[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Par champ scientifique

Liens externes[modifier | modifier le code]