Éric Pichet

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 17 mars 2020 à 05:07 et modifiée en dernier par Holdwig88 (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Éric Pichet
Description de cette image, également commentée ci-après
Éric Pichet en séminaire en novembre 2012
Naissance (63 ans)
Tananarive (Madagascar)
Nationalité Drapeau de la France France
Diplôme
Profession
Professeur à Kedge Business School
Activité principale
Administrateur indépendant

Éric Pichet (né en 1960) est un professeur à la Kedge Business School et économiste français, spécialiste en finance de marché, en économie monétaire, en économie fiscale, en gouvernance d’entreprise et en gouvernance publique.

Biographie

Éric Pichet est diplômé d’HEC Paris (promotion 1985), de l’ESORSEM (promotion 1985 Colonel Touny), de l’IMPI, docteur en sciences de gestion et en droit et HDR en sciences de gestion. En 2006 il obtient un doctorat de l’université du Littoral-Côte-d’Opale (en sciences de gestion) sur le thème "Convergence des pratiques de gouvernance dans les grandes sociétés cotées" et en 2008 son habilitation à diriger des recherches de la même université avec un mémoire-HDR intitulé « une analyse hypermoderne des gouvernances contemporaines ». Sa thèse de doctorat en droit à PANTHEON-ASSAS s'intitulait : “Essai d'une théorie générale des dépenses socio-fiscales”[1] et a fait l’objet d’une publication en 2016 sous intitulé « Théorie générale des dépenses socio-fiscales » [2].

Il fait ses débuts dans une société de bourse française Cholet Dupont, puis dans un établissement anglais HSBC en tant que spécialiste des options, trader options, puis analyste financier (membre de la Société française des analystes financiers SFAF). Il est expert à l'Association progrès du management et président du Comité de réflexion pour l'avenir du livre (CORAL).

Enseignant-chercheur en sciences sociales

Professeur d’économie à la Kedge Business School, il dirige depuis 2000 l’IMPI, le 3e cycle (Mastère spécialisé de la CGE) en gestion patrimoniale et immobilière de Kedge.
Il est Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors, chercheur-associé au Larefi de l'université Bordeaux IV[3], chercheur-associé au CEFEP de Paris II ASSAS et professeur au centre de formation de la SFAF depuis 1990. Il a publié en 2011 un guide méthodologique à destination des enseignants-chercheurs candidats à l’habilitation à diriger des recherches, L’art de l’HDR, contenant des conseils pour la rédaction du mémoire HDR et sur la manière d’encadrer des doctorants et en 2019 un guide méthodologique et pratique destiné aux doctorants en sciences sociales L’Aventure de la thèse[4].

Administrateur indépendant dans le secteur de la finance

Il intervient également en tant qu'expert financier indépendant et depuis 2004 comme administrateur indépendant (membre de l’IFA, du club recherchede l'IFA[5] et du club des présidents de comité d'audit de l'IFA), siégeant au conseil d’administration de plusieurs sociétés en France comme Signaux Girod (dont il est également président du comité d'audit) ou non cotées comme Gestion 21.

Théories

Éric Pichet est à l'origine de plusieurs théories dans différents domaines.

Théorie en gouvernance d'entreprise

Théorie actionnariale éclairée

La théorie actionnariale éclairée (Enlightened Shareholder Theory[6]) qui est une théorie de gouvernement d'entreprise fondamentalement actionnariale mais qui intègre certaines avancées des théories partenariales.

D'autre part, ses différents travaux, dont sa thèse de doctorat en 2006 qui portait sur « La convergence des pratiques de gouvernance dans les grandes sociétés cotées à actionnariat dispersé », lui ont permis de définir trois grands types de principes de gouvernance à usage des grandes sociétés cotées :

  • des principes garantissant la transparence de l’information en provenance des sociétés
  • des principes garantissant le contrôle des actionnaires sur la société via notamment une composition adéquate du conseil d’administration mêlant compétence et indépendance des administrateurs et des procédures assurant le bon fonctionnement du conseil d’administration
  • des principes permettant l’implication du conseil d’administration dans la stratégie de la société et non plus du seul PDG.

