Énurésie nocturne

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Énurésie nocturne
Description de l'image Plastic Pants suitable for nocturnal enuresis in larger child or small adult.JPG.

Traitement
Médicament Mesocarb (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Spécialité Psychiatrie et psychologieVoir et modifier les données sur Wikidata
Classification et ressources externes
CISP-2 P12Voir et modifier les données sur Wikidata
CIM-10 F98.0, R32
CIM-9 307.6, 788.36
DiseasesDB 4326
MedlinePlus 003144
eMedicine 1014762
MeSH D053206

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L’énurésie (ou énurèse) nocturne est une affection caractérisée par la survenue pendant le sommeil de mictions involontaires et inconscientes chez l’enfant de plus de cinq ans ou l’adulte. C’est ce que désigne familièrement l’expression « faire pipi au lit ». L’énurésie est due à un sommeil trop profond, à un manque de maturité du réflexe de miction ou à un trouble psycho-affectif. Dans de rares cas, l’énurésie nocturne est le signe d’une malformation de l’appareil urinaire voire d’une malformation d’Arnold Chiari.

L’énurésie nocturne est dite primaire si l’enfant a toujours mouillé son lit et secondaire si une période de propreté de six mois a été observée. Dans ce dernier cas, la cause est souvent un trouble psycho-affectif. Elle est dite monosymptomatique si elle est isolée, c’est-à-dire si elle n’est pas associée à une énurésie ou à des problèmes mictionnels diurnes.

Épidémiologie[modifier | modifier le code]

Dix à vingt pour cent des enfants en souffrent à 5 ans, 3 à 4 % des enfants en souffrent à 10 ans, 1 à 2 % des enfants en souffrent à 15 ans[1],[2]. Il est estimé qu’un adulte sur deux cents en reste affecté à vie, cependant les statistiques chez l'adulte ne sont basées que sur les cas déclarés. Les patients affectés gardant souvent ce problème caché du fait de la honte engendrée par ce problème réputé « d'enfant », les valeurs sont probablement sous-estimées. Les garçons en souffrent deux à trois fois plus souvent que les filles. Elle est parfois associée avec une incontinence diurne, également, avec une constipation[3], des troubles de la respiration durant le sommeil[4], un diabète de type 1 ou une obésité[5]. Elle est plus fréquente chez les enfants ayant des troubles du développement ou du comportement : autisme, trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité]ainsi que des troubles Dys [5]. Les formes primaires sont plus fréquentes que les formes secondaires et les monosymptomatiques que les polysymptomatiques[5].

Une prise en charge doit se discuter uniquement si les épisodes sont répétées : au moins un épisode mensuel trois mois d'affilée à partir de cinq ans[5]. L'évolution est bonne spontanément essentiellement pour les formes modérées[6].

Causes[modifier | modifier le code]

Les causes peuvent en être multiples : problèmes psychologiques quelle que soit sa cause, de sommeil ou proprement urologique (cystite). L'IRM fonctionnelle montre des anomalies d'activation au niveau du cortex préfrontal, suggérant un problème de maturation retardé[7].

Deux gènes sur les chromosomes 12 et 13 ont été isolés dans certaines familles d’énurétiques, mais leur rôle réel n’est pas clair[8]. Si l’un des parents était énurétique, il y a 44 % de risques que l’enfant le soit. Si les deux parents étaient énurétiques, il y a 77 % de risques que l’enfant le soit. Un enfant énurétique a respectivement une probabilité de 23 % et 35 % d’avoir une mère ou un père anciennement énurétique[8].

Plusieurs mécanismes entrent en jeu : un défaut d'éveil lorsque la vessie est pleine[9],[10], une polyurie nocturne (augmentation du volume d'urines produites)[5] ainsi qu'un réflexe de vidange de la vessie persistant, durant le sommeil[5]. Par ailleurs, le volume de la vessie durant les mictions nocturnes involontaires semble inférieur à celui lors des mictions diurnes, suggérant une cause locale[11].

