Transition démographique

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La transition démographique est le processus historique par lequel une population passe d'un régime démographique caractérisé par des taux de mortalité et de natalité élevés à un nouveau régime caractérisé par des taux de mortalité puis de natalité faibles. Ce type d'évolution a été observé dans les pays d'Europe occidentale à partir de la fin du XVIIIe siècle, puis dans l'ensemble des autres pays au cours des siècles suivants, au fur et à mesure de leur développement socio-économique.

L'observation de la transition démographique a permis aux démographes d'établir des modèles de simulation tels que ceux de l'ONU pour prévoir la population future.

Les premiers démographes qui ont travaillé sur cette évolution des populations des pays européens et nord-américains sont notamment en France Adolphe Landry, auteur de "La révolution démographique" (1934) et sa collègue Louise Duroy, puis F. W. Notestein aux États-Unis en 1945, qui a formalisé la théorie de la "transition démographique".

Définition

L'Institut national d'etudes demographiques (INED) décrit la transition démographique comme « le passage d’un régime traditionnel où la fécondité et la mortalité sont élevées et s’équilibrent à peu près, à un régime où la natalité et la mortalité sont faibles et s’équilibrent également »[1].

Pendant la transition entre les deux régimes, la natalité diminue moins vite que la mortalité, créant un fort accroissement naturel de la population.

Vers 2009,l'existence d'une corrélation négative entre fécondité et développement industriel est devenu un fait reconnu dans les sciences sociales[2].

Phases de la transition

La transition démographique

Régime démographique traditionnel (pré-transition)

La situation ancienne (ou traditionnelle) est une situation d'équilibre, caractérisée par un fort taux de natalité et un fort taux de mortalité, dont la combinaison résulte en un accroissement naturel proche de zéro en moyenne. Cette phase est ponctuée de nombreux pics de mortalité dus à des guerres, des épidémies ou encore des famines. Le fort taux de natalité compense à la fois ces pics de mortalité et le fort taux de mortalité infantile. Les pays pauvres étaient pour la plupart dans ce cas jusqu'au début du vingtième siècle.

Première phase de transition (transition amorcée)

Le taux de mortalité chute fortement (amélioration de l'alimentation, de l'hygiène et de la santé, des transports, révolution industrielle dans le cas de nombreux pays, etc.) tandis que le taux de natalité reste fort, voire augmente. Le taux d'accroissement naturel, différence entre taux de natalité et taux de mortalité, devient de plus en plus élevé, ce qui signifie une croissance rapide de la population.

En Europe, la mise en place des États modernes contribue dès le XVIIe siècle et au XVIIIe siècle à la limitation des épidémies (peste : institution de quarantaines ; variole : débuts de la vaccine) et à l'atténuation des famines par l'amélioration des réseaux routiers et financiers, permettant l'acheminement et la conservation des vivres[3].

C'est au plus tard dans la décennie 1950 pour certains pays moins avancés (PMA) enclavés qu'a eu lieu la première phase de baisse préalable de la mortalité, du fait de la révolution sanitaire. Les PMA d'Afrique subsaharienne ont en 2019 l'espérance de vie à la naissance (Evn) la plus faible ( 57 ans) ; mais celle-ci est cependant très supérieure à celle des sociétés traditionnelles (25 ans) et même à celle de la France de 1900 (50 ans), qui avait amorcé plus d'un siècle auparavant sa transition de la fécondité. Moins de 4 % de la population mondiale vit aujourd'hui dans les quelques pays d'Afrique subsaharienne où l'Evn est inférieure à 60 ans, dont les trois quarts au Nigeria (Evn de 55 ans).

Seconde phase de transition (transition avancée)

La mortalité continue à baisser mais plus lentement et la natalité se met elle aussi à décroître par un changement des mœurs et un progrès de l'éducation adaptés aux précédents progrès. Le maximum de l'accroissement naturel est atteint au début de cette deuxième phase. Puis la natalité baisse plus fortement et on a donc une décélération du rythme d'accroissement de la population.