Théorie de la gouvernance des établissements financiers

Après avoir analysé les causes liées aux défaillances des mécanismes de gouvernance dans l’affaire Kerviel[7], il conclut à la nécessité d’améliorer significativement la gouvernance des grands établissements financiers en :

  • rattachant le contrôle interne des grandes banques non pas au dirigeant, mais au conseil d’administration
  • en renforçant la compétence du conseil d’administration dans le domaine des marchés financiers
  • en instaurant systématiquement des comités spécialisés au sein du conseil d’administration, notamment un comité stratégique et un comité des risques

Plus généralement, après avoir analysé les cas des grands banques qui ont enregistré des pertes colossales pendant la crise financière de 2007-2010, il identifie six symptômes[8], qui, réunis, aboutissent inévitablement à de très graves problèmes pour les établissements financiers, à savoir :

  1. un patron mégalomane et autoritaire
  2. une défaillance des mécanismes de contrôle interne (toujours du fait d’une défaillance du Conseil d’administration dans son rôle de contrôle de la stratégie, en général liée à une trop grande proximité entre les administrateurs et le dirigeant).
  3. un environnement financier favorable et la possibilité d’emprunter à des taux très bas et à court terme.
  4. un investissement massif des fonds empruntés à court terme dans des actifs considérés comme sans risque mais rapportant plus et dont la liquidité est surestimée. Entre 2002 et 2006, il s’agissait soit de l’immobilier en direct, soit de prêts hypothécaires gagés sur des actifs immobiliers (Northern Rock), soit des investissements dans des actifs basés en dernier recours sur de l’immobilier ou des prêts immobiliers comme des CDO en subprimes ou autres.
  5. une utilisation excessive de l’effet de levier (fréquemment 20, voire 30 fois les fonds propres) pour ces opérations
  6. une défaillance des mécanismes de régulations externes du fait soit de la trop grande connivence entre régulateurs, gouvernements et grands établissements financiers (Islande, Irlande), soit de l’incompétence des régulateurs (Islande), soit de leur manque de suivi des établissements (Bank of England).

Lorsque ces 6 symptômes sont réunis, on peut être certain que l’établissement financier diagnostiqué va subir des pertes très importantes pouvant entraîner soit sa disparition (Lehman Brothers) ou un risque systémique car, comme il le signale dans ses cours "dans tous les cas, l’aiguille qui fait éclater la bulle, (comme les subprimes) n’est jamais que le déclenchement de la crise, jamais la cause profonde". Il conclut par trois conseils pour éviter pareille mésaventure à l’avenir :

  • améliorer la transparence de l’information des grandes banques
  • renforcer la compétence du Conseil d’administration et s’assurer de son pouvoir de contrôle sur la stratégie de l’entreprise
  • renforcer la qualité de la régulation

et dénonce trois tendances des législations à la suite de la crise financière :

  • un excès de régulation purement formelle (comme la loi Dodd Frank),
  • l’illusion selon laquelle la séparation des banques en banque de détail et en banques d’affaires résoudrait ces problèmes.
  • l’interdiction des ventes à découvert qui n’a aucun effet sur l’évolution des cours

Théorie en fiscalité

Théorie sur l’utilité d’un impôt sur la fortune

S’il ne conteste pas l’intérêt théorique de l’instauration d’un impôt sur la fortune dans un système fiscal moderne, ses travaux sur les conséquences économiques de l’ISF[9] l'ont amené à démontrer que l’ISF coûte en perte de recettes deux fois ce qu’il rapporte. Les conclusions de ses recherches ont alimenté le débat aux Etats-Unis sur l’instauration d’un impôt fédéral sur la fortune[10].

Théorie de la fiscalité optimale

Influencé par Adam Smith dont il a rédigé deux biographies, il considère que la fiscalité doit reposer sur les 4 principes énoncés par l'économiste écossais dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations mais adaptés au XXIe siècle  :

  • l’équité : l’impôt doit être payé en fonction des moyens de chacun en y ajoutant le principe du pollueur-payeur,
  • la sécurité juridique qui doit interdire non seulement toute forme d’arbitraire mais aussi toute forme d’insécurité tout au long de la vie des montages que le contribuable peut faire en fonction des incitations fiscales,
  • le principe d’économie qui veut que l’impôt doit être le plus bas possible pour ne pas nuire au développement économique, c’est pourquoi il préconise en 2011 de faire porter le nécessaire effort de réduction des déficits publics non pas, comme le propose le gouvernement François Fillon, en augmentant les impôts de onze milliards d'euros dans le projet de loi de finances rectificative de septembre 2011 et de réduire les dépenses de seulement 1 milliard, mais d’arriver à une parité entre la hausse des impôts et la réduction des dépenses pour ne pas casser la croissance,
  • le principe de commodité qui doit faire que l’impôt doit être facile pour le contribuable. Il faut y ajouter au début du XXIe siècle le principe d’intelligibilité de l’impôt consacré par le conseil constitutionnel[11] et qui doit permettre aux contribuables de le comprendre.