Conséquences[modifier | modifier le code]

L'énurésie nocturne peut être socialement stigmatisante[12], pouvant entraîner des troubles du comportement et une baisse de l'estime de soi[13]. Elle peut provoquer également des réactions violentes de certains parents sous prétexte de punir l'enfant[14].

Examen[modifier | modifier le code]

Un examen clinique permet d’éliminer les arguments en faveur d’une maladie neurologique. De manière systématique, un examen cytobactériologique des urines (prélèvement de manière stérile d’un échantillon d’urines pour examen au microscope et mise en culture) est fait de manière à éliminer une infection urinaire. L’absence de sucre dans les urines permet d’éliminer un diabète.

Si l’énurésie est également diurne, un avis spécialisé est nécessaire. L’échographie vésicale permet d’évaluer le volume de la vessie et son résidu (volume après miction). Une exploration urodynamique peut être parfois proposée.

Traitement[modifier | modifier le code]

Règles hygiéno-diététiques et abord comportemental[modifier | modifier le code]

Il s’agit du traitement de première ligne dans l’énurésie isolée ; il est efficace dans 30 % des cas[15], ce qui est supérieur à une attitude attentiste[16]. Différentes mesures hygiéno-diététiques sont préconisées : il est ainsi conseillé de favoriser la miction avant le coucher, d’éviter les boissons dans les deux heures qui précèdent celui-ci.

Le traitement d’une constipation associée peut aider à la résolution du problème[17].

Systèmes d'alarme[modifier | modifier le code]

Fonctionnement d’un système d’alarme sans fil.

Il existe différents systèmes d’alarme commercialisés qui amènent à un réveil de l’enfant (ou d'un parent) dès le tout début de la miction nocturne. Ils fonctionnent sur le principe de la conductivité électrique de l’urine qui agit comme un interrupteur et enclenche une sonnerie. Ces systèmes ont fait la preuve de leur utilité dans le traitement de l’énurésie primaire monosymptomatique[18],[19].

Traitements médicamenteux[modifier | modifier le code]

Le traitement médicamenteux ne doit pas être prescrit en première intention et sera discuté en cas d’échec des mesures générales et lorsque l’énurésie devient mal tolérée par l’enfant ou l’adolescent. Il convient de retenir deux médicaments : la desmopressine et l’oxybutynine. Les antidépresseurs tricycliques (imipramine et clomipramine) ne sont plus indiqués dans l’énurésie chez l’enfant en raison de leurs effets secondaires potentiellement graves[20]. Seule la desmopressine, qui est un analogue structurel de l’arginine-vasopressine de synthèse (hormone antidiurétique ou ADH), a l’indication dans le traitement de l’énurésie isolée avec une efficacité démontrée[21]. Elle aurait pour action principale de diminuer la diurèse nocturne en augmentant la réabsorption d’eau au niveau du tube collecteur du néphron. Son effet secondaire principal serait la survenue d’une baisse sanguine du taux de sodium (hyponatrémie) qui peut être prévenue en recommandant de ne pas boire entre la prise du comprimé et le sommeil[22]. L’oxybutinine est indiquée dans l’énurésie associée à des troubles mictionnels diurnes à type d’instabilité vésicale (impériosités mictionnelles et fuites urinaires[23]). Elle agit sur le détrusor en diminuant l’amplitude des contractions non inhibées de la vessie et augmente ainsi sa capacité fonctionnelle[24].

Port de protections[modifier | modifier le code]

Face à l'énurésie, une solution peut être adoptée, celle du port de protections de type couche-culotte. En effet, les couches peuvent permettre à l'enfant ou à l'adolescent de ne pas se réveiller trempé durant la nuit. Bien qu'elles ne résolvent pas le problème de pipi au lit, les protections sont une solution de confort pour l'enfant, qui bénéficiera ainsi d'un meilleur sommeil, ainsi que pour la famille, en évitant de changer les draps chaque jour. Néanmoins, certains urologues déconseillent le port de couches chez l'enfant ou l'adolescent énurétique dans l'objectif de ne pas le conforter dans son problème. Cette approche est ancrée dans la théorie ancienne voulant que l'enfant atteint d'énurésie est simplement paresseux et que l'inconfort lié à son énurésie est une motivation « essentielle » à sa guérison. Cependant de plus en plus de pédiatres et urologues « modernes » considèrent la nécessité d'un sommeil de qualité prioritaire. De plus un meilleur sommeil régulier contribuera dans beaucoup de cas à la résolution du problème à moyen/long terme.