En France, premier pays européen où s'observe une baisse significative de la fécondité,Emmanuel Le Roy Ladurie constate à la fin du XVIIIe siècle « une attitude nouvelle vis-à-vis du couple, de la femme, plus respectée, de l'enfant, valorisé donc plus rare, de la propriété enfin de plus en plus conçue comme ce qui doit être divisé le moins possible, dans un système de valeurs issues de la bourgeoisie qui commencent à se répandre dans les campagnes sous l'influence de l'alphabétisation ». Le sociologue Daniel Bertaux émet aussi l'avis que « l'hypothèse la plus vraisemblable est que l'accession à la propriété privée de la terre a freiné la démographie paysanne »[3].

Pour d'autres pays aujourd'hui développés, dont la transition de la fécondité est plus tardive d'un siècle, d'autres facteurs ont été avancés : industrialisation, travail des femmes à l'extérieur, alphabétisation de masse et déclin progressif des idéologies populationnistes traditionnelles etc.

La durée de la baisse de la fécondité de 6 jusqu'à moins de 3 enfants par femme[4] a été relativement lente dans les pays développés : Royaume Uni 1815-1910 = 95ans  ; Pologne 1870-1960 = 90 ans ; USA 1844-1926 = 82 ans, Grèce 1850-1920, 70 ans. Elle a été en général beaucoup plus rapide dans les pays en développement (PED) : Malaisie 1962-1999 = 37 ans ; Afrique du Sud 1963-1997 34 ans ; Turquie 1964-1991 = 27 ans; Brésil 1963-1989 = 26 ans ; Colombie 1968-1993 = 25 ans ; Maroc 1976-1998 = 22 ans ; Tunisie 1973-1994, = 21 ans ; Bangladesh 1980-2000 = 20 ans ; Corée du Sud 1960-1976 = 16 ans ; Chine 1967-1978 = 11 ans ; Iran 1986-1996 = 10 ans. Ces données indiquent une grande diversité de situations et de facteurs d'explication.

En 2019 tous les pays ont aussi commencé la deuxième phase de baisse significative et permanente d'au moins 10 % de la fécondité, la plupart des PED entre 1950 et 1965, l'Afrique intertropicale après 1980, le dernier pays étant le Niger dans la décennie 2010. De plus la quasi totalité des pays connaissent une décélération du rythme d'accroissement de la population (dernier acte de la seconde phase),

L'indicateur conjoncturel de fécondité, ou indice synthétique de fécondité (ISF), ou nombre moyen d'enfants par femme est passé d'environ 6 à 7 dans les sociétés traditionnelles à 2,4 en 2019 pour la population mondiale ; pour les pays en développement de 6,1 en 1963 à 2,5 en 2019, soit moins 60 %. L'ISF étant de 6 en 1960 a atteint 2,1 en Asie et en Amérique latine en 2019 ; seule l'Afrique a un ISF encore élevé de 4,4, mais la moitié du chemin entre 6,8 et 2,1 a été déjà parcourue. En 2019, près de 80 % de la population mondiale vit dans des pays où l'ISF est inférieur à 2,5 et près de 94 % de la population mondiale en 2019 vit dans des pays dont l'indice synthétique de fécondité (ISF) est inférieur à 5 enfants par femme, contre environ 25 % en 1960. Seuls quelques pays d'Afrique subsaharienne, essentiellement le Nigeria et la République démocratique du Congo[5], qui ont aussi un taux d'alphabétisation des adultes inférieur à 50 % en 2015, ont un nombre d'enfants par femme supérieur à 5. Cependant la croissance démographique reste encore élevée dans la majorité des pays d'Afrique subsaharienne. La population des 33 PMA d'Afrique subsaharienne devrait doubler ou plus de 2019 à 2050[5].

Régime démographique moderne (post-transition)

La majorité des pays d'Europe et le Japon connaissent à partir des années 1990 un déficit démographique naturel ou taux de variation négatif , ce qui a engendré l’idée d’une « seconde transition démographique », dite aussi "post-transition démographique", où l'accélération du vieillissement s'accompagnerait d'une diminution de la population. On observe dans cette phase des taux de natalité et de mortalité faibles. La mortalité est à peu près égale d'une année à l'autre et la régulation de la population se fait désormais par la natalité qui connaît des fluctuations (pendant le régime traditionnel c'était la mortalité qui avait ce rôle régulateur).

