Élections générales uruguayennes de 2024
| ||||||||||||||
Élections générales uruguayennes de 2024 | ||||||||||||||
(1er tour) (2d tour) |
||||||||||||||
Corps électoral et résultats | ||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Inscrits au 1er tour | 2 727 120 | |||||||||||||
Votants au 1er tour | 2 443 901 | |||||||||||||
88,35 % 1,8 | ||||||||||||||
Votes exprimés au 1er tour | 2 324 147 | |||||||||||||
Blancs et nuls au 1er tour | 119 754 | |||||||||||||
Inscrits au 2d tour | 2 727 120 | |||||||||||||
Votants au 2d tour | 2 436 833 | |||||||||||||
89,36 % 0,8 | ||||||||||||||
Votes exprimés au 2d tour | 2 298 094 | |||||||||||||
Blancs et nuls au 2d tour | 138 739 | |||||||||||||
Yamandú Orsi – Front large Colistier : Carolina Cosse | ||||||||||||||
Voix au 1er tour | 1 071 826 | |||||||||||||
46,12 % | ||||||||||||||
Voix au 2e tour | 1 196 798 | |||||||||||||
52,08 % | ||||||||||||||
Représentants élus | 48 | 6 | ||||||||||||
Sénateurs élus | 16 | 3 | ||||||||||||
Álvaro Delgado – Parti national Colistier : Valeria Ripoll | ||||||||||||||
Voix au 1er tour | 655 426 | |||||||||||||
28,20 % | ||||||||||||||
Voix au 2e tour | 1 101 296 | |||||||||||||
47,92 % | ||||||||||||||
Représentants élus | 29 | 1 | ||||||||||||
Sénateurs élus | 9 | 1 | ||||||||||||
Andrés Ojeda – Parti Colorado Colistier : Robert Silva | ||||||||||||||
Voix au 1er tour | 392 592 | |||||||||||||
16,89 % | ||||||||||||||
Représentants élus | 17 | 4 | ||||||||||||
Sénateurs élus | 5 | 1 | ||||||||||||
Président de la République | ||||||||||||||
Sortant | Élu | |||||||||||||
Luis Alberto Lacalle Pou Parti national |
Yamandú Orsi Front large | |||||||||||||
modifier - modifier le code - voir Wikidata |
Les élections générales uruguayennes de 2024 ont lieu les et afin d'élire simultanément le président et le vice-président de l'Uruguay ainsi que les 99 membres de la Chambre des représentants et les 30 membres du Sénat. Un double référendum constitutionnel a lieu en même temps que le premier tour.
Le président sortant Luis Lacalle Pou n'est pas candidat à sa réélection, la Constitution interdisant les mandats présidentiels consécutifs. Sa formation, le Parti national, présente par conséquent la candidature d'Álvaro Delgado. Il affronte au second tour le candidat du Front large, Yamandú Orsi, qui l'emporte. Le Front large remporte également la majorité au Sénat, mais manque de peu celle à la Chambre des représentants.
Contexte
[modifier | modifier le code]Alternance en 2019
[modifier | modifier le code]Les précédentes élections en sont marquées par une alternance avec la défaite du Front large, au pouvoir depuis . Le candidat du Parti national, Luis Alberto Lacalle Pou, l'emporte au second tour sur celui du Front large, Daniel Martínez. Bien que bénéficiant d'un bon bilan économique, le gouvernement sortant pâtit électoralement de la hausse de l'insécurité, qui occupe depuis 2009 une place croissante dans le débat politique. Lacalle Pou l'emporte néanmoins de justesse avec 50,79 % des voix, un résultat bien en-deçà de ce que laissaient augurer les sondages. C'est la première fois qu'un candidat de droite remporte la présidentielle depuis 1994, et la première fois qu'un candidat du Parti national l'emporte depuis la victoire de son père, Luis Alberto Lacalle, à l'élection de 1989[1],[2],[3].
En minorité dans les deux chambres du Parlement, le Parti national bénéficie du soutien du Parti colorado, du Parti indépendant et de Cabildo ouvert, formation d'extrême droite fondée par le controversé Guido Manini Ríos (en). Malgré les tensions provoqués par ce dernier, cette alliance permet au gouvernement Lacalle Pou de disposer d'une majorité absolue à la Chambre des représentants et au Sénat[4],[5].
Gouvernement Lacalle Pou
[modifier | modifier le code]Dès ses débuts, le nouveau gouvernement doit faire face à la pandémie de Covid-19. En deux ans, 74 % de la population est vaccinée avec au moins une dose et 68 % avec deux doses du vaccin chinois Sinovac[6].