Plusieurs types de protection existent : les couches-slips (sous forme de culotte à enfiler) et les changes-complets (couches avec attaches adhésives). Les couches-slips renforceront l'autonomie de l'enfant puisque ce dernier pourra l'enfiler seul contrairement aux changes-complets où l'enfant aura besoin de l'aide d'un tiers pour le positionnement et l'ajustement de la protection. Parmi les couches-slips, certaines sont spécialement conçus pour les enfants et les adolescents énurétiques. Les changes-complets sont plus absorbants que les culottes absorbantes, mais moins pratiques à l'utilisation.

Autres[modifier | modifier le code]

La prise en charge des troubles respiratoires durant le sommeil par une amygdalectomie peut résoudre certaines énurésies[4].

L'acupuncture[25], l'hypnose[26] ou encore la neurostimulation électrique transcutanée (appliquée sur le nerf tibial postérieur)[27],[28] semblent avoir une certaine efficacité. De nombreux patients consultent des ostéopathes pour lutter contre l'énurésie nocturne primaire isolée mais il n'existe pas d'études cliniques pouvant attester de résultats probants comme le soulignent Burguete et Dubois[29].

Divers[modifier | modifier le code]

L’acteur américain Michael Landon (Charles Ingalls dans la série télévisée La Petite Maison dans la prairie), énurétique durant son adolescence, a produit et interprété un film sur ce sujet : The Loneliest Runner, où un étudiant de 18 ans arrive à guérir de ce handicap, malgré les quolibets de ses condisciples, grâce à la course de fond.

