Émile Counord

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Émile Counord
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 84 ans)

Émile-Pierre Counord, né le à Bergerac (Dordogne) et mort le à Bordeaux, est un ingénieur civil, industriel et homme politique français. Ami de Gambetta, il contribue au développement et à l'affermissement de la République dans le Sud-Ouest. Il crée à Bordeaux une importante scierie.

Biographie[modifier | modifier le code]

Émile-Pierre Counor naît le à Bergerac[1],[2]. Après des études scientifiques (École Impériale des Arts-et-Métiers, Promotion Angers 1858) et l’obtention du titre d’ingénieur civil à l’âge de 23 ans, il crée à Bordeaux dès 1866 une importante scierie à vapeur, à laquelle il apportera sans cesse des améliorations qui la maintiendront au premier rang des usines de ce genre[1].

Républicain engagé, dévoué de bonne heure aux idées libérales, E. Counord, élu député de Bordeaux le , fut l’un des derniers intimes de Léon Gambetta. C’est lui qui organisa la campagne électorale de l’illustre tribun. C’est aussi sous la présidence d’E. Counord que se déroula à Bordeaux, le synonymes dans la collection , la célèbre manifestation au cours de laquelle Jules Ferry vint développer Le programme des républicains du gouvernement, aux élections législatives du suivant »[3] .

Membre du Conseil d’arrondissement de Bordeaux de 1875 à 1880 et du Conseil général de la Gironde de 1880 à 1892[1],[4], E. Counord prit vite dans cette assemblée une place importante en tant que membre du Groupe des républicains progressistes[5], et « eut la plus large part dans la conclusion du nouveau ʺpacteʺ de Bordeaux, lors des élections municipales »[6].

Emile Counord fut aussi l’un des précurseurs de la lutte pour les Droits de l’Homme dans la région et occupa en 1899 la fonction de Président de la Section bordelaise de la Ligue française pour la défense des Droits de l’Homme en succédant à son fondateur, Émile Durkheim, philosophe et père de la sociologie française[7].

Dreyfusard convaincu, Émile Counord, tout comme Émile Loubet (qui sera élu Président de la République un peu plus tard), fait partie des 363 députés du « Bloc des Gauches » à voter la défiance au gouvernement d'ordre moral du Duc de Broglie le . En cela, il faut peut-être voir le premier geste fondateur d’une complicité politique entre Émile Counord et le futur Président de la République Émile Loubet ; complicité qui pourrait expliquer les liens d’amitié qui se noueront ultérieurement entre les deux personnalités politiques.

En tant que « dreyfusard », le positionnement politique d’Emile Counord apparait clairement, et d’une manière continue, au moins jusqu’en 1906, date à laquelle, dans une lettre ouverte, il prend publiquement la défense du doyen de la Faculté des lettres de Bordeaux, sanctionné par le Ministre de l’instruction publique de l’époque, Léon Bourgeois, pour avoir critiqué l’injustice subie par Dreyfus[8].

Emile Counord fut Président du Comité du monument Gambetta de 1900 à 1906 et reçut dans ce contexte chez lui à Bordeaux, le Président de la République Émile Loubet le .

En plus de ses mémorables atrides, lettres ouvertes et discours politiques, Emile Counord a donné de nombreuses conférences[1]. Plusieurs de ses lettres et conférences ont été imprimées, dont : Du rachat des canaux du Midi, Bordeaux 1882[1], et « Cercle national de Bordeaux, 14 cours de l'Intendance », Bordeaux, impr. Gounouilhou, 1923.

Président du Comité Gambetta (1900-1906)[modifier | modifier le code]

Lorsque fut créé le Comité pour ériger une statue de Gambetta à Bordeaux, Emile Counord en fut nommé le président ; projet auquel il se dévoua tout entier[5]. Le profil et le parcours d’Emile Counord permettent à bien des égards, de deviner les raisons d’une telle nomination. Emile Counord était reconnu non seulement comme un brillant ingénieur civil dès l’âge de 24 ans, mais il était aussi connu pour sa sensibilité artistique : son grand amour du violon qu’il développa grâce à son éducation musicale d’une part, et son intérêt pour la peinture, l’architecture et la sculpture d’autre part(Note : À l’âge de 21 ans E. Counord fonde une sorte de cénacle avec trois amis de son âge dont le peintre Albéric Dupuy et le violoncelliste Gary avec lequel il partageait son amour du violon[9]. À toutes ces compétences techniques et artistiques, s’ajoute le fait qu’il fut également l’un des derniers intimes de Gambetta et disposait d’un réseau étendu de relations politiques. Toutes ces qualifications et circonstances ont qualifié E. Counord pour diriger le projet solennel du monument Gambetta, lequel prendra une envergure quasiment nationale.