Selon les projections démographiques intermédiaires de l'ONU, 51 pays verraient leur population décroître modérément entre 2017 et 2050, principalement en Asie de l'Est, Europe du Sud, de l'Est et en Allemagne. ; cependant ce déficit peut être plus ou moins compensé par un flux d'immigration nette, comme l'indique le cas de l'Europe occidentale. La démographie des pays de l'Est s'est légèrement redressée au cours des années 2000, tout en restant déficitaire[6].

De plus environ 50 % de la population mondiale vit en 2019 dans des pays ayant un indice synthétique de fécondité (en anglais " fertility") inférieur ou égal à 2,1 naissances par femme : toute l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie de l'Est (catégories ONU), 40 % de la population d'Asie du Sud-est (Thaïlande, Vietnam, Malaisie, Birmanie), 44 % de celle d'Asie Occidentale (Turquie...), 14 % de celle d'Asie du Sud (Bangladesh, Népal, Iran, mais l'immense Inde est à 2,2), 69 % de celle d'Amérique Latine (Brésil, Mexique, Colombie...). Les pays qui viennent d'atteindre le seuil de 2,1 (hors Asie de l'Est et Europe) verraient leur population croître, mais modérément, du fait d'une structure par âge qui reste jeune.


Exemples de transitions

Transition démographique en Suède : estimations des taux de natalité (bleu) et de mortalité (rouge) de 1735 à 2000.
Transition démographique dans 5 pays : Allemagne, Suède, Chili, Maurice, Chine. Taux de natalité en vert/ mortalité en rouge.

Les premiers pays à avoir connu la transition démographique sont les pays européens. La durée de la transition est variable selon les pays. Par exemple, la transition a duré deux siècles et demi en Suède[7], un peu moins en Angleterre[8], alors que la Corée du Sud l'a réalisée en 60 ans[9].


Jean Claude Chesnais compare les profils de transition démographique des pays développés entre eux et à ceux des pays en développement (PED) . Il utilise pour différencier ces profils les critères de périodes de démarrage, de hauteur (croissance démographique moyenne forte) et de durée entre le début de la transition (baisse durable du taux de mortalité d'au moins dix pour cent) et la fin (ISF ramené à 2,1). Les profils des PED sont de démarrage plus tardif, en général plus "hauts" du fait de pics de croissance démographique décennaux supérieurs à 2 et le plus souvent à 2,5 % par an et de durée plus limitée. Ces profils peuvent être différenciés par macro-régions géographico-historiques en fonction notamment de leur densité utile par km carré cultivable en début de période. Seuls les principaux pays seront évoqués.

L'Asie de l'Est , à très forte densité utile, connait une phase redistributrice dans l'après guerre avec des régimes capitalistes ou collectivistes : réforme agraire, statut de la femme, rapide amélioration de la santé, de l'éducation. Cette macro-région freine très fortement et rapidement sa fécondité après la baisse de la mortalité. Le coefficient multiplicateur de population de la Chine de 1950 à 2050 (population 2050 / population 1950) est environ 2,5.

L'Asie du Sud, à forte densité utile, accumule beaucoup moins vite du capital social (Etat développeur, réformes sociales, statut de la femme, éducation). La planification familiale progresse nettement plus lentement qu'en Asie de l'Est. Le coefficient multiplicateur de population est plus élevé.

L'Afrique subsaharienne, à faible densité utile, a au départ un capital social et éducatif faible. Pour des raisons en partie spécifiques, le coefficient multiplicateur de population est relativement faible, 2 de 1800 à 1950, et maximal de l'ordre de 10 sur la période 1950-2050.

L'Afrique du Nord-Moyen Orient, à densité utile inégale selon les pays, est fortement dépendante de ses ressources énergétiques. Le niveau d'éducation, en particulier des femmes est en début de période faibles. La rente pétrolière rend souvent difficile une industrialisation efficace. Le coefficient multiplicateur de population (CMP) est relativement élevé dans la même période.

