Émile Loubet

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Émile Loubet
Illustration.
Portrait officiel du président Émile Loubet.
Fonctions
Président de la République française

(7 ans)
Élection 18 février 1899
Président du Conseil Charles Dupuy
Pierre Waldeck-Rousseau
Émile Combes
Maurice Rouvier
Prédécesseur Félix Faure
Successeur Armand Fallières
Président du Sénat

(3 ans, 1 mois et 2 jours)
Prédécesseur Paul-Armand Challemel-Lacour
Successeur Armand Fallières
Président du Conseil des ministres

(9 mois et 1 jour)
Président Sadi Carnot
Gouvernement Loubet
Législature Ve (IIIe République)
Prédécesseur Charles de Freycinet
Successeur Alexandre Ribot
Ministre de l'Intérieur

(10 mois et 15 jours)
Président Sadi Carnot
Gouvernement Loubet
Ribot I
Prédécesseur Ernest Constans
Successeur Alexandre Ribot
Ministre des Travaux publics

(3 mois et 22 jours)
Président Sadi Carnot
Gouvernement Tirard I
Prédécesseur Severiano de Heredia
Successeur Pierre Deluns-Montaud
Biographie
Nom de naissance Émile François Loubet
Date de naissance
Lieu de naissance Marsanne, Drôme (France)
Date de décès (à 90 ans)
Lieu de décès Montélimar, Drôme (France)
Nationalité Française
Parti politique ARD
Conjoint Marie-Louise Picard
Entourage Léon Gambetta
Diplômé de Faculté de droit de
l'université de Paris
Profession Avocat
Religion Catholicisme

Émile Loubet
Présidents de la République française

Émile Loubet, né le à Marsanne (Drôme) et mort le à Montélimar (Drôme), est un homme d'État français. Il est président de la République française du au .

Avocat de profession, il est élu député de la Drôme en 1876. Après avoir été ministre des Travaux publics, il est président du Conseil de à . Il est en parallèle ministre de l'Intérieur, fonction qu'il conserve dans le premier gouvernement Ribot. En 1896, il accède à la présidence du Sénat.

En 1899, il est élu président de la République après la mort soudaine de Félix Faure. À l'issue de son septennat, il se retire de la vie politique.

Biographie

Famille

Né le [Note 1], Émile François Loubet est le fils cadet d'Augustin Loubet[Note 2] (1808-1882) et de Marie-Marguerite Nicolet (1812-1905), d'une famille de cultivateurs et d'édiles de la Drôme (le père du futur président est maire de Marsanne pendant 26 ans).

Il a aussi un frère aîné, Joseph-Auguste (1837-1916), médecin, et une sœur, Félicie (morte en 1892).

Il épouse à Montélimar, le , Marie-Louise Picard (1843-1925) qui lui donnera quatre enfants : Marguerite, Denis, Paul et Philibert-Émile. Seule la postérité de Marguerite, les Soubeyran de Saint-Prix, subsiste.

Émile Loubet n'est ni issu de la grande bourgeoisie ni des couches défavorisées de la population. Les revenus de l'exploitation agricole familiale permettent néanmoins aux deux garçons d'aller étudier d'abord à Valence puis à Paris. Alors que son frère s'inscrit à la faculté de médecine, Émile y étudie le droit jusqu'à obtenir le son doctorat. Il s'inscrit au barreau de Montélimar en [1].

Émile Loubet est un républicain modéré. Pendant ses études de droit, il fait la connaissance de Léon Gambetta et entre à sa suite en politique.

Premiers pas en politique

Émile Loubet entre en politique en intégrant le conseil municipal de Grignan en décembre 1868[2].

Après avoir été élu conseiller général de Montélimar le 18 juin 1870 puis maire le 29 septembre (mandat qu'il garde jusqu'à son élection de Président de la République)[1], il est élu député de la Drôme le 1876. Il siège à gauche de l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du .