Théorie générale des dépenses socio-fiscales

Dans un premier article paru dans La revue de droit fiscal du 5 avril 2012[12], il constate la grande diversité des systèmes fiscaux des pays développés, issus d’histoires toujours singulières qui rend illusoire toute définition d’une norme fiscale absolue. Il distingue ensuite les simples modalités de détermination de l’impôt des véritables niches fiscales : ainsi le quotient familial ou les avantages fiscaux accordés aux personnes dépendantes ou handicapées ne sont pas des niches fiscales mais bien des modalités de détermination de l’impôt dans le système fiscal de référence français. Au sein des véritables dépenses fiscales, il proposait alors l’élimination des dépenses fiscales illégitimes (sans caractère incitatif, trop couteuse, inéquitable, etc.) et exposait ensuite une méthodologie d’évaluation des niches fiscales pour conserver celles qui sont utiles et éliminer les dépenses fiscales inutiles.
En 2016 il publie sa Théorie générale des dépenses socio-fiscales résumée dans un article paru dans La revue de droit fiscal du 8 septembre 2016[13]. Cette théorie est fondée sur la division de tout système de prélèvements obligatoires en six grands segments qualifiés de « segments spécifiques de référence », chaque segment comprenant un ensemble de normes homogènes autorisant une identification méthodique de ses dépenses socio-fiscales. Suit une doctrine rigoureuse de tri de chaque dispositif dérogatoire individuel fondée sur une série de six filtres successifs jugeant de leur légitimité, leur utilité, leur pertinence, leur efficacité, leur efficience et enfin de leur acceptabilité sociale. Enfin une doctrine de suivi global par segment spécifique de référence complète l'analyse prescriptive.
Une définition plus précise de la dépense socio-fiscale incluant les niches fiscales et sociales dérive de la Théorie : « Toute disposition, législative, réglementaire ou administrative, dont la mise en œuvre entraîne pour les administrations publiques une perte de recettes, qui peut être remplacée par une dépense budgétaire et qui accorde, directement ou indirectement, à une catégorie de contribuables, un allégement de ses prélèvements obligatoires par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme issue des principes généraux du droit et appliqué au segment spécifique de référence considéré ».

Théorie de l’imposition maximale sur le revenu et le patrimoine et exil fiscal

Dans un article paru dans La Revue de Droit Fiscal du 15 novembre 2012[14], s’inscrivant dans la lignée d’Arthur Laffer, il explique qu’il existe un seuil optimal d’imposition des revenus et d’imposition du capital à partir duquel le rendement de l’impôt baisse et devient donc marginalement et globalement négatif, du fait de la concurrence fiscale que se livrent les États et de la perte d’attractivité du pays. Il montre que la réduction des dépenses est préférable à la hausse des impôts pour réduire les déficits publics et que le déficit budgétaire 2013 de la France sera sans doute supérieur à 4 %, bien au-delà des 3 % annoncés dans le projet de loi de finances. Il illustre sa théorie par un apologue « Fiscalité au Bollinger »[15].
Il poursuit cette théorie, que l'on pourrait vulgariser par la formule "trop d'impôt tue l'impôt" dans une étude[16] en juillet 2014 : «Tout se passe comme si la hausse des prélèvements avait induit des comportements de précaution, un ralentissement de la consommation et un phénomène de substitution de la consommation vers des produits de première nécessité dont le taux de TVA est plus faible. L’activité faiblissant, les heures supplémentaires diminuent, l’environnement se détériorant et devenant anxiogène, l’hypothèse que nous avions soulevée dans l’étude parue dans La Revue de droit fiscal de novembre 2012 semble être corroborée par les recettes fiscales 2013. Dans ces conditions, les prélèvements sur les ménages, comme la hausse des cotisations retraites des salariés 0,15 % au ou la hausse de la TVA à 20 % ne pourront que peser sur la consommation et réduire un peu plus les recettes publiques. »
« En 2013, la persistance d’un déficit public très élevé (4,3 %), malgré une relative maîtrise des dépenses publiques est essentiellement due à une chute inédite et inattendue des recettes fiscales qui corroborent l’existence d’un seuil de tolérance fiscale, propre à chaque pays, et qui aurait été atteint en France. Au-delà de ce seuil, toute hausse d’impôt a un effet contre productif car les prélèvements obligatoires étouffent l’activité en affaiblissant plus encore le potentiel de croissance de l’économie.»