Popularité[modifier | modifier le code]

Homme politique très influent mais aussi très populaire, Emile Counord semble avoir été particulièrement apprécié par la population bordelaise et girondine, admiré par ses amis les républicains et respecté même par ses adversaires politiques. C’est du moins ce que reflètent certains témoignages de ses contemporains, parmi les élus Bordelais et Girondins, mais aussi les officiels venant de Paris, dont nous citons le plus remarquable, le ministre Eugène Étienne, Ministre de la guerre, qui rendit visite à Counord à son domicile à Bordeaux, pour la dissolution du Comité Gambetta, et déclara à cette occasion  : « je suis particulièrement heureux d’être dans cette maison où la pensée de Gambetta a revécu par la bouche de M. Counord. Tous deux n’avaient qu’un seul but : faire la France grande et forte par la République » ; et ajouta : «  Je suis heureux de voir mes officiers auprès de vous, M. Counord. Ils connaissent votre œuvre, ils sont les loyaux serviteurs de la République et ils savent que la France n’a pas dit son dernier mot »[10]. Certaines sources locales, spécialement dans les milieux des républicains[11], ont fait même de cette admiration une « vénération » ui s’est poursuivie bien après la retraite politique d’Emile Counord. C’est ainsi que le député Edouard Bertin - à l’occasion d’une réception à l’honneur de « l’éminent sénateur de la Gironde » Albert Decrais - dit « éprouver, en prenant la parole, une émotion d’autant plus grande qu’à ses côtés est venu s’asseoir un homme qui, ayant renoncé aux bénéfices d’une admirable vie politique pour vivre dans une noble retraite, n’en est pas moins le chef vénéré du parti républicain girondin. C’est M. Emile Counord »[12]. Nous pouvons également mesurer la popularité de Counord à travers les hommages unanimes accompagnant les annonces de son décès dans presque tous les journaux de France. Citons l’exemple du journal L'Écho, qui l’avait décrit comme celui : «  dont le dévouement, l’activité et l’esprit contribuèrent, pour une large part, au développement et l’affermissement de la République dans le sud-ouest »[13].

Le Président Loubet[modifier | modifier le code]

En qualité de Président du Comité Gambetta, Emile Counord a joué à travers ce Comité le rôle le plus éminent dans le projet politique des républicains en lien avec le monument Gambetta. Ironie du sort, lors de l’inauguration du monument Gambetta à Bordeaux, Emile Counord, personnalité en tête du projet était absent. Alité, car victime un an plus tôt d’un sombre accident, E. Counord ne put ni se déplacer pour participer aux festivités ni prendre la parole à cette occasion[14]. Conscient de l’importance de l’homme et de son rôle ultime, le Président Loubet lui rendit visite à son domicile le jour de l’inauguration le . La plupart des journaux qui ont relaté cet événement, fournissant de façon plus ou moins détaillée le programme de la visite du Président Loubet et des événements associés, décrivent aussi, en des termes presque identiques, cette visite exceptionnelle du Président Loubet au domicile d’Emile Counord à Bordeaux : « Le Président fait arrêter son landau, en cours de route, devant le domicile de M. Counord, président du Comité du monument Gambetta, l'un des doyens de la démocratie girondine. M. Counord étant dans un état de santé qui l'empêche de quitter le lit, le chef de l'Etat tient à faire auprès de lui une démarche personnelle dont il se montre excessivement touché.»[15]

Acteur économique de Bordeaux et l’incendie de son usine[modifier | modifier le code]

Emile Counord fut l’un des grands industriels de la Gironde. Il construisit avec son associé M. Larrieu, tous deux ingénieurs des plus distingués, une grande usine-scierie mécanique qui s’étendait sur une superficie d’environ 600 m2, avec près de 4 000 mètres d’énormes piles de bois de pin, des merrains, etc. Cette scierie se situait entre le cours Saint-Louis, le cours du Médoc et le cours Journu-Aubert. Emile Counord et son associé avaient mis tous leurs soins à s’établir de manière à ne redouter aucune concurrence. Dans la nuit du mardi au mercredi[16], correspondant à la nuit du 13 au , la scierie d’E. Counord et de son associé subit un incendie dévastateur. Les 4 000 mètres de bois furent carbonisés ; quant à la scierie mécanique, il n’en est rien resté. « Aussi l’incendie a-t-il détruit pour plusieurs centaines de mille francs de bois », et selon les estimations de l’époque, « une seule machine représentait une valeur de trente mille francs, achat brut (…) » . «  Environ 600 m2 en feu, entre le cours Saint-Louis, et le cours du Médoc et le Cours Journu-Aubert. Telle a été l’intensité de la chaleur, que des maisons situées sur l’autre côté des cours Saint-Louis et Journu-Aubert ont brûlé dans des proportions notables »[17]. Le désastre de MM. Counord et Larrieu atteignit du même coup plusieurs industriels de la ville qui, d’habitude, allaient faire scier ou redresser les bois à la scierie du Médoc, dont le remarquable outillage avait fait la réputation », sans compter les cinquante ouvriers qui se retrouvaient sans travail[18].

