Élection présidentielle monténégrine de 2023

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Élection présidentielle monténégrine de 2023
(1er tour)
(2d tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 542 154
Votants au 1er tour 341 580
63,00 % en diminution 1
Votants au 2d tour 380 281
70,14 %
Jakov Milatović – PES!
Voix au 1er tour 97 867
28,92 %
Voix au 2e tour 221 592
58,88 %
Milo Đukanović – DPS
Voix au 1er tour 119 685
35,37 %
Voix au 2e tour 154 769
41,12 %
Andrija Mandić – DF
Voix au 1er tour 65 394
19,32 %
Président du Monténégro
Sortant Élu
Milo Đukanović
DPS
Jakov Milatović
PES!

L'élection présidentielle monténégrine de 2023 se déroule les et afin d'élire le président de la République du Monténégro.

Le président sortant, Milo Đukanović, arrive en tête du premier tour, suivi de Jakov Milatović. Les deux hommes s'affrontent deux semaines plus tard lors d'un second tour, largement remporté par Milatović.

La défaite de Milo Đukanović marque la fin de trois décennies de dominance du Parti démocratique des socialistes du Monténégro à la tête de l’État, quelques mois avant les élections législatives anticipées organisées en juin.

Contexte[modifier | modifier le code]

Milo Đukanović.

L'élection présidentielle d'avril 2018 a lieu en l'absence du président sortant Filip Vujanović, la constitution adoptée sous sa présidence interdisant au chef de l'État d'effectuer plus de deux mandats.

Issu comme Vujanović du Parti démocratique des socialistes du Monténégro (DPS), Milo Đukanović remporte l'élection dès le premier tour avec 54,15 % des voix. Père de l’indépendance du pays en 2006, six fois Premier ministre et président de 1998 à 2002, Đukanović s'était mis en retrait de la vie politique à la suite du recul du DPS aux législatives de 2016. Son programme basé sur l'intégration européenne et l'augmentation des salaires, dans un pays ou le chômage atteint les 20 %, lui permet d'être élu pour un nouveau mandat malgré des liens controversés avec les milieux mafieux[1],[2].

Courant 2022, Milo Đukanović entre en conflit avec le Premier ministre Dritan Abazović, du parti Action réformée uni, à la tête d'un gouvernement minoritaire dépendant du soutien sans participation du DPS. Après le vote début août d'une nouvelle loi jugée trop favorable à l'église orthodoxe serbe qui le met en conflit avec ses alliés, le Premier ministre finit par accuser le DPS de protéger les réseaux mafieux avec le soutien du président et de médias financés par le trafic de drogues et de cigarettes. Renversé le 19 août par une motion de censure soutenue par le DPS et son ancien partenaire de coalition, le Parti social-démocrate (SDP), Abazović se voit réduit à gérer les affaires courantes en attendant la mise en place d'un nouveau gouvernement[3],[4].

Les négociations sont marquées par l'opposition du président Đukanović au dirigeant du Front démocratique (DF) Miodrag Lekić, à qui il refuse d'accorder un mandat en ce sens malgré les signatures de soutiens de 41 députés. Ce conflit conduit le parlement à voter une loi retirant au président le monopole de proposition d'un candidat au poste de premier ministre lors de la formation d'un gouvernement[5]. Malgré la signature de la loi par Milo Đukanović en janvier 2023, l'incapacité de Lekić à former un gouvernement dans un délai de trois mois conduit le président à dissoudre le parlement le 17 mars 2023, deux jours avant l'élection présidentielle, et à convoquer des élections législatives anticipées pour le 11 juin suivant[6],[7].

Système électoral[modifier | modifier le code]

Le président du Monténégro est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Si aucun candidat ne recueille la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, un second est organisé deux semaines plus tard entre les deux candidats arrivés en tête. Le candidat qui recueille le plus de suffrages au second tour est déclaré élu[8].

Pour être éligible, un candidat doit être citoyen monténégrin et avoir résidé au Monténégro pendant au moins dix ans au cours des quinze années précédant la date de l'élection[9].

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats[10],[11]
Candidats Partis Premier tour Second tour
Voix % Voix %
Milo Đukanović DPS 119 685 35,37 154 769 41,12
Jakov Milatović PES! 97 867 28,92 221 592 58,88
Andrija Mandić DF 65 394 19,32
Aleksa Bečić DCG 37 563 11,10
Draginja Vuksanović SDP 10 669 3,15
Goran Danilović UCG 4 659 1,38
Jovan Radulović Indé. 2 574 0,76
Votes valides 338 411 99,07 376 361 98,97
Votes blancs et nuls 3 169 0,93 3 920 1,03
Total 341 580 100 380 281 100
Abstention 200 574 37,00 161 873 29,86
Inscrits / participation 542 154 63,00 542 154 70,14

Analyse[modifier | modifier le code]

Premier tour[modifier | modifier le code]

Candidat en tête au 1er tour par municipalité
Đukanović
Milatović
Mandić

Comme attendu, le premier tour voit arriver en tête le président sortant[12],[13]. Avec un peu plus de 35 % des suffrages, Milo Đukanović est cependant talonné par Jakov Milatović, qui dépasse les prévisions des sondages et parvient à se qualifier pour le second tour avec environ 29 %. Candidat du récent parti Europe maintenant !, Milatović obtient ainsi les fruits d'une campagne axée sur la lutte contre la corruption, tandis que Đukanović fait les frais de la crise politique à laquelle est confrontée le pays depuis plusieurs mois, dont une partie de la population lui attribue la responsabilité[14],[15],[16].