Théorie de la banque centrale

Dans un article paru en mai 2013 dans le Journal of Governance and Regulation[17], tirant les leçons de la crise financière de 2007-2008 il propose une nouvelle théorie de la banque centrale dans les pays riches. Il constate que les banquiers centraux des grands pays industrialisés n’ont pas anticipé la crise financière mais qu’ils ont su prendre les mesures d’urgence pour sauver le système bancaire et financier, d’abord par des mesures conventionnelles comme une baisse historique des taux et une injection massive de liquidités aux banques contre garanties représentés par des actifs financiers de qualité au moins BBB- puis par des mesures non conventionnelles comme l’achat massif d’obligations d’État. Il critique sévèrement l’initiative de la Banque centrale européenne d’acheter massivement des obligations de l’État grec (pour un montant total de 40 milliards d’euros en 2013) alors que ses obligations étaient dégradées : cette politique, contraire à toute doctrine de prudence qui oblige les banques centrales à n’acheter que des actifs investment grade et singulière n’a pas permis de faire baisser les taux d’intérêt des obligations de l’État grec et expose la banque centrale à de sévère pertes en cas de défaut, contrairement aux banques centrales américaines et anglaises qui achètent des titres émis par leur État et noté AA+ soit à un niveau de garantie très élevé.
Il propose donc une nouvelle doctrine pour les banques centrales du XXième, en redéfinissant le concept d’inflation qui doit intégrer non seulement l’inflation des prix à la consommation, mais aussi l’inflation des actifs (actions, immobiliers, mais aussi bulle obligataire) et propose un crible pour distinguer l’inflation des actifs bénigne et l’inflation des actifs dangereuse, proposant d’ajouter une mission à la banque centrale qui est de limiter la hausse des actifs fondé sur la dette et l’effet de levier du crédit à court terme. Enfin il prône une refondation de la gouvernance des banques centrales sur le triptyque indépendance (qui doit être préservée contrairement aux tentatives des gouvernements japonais ou hongrois en 2013), l’obligation de rendre des comptes en améliorant la transparence de leur stratégie et enfin une meilleure composition des gouverneurs, non seulement en les féminisant (combat toujours difficile comme l’a montré la polémique sur la composition 100 % masculine du Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne) mais aussi en diversifiant les profils : il est évident que la nomination de gouverneurs sans expérience du trading en salle des marchés explique l’erreur stratégique qu’a constitué la décision de la banque centrale européenne d’acheter massivement des obligations de l’Etat grec aux risques des contribuables de toute la zone euro.

Participations aux débats fiscaux et budgétaires

Débats sur l’intérêt d’une amnistie fiscale

Éric Pichet réalise en 2004 une étude sur l’intérêt économique d’une amnistie fiscale[18] en compagnie de l'avocat Maurice Christian Bergerès.

Débats sur la réforme de l’ISF de juillet 2011

Concernant la réforme de l’ISF de 2011[19], dans deux études publiées dans La Revue de droit fiscal, il évalue le coût global annuel en rythme de croisière du projet de loi[20], puis le réévalue après le vote de la loi[21]. Ces évaluations démontrent que la réforme n’est pas « le plus gros cadeau fait aux riches » souvent mentionné dans le débat politique, mais concluent que la réforme n’est pas totalement financée, car son coût budgétaire annuel directe serait d’environ 350 millions, auxquels il faut ajouter un coût indirect d’environ 200 millions soit un déficit global de 550 millions d'euros (très éloigné toutefois du chiffre de 2 milliards très souvent repris dans les médias).