Dans une de ses chansons intitulée Pipi au lit, le chanteur Stromae révèle qu'il a lui-même été énurétique jusqu'à l'âge de quatorze ans.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Hellstrom AL. et al. « Micturition habits and incontinence in 7-year-old Swedish school entrants » Eur J Pediatr. 1990;149:434-7.
  2. (en) Scharf MB et al. « Childhood enuresis, a comprehensive treatment program » Psychiatr Clin North Am. 1987, n°10, p. 655-66.
  3. (en) McGrath KH, Caldwell PHY, Jones MP. « The frequency of constipation in children with nocturnal enuresis: a comparison with parental reporting » J Paediatr Child Health 2008;44:19-27. PMID 17854414
  4. a et b (en) Jeyakumar A, Rahman SI, Armbrecht ES, Mitchell R. « The association between sleep-disordered breathing and enuresis in children » Laryngoscope 2012;122:1873-7. PMID 22549900
  5. a b c d e et f (en) Caldwell PH, Deshpande AV, Von Gontard A. « Management of nocturnal enuresis » BMJ 2013;347:f6259. PMID 24170156
  6. (en) Yeung CK, Sreedhar B, Sihoe JD, Sit FK, Lau J. « Differences in characteristics of nocturnal enuresis between children and adolescents: a critical appraisal from a large epidemiological study » BJU Int. 2006;97:1069-73. PMID 16643494
  7. (en) Lei D, Ma J, Du X, Shen G, Tian M, Li G. « Spontaneous brain activity changes in children with primary monosymptomatic nocturnal enuresis: a resting‐state fMRI study » Neurourol Urodynam. 2012;31:99-104. PMID 22038619
  8. a et b (en) von Gontard A. et al. « The genetics of enuresis: a review » J Urol. 2001; 166: 2438-43. PMID 11696807
  9. (en) Kawauchi A, Imada N, Tanaka Y, Minami M, Watanabe H, Shirakawa S. « Changes in the structure of sleep spindles and delta waves on electroencephalography in patients with nocturnal enuresis » Br J Urol. 1998;81(suppl 3):72-5. PMID 9634024
  10. (en) Yeung CK, Diao M, Sreedhar B. « Cortical arousal in children with severe enuresis » N Engl J Med. 2008;358:2414-5. PMID 18509134
  11. (en) Kawauchi A, Tanaka Y, Naito Y, Yamao Y, Ukimura O, Yoneda K. et al. « Bladder capacity at the time of enuresis » Urology 2003;61:1016-8. PMID 12736027
  12. (en) Butler R, Heron J. « An exploration of children’s views of bed‐wetting at 9 years » Child Care Health Dev. 2008;34:65-70. PMID 18171446
  13. (en) Redsell SA, Collier J. « Bedwetting, behaviour and self-esteem: a review of the literature » Child Care Health Dev. 2001;27:149-62. PMID 11251613
  14. (en) Can G, Topbas M, Okten A, Kizil M. « Child abuse as a result of enuresis » Pediatr Int. 2004;46:64-6. PMID 15043667
  15. Moutard ML. « Traitement de l’énurésie » Médecine thérapeutique/pédiatrie 1998;1(5):453-457.
  16. (en) Caldwell PHY, Nankivell G, Sureshkumar P. « Simple behavioural interventions for nocturnal enuresis in children » Cochrane Database Syst Rev. 2013;7:CD003637. PMID 23881652
  17. (en) Loening-Baucke V, « Urinary incontinence and urinary tract infection and their resolution with treatment of chronic constipation of childhood » Pediatrics 1997;100:228-232.
  18. [PDF] Évaluation des systèmes d’alarme dans le traitement de l’énurésie nocturne primaire mono symptomatique, ANAES/HAS, mars 2003.
  19. (en) Glazener CM, Evans JH, Peto R, « Alarm interventions for nocturnal enuresis in children » Cochrane Database Syst Rev 2005;2:CD002911-CD002911.
  20. P. Berlier, « Traitements médicamenteux » in P. Cochat, Énurésie et troubles mictionnels de l’enfant, Elselvier, 1997, p. 107-114.
  21. (en) Glazener CM, Evans JH, « Desmopressin for nocturnal enuresis in children », Cochrane Database Syst Rev. 2002;3:CD002112-CD002112. PMID 12137645
  22. (en) Robson WLM, Norgaard JP, Leung AKC, « Hyponatremia in patients with nocturnal enuresis treated with DDAVP » Eur J Pediatr. 1996;155:959-962.
  23. (en) Nevéus T, « Oxybutynin, desmopressin and enuresis » J Urol. 2001;166:2459-2462.
  24. M. Averous « Le contrôle mictionnel au cours du sommeil » Revue du Praticien 1991, no 41, p. 2282-2287.
  25. (en) Bower WF, Diao M. « Acupuncture as a treatment for nocturnal enuresis » Auton Neurosci. 2010;157:63-7. PMID 20728414
  26. (en) Banerjee S, Srivastav A, Palan BM. « Hypnosis and self-hypnosis in the management of nocturnal enuresis: a comparative study with imipramine therapy » Am J Clin Hypnos. 1993;36:113-9. PMID 8259762
  27. O. Bouali, L. Even b, O. Abbo a, P. Galinier a, J. Moscovici, X. Gamé, « Stimulation transcutanée du nerf tibial dans le traitement des hyperactivités vésicales réfractaires de l’enfant et de l’adolescent. Étude préliminaire », Progrès en urologie, vol. 23, no 13,‎ , p. 1035-1036 (DOI 10.1016/j.purol.2013.08.042)
  28. Marteau, M. Neurostimulation transcutanée dans les vessies hyperactives de l'enfant, thèse de médecine, université de Rennes, 2006. (OCLC 492846167)
  29. Burguete Emmanuel et Thibault Dubois, « La prise en charge médicale et ostéopathique de l’énurésie nocturne primaire isolée », Soins Pédiatrie/Puériculture, vol. 34, no 272,‎ , p. 17–19 (DOI 10.1016/j.spp.2013.03.002, lire en ligne, consulté le )