Au cours de ses 100 premiers jours, Luis Alberto Lacalle Pou réalise sa promesse de campagne de faire voter des réformes économiques, fiscales, sociales et sécuritaires au moyen d'une « loi d'urgence »[7]. L'opposition menée par le Front large parvient cependant à reccueillir les signatures nécessaires pour le déclenchement d'un référendum d'initiative populaire sur 135 articles de la loi. Organisé le 27 mars 2022, le référendum voit la population rejeter l'abrogation de la loi par 50,02 % des voix. Il s'agit alors d'une importante victoire politique pour le chef de l'État, dont la loi est l'un des projets phare[8],[9]. Cette victoire est cependant perçue comme « à la Pyrrhus » car elle a permis la remobilisation et le renforcement de l'opposition[8],[10].
Un scandale secoue également le gouvernement courant 2022, avec la mise en accusation d'un membre haut placé de l'administration, Alejandro Astesiano, pour la fabrication de faux passeports et cartes d'identité pour des citoyens russes. L'affaire est un coup dur pour le président Lacalle Pou, qui renvoie son proche collaborateur[11]. Le scandale intervient dans le contexte des sanctions imposées à la Russie en réaction à son invasion de l'Ukraine, condamnée par le président uruguayen[12].
Le gouvernement fait par la suite face à une importante sécheresse provoquée par une phase froide d'El Niño – Oscillation australe, ce qui l'amène à décréter l'état d'urgence agricole d'octobre 2022 à avril 2023[13],[14]. La réduction de l'accès à l'eau potable — dont la salinité augmente faute d'infrastructures suffisantes — ainsi que l'impact des restrictions sur l'économie nationale provoquent des manifestations, tandis que le gouvernement conduit une campagne de sensibilisation sur les économies d'eau[15],[16].
Système électoral
[modifier | modifier le code]L'ensemble des scrutins se déroule simultanément, le seul vote de l'électeur pour un parti comptant pour ses candidats à la présidence, à la vice-présidence, à la Chambre des représentants et au Sénat, selon un système électoral connu sous le nom de Ley de lemas.
Président
[modifier | modifier le code]Le président uruguayen est élu en même temps que son vice-président au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans non renouvelable de manière consécutive. Si aucun candidat ne remporte la majorité absolue des voix dès le premier tour, un second est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui recueillant le plus de suffrages est déclaré élu.
Parlement
[modifier | modifier le code]L'Uruguay est dotée d'un parlement bicaméral appelé Assemblée générale. Celle-ci est composée d'une chambre basse, la Chambre des représentants, et d'une chambre haute, le Sénat. Toutes deux sont renouvelées simultanément pour un mandat de cinq ans.
La Chambre des représentants est dotée de 99 sièges pourvus au scrutin proportionnel plurinominal dans 19 circonscriptions correspondant aux départements du pays. Le nombre de sièges sont attribué en fonction de leurs populations, avec un minimum de deux sièges par département[17].
Le Sénat est quant à lui doté de 30 sièges pourvus au scrutin proportionnel plurinominal selon la même méthode, mais au sein d'une unique circonscription nationale.
Une fois le décompte des suffrages terminé, la répartition des sièges se fait à la proportionnelle sur la base du quotient simple, et les sièges restants selon la méthode de la plus forte moyenne[18].
Les candidats doivent avoir au moins 25 ans pour être député et 30 ans pour être sénateur. Le vice-président devient également le président du Sénat. Le nombre de sièges composant celui-ci étant pair, la voix du vice-président peut être déterminante pour départager les votes à la majorité absolue.