Débats sur la réduction des niches socio-fiscales

En application de sa Théorie de la dépense fiscale parue en 2016, il évalue, en septembre 2016[13], les principales niches socio-fiscales françaises, et propose de supprimer :

  • les taux de CSG différenciés sur les pensions de retraite et revenus de remplacement (économie de 7,7 milliards d'euros par an pour les régimes sociaux),
  • l’abattement de 10 % sur le montant des retraites (économie de 4 milliards d'euros par an pour l’État),
  • l’ensemble des dispositifs de défiscalisation outre-mer de la TVA à l’IR (au moins 3 milliards d'euros),
  • l'ensemble des mécanismes relatifs à l'épargne salariale (près de 5 milliards d'euros),
  • les taux réduits de taxe intérieure de consommation sur le gazole (1,8 milliard d’euros).

En revanche il propose de conserver, essentiellement au nom de l’emploi :

  • les allégements de charge des employeurs (21 milliards d’euros),
  • le crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (environ 19 milliards d’euros de créances en 2015),
  • le crédit d'impôt recherche (coût de 5,5 milliards d'euros),
  • La TVA à 10 % pour les travaux d'entretien de logements depuis deux ans et sur la restauration (5,6 milliards d'euros),
  • le crédit d'impôt pour la transition énergétique (1,4 milliard d’euros).

Et d’élargir certains dispositifs dérogatoires :

  • les réductions et crédits d’impôt pour emploi à domicile (3 milliards),
  • le crédit d’impôt pour les dépenses d’équipement de la maison (1,4 milliard),
  • en transformant la réduction d'impôt au titre des dons (qui pèse 1,26 milliard d'euros) en crédit d’impôt accessibles également à la majorité des foyers non imposables au nom de l’équité fiscale.

Les Trente-Six Dispendieuses (ex Trente-Dispendieuses)

Débats sur les suites des Trente Dispendieuses

Si l’expression Les Trente Dispendieuses apparaît sporadiquement au début des années 2010, il est le premier à en donner une définition précise : « Trente ans de politique budgétaire laxiste marquée par une envolée des dépenses publiques au cours des années 1980, par une douce insouciance au cours des années 1990 et enfin, dans les années 2000, par une politique de procrastination caractérisée par l’élaboration de stratégies de marketing budgétaire créatif uniquement destinées à retarder l’heure, toujours socialement et politiquement douloureuse, des comptes »[16]. Il précise également que la dette publique est passée de 20 % du PIB en 1980 à 93,5 % en 2013.

Place aux Trente-Six Dispendieuses

Suite aux projets de lois de finances examinés à l'automne 2014, il analyse l'évolution des recettes publiques et évalue l'évolution du déficit. Des calculs qui l'amène prévoir l'allongement de la période de déficit et à parler pour la première fois des "Trente-Six Dispendieuses"[22].

Débats sur l’impact du Pacte de responsabilité et de solidarité(2014-2017)

A la rentrée 2014, il prend part au débat sur l'impact du Pacte de responsabilité et de solidarité[23] du Président Hollande qu'il critique en lui reprochant de négocier avec les entreprises : « Le gouvernement fait une autre erreur, d’ordre purement idéologique cette fois, en pensant le pacte de responsabilité en termes de contrats qui donneraient lieu à des contreparties de la part des entreprises. En effet un État ne peut pas négocier avec les entreprises car les décisions des chefs d’entreprises sont toujours individuelles, et les chefs d’entreprises ne sont pas des fonctionnaires aux ordres mais des agents libres et lucides qui prennent leurs décisions, notamment d’investissement et de création d’emplois, en évaluant individuellement leurs risques selon la stabilité de l’environnement et les perspectives favorables de retour sur investissement. En revanche un État efficace peut, et doit, créer les conditions favorables aux décisions d’investissement qui créeront les conditions de la croissance. » Il remet en cause son efficacité et son manque d'ambition : « Avec le Pacte de responsabilité annoncé par le Président François Hollande le 31 décembre 2013, le quinquennat marque une inflexion notable, l’exécutif reconnaissant, sous la contrainte économique, l’absolue nécessité de favoriser les entreprises pour lutter efficacement contre le chômage de masse. Le Pacte de responsabilité n’a pourtant qu’une ambition mesurée puisqu’il prévoit, entre 2015 et 2017, une réduction, non pas des dépenses publiques, mais de leur progression (de 50 Mds€ sur un total attendu de 120 Mds, soit une progression nette de 70Md € sur la période). Toutefois cette inflexion, même suivie d’effet, ne ramènera pas les comptes publics à l’équilibre à la fin du quinquennat. »