Dépourvu de réserves de voix face à un adversaire en position de favori, le président sortant tente de mobiliser les électeurs de la diaspora, qui doivent cependant revenir au pays pour pouvoir voter. Đukanović essaie également de s'assurer le vote des minorités albanaises et bosniaques en se présentant comme leur défenseur face à la « menace serbe »[17].

Porté par sa popularité acquise lors de son passage au gouvernement en tant que ministre de l'Économie de 2020 à 2022, période à laquelle il acquiert une réputation d'« expert apolitique » et met en œuvre une augmentation générale des salaires de la fonction publique, Jakov Milatović dispose quant à lui du ralliement de presque tous les autres candidats. Âgé de 36 ans, opposé à un président sortant lié au passé du pays, il bénéficie d'un contexte de renouvellement des idées politiques, la population ayant pour la première fois voté sur des lignes autres que celles identitaires[18],[17].

Second tour[modifier | modifier le code]

Candidat en tête au 2e tour par municipalité
Đukanović
Milatović

Jakov Milatović remporte le second tour avec près de 59 % des suffrages exprimés[19]. Milo Đukanović reconnait sa défaite le soir même avant de féliciter son adversaire. C'est la première fois depuis l'introduction du multipartisme en 1990 qu'un président monténégrin n'est pas issu du Parti démocratique des socialistes (DPS) ainsi que la première fois qu'un président sortant candidat à sa réélection est battu[20],[21].

La large défaite de Đukanović, après trois décennies passées à différents postes du pouvoir, est perçue comme un véritable bouleversement de la scène politique monténégrine. Son parti, le DPS, essuie ainsi un nouveau revers après sa défaite aux législatives de 2020. Malgré l'instabilité parlementaire qui s'est ensuivi, ces dernières auraient eu l'effet de démontrer qu'une alternance était possible sans que le pays ne s'enfonce comme redouté dans un conflit ethnique, pavant la voie à une seconde alternance à la tête de l’État. Le président sortant fait par ailleurs les frais d'un rejet croissant du système mafieux et clientéliste mis en place par la DPS sous sa direction, une large part de la population ne supportant plus cette situation d'« État privatisé au service d'un clan »[19],[22].

La victoire de Milatović est largement associée à son discours résolument anti-corruption et pro-européen, le nouveau président s'étant engagé à faire aboutir le plus rapidement possible la procédure d'adhésion du Monténégro à l'Union européenne, ouverte depuis 2010. Son champ d'action, dans le cadre d'un régime parlementaire, est cependant lié aux résultats des législatives de juin[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Monténégro : Milo Djukanovic revient au pouvoir en gagnant la présidentielle », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  2. « L’indéboulonnable patron du Monténégro », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  3. « Au Monténégro, une motion de censure fait perdre sa majorité au gouvernement », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  4. (en) Dusica Tomovic, « Montenegro Government Toppled by No-Confidence Vote », sur Balkan Insight, balkaninsight, (consulté le ).
  5. (en) Samir Kajosevic, « Montenegro Close to Snap Elections as Govt Negotiations Fail », sur Balkan Insight, balkaninsight, (consulté le ).
  6. « Monténégro : des élections législatives convoquées pour le 11 juin 2023 », sur RTBF (consulté le ).
  7. (en) « Montenegro to hold snap parliamentary elections on June 11 », sur www.aa.com.tr (consulté le ).
  8. (en) « Constitution », sur www.constituteproject.org (consulté le ).
  9. (en) « European Election Database - Presidential elections in Montenegro », sur www.nsd.uib.no (consulté le ).
  10. (cnr) « Izbori za Predsjednika Crne Gore », sur rezultati.dik.co.me (consulté le ).
  11. « KONAČNE REZULTATE IZBORA ZA PREDSJEDNIKA CRNE GORE », sur dik.co.me (consulté le ).
  12. « Présidentielle au Monténégro : le sulfureux Djukanovic en lice pour un troisième mandat », sur Libération, Libération (consulté le ).
  13. La-Croix.com, « Monténégro : fin de partie pour l’indéracinable président Milo Djukanovic ? », sur La Croix, lacroix.journal, (consulté le ).
  14. (hr) « Po preliminarnim rezultatima Đukanović i Milatović u drugom krugu », sur RTCG - Radio Televizija Crne Gore - Nacionalni javni servis (consulté le ).
  15. (sr) S.K., « Đukanović i Milatović idu u drugi krug », sur vijesti.me, vijesti.me, (consulté le ).
  16. (en) Denitsa Koseva in Sofia, « A fresh face and dirty games in Montenegro’s presidential election », sur www.intellinews.com, (consulté le ).
  17. a et b Jean-Arnault Dérens, « Présidentielle : dernier tour de piste pour le "maître du Monténégro" Milo Djukanovic ? », sur www.marianne.net, (consulté le ).
  18. « Élection présidentielle au Monténégro : l’enjeu de la diaspora », sur Le Courrier des Balkans (consulté le ).
  19. a et b « Monténégro : le novice Jakov Milatovic remporte la présidentielle », sur LEFIGARO, lefigaro, (consulté le ).
  20. (hr) « Jakov Milatović ubjedljivo pobijedio: Dobio 60 odsto glasova, Đukanović 40 », sur RTCG - Radio Televizija Crne Gore - Nacionalni javni servis (consulté le ).
  21. (sr) B.H., « Milatović ubjedljivo pobijedio Đukanovića », sur vijesti.me, vijesti.me, (consulté le ).
  22. « Présidentielle au Monténégro: Milo Djukanovic, la fin d'un règne », sur RFI, RFI, (consulté le ).
  23. « Au Monténégro, le président Milo Djukanovic essuie une sévère défaite après trente ans au pouvoir », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).