L'Amérique latine à faible densité utile a connu une forte croissance démographique à la fois naturelle et par immigration nette dès le début du XIX-ème siècle. Sa croissance démographique s'est accélérée dès les années 30 . La baisse importante de la mortalité est donc antérieure. Le freinage de la fécondité est brutal dans la décennie 70 et surtout la décennie 80 en liaison avec les plans d'austérité qui suivent la crise des exportations primaires et du surendettement. Le CMP est de 8 de 1800 à 1950 et de 4,6 de 1950 à 2050

La différenciation des profils de transition démographique provient donc principalement des profils de transition de la fécondité. L'examen des principaux facteurs de cette transition est donc nécessaire.

Principaux facteurs de transition de la fécondité

La diversité des sentiers de transition de la fécondité indique une pluralité des facteurs d'explication ainsi que de leur hiérarchisation selon les pays et les périodes. La transition des pays en développement (plus de 80 % de la population mondiale) est différente de celle des pays développés : par sa période de démarrage tardive, après 1960, alors que les pays industrialisés avaient quasiment achevé la leur ; par sa hauteur (taux de croissance démographique en moyenne beaucoup plus élevé) ; enfin par sa durée (en moyenne nettement plus brève)[10].

Révolution sanitaire

C'est chronologiquement le premier facteur. La baisse de la mortalité a engendré partout l'accélération de la croissance démographique, le taux de natalité restant élevé dans un premier temps, puis baissant avec retard. A l'échelle mondiale ce décalage temporel entre baisse du taux de mortalité et baisse du taux de natalité explique le passage d'environ 1 milliard d'habitants en 1800 à une prévision moyenne d'environ10 milliards en 2050. La baisse de la mortalité infantile et juvénile, l'augmentation de la durée moyenne de vie ne rendent plus nécessaire de mettre au monde en moyenne six à sept enfants en moyenne par femme pour en garder deux ou trois qui arriveront à l'âge adulte et aideront les vieux jours des parents. Cependant cette prise de conscience s'opére souvent avec un retard de plusieurs décennies. L'amenuisement des terres cultivables par agriculteur, l'urbanisation galopante (8 % par an, par exemple au Kenya de 1965 à 1990, soit un octuplement en 27 ans) [11] et l'essor des bidonvilles, la croissance lente ou la baisse du niveau de vie moyen déjà bas, incitent les familles et gouvernements, souvent après une période de crise socio-économique à développer la planification familiale dans le cadre d'une politique d'amélioration de la santé.

Révolution éducative, particulièrement pour les filles

C'est le deuxième facteur pour les pays en développement (PED), surtout après 1960 et les progrès de la contraception essentiellement féminine. L'éducation des filles dans les pays les plus pauvres est en retard parfois très fortement sur celle des garçons. Daniel Noin relève que le statut de la femme, c'est à dire la place de la femme au sein du couple, de la famille et de la société, dont la composante principale est l'éducation des filles, a un coefficient de corrélation très élevé (de - 0,9, le maximum étant de -1) avec l'indice synthétique de fécondité (ISF) pour les pays en développement, selon une étude de la Population Crisis Comitee (Waschington). Cependant certains démographes font remarquer que cette variable est elle-même composite, donc moins précise qu'une variable unique[12]. Cependant la corrélation négative de l'ISF avec la proportion de filles dans l'enseignement secondaire est de -0,86, donc élevée (même étude). Cette variable joue en moyenne après une période de deux décennies.

Selon Faruqee (1979) [13], ces deux premiers facteurs expliqueraient environ la moitié de la baisse de fécondité et sans doute plus, car cet auteur n'a pas étudié des variables plus qualitatives et moins étudiées statistiquement comme le statut de la femme, ou encore la densité utile.

Densité utile (par km carré cultivable)

C'est aussi un facteur géographico-historique important. La contrainte foncière contribue à expliquer des politiques de planification des naissances généralement plus incitatives et relativement précoces dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud (plus de 50% de la population mondiale) et donc une croissance démographique finalement plus faible. A l'inverse les Amériques, ayant une faible densité initiale, ont connu la croissance démographique la plus forte au monde depuis 1800, passant de 2,5 % à 13 % environ de la population mondiale par le double apport de la croissance naturelle et de l'immigration nette.