Puis compare la situation française à celle de ses voisins européens et tente d'expliquer les maux de l'économie française : « En 2014, la France est désormais le seul pays de l’Union européenne et de la zone euro à continuer à vivre au-dessus de ses moyens : les pays périphériques (Grèce, Chypre, Irlande, Portugal, Espagne) ont adapté leur sphère publique dans la douleur depuis la crise et l’Italie du gouvernement Renzi semble déterminée à se réformer en profondeur. Des réformes structurelles et le respect des traités européens sont les deux conditions sine qua non de la réduction pérenne des déficits et de la hausse du taux de croissance potentielle de l’économie qui, autour de 1 %, est bien plus bas que ce que n’estime le gouvernement (près de 4 %...). Ce sont les corsets de l’économie française qui sont la cause de la faible croissance (potentielle et constatée) du pays qui elle-même génère les déficits et non les politiques de rigueur rendues nécessaires par l’emballement des déficits comme le pensent les partisans de la politique dite de la demande. L’économie française est d’abord malade de ses finances publiques. »

Débats sur le déficit structurel français

Dans un article paru dans la Revue de droit fiscal du 27 novembre 2014[24] il montre que le solde structurel 2014 des finances publiques ne sera pas de 2,4 % comme annoncé par le gouvernement mais plus près de 4 % car la croissance potentielle du pays a diminué depuis la crise à 1 % par an et que l’écart de croissance par rapport à la tendance d’avant la crise ne sera pas rattrapé. S’il ne conteste ni l’indépendance ni la compétence du Haut Conseil des finances publiques, il lui reproche son excès de prudence et son refus d’analyser sérieusement les calculs du gouvernement. En réponse, M. MIGAUD, en tant que président du Haut conseil des finances publiques, publie un article dans La Revue de droit fiscal[25] indiquant que « Certes, le Haut Conseil ne va pas jusqu’à donner des estimations chiffrées de l’écart de production et du déficit structurel – dont l’estimation est par nature incertaine – mais il se prononce clairement sur un écart de production sensiblement plus faible que celui retenu par le Gouvernement et, en conséquence, sur un déficit structurel plus élevé. » Dans un article paru dans la Revue de droit fiscal du 12 janvier 2017[26] il dresse le bilan fiscal et budgétaire du quinquennat de M. HOLLANDE et démontre que le déficit structurel n’est pas du tout en réduction comme annoncé par Bercy de -1,9 % en 2015 à -1,5 % en 2016 puis de -1,1 % en 2017 [27] mais stable et « proche de 3 % ». Il critique de nouveau l'insuffisance des différents contrôles, à savoir l'excessive prudence du jeune Haut Conseil des Finances Publiques et surtout de la Commission européenne qui dispose pourtant d'un véritable pouvoir de sanction dans ce domaine. Il prévient que «  les contribuables citoyens paieront les conséquences de l'inaction budgétaire et de la dégradation structurelle des comptes publics au cours du prochain quinquennat. » Le 27 septembre 2017, lors de la présentation du Projet de loi de finances pour 2018 [28] le nouveau gouvernement corrige massivement les estimations précédentes et se rapproche nettement de son évaluation en estimant que le solde structurel 2016 à -2,5 % et celui de 2017 à -2,1 %.

La recherche patrimoniale publique

Dans une étude parue dans la revue Politiques et Management Public[29] de juin 2005, il propose la création d’un nouveau champ de recherche à la frontière de l’économie et de l’analyse financière : La recherche patrimoniale publique, en détaillant une méthodologie destinée à recenser tous les actifs de l’État (y compris les actifs immatériels comme les droits de fréquence téléphonique) et toutes les dettes, la dette explicite (la dette étatique au sens de Maastricht), mais aussi la dette implicite qui prend en compte les engagements de retraite vis-à-vis des fonctionnaires. Évaluant enfin le patrimoine net de l’État au , il conclut que les actifs de l’État étaient alors de l’ordre de 1 100 milliards euros et l’ensemble des dettes (explicites et implicites) d’environ 2 500 milliards d’euros, l’État présentant donc un passif net de 1 400 milliards, en forte augmentation depuis 1980.