Le , il fait partie des 363 députés du « Bloc des Gauches » qui votent la défiance au gouvernement d'ordre moral du duc de Broglie[1]. La Chambre est alors dissoute par le président de la République, le maréchal de Mac Mahon. Loubet, comme ses confrères, est sanctionné et perd (momentanément) sa charge de maire. Il demeure député jusqu’en janvier 1885, date à laquelle il est élu sénateur de la Drôme[2].

Le parlementaire

Émile Loubet fait la plus grande part de sa longue carrière politique au Sénat. Il y est élu en et devient rapidement un acteur majeur de la gauche républicaine. Il est nommé secrétaire de la Chambre haute, puis intègre la Commission des Finances en tant que rapporteur général du Budget. À la Chambre haute, il s’inscrit au groupe de la gauche républicaine. Élu secrétaire en janvier 1887, il est rapporteur général du budget, à la commission des finances, lorsque, dans le premier ministère constitué après l’élection du président de la République Sadi Carnot, dans le cabinet de Pierre Tirard, il est chargé du portefeuille des Travaux publics. De retour au palais du Luxembourg en , il est appelé par le président Carnot à la présidence du Conseil, responsabilité qu’il exerce de février à . Ministre de l’Intérieur dans le cabinet Ribot, le scandale de Panama dont il a tenté de freiner l'enquête en faisant pression sur le procureur général[3], conduit à son remplacement le . Émile Loubet reprend son siège au Sénat et redevient président de la commission des Finances.

Le , Émile Loubet devient le président du Sénat après la démission de Paul-Armand Challemel-Lacour. À ce titre, c'est lui qui annonce le la mort du président Félix Faure.

Ministre et Président du conseil

Président de la République

Élection

Portrait du président Émile Loubet.

La mort subite de Félix Faure ouvre la course à la présidence de la République. L'élection oppose le camp des antidreyfusards aux dreyfusards. Jusqu'ici, Félix Faure aurait appuyé les adversaires de la révision du procès de Dreyfus.

Deux candidats se dégagent rapidement : Émile Loubet et Jules Méline, Méline étant l'antidreyfusard (il a déclaré en 1897 : « il n'y a pas d'affaire Dreyfus »).

Très vite, le nom de Loubet s'impose. Pourtant Loubet n'a jamais exprimé d'avis sur l'affaire. Il est resté systématiquement neutre sur la question. C'est sa non-compromission avec les antidreyfusards qui en fait petit à petit le champion des dreyfusards : Georges Clemenceau en fait son favori. Les républicains souhaitent un candidat commun, mais non radical. Loubet a déjà été pressenti pour succéder à Sadi Carnot. En apprenant la candidature du président du Sénat, Jules Méline retire la sienne.

Émile Loubet est élu président de la République par le Congrès réuni à Versailles le par 483 voix contre 279 à Jules Méline (qui, malgré le retrait de sa candidature, obtint des voix). L'élection a deux répercussions immédiates : Paul Déroulède tente sans succès de faire un coup d'État pour renverser la Troisième République et Loubet est personnellement agressé à coups de canne par le baron Christiani à la tribune de l'hippodrome d'Auteuil. Le baron est écroué et condamné à quatre ans de prison ferme[4].

Dans un contexte d'oppositions virulentes à la République (de la part des nationalistes et des royalistes) et de polémiques anti-religieuses (de la part des radicaux et des socialistes), Émile Loubet tente l'apaisement et le rassemblement, tout en s'en tenant à ses pouvoirs constitutionnels limités. La présidence Loubet est l'une des plus stables de la Troisième République : ainsi, seuls quatre présidents du Conseil furent nommés par Loubet durant son septennat : Charles Dupuy, Pierre Waldeck-Rousseau, Émile Combes et Maurice Rouvier.

Politique intérieure

Banquet des maires de France dans le jardin des Tuileries en 1900.

Du point de vue de la politique intérieure, le septennat d'Émile Loubet se passe dans le strict respect de la tradition républicaine : le président a un rôle de représentation officielle. Son autorité, réduite au minimum, ne s'exerce sur la politique intérieure de l'État que par influence, par persuasion et par conseil.

