Épître au Tigre de France

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L’Épître au Tigre de France (Le Tigre) est un pamphlet (ou libelle) publié en 1560. Publié anonymement, il est par la suite attribué au jurisconsulte calviniste François Hotman.

Première page avec la célèbre exorde : « Tigre enragé ! Vipère venimeuse ! Sépulcre d’abomination ! Spectacle de malheur ! Jusqu’à quand sera-ce que tu abuseras de la jeunesse de nostre Roy ? »

Le libelliste commence par apostropher Charles de Lorraine (1524-1574) à la manière de Cicéron. Il remonte ensuite jusqu'à François Ier pour stigmatiser les Guise. Hotman cherche ainsi à démontrer leur emprise sur le jeune roi François II et, plus largement, leur influence néfaste sur le royaume de France.

Généralement présenté comme un chef-d'œuvre d'éloquence, fruit de la rhétorique humaniste et protestante, le Tigre est l'un des plus célèbres libelles diffamatoires de son époque. Il est également considéré, bien que cela soit un anachronisme, comme le "J'accuse" de la seconde moitié du XVIe siècle[1]. Henri Martin écrit même que « chaque ligne semble écrite à la pointe du glaive, avec le sang des martyrs »[2].

Contexte et résumé[modifier | modifier le code]

La mainmise des Guise sur le pouvoir[modifier | modifier le code]

Dans les jours qui suivent la mort accidentelle d’Henri II, le 10 juillet 1559, ce sont le duc François de Guise et son frère le cardinal de Lorraine qui parviennent à s’imposer, prenant en mains les affaires du royaume[3]. François II, bien qu’étant majeur, laisse cette régence s’installer. Ce changement au sommet de l’État se fait au détriment d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre et prince de sang, dans lequel les réformés fondent leurs espoirs. Le royaume de France traverse une période difficile, marquée par la contestation du pouvoir et l’enracinement de la Réforme. Par conséquent, le Tigre fait écho à un sentiment de confiscation du pouvoir par une partie des élites du royaume de France. Les Guise symbolisent cet accaparement de l’autorité, ce qui en fait des cibles privilégiées pour les protestants[4] mais aussi pour certains catholiques[5].

Les suites de la conjuration d'Amboise (mars 1560)[modifier | modifier le code]

Après l’échec de la conjuration, s’ouvre une véritable guerre pamphlétaire. C’est dans ce contexte que paraît le Tigre, imprimé à Strasbourg et publié anonymement, un court texte se composant de onze pages (sept feuillets). Malgré cette concision, il est souvent considéré comme le point culminant de ce déchaînement des plumes. Sans évoquer directement la conjuration, le texte se concentre sur la figure du cardinal de Lorraine, assimilé à un tigre féroce. Le Tigre établit un acte d’accusation impitoyable qui impute au prélat tous les maux du royaume. Le texte remonte jusqu’au règne de François 1er pour démontrer la genèse de l’ambition dangereuse des Guise.

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Hugues Daussy, Le parti huguenot : Chronique d'une désillusion, 1557-1572 [en ligne], Genève, Droz, 2014, non paginé.
  • Tatiana Debbagi Baranova, À coups de libelles. Une culture politique au temps des guerres de Religion (1562-1598), Genève, Droz, 2012.
  • Monique Droin-Bridel, « Vingt-sept pamphlets huguenots 1560-1562 », M.-C. Junod, M. Droint-Bridel & O. Labarthe, Polémiques religieuses, Études et textes, Genève, Société d’Histoire et d’archéologie, 1970, p. 187-343.
  • Eric Durot, « Les Guises comme figure(s) médiatique(s) », G. Haug-Moritz et L. Schilling (dir.), Médialité et interprétation contemporaine des premières guerres de Religion, Berlin, München, Boston, De Gruyter Oldenbourg, 2014, p. 51-63.
  • Kurt Glaser, « Beiträge zur Geschichte der politischen Literatur Frankreichs in der zweiten Hälfte des 16.Jahrhunderts. I. Teil », Zeitschrift für französische Sprache und Literatur, Bd. 32, 1908, p. 238-262.
  • Arlette Jouanna, Le devoir de révolte la noblesse française et la gestation de l'État moderne, 1559-1661, Paris, Fayard, 1989.
  • Donald. R. Kelley, François Hotman: A Revolutionary’s Ordeal, Princeton, Princeton University Press, 1973.
  • Charles Lénient, La satire en France, ou La littérature militante au XVIe siècle, t. 1, Paris, Hachette, 1886.
  • Paul-Alexis Mellet, Les Traités Monarchomaques Confusion Des Temps, Résistance Armée Et Monarchie Parfaite, 1560-1600, Genève, Droz, 2007.
  • Daniel Ménager, « Le Tigre et la mission du pamphlétaire », Le Pamphlet en France au XVIe siècle, Cahiers V.L. Saulnier no 1, coll. de l'ENS de Jeunes Filles, 1983, p. 116-118.
  • Rodolphe Peter, "Le Tigre" de F. Hotman, une énigme bibliographique résolue, B.S.H.P.F., no 124, 1978.
  • Jacques Pineaux, « La métaphore animale dans quelques pamphlets du XVIe siècle », Le Pamphlet en France au XVIe siècle, Cahiers V.L. Saulnier no 1, coll. de l'ENS de Jeunes Filles, 1983, p. 39 sqq.
  • Sophie Tejedor, À la croisée des temps. François II, roi de France et la crise des années 1559-1560, Thèse Histoire, Université Sorbonne, 2019.
  • Jean-Claude Ternaux, " Les excès de la maison de Lorraine dans l'épître et la satire du Tigre" (1560-1561), Le Mécénat et l'influence des Guises, Actes du colloque de Joinville -, dir. Yvonne Bellenger, Paris, Champion, 1997, p. 381-403.
  • Agostino di Bondeno, "Colloqui di Poissy", Roma, Albatros Il Filo, 2018

Liens externes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. D. R. Kelley, François Hotman: A Revolutionary’s Ordeal, Princeton, Princeton University Press, 1973, p.113
  2. H. Martin, Histoire de France, Tome IX, Outlook Verlag (réédition 2022), 1858, p. 42.
  3. Eric Durot, François de Lorraine, duc de Guise entre Dieu et Roi, Paris, Classiques Garnier, , pp. 884. (ISBN 978-2-8124-0610-2)
  4. Un prélat français de la Renaissance le cardinal de Lorraine entre Reims et l'Europe, Genève, Droz, , p. 151-165
  5. P. Benedict, « « From Polemics to Wars: TheCurious Case of the House of Guise and the Outbreak of the French Wars of Religion » », Historein,‎ , p. 97-105 (lire en ligne Accès limité)

Liens externes[modifier | modifier le code]