Épistémologie des sciences sociales

Influencé par la démarche de Kurt Lewin selon laquelle "il n y’ a rien de plus pratique qu’une bonne théorie", il cherche à élaborer des théories en sciences sociales qui ont toujours des conséquences pratiques. Également influencé par les réflexions de Paul Feyerabend, Éric Pichet affirme la nécessité d’une épistémologie propre aux sciences sociales, d’inspiration constructiviste.
"Si l’on considère habituellement que l'objet le plus complexe de l'univers (à l'exception de l'univers lui-même) est le cerveau humain, les sociétés humaines, et particulièrement les sociétés de l'ère hypermoderne dans laquelle nous sommes entrés, fruit de l'interaction de milliers de cerveaux humains, et même, depuis la globalisation et internet, de l'interaction de milliards de cerveaux humains constituent bel et bien les objets les plus complexes qui soient à étudier."[30]

Participation au débat sur l’avenir du Bitcoin

Après la hausse du bitcoin au-dessus de 10 000 dollars il analyse la hausse comme une folie spéculative[31] rappelant que le bitcoin n’a aucune valeur intrinsèque (pas même comme objet de collection car il est immatériel) et à la différence des monnaies officielles il n’est le passif d’aucune banque centrale ou institution monétaire. Ce n’est pas non plus un actif financier comme une action ou une obligation puisqu’il ne rapporte rien. Sa seule valeur de placement réside dans les perspectives de plus-values[32] que lui accordent ses détenteurs : c’est donc un actif sans le moindre sous-jacent, les investisseurs ne pouvant récupérer leurs fonds en devises que si d’autres utilisateurs désirent acquérir des bitcoins.

Il qualifie la hausse de « bulle archétypale » probablement, plus encore que la bulle Internet de 2000, la première bulle de l’hypermodernité car à la différence de la précédente l’instrument spéculatif est ici totalement immatériel. Le réseau étant mondialisé, les acheteurs sont potentiellement 7 milliards (d’autant que le bitcoin est divisible 8 chiffres après la virgule…) ce qui explique largement le phénomène d’entonnoir auquel on assiste.

En revanche il déconseille fortement de jouer la baisse des cours car nul ne peut prédire ni la durée ni le sommet de la vague spéculative et cite KEYNES, « le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ». Il ne reste donc qu’une seule chose à faire : s’asseoir au bord de la rivière pour voir passer, un jour futur, le cadavre du bitcoin.

Ouvrages

  • Adam Smith, je connais !, Mallard, 2001
  • Adam Smith, le père de l'économie, Les éditions du siècle, 2003
  • Ricardo, le premier théoricien de l'économie, Les éditions du siècle, 2004
  • avec Marie Grozieux de Laguerenne, Le Family Office, Les éditions du siècle, 2005
  • Le guide pratique des obligations, 2e édition, SEFI, 2007
  • Les Hedge Funds : théorie et pratiques, Les éditions du siècle, 2008
  • Le gouvernement d’entreprise dans les grandes sociétés cotées, Les éditions du siècle, 2009
  • L'art de l'HDR, Les Éditions du Siècle, 2011
  • Théorie générale des dépenses socio-fiscales, Les Éditions du siècle, 2016
  • Le guide pratique des options et du Monep, 8e édition, SEFI, 2018
  • Le guide pratique de la Bourse, 4e édition, SEFI, 2019
  • L'Impôt sur la fortune (IFI) 2019, Théorie et Pratiques, 20e édition, Les Éditions du siècle, 2019
  • L'impôt sur le revenu 2019, Théorie et Pratiques, 20e édition, Les Éditions du siècle, 2019
  • L'aventure de la Thèse, réussir sa thèse de doctorat en sciences humaines et sociales, Les Éditions du siècle, 2019


Éric Pichet a traduit en français trois titres de la littérature boursière américaine :

  • Reminiscences of a Stock operator d'Edwin Lefèvre (en) publié en 1924 aux États-Unis (Mémoires d’un spéculateur), la Bible des traders, relate la vie de James Livermore (en) et donne des conseils passés dans le langage de la courant de la finance comme « les cours ne sont jamais assez bas pour vendre ni jamais assez haut pour acheter ».
  • A Random Walk down Wall Street de Burton Malkiel, Une marche au hasard à travers la Bourse.
  • Where are the customers Yachts ? de Schwed, Mais où sont les yachts des clients ?