Le septennat d'Émile Loubet est le théâtre de décisions marquantes dans l'histoire de la République française : grâce du capitaine Dreyfus, promulgation de la loi sur les associations et, surtout, de la loi de décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, imposée au Président par la majorité radicale et socialiste.

C'est à son sujet que Le Figaro écrit un article le , décrivant le dépôt d'une gerbe de chrysanthèmes lors de l'inauguration d'un monument. Cet épisode, peut-être lu par le jeune Charles de Gaulle ou commenté par son père, est déformé par le Général pour créer l'expression « inaugurer les chrysanthèmes » soulignant l'absence de pouvoirs réels du président des IIIe et IVe Républiques.

À l'occasion de l'exposition universelle de 1900 organisée à Paris, Émile Loubet convia l'ensemble des maires de France à un banquet de 22 965 convives dans le jardin des Tuileries. Ce banquet fut l'occasion de la manifestation d'un large soutien des élus locaux à la République et à son président.

Politique étrangère

Carte postale pour la venue de Nicolas II en 1901.

C'est dans le cadre de la politique étrangère que le président Loubet fut le plus impliqué. Il conseillait le gouvernement et orientait, dans ses grandes lignes, cette politique.

Le septennat est aussi marqué par une intense activité diplomatique avec d'une part l'alliance franco-russe – il reçoit Nicolas II en , avec les fameuses manœuvres de Bétheny, et se rend en visite officielle en Russie en 1902 - et d'autre part le Royaume-Uni.

Loubet améliora aussi les rapports tendus avec l'Italie, avec laquelle il signa en 1900 un accord qui reconnut les intérêts italiens en Libye en échange de la reconnaissance du protectorat français sur le Maroc. En 1901, il reçut la plus haute décoration italienne, l'ordre de l'Annonciade et en 1904, à la suite de la visite du roi Victor-Emmanuel III à Paris, Loubet se rendit à Rome en visite d’État. C'était la première visite officielle après la prise de Rome d'un chef d’État catholique, et le pape Pie X protesta officiellement.

Le , il échappe à un attentat visant le roi d'Espagne Alphonse XIII, en visite à Paris[5]. Deux bombes à main sont lancées sur le cortège à l'angle de la rue de Rohan et la rue de Rivoli. Dix-sept personnes sont blessés, mais l'auteur ne fut jamais identifié[6].

Fin du mandat et retraite

Émile Loubet au côté de ses successeurs Paul Deschanel, Raymond Poincaré et Armand Fallières ().

À la fin de son septennat en 1906, il est le premier président de la IIIe République à quitter l'Élysée après avoir accompli un mandat complet (avant lui, Jules Grévy a déjà terminé un premier septennat mais, réélu, il n'a pas été au bout du deuxième, devant démissionner à la suite du scandale des décorations de 1887).

Émile Loubet se retire ensuite de la vie politique. Il déclarera ne plus vouloir exercer aucune fonction publique, n'être « pas même conseiller municipal ! »[réf. nécessaire].

Il meurt le , âgé de 90 ans et 11 mois ; il est enterré au cimetière Saint-Lazare de Montélimar. Après être resté pendant plus de 85 ans le président français ayant vécu le plus longtemps, il arrive désormais, depuis le 22 janvier 2017, en deuxième position, dépassé par Valéry Giscard d'Estaing. Il est aussi le deuxième à avoir survécu le plus longtemps après la fin de son mandat, là aussi derrière Valéry Giscard d'Estaing.

Suivant le vœu qu'il a exprimé, ses enfants refusent les obsèques nationales.