Forces en présence
[modifier | modifier le code]Parti | Idéologie | Candidat | Résultats de 2019 | |
---|---|---|---|---|
Front large Frente Amplio (FA) |
Gauche à centre gauche Socialisme démocratique, social-démocratie, progressisme |
Yamandú Orsi | 39,02 % des voix 42 députés 13 sénateurs | |
Parti national Partido Nacional (PN) |
Droite Nationalisme, national-conservatisme, libéralisme économique |
Álvaro Delgado | 28,62 % des voix 30 députés 10 sénateurs | |
Parti Colorado Partido Colorado (PC) |
Centre droit Libéralisme, social-libéralisme, battlisme |
Andrés Ojeda | 12,34 % des voix 13 députés 4 sénateurs | |
Cabildo ouvert Cabildo Abierto (CA) |
Droite à extrême droite National-conservatisme, populisme de droite |
Guido Manini Ríos | 11,04 % des voix 11 députés 3 sénateurs |
Sondages
[modifier | modifier le code]Résultats
[modifier | modifier le code]Parti | Candidats à la présidence et colistiers |
Premier tour | Second tour | Sièges | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | Chambre | +/– | Sénat | +/– | |||||||
Front large (FA) | Yamandú Orsi Carolina Cosse |
1 071 826 | 46,12 | 1 196 798 | 52,08 | 48 | 6 | 16 | 3 | |||||
Parti national (PN) | Álvaro Delgado Valeria Ripoll |
655 426 | 28,20 | 1 101 296 | 47,92 | 29 | 1 | 9 | 1 | |||||
Parti Colorado (PC) | Andrés Ojeda Robert Silva |
392 592 | 16,89 | 17 | 4 | 5 | 1 | |||||||
Identité souveraine (IS) | Gustavo Salle Maria Canoniero |
65 796 | 2,83 | 2 | 2 | 0 | ||||||||
Cabildo ouvert (CA) | Guido Manini Ríos Lorena Quintana |
60 549 | 2,61 | 2 | 9 | 0 | 3 | |||||||
Parti indépendant (PI) | Pablo Mieres Mónica Bottero |
41 618 | 1,79 | 1 | 0 | |||||||||
Part constitutionnel environnemental (PCA) | Eduardo Lust Luján Criado |
11 865 | 0,51 | 0 | 0 | |||||||||
Assemblée populaire (UP) | Gonzalo Martínez Andrea Revuelta |
10 102 | 0,43 | 0 | 0 | |||||||||
Parti écologiste radical intransigeant (PERI) | César Vega Sergio Billiris |
9 281 | 0,40 | 0 | 1 | 0 | ||||||||
Changements nécessaires (PCN) | Guillermo Franchi Virginia Vaz |
3 183 | 0,14 | 0 | 0 | |||||||||
Parti républicain en avant (A) | Martín Pérez Banchero Daniel Isi |
1 909 | 0,08 | 0 | 0 | |||||||||
Votes valides | 2 324 147 | 95,10 | 2 298 094 | 94,31 | ||||||||||
Votes blancs | 32 356 | 1,32 | 38 478 | 1,58 | ||||||||||
Votes nuls | 87 398 | 3,58 | 100 261 | 4,11 | ||||||||||
Total | 2 443 901 | 100 | 2 436 833 | 100 | 99 | 30 | ||||||||
Abstention | 283 219 | 11,65 | 290 287 | 10,64 | ||||||||||
Inscrit/participation | 2 727 120 | 88,35 | 2 727 120 | 89,36 |
Analyse et conséquences
[modifier | modifier le code]Si la participation se maintient à un très haut niveau avec près de 90 % de votants au premier tour dans un contexte de vote obligatoire, le pourcentage de votes blancs ou invalides atteint près de 5 % du total des suffrages, un record dans le pays. Les deux propositions soumises le même jour à référendum sont rejetées, dont notamment l'abaissement de l'âge de départ à le retraite, à laquelle s'opposaient les principaux candidats[22].
Le premier tour voit le Front large (FA) arriver largement en tête, permettant à son candidat à la présidentielle, Yamandú Orsi, de se qualifier pour le second tour. S'il n'obtient pas la majorité absolue des suffrages, la fragmentation de ces derniers entre les différents partis en lice le conduit à décrocher la majorité des sièges au Sénat, où il remporte 16 sièges sur 30. Il n'obtient en revanche que 48 sièges sur 99 à la Chambre des députés, laissant incertaine la capacité des différentes forces à s'allier pour constituer une majorité. Le vice-président et colistier du candidat à la présidentielle devenant de droit président du Sénat, une victoire d'un candidat autre que celui du FA conduirait par ailleurs à la perte de sa majorité au Sénat[23],[22]. Le Front large appuie sa campagne du soutien de l'ancien président José Mujica, devenu une figure de la gauche uruguayenne, afin de rallier les indécis, en particulier chez les jeunes[24].