Le critère de la densité globale intégre dans le calcul les déserts, montagnes et autres aires non cultivables, ce qui fausse considérablement les comparaisons. Ainsi le Japon (Jap), la Corée du Sud (ROK) et la Chine(RPC) ont respectivement un pourcentage de terres arables de 11,5 %, 14,5 % et 12,5 %; la densité générale est de respectivement 352 (Jap), 510 (ROK), 150 (RPC) ; donc la densité utile est de sept à neuf fois plus élevée, respectivement 3168 (Jap), 3570 (ROK) et 1000 (RPC) en 2019, beaucoup plus que la moyenne européenne et mondiale.De même l'Egypte avec 1 million de Km carrés a une densité générale de 100, un peu supérieure à la moyenne mondiale, mais ayant 2,8 % ou 30 000 Km carrés de terres arables, sa densité utile est 100 millions d'habitants / 30000 Km carrés, soit plus de 3300 hab./ Km carré cultivable, une des plus fortes densités utiles au monde. Ou encore l'Algérie "utile" sur le plan agricole (donc moins sa partie saharienne) représente un dixième environ de la surface totale du pays ; de plus les terres de l"l'Algérie utile" sont souvent relativement arides et pentues, le pourcentage de terres irriguées est faible. La difficulté de quantifier ce critère, la nécessité de distinctions qualitatives selon la qualité des sols, entre terres irriguées ou non, entre terres cultivables et terres arables rend difficile l'utilisation statistique de ce critère.

J.C. Chesnais[14] a calculé le multiplicateur transitionnel de population (MTP), soit le nombre par lequel la population est multipliée pendant la transition démographique (jusqu'au passage à la famille restreinte). On peut distinguer :

  • les régions à forte densité utile initiale où le MTP est inférieur à 5: Europe occidentale, Asie de l'Est;
  • les régions à relativement forte densité utile initiale où le MTP va de 5 à 10 : Asie du Sud et du Sud-Est, du fait notamment du retard sanitaire et éducatif;
  • les régions à faible densité utile initiale, où le MTP va de 5 à 10 : Russie, du fait des guerres, du progrès sanitaire, éducatif précoce, de la contraception disponible ;
  • les régions à faible densité utile initiale où le MTP est supérieur à 15 : Amérique Latine, Afrique du Nord-Moyen Orient, ou même à 20 : Amérique du Nord, Australie, Afrique subsaharienne.

PNB par habitant et Indicateur de Développement Humain (IDH)

C'est un facteur explicatif moins important. Selon Faruqee ce facteur expliquerait environ 13% de la baisse de fécondité.Certes il donne une idée du niveau de vie moyen , mais il ne tient pas compte des inégalités entre groupes sociaux qui sont souvent très élevées, ni du statut de la femme, ni du niveau d'éducation. Ainsi le PNB / habitant était en 1980 trente fois plus élevé en Arabie Saoudite qu'au Sri Lanka, alors que l'indice synthétique de fécondité était de 7 en Arabie Saoudite et de 2,4 enfants par femme au Sri-Lanka. Le coefficient de corrélation entre l'ISF et le PNB par habitant est de -0,61 (Daniel Noin, op.cit. p78).

L'indicateur de développement humain (IDH) est plus fortement corrélé négativement avec l'indice synthétique de fécondité, puisque ses trois composantes éducative, sanitaire et économique sont des déterminants de la fécondité (Rapport mondial sur le développement humain, PNUD, 2002)

Taux d'urbanisation

C'est aussi un facteur explicatif moins important. Chenery et Syrquin (1975) ont montré que lorsqu'on a isolé l'influence du taux de mortalité infantile, du niveau d'instruction et du revenu par tête, l'urbanisation ne joue qu'un rôle négligeable[15]. Son coefficient de corrélation négatif avec l'ISF est aussi plus faible, de -0,64 selon l'étude déjà citée de la Population Crisis Comitee. En général les urbains bénéficient davantage des services de santé et d'éducation que les ruraux. Cependant, un pays fortement rural, à environ 65 % comme le Bengla-Desh a un indice de fécondité de 2 aujourd'hui, alors que le Nigeria urbanisé à 50 % et ayant un PNB par habitant plus élevé, a encore un indice de fécondité de 5,3[16]. Le premier pays a une répartition des revenus plus équilibrée et est capable de fournir davantage de services sociaux et d'éducation aux zones rurales.