Mandats politiques

À Montélimar

Au Parlement

Au gouvernement

  • -  : ministre des Travaux Publics dans le Gouvernement Tirard.
  • -  : président du Conseil, ministre de l'Intérieur
  • -  : ministre de l'Intérieur du Gouvernement Ribot

À la présidence de la République

  • -  : président de la République

Décorations

Notes et références

Notes

  1. Archives municipales de Marsanne, 1829-1889, 1838, acte no 39 : « L'an mil huit cent trente huit et le trente et un décembre à neuf heures du matin, pardevant nous, Henri-Xavier Jarias, adjoint remplissant par délégation de Monsieur le Maire les fonctions d'officier de l'état civil de la commune de Marsanne, chef-lieu de canton, département de la Drôme, est comparu Sieur Antoine Augustin Loubet, âgé de trente ans, propriétaire habitant au territoire de Marsanne ; Lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né le trente de ce mois à cinq heures du soir, de lui déclarant et de Marie Marguerite Nicolet, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Emile François ; la dite déclaration et présentation faites en présence des Sieurs Joseph Jacques Laville âgé de quarante deux ans, notaire et Joseph Ollivier, âgé de trente-sept ans, propriétaire domiciliés l'un et l'autre à Marsanne et ont les témoins signé avec nous et le déclarant le présent acte de naissance après que lecture leu en a été faite. Signé : J. Ollivier, Laville, not., Loubet, Jarias adjoint ».
  2. Le patronyme Loubet désigne soit celui qui est un descendant de Loubet, ancien prénom (nom de personne), diminutif du prénom Loup (popularisé par plusieurs saints), soit un toponyme fréquent en pays occitan, désignant un lieu fréquenté par les loups. C'est dans le Sud-Ouest que le nom de famille est le plus répandu (Sources : « Origine du nom "LOUBET" », sur www.geneanet.org (consulté le )).

Références

  1. a b et c Cornillet 2008, p. 33.
  2. a et b Cornillet 2008, p. 24.
  3. Jean-Yves Mollier, Le scandale de Panama, Paris, Fayard, coll. « Nouvelles études historiques », , 564 p. (ISBN 2-213-02674-2), ?.
  4. Pierre Accoce, Ces assassins qui ont voulu changer l'Histoire, Plon, 1999 p. 138.
  5. Carte du théâtre de l'attentat Le Petit Parisien, Paris, 2 juin 1905, quotidien (ISSN 0999-2707) [lire en ligne].
  6. Pierre Accoce, Ces assassins qui ont voulu changer l'Histoire, Plon, 1999 p. 150.

Voir aussi

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Articles connexes

Sources

Les papiers personnels d'Émile Loubet sont conservés aux Archives nationales sous la cote 473AP (« Répertoire des Archives nationales », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le ).

Bibliographie

  • Thierry Cornillet, Émile Loubet ou La modération au pouvoir, Lyon, Les Grilles d'or, coll. « Pages d'histoire », , 284 p. (ISBN 9782917886045, BNF 41489251).
  • Coll., Le Président Émile Loubet, Grenoble, Gratier, coll. « Le Dauphiné historique », , 253 p. (BNF 37266477)
    Le Président Émile Loubet sur Gallica.
  • Abel Combarieu, Sept ans à l’Élysée avec le président Loubet : de l'affaire Dreyfus à la conférence d'Algésiras, 1899-1906, Paris, Hachette, (BNF 35770072).
  • Jean et Françoise Lovie (préf. Maurice Pic), Montélimar au temps d'Émile Loubet, Taulignan, Plein-Cintre, , 151 p. (ISBN 2-908233-01-0).
  • Matthieu Pibarot et René Girault (dir.), Émile Loubet et les Relations internationales : 1899-1906 (mémoire de diplôme d'études supérieures en histoire des relations internationales), Paris, université Panthéon-Sorbonne, , 322 p. (OCLC 492268177).
  • Jacques Chastenet, Histoire de la Troisième République : la République triomphante (1893-1906), t. III, Paris, Hachette, 1955 (BNF 37423160).
  • Rosemonde Sanson, L’Alliance républicaine et démocratique : une formation de centre (1901–1920), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003 (BNF 39042490).

Liens externes