Équation de la chaleur

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Ici, l'équation de la chaleur en deux dimensions permet de voir que l'interaction entre deux zones de températures initiales différentes (la zone haute en rouge est plus chaude que la zone basse en jaune) va faire que la zone chaude va se refroidir graduellement, tandis que la zone froide va se réchauffer, jusqu'à ce que la plaque atteigne une température uniforme.

En mathématiques et en physique théorique, l'équation de la chaleur est une équation aux dérivées partielles parabolique, pour décrire le phénomène physique de conduction thermique, introduite initialement en 1807 par Joseph Fourier[1], après des expériences sur la propagation de la chaleur, suivies par la modélisation de l'évolution de la température avec des séries trigonométriques, appelés depuis séries de Fourier et transformées de Fourier, permettant une grande amélioration à la modélisation mathématique des phénomènes, en particulier pour les fondements de la thermodynamique, et qui ont entrainé aussi des travaux mathématiques très importants pour les rendre rigoureuses, véritable révolution à la fois physique et mathématique, sur plus d'un siècle.

Une variante de cette équation est très présente en physique sous le nom générique d'équation de diffusion. On la retrouve dans la diffusion de masse dans un milieu binaire ou de charge électrique dans un conducteur, le transfert radiatif, etc. Elle est également liée à l'équation de Burgers et à l'équation de Schrödinger[2].

Obtention de l'équation[modifier | modifier le code]

On peut définir une loi de conservation pour une variable extensive entraînée à la vitesse et comportant un terme de production volumique par :

Dans notre cas on prendra :

enthalpie volumique (en J m−3),
masse volumique (en kg m−3),
chaleur spécifique à pression constante (en J kg−1 K−1),
chaleur de formation à la température T0, arbitraire (on prend généralement 293 K),
vitesse de diffusion de l'énergie dans le milieu (en m s−1),
flux de diffusion (en W m−2), à exprimer,

L'équation de la chaleur s'exprimera donc sous la forme suivante :

ou

La propagation de l'énergie se fait par un mécanisme brownien de phonons et de porteurs de charge électrique (électrons ou trous), donc à une échelle caractéristique très petite devant celles du problème macroscopique. Il est donc décrit par une équation de type diffusion, la loi de Fourier :

est la conductivité thermique (en W m−1 K−1), une quantité scalaire qui dépend de la composition et de l'état physique du milieu à travers lequel diffuse la chaleur, et en général aussi de la température. Elle peut également être un tenseur dans le cas de milieux anisotropes comme le graphite.

Si le milieu est homogène et que sa conductivité dépend très peu de la température[a], on peut écrire l'équation de la chaleur sous la forme :

est le coefficient de diffusion thermique et le laplacien.

Pour fermer le système, il faut en général spécifier sur le domaine de résolution, borné par , de normale sortante  :

  1. Une condition initiale :  ;
  2. Une condition aux limites sur le bord du domaine , par exemple :
    • condition de Dirichlet : ,
    • condition de Neumann : , donné.

Résolution de l'équation de la chaleur par les séries de Fourier[modifier | modifier le code]

L'une des premières méthodes de résolution de l'équation de la chaleur fut proposée par Joseph Fourier lui-même (Fourier 1822).

On considère le cas simplifié de l'équation en une dimension, qui peut modéliser le comportement de la chaleur dans une tige. L'équation s'écrit alors :

avec T = T(x, t) pour x dans un intervalle [0,L], où L est la longueur de la tige, et t ≥ 0.

On se donne une condition initiale :

et des conditions aux limites, ici de type Dirichlet homogènes :

.

L'objectif est de trouver une solution non triviale de l'équation, ce qui exclut la solution nulle. On utilise alors la méthode de séparation des variables en supposant que la solution s'écrit comme le produit de deux fonctions indépendantes :

Comme T est solution de l'équation aux dérivées partielles, on a :

Deux fonctions égales et ne dépendant pas de la même variable sont nécessairement constantes, égales à une valeur notée ici −λ, soit :

On vérifie que les conditions aux limites interdisent le cas λ ≤ 0 pour avoir des solutions non nulles :

  • Supposons λ < 0. Il existe alors des constantes réelles B et C telles que.Or les conditions aux limites imposent X(0) = 0 = X(L), soit B = 0 = C, et donc T est nulle.
  • Supposons λ = 0. Il existe alors de même des constantes réelles B, C telles que X(x) = Bx + C. Une fois encore, les conditions aux limites entraînent X nulle, et donc T nulle.