En léger recul, le Parti national parvient à qualifier son candidat, Álvaro Delgado. Dauphin du président sortant Luis Alberto Lacalle Pou, il bénéficie notamment de la bonne popularité de ce dernier, crédité de 50 % d'opinions favorables[25]. Il reçoit les soutiens des principaux candidats de droite disqualifiés au premier tour, ce qui conduit à un second tour jugé très serré, avec un taux élevé d'électeurs se déclarant indécis dans l'entre-deux-tours. L'élection uruguayenne est en effet marquée par une quasi-absence de divergences de point de vue des candidats sur le plan économique, en fort contraste avec les élections organisées chez les voisins brésiliens et argentins, respectivement en 2022 et 2023. Les deux principaux candidats se rejoignent ainsi sur la plupart des sujets économiques, Yamandú Orsi privilégiant simplement les échanges régionaux tandis qu'Álvaro Delgado entend conclure des accords multilatéraux. Tout deux se focalisent notamment sur la relance économique, la réduction du déficit, l'absence d'augmentation d'impôts et la lutte contre la criminalité, notamment liée à la progression des narcotrafics[26].
Le second tour voit la victoire de Yamandú Orsi sur Álvaro Delgado, mettant fin à cinq années d'opposition pour le Front large. Delgado reconnait sa défaite au lendemain du scrutin, tandis que le président sortant appelle Yamandú Orsi pour le féliciter et préparer la passation de pouvoir. Lors de son discours de victoire, le nouveau président — qui dispose d'une majorité au Sénat mais se trouve en cohabitation à la Chambre — appelle à recourir au « dialogue national »[27].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Stable, riche et de gauche, l’Uruguay, une exception en Amérique latine », Le Monde, (lire en ligne)
- CDN advierte perjuicios sobre Uruguay si se baja la edad de imputabilidad
- « « Il n’y a rien de pareil à l’Uruguay » : 27 octobre, présidentielles avec képi », Nouveaux espaces latinos, (lire en ligne)
- Présidentielle en Uruguay : les résultats du second tour trop serrés pour désigner le gagnant
- Uruguay : une élection présidentielle trop serrée
- 6medias, « Covid-19 : l'Uruguay va tenter une nouvelle combinaison de vaccins », sur capital.fr, (consulté le ).
- (es) « Proyecto de ley de urgencia ingresó al Parlamento: “¡Cumplimos!”, afirmó Lacalle », sur El Observador (consulté le ).
- « Référendum en Uruguay : le camp souhaitant poursuivre la politique du président l’emporte », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
- (ro) « Uruguay Set to Keep Investor-Friendly Legal Reforms in Vote », sur www.bloomberg.com (consulté le ).
- (en) « Repealing referendum in Uruguay weakens the president », sur Prensa Latina, PrensaLatinaEnglishNEWS, (consulté le ).
- (en) Iolanda Fonseca, « Uruguay's Lacalle Pou's chief custodian arrested for forging documents from presidential residence », sur The Rio Times, RioTimes, (consulté le ).
- (es) « El mensaje de Luis Lacalle Pou ante la guerra en Ucrania: "urge resolver civilizadamente el conflicto" », sur EL PAIS, (consulté le ).
- (es) « La crisis climática impulsa las altas temperaturas, pero no la sequía en Argentina y Uruguay », sur infobae, infobae, (consulté le ).
- (en) « Agricultural emergency, triggered by drought, extended for another 90 days in Uruguay — MercoPress », sur MercoPress (consulté le ).
- (en) David Millward, « Uruguay's tap water becomes too difficult to swallow », sur The Telegraph (consulté le ).
- (en) « Drought in Uruguay complicates drinking water supply », sur Prensa Latina, PrensaLatinaEnglishNEWS, (consulté le ).
- URUGUAY Cámara de Representantes (Chambre des Représentants)
- URUGUAY Cámara de Senadores (Sénat)
- (es) « ELECCIONES NACIONALES 2024 », sur eleccionesnacionales2024.corteelectoral.gub.uy (consulté le ).
- (es) « Quién ganó las elecciones 2024 en Uruguay: todos los resultados », sur El Observador (consulté le ).
- (es) « SEGUNDA ELECCION 2024 », sur segundaeleccion2024.corteelectoral.gub.uy (consulté le ).
- « Présidentielle en Uruguay : le candidat de gauche, en tête à l’issue du premier tour, affrontera celui du pouvoir au second tour », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
- (en) https://apnews.com/author/isabel-debre, « Uruguay's presidential runoff will be tight. But with rivals in agreement, it's no nail-biter », sur AP News, (consulté le ).
- « Présidentielle en Uruguay : le second tour s'annonce serré ».
- « Présidentielle en Uruguay: la gauche espère l'alternance, la droite compte sur un réservoir de voix ».
- « Présidentielle en Uruguay: le scrutin s'annonce serré ».
- « En Uruguay, le candidat de l'opposition de gauche Yamandu Orsi élu président ».