Décès[modifier | modifier le code]

Isolé et très affaibli par la maladie, Emile Counord meurt, sans laisser d’enfants, à l’âge de 85 ans, le à Bordeaux[19],[20]. La nouvelle du décès du grand « doyen de la démocratie girondine » fut relayée par l’ensemble de la presse française[21],[22]. L'Excelsior a écrit qu'Émile Counord a largement contribué au développement et à l'affermissement de la République dans le Sud-Ouest[23].

Hommage[modifier | modifier le code]

Une rue porte son nom à Bergerac[24]. Une station de la ligne C du tramway bordelais porte son nom.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Annuaire du tout Sud-Ouest illustré.
  2. Guérin 1957, p. 185.
  3. Cf. Le XIXe siècle, du 31 août 1885, information rappelée par L’Echo, grand quotidien d’information du centre Ouest, du 26 février 1927
  4. Le journal La Presse qui rapporte que le soir du « à la salle Saint-Paul, M. Emile Counord, ingénieur mécanicien, a été acclamé candidat au conseil général pour le troisième canton de Bordeaux, contre M. Fourcand, sénateur ». in La Presse du mardi 20 juillet 1880.
  5. a et b Annuaire du tout Sud-Ouest illustré, 1911_1912, Paris, p 190.
  6. Journal des débats politiques et littéraires, 12 décembre 1900, p.6.
  7. Cf. la lettre adressée à E. Counord par Ludovic Trarieux, Président de la Ligue française pour la défense des Droits de l’homme et du citoyen. « Picquart et Dreyfus » in Le XIXe siècle du 26 février 1899.
  8. Lettre adressée au journal « Petite Gironde », et reproduite par plusieurs journaux notamment « Eclaireur » et «  l’indépendant rémois ». Cf. L’Indépendant rémois du 21 juillet 1906, p. 2/6.
  9. Cf. Henri de la Ville de Mirmont, À la mémoire d'Albéric Dupuy, ed. (Bordeaux), 1900, p.4.
  10. Le XIXe Siècle, 10 juillet 1906.
  11. Cf. L’Echo du 26 février 1927.
  12. La Petite Gironde, 10 novembre 1913. lire en ligne page à préciser
  13. L'Écho, le Grand quotidien d'information du Centre Ouestdu 26 février 1927
  14. Counord désigna alors, en accord avec le Comité, pour parler en son nom, à la cérémonie de l’inauguration, le sénateur, l’ancien membre du cabinet Waldeck-Rousseau et ami personnel de Léon Gambetta Albert Decrais
  15. Cf. notamment Gil Blas, du 26 avril 1905, et Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire, du 27 avril, 1905.
  16. précision avancée par le journal La Petite presse du 17 octobre 1874, p.3.
  17. « Nouvelles diverses », L'Indépendant des Basses-Pyrénées,‎ (lire en ligne)
  18. le journal La Presse du 16 octobre 1874.
  19. « Chroniques locales - Dans la région - Gironde », La Charente,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « Nécrologie », Le Gaulois,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Citons notamment : Temps, Le Figaro, du 23 février 1927, et L’Echo, du 26 février 1927.
  22. Sévigny, « Deuil », Le Figaro,‎ , p. 2 (lire en ligne, consulté le ).
  23. « Deuils », Excelsior,‎ (lire en ligne)
  24. Coq 1970, p. 35.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • [Annuaire du tout Sud-Ouest illustré] « Counord (E.) », dans Annuaire du tout Sud-Ouest illustré, 1909-1910 (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Guérin 1957] Jean Guérin, « Counord (Emile-Pierre) », dans Des hommes et des activities : autour d'un demi-siècle, (lire en ligne), p. 185. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • [Coq 1970] Robert Coq, « La rue Émile Counord », dans Monographie des places et des rues de Bergerac, , 197 p. (lire en ligne), p. 35. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article