Égalité devant la loi

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Allégorie de l'Égalité, sur la place de la République (Paris).

L’égalité devant la loi ou égalité en droit est le principe selon lequel tout être humain doit être traité de la même façon par la loi (principe d’isonomie). Aucun individu ou groupe d'individus ne doit donc avoir de privilèges garantis par la loi.

Historique

Le principe d'égalité devant la loi trouve son origine dans le principe d'isonomie défini par Clisthène au VIe siècle av. J.-C., et qui constituait l'un des fondements de la démocratie athénienne. Grâce à ce principe, Clisthène a mis en œuvre des réformes en 508 et 507 av. J.-C., qui consistaient principalement à créer de nouvelles circonscriptions populaires et une assemblée, la boulè, dotée de pouvoirs qui d'abord ont contrebalancé, puis surmonté et remplacé, ceux des aristocrates.

Le principe s'est développé dans la philosophie politique occidentale d'abord chez Aristote : dans son ouvrage sur la Politique, mais aussi dans l’Éthique à Nicomaque[1], le philosophe grec pose comme base de la démocratie « la liberté fondée sur l’égalité »[2] ; ensuite, au XVIIIe siècle, on a imaginé un état de nature de l'être humain, et des droits naturels associés à cet état. L'égalité a fait l'objet d'une longue réflexion de la part du philosophe français Jean-Jacques Rousseau, à partir de 1755 dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes dans lequel il exprime ses préférences en matière de gouvernement, et en 1762 dans Du contrat social.

Le principe fut mis en œuvre dans des systèmes de démocratie libérale aux États-Unis après la révolution américaine et l'adoption d'une constitution en 1787, ainsi qu'en Europe à la suite de la proclamation en France de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. La philosophie de Rousseau a eu par la suite une longue postérité dans de nombreux pays du monde.

La proclamation de l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789 en France a été rapidement suivie entre les 20 et 26 août par le vote de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui affirme le principe d'égalité dans son article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Concept

Le principe d'égalité devant la loi est un principe central de la démocratie. Alors que l'Ancien Régime fonctionnait sur le principe de l'inégalité en droits, les régimes issus des révolutions française et américaine prennent pour fondement l'égalité en droits[3]. Pour autant, les élections n'étaient pas ouvertes à tous les citoyens, distinguant les actifs et les passifs. La distinction se faisant sur des critères de revenu.

Se contentant de traiter les individus de la même façon, l'État doit les laisser libres dans leur propre « recherche du bonheur »[4].

La Déclaration universelle des droits de l'homme affirme sur l'égalité devant la loi dans l'article 7 que « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination »[5]. Puis le Pacte international relatif aux droits civils et politiques assure l'égalité devant la loi et la protection de la loi dans l'article 26 que « Toutes les personnes sont égales devant loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi »[6].

Égalité et capacité juridique

Le principe d'égalité devant la loi peut être limité par l'existence de critères discriminatoires en termes de reconnaissance de la capacité juridique. Ainsi, en France, les femmes ont perdu la capacité juridique en 1804 avec le Code Napoléon, et ne l'ont retrouvée (partiellement) qu'à compter de 1938[7]. De la même façon, alors que la capacité juridique en France est limitée pour les majeurs protégés, allant jusqu'à la suppression de la capacité d'exercer, le Commissariat aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe juge que ces dispositions sont en contradiction avec le principe d'égalité devant la loi pour les personnes handicapées et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées[8].

Égalité en droits et égalité matérielle

Égalité, 1793, Musée historique allemand

On oppose à la notion d'égalité en droit, celle d'égalité matérielle. La première est une égalité de moyen quand la seconde est une hypothétique égalité de résultats, portée par l'égalitarisme.

L'égalitarisme, à portée matérielle, entre en conflit avec l'égalité devant la loi : il implique en effet la possibilité d'inégalités juridiques destinées à lutter contre des inégalités sociales. On peut parler alors d'équité, c'est-à-dire d'un traitement différencié et équitable. Ces inégalités juridiques pourraient trouver à s'exprimer à travers les politiques dites de discrimination positive.

Pour l'économiste et philosophe autrichien Friedrich Hayek, l'égalité matérielle et l'égalité en droit sont incompatibles, car l'inégalité des conditions matérielles est une conséquence directe de l'égalité devant la loi, en raison des aptitudes différentes des individus. Il écrit ainsi : « il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude »[9].

Pascal Salin revient dans Libéralisme sur cette distinction et écrit qu'« il existe en effet deux notions différentes de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité des résultats. La première inspirait la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 [...] mais c'est la seconde notion qui est devenue dominante [...]. La première notion est manifestement libérale et individualiste, puisqu'elle consiste à reconnaître l'égale dignité de chacun, mais à le laisser libre de développer son propre destin à partir du moment où ses droits sont déterminés et respectés. La seconde est un pur produit du constructivisme, puisqu'elle consiste à penser que l'on peut interférer avec les résultats de l'action humaine et imposer une répartition des richesses conforme au modèle décidé par les détenteurs du pouvoir, en donnant a priori à chacun des droits sur l'activité d'autrui »[10].

Application selon les situations

Le principe d'égalité doit être respecté par le législateur lors de la production des lois.

L'application de ce principe en France est vérifiée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci l'a assoupli « en admettant des modulations lorsque celles-ci reposent sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif recherché par le législateur et que cet objectif n'est lui-même ni contraire à la Constitution, ni entaché d'une erreur manifeste d'appréciation »[11].

En France, depuis une décision du 9 avril 1996, le Conseil constitutionnel juge que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit »[12].

Le Code de procédure pénale garantit cependant l'égalité des justiciables devant l'application de la loi en édictant dans son article préliminaire que « les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles »[13].

Notes et références

  1. Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre V, 3, 1131 a 22-29.
  2. Aristote, Politique, Livre VI, II, 1317 b 16-17 et 1318 a 5 sq.
  3. Francis-Paul Bénoit, La démocratie libérale, édition 1978, pp.24 et suivantes
  4. « The pursuit of happiness » ou « recherche du bonheur » est exprimée par exemple dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique
  5. La déclaration universelle des droits de l'homme, article 7
  6. Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 26
  7. Historique Droits des Femmes - Le droit des femmes depuis le XIXème siècle sur solidaritefemmes.org
  8. À qui appartient la capacité de décider ? Le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles ou psycho-sociales, Conseil de l'Europe,,novembre 2012 p.27 (IP_LegalCapacity_FRA.pdf sur coe.int)
  9. « Vrai et faux individualisme », Discours prononcé à University College Dublin, le 17 décembre 1945
  10. Pascal Salin, Libéralisme, Odile Jacob, 2000, p.21-22
  11. Le principe d'égalité, sur le site du Conseil constitutionnel
  12. Ferdinand Melin-Soucramanien, (Dossier : La Question Prioritaire de Constitutionnalité) - octobre 2010 Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Quelles perspectives pour la question prioritaire de constitutionnalité ?, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 29, octobre 2010]
  13. Légifrance, « Art. préliminaire du Code de procédure Pénale »

Annexes

Bibliographie

Articles connexes