Notes et références

  1. "Monsieur Eric PICHET - Essai d’une théorie générale des dépenses socio-fiscales", u-paris2.fr, 09/12/2015
  2. "Eric Pichet, Théorie générale des dépenses socio-fiscales, Éditions du Siècle, 2016", fnac.com, 25/04/2016
  3. Page web d'Éric Pichet au Larefi
  4. Réussir l'aventure de la thèse, tout un art!, theconversation.com
  5. L'Organisation du Club recherche IFA
  6. (en) Enlightened Shareholder Theory: Whose Interests Should Be Served by the Supporters of Corporate Governance?, , SSRN 1262879
  7. (en) « What Governance Lessons Should be Learnt from the Société Générale's Kerviel Affair? », , SSRN 1692060
  8. "Quelle régulation financière pour le XXIe siècle ?", http://lecercle.lesechos.fr, 19/03/2012
  9. (en) "The Economic Consequences of the French Wealth Tax", papers.ssrn.com, 05/04/07
  10. (en) "Where Wealth Taxes Failed", wsj.com
  11. "Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005", www.conseil-constitutionnel.fr, 29/12/05
  12. (en) "Tax Expenditure Theory and the Reform of French Loopholes", papers.ssrn.com, 18/04/12
  13. a et b (en) "General Theory of Social and Tax Expenditures and Proposals for Recasting the French System of Tax 'Loopholes'", papers.ssrn.com, 08/09/2016
  14. (en) "The New French President’s Budgetary and Fiscal Doctrine: Constraints, Implementation and Consequences", papers.ssrn.com, 15/11/12
  15. "Les conséquences de la doctrine budgétaire et fiscale actuelle", ifrap.org, 11/12/12
  16. a et b La Revue de droit fiscal no 31-35 31 juillet 2014, page 14.
  17. (en) "Building the Foundations for a New Central Bank Doctrine: Redefining Central Banks’ Missions in the 21st Century", papers.ssrn.com, 01/05/2013
  18. "Deux experts pronostiquent « un échec » de l'amnistie", lemonde.fr, 06/08/04
  19. "La réforme va coûter 200 millions d'euros par an", www.linternaute.com, 25/05/11
  20. (en) "France’s 2011 ISF Wealth Tax Reform: Logic, Risks and Costs", papers.ssrn.com, 22/06/11
  21. (en) "Reassessing France's 2011 Capital Tax Reforms after the Parliamentary Battle", papers.ssrn.com, 28/07/11
  22. "Les trente-six dispendieuses déboucheront inexorablement sur l’austérité", ifrap.org, 02/12/14
  23. (en) "The Economic and Budgetary Consequences of the Responsibility Pact and the True Path of French Public Finances from 2014 to 2017", papers.ssrn.com, 31/07/2014
  24. (en) "The Path of Public Finances from 2014 to 2017: The Helplessness of Law and Truth About Accounts", papers.ssrn.com, 17/11/2014
  25. Didier Migaud, « La trajectoire des finances publiques de 2014 à 2017 : impuissance du droit et vérité des comptes Réponse du président du Haut Conseil des finances publiques », Revue de Droit Fiscal, no 3,‎
  26. (en) "Public Financing Laws for 2017, Fiscal and Budgetary Assessment of the Presidential 5-Year Term of Office", papers.ssrn.com, 08/02/2017
  27. "Projet de Loi de Finances pour 2017", page 43, performance-publique.budget.gouv.fr, 28/09/2016
  28. "Projet de Loi de Finances pour 2018", page 29, performance-publique.budget.gouv.fr, 27/09/2017
  29. "Le patrimoine de l'État : une évaluation au ", 06/2012
  30. "L’art de l’HDR", page 115, Éric Pichet, 2011
  31. "Le bitcoin, bulle spéculative ou valeur d’avenir ?", theconversation.com, 28/11/2017
  32. "La bulle du bitcoin finira par éclater", causeur.com, 04/12/2017

Liens externes

,