Il reste donc le cas λ > 0. Il existe alors des constantes réelles A, B, C telles que

Les conditions aux limites imposent maintenant C = 0 et qu'il existe un entier positif n tel que

On obtient ainsi une forme de la solution. Toutefois, l'équation étudiée est linéaire, donc toute combinaison linéaire de solutions est elle-même solution. Ainsi, la forme générale de la solution est donnée par

La valeur de la condition initiale donne :

On reconnait un développement en série de Fourier, ce qui donne la valeur des coefficients :

Généralisation[modifier | modifier le code]

Une autre manière de retrouver ce résultat passe par l'application de théorème de Sturm-Liouville et la décomposition de la solution sur la base des solutions propres de la partie spatiale de l'opérateur différentiel sur un espace vérifiant les conditions aux bords.

Dans le cas vu précédemment, cela revient à déterminer les solutions propres de l'opérateur sur l'espace des fonctions deux fois continûment dérivables et nulles aux bords de [0,L]. Les vecteurs propres de cet opérateur sont alors de la forme :

de valeurs propres associées

.

Ainsi, on peut montrer que la base des (en) est orthonormale pour un produit scalaire, et que toute fonction vérifiant f(0) = f(L) = 0 peut se décomposer de façon unique sur cette base, qui est un sous-espace dense de L2((0, L)). En continuant le calcul, on retrouve la forme attendue de la solution.

Solution fondamentale[modifier | modifier le code]

On cherche à résoudre l'équation de la chaleur sur

où l'on note , avec la condition initiale . On introduit donc l'équation fondamentale :

désigne la masse de Dirac en 0. La solution associée à ce problème (ou noyau de la chaleur) s'obtient[3] par exemple en considérant la densité d'un mouvement brownien :

,

et la solution du problème général s'obtient par convolution :

,

puisqu'alors vérifie l'équation et la condition initiale grâce aux propriétés du produit de convolution.

Problèmes inverses[modifier | modifier le code]

La solution de l'équation de la chaleur vérifie le principe du maximum suivant :

Au cours du temps, la solution ne prendra jamais des valeurs inférieures au minimum de la donnée initiale, ni supérieures au maximum de celle-ci.

L'équation de la chaleur est une équation aux dérivées partielles stable parce que des petites perturbations des conditions initiales conduisent à des faibles variations de la température à un temps ultérieur en raison de ce principe du maximum. Comme toute équation de diffusion l'équation de la chaleur a un effet fortement régularisant sur la solution : même si la donnée initiale présente des discontinuités, la solution sera régulière en tout point de l'espace une fois le phénomène de diffusion commencé.

Il n'en va pas de même pour les problèmes inverses tels que :

  • équation de la chaleur rétrograde, soit le problème donné où on remplace la condition initiale par une condition finale du type  ;
  • la détermination des conditions aux limites à partir de la connaissance de la température en divers points au cours du temps.

Ces problèmes sont mal posés et ne peuvent être résolus qu'en imposant une contrainte de régularisation de la solution.

Généralisations[modifier | modifier le code]

L'équation de la chaleur se généralise naturellement :

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Si le milieu est homogène sa conductivité est une simple fonction de la température, . Alors elle ne dépend de l'espace que via les variations spatiales de la température : . Si dépend très peu de (), alors elle dépend aussi très peu de l'espace.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Mémoire sur la propagation de la chaleur dans les corps solides, connu à travers un abrégé paru en 1808 sous la signature de Siméon Denis Poisson dans le Nouveau Bulletin des sciences par la Société philomathique de Paris, t. I, p. 112-116, n°6.
  2. Jean Zinn-Justin, Intégrale de chemin en mécanique quantique : introduction, EDP Sciences, , 296 p. (ISBN 978-2-86883-660-1, lire en ligne).
  3. Robert Dautray, Méthodes probabilistes pour les équations de la physique, Eyrolles, (ISBN 978-2-212-05676-1).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]