Écoterrorisme

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L'écoterrorisme est un néologisme qui désigne les menaces, intimidations ou actes de violence contre des biens ou des personnes physiques commis au nom de l'écologisme.

Définition[modifier | modifier le code]

Le terme est forgé en 1983 par l'écrivain américain Ron Arnold, président du Center for the Defense of Free Enterprise (centre pour la défense de la libre entreprise) et fondateur autoproclamé du mouvement américain Wise Use qui promeut la dérégulation de la propriété privée. Il l'utilise pour la première fois dans un article du mensuel libertarien Reason et le définit comme un « crime pour sauver la nature »[1].

La section antiterroriste du Federal Bureau of Investigation (FBI) définit l'écoterrorisme[2] comme

« l'usage ou la menace d'utiliser la violence physique ou morale de manière criminelle, contre des victimes innocentes ou des biens, par un groupe d'orientation écologique, pour des raisons politiques liées à l'environnement. »

Le FBI estime en 2002 que l'Animal Liberation Front (ALF) et l'Earth Liberation Front (ELF) ont entre 1996 et 2002 commis plus de 600 actes criminels aux États-Unis, entraînant des dégâts estimés à plus de 43 millions de dollars[2],[3]. Les autorités britanniques incorporent l'écoterrorisme dans le terrorisme économique et, aux États-Unis, des lois spécifiques telles l'Animal Enterprise Terrorism Act sont adoptées en 2006[4]. Pour Myriam Benraad, l’écoterrorisme, « terrorisme environnemental » ou « terrorisme animalier », est une violence politique qui puise ses sources et justifications dans le registre de la vengeance : « des groupes comme le "Front de libération des animaux" et le "Front de libération de la Terre", créés en 1979 concernant le premier et en 1992 pour le second, affirment "venger", par leurs actions directes ou clandestines, une vie animale et un environnement exploités et détruits par un capitalisme sans foi, ni loi »[5].

Alain Bauer place en 2016 sur un même plan les militants antispécistes, les activistes anti-avortements et racistes, au sein d'un « terrorisme sociétal » qui cherche le plus souvent à imposer une revendication unique, et non un ordre politique global[6]. Eddy Fougier estime en 2016 que les actions des associations animalistes et néo-luddistes menacent certes la sécurité des entreprises en France (notamment celles du secteur des organismes génétiquement modifiés ou celles qui pratiquent l'expérimentation animale), mais ne constituent pas pour autant un « écoterrorisme »[7]. Selon le journaliste Pascal Riché ce terme conduit à banaliser le véritable terrorisme et « prépare le terrain pour une répression disproportionnée[8]. »

Histoire[modifier | modifier le code]

Xavier Raufer, criminologue et ancien militant d'extrême droite[9] propose en 2018 une généalogie de « l'écoterrorisme ». Le point de départ en serait l'ouvrage d'Edward Abbey, The Monkey Wrench Gang, qui en 1975 promeut le sabotage contre la dévastation de la nature par le capitalisme. La fondation du mouvement Earth First! par Dave Foreman en 1979 fournit un manuel de sabotage, Ecodefense. La qualification de terrorisme appliquée à l’éco-activisme après le conduit à l'abandon des sabotages[10].

Une minorité extrémiste, au sein de la nébuleuse écologiste, reposerait ainsi sur l'idéologie du philosophe norvégien Arne Næss. Les écoterroristes de l'Animal Liberation Front mènent des campagnes violentes contre des laboratoires pharmaceutiques et des pharmacies, des chenils, des filatures de laine, des abattoirs ou des boucheries. Pour Xavier Raufer, en France, la portée de ces actes graves — qui n'ont causé aucun décès — est « avant tout symbolique »[10].

Affaires[modifier | modifier le code]

En 1999, le journaliste de Channel 4 Graham Hall est séquestré par plusieurs hommes en armes se réclamant de la « cause animale ». Avant de le libérer, ses ravisseurs lui marquent les trois lettres ALF (pour Animal Liberation Front) sur le dos, au fer rouge[11]. Jean-Marc Flükiger, spécialiste en analyse d'organisations terroristes, appelle néanmoins à relativiser, car ces actions sont marginales au sein du réseau de l'ALF[11].

En juin 2001, Jeffrey Luers[12],[13] est très lourdement condamné pour avoir brûlé trois SUV à Eugene, dans l'Oregon, avec l'aide d'un ami, pour attirer l'attention sur la consommation excessive de gazole aux États-Unis et le réchauffement climatique. Les dégâts sont estimés à environ 40 000 dollars. Un expert assure que Luers a pris soin de ne blesser personne, mais ce dernier est néanmoins condamné à 22 ans et 8 mois de prison. Sa libération intervient au bout de dix ans, en [14].

En 2022 et 2023, en France, plusieurs manifestations écologistes visant à s'opposer à des projets de retenues d'eau (aussi appelées bassines) dans les Deux-Sèvres tournent à l'affrontement avec les forces de l'ordre, notamment à Sainte-Soline. Plusieurs personnalités politiques telles que Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, emploient le terme d'« écoterroristes » pour désigner les manifestants[15]. Ce rapprochement avec le terrorisme est critiqué par des personnalités politiques, majoritairement de gauche, qui le voient comme « une insulte aux militants écologistes et aux victimes du terrorisme[16]. »

Écoterrorisme dans la fiction[modifier | modifier le code]

Littérature[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Télévision[modifier | modifier le code]

Documentaires[modifier | modifier le code]

  • Philippe Borrel, Les Insurgés de la Terre, Arte[17] France, 2010, 54 min[18]
  • Peter Jay Brown, Confessions of an Eco-Terrorist, 2010, 90 min

Jeux vidéo[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. “Ecoterrorism”: Terrorist Threat or Political Ploy? par Hirsch-Hoefler, Sivan, Mudde, Cas, Studies in Conflict & Terrorism, Jul. 2014, Vol. 37, Edition 7.
  2. a et b « "The Threat of Eco-Terrorism" » (sur Internet Archive), Testimony of James F. Jarboe, Domestic Terrorism Section Chief, Counterterrorism Division, FBI, Before the House Resources Committee, Subcommittee on Forests and Forest Health, February 12, 2002.
  3. Cédric Gouverneur, « Les guérilleros de la cause animale », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  4. Isabelle Mandraud, « Ces écoterroristes qui inquiètent l'Europe », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Myriam Benraad, Terrorisme : les affres de la vengeance. Aux sources liminaires de la violence, Paris, Le cavalier bleu, (lire en ligne), p. 199-204.
  6. Alain Bauer et Jean-Louis Bruguière, Les 100 mots du terrorisme, Paris, PUF, (lire en ligne), p. 5-12.
  7. Eddy Fougier, « Animalistes, zadistes, néo-luddites : nouvelles menaces pour la sécurité des entreprises en France », Sécurité et stratégie,‎ , p. 32-39 (lire en ligne).
  8. Pascal Riché, « "Ecoterrorisme" : un mot choisi par Darmanin pour délégitimer les écologistes et justifier la répression à venir », L'Obs, 31 octobre 2022.
  9. « [VIDEO] Perpignan : Louis Aliot recrute un criminologue, ancien militant d'extrême droite, pour une expertise sur la sécurité », sur lindependant.fr (consulté le ).
  10. a et b Xavier Raufer, « éco-terrorisme : effet de loupe, pétard mouillé », Sécurité globale,‎ , p. 73-90 (lire en ligne).
  11. a et b « Les enragés de la cause animale », sur LExpress.fr, (consulté le ).
  12. « The U.S. Goes on Green Alert, When is a vandal a terrorist? When he's also an environmentalist », sur nrdc.org.
  13. « Ecoterrorism as a career », a Jeffrey Luers's interview.
  14. (en) « Jeff's Story », sur le site de soutien.
  15. « Pourquoi le mot "écoterrorisme" fait débat », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  16. « "Écoterrorisme": pourquoi Gérald Darmanin hausse le ton face aux manifestants de Sainte-Soline », sur BFMTV (consulté le ).
  17. Présentation sur Arte.
  18. Voir en ligne sur YouTube.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]