Politique de planning familial

Le recours à la contraception expliquerait selon Faruqee, 15 % de la baisse de fécondité.Elle accompagne la politique sanitaire peut accélérer la transition de la fécondité attendue en fonction de l'évolution des indicateurs socio-éducatifs. En général après une crise socio-économique profonde marquée souvent par des pénuries économiques et alimentaires sévères et parfois des famines locales, beaucoup de pays intensifient alors leur politique démographique et la population plus instruite devient en général plus demandeuse de moyens contraceptifs : Japon après 1947, Corée du Sud après 1960, Chine après 1963 et surtout 1980, Indonésie après 1970, Inde et Thaïlande à partir de 1965, Bengla-Desh après 1972, Vietnam après 1975, Iran après 1990, Algérie après 1985, grande majorité de l'Amérique latine après 1980 sont dans ce premier cas, soit au moins les deux tiers de la population des pays en développement (PED).

Les cinq principaux déterminants de la fécondité sont donc géographico-historique (densité utile), social (santé), culturel (éducation), économique (PNB par habitant) et politique (planning familial).

Amenuisement du frein nataliste

A l'inverse, certains pays, gouvernements courants de pensée et situations pendant certaines périodes peuvent freiner la transition de la fécondité pour des raisons diverses : à cause de la faible densité utile (Gabon, Laos..) ; à cause de certains courants religieux traditionalistes qui conservent la vision nataliste de la période précédente, même si celle-ci ne correspond plus à la situation vécue par le plus grand nombre : Philippines jusqu'au début de notre siècle ; à cause de conflits politiques ethniques, religieux latents ou ouverts à l'intérieur d'un pays ou avec des pays voisins, même si le nombre ne fait plus la force des armées : Pakistan, Palestine, Israël... ; à cause de situations de guerre qui désorganisent très profondément l'économie et les services de santé et éducation notamment. Les Philippines et le Pakistan, pays peuplés, ont connu, par exemple, un fort ralentissement de leur développement économique (croissance par habitant) en comparaison des pays voisins qui l'ont quant à eux accéléré (Taïwan, Inde, Indonésie) et qui ont bénéficié plus précocement et davantage du "dividende démographique", c'est à dire notamment d'un ratio plus élevé actifs occupés de 15 à 65 ans / inactifs jeunes et vieux . En 2019, seuls sept pays de plus de 20 millions d'habitants, en dehors de l'Afrique subsaharienne, ont encore un ISF supérieur à 2,5 : quatre sont en guerre ou l'ont été (Afghanistan 4,3), Soudan (4,3), Yemen (3,7), Irak (3,6) ; trois ont eu ou ont en leur sein des courants intégristes influents : Pakistan (3,5), Egypte (3,3), Algérie (3,2). Néanmoins l'essentiel de la baisse de l'ISF s'est déjà produit et il n'y a pas d'exemple historique d'un arrêt de sa baisse à mi-chemin. Au fur et à mesure du développement et de la croissance démographique, les idéologies et pratiques natalistes traditionnelles perdent en intensité.

Amenuisement des freins spécifiques en Afrique subsaharienne

Le maintien d'une fécondité élevée, ISF proche de 4,5 alors qu'il est en moyenne de 2,1 en Asie et en Amérique latine (2019), est expliqué par un ensemble de facteurs spécifiques : permanence de l'esclavage arabe puis européen pendant plusieurs siècles, faible progression démographique jusqu'en 1950, densité utile relativement faible en 1950, mais la qualité des terres est en moyenne médiocre selon le géographe Pierre Gourou, IDH, espérance de vie à la naissance et taux d'alphabétisation faibles quoique en forte progression depuis 60 ans, éducation primaire souvent déconnectée de la langue familiale, relative "balkanisation" ethnique et politique, différence élevée de moyenne d'âge entre homme et femme jusqu'à 10 ans dans certains pays, et maintien de la polygamie, sous-estimation de l'importance de la croissance démographique par certains (population multipliée par 10 entre 1950 et 2050, ce qui néanmoins reste proche de la moyenne mondiale si on prend comme point de départ l'an 1800). Certains auteurs considèrent cette évolution comme un rattrapage. Selon les perspectives moyennes de l'ONU, le sous-continent devrait doubler sa population de 2020 à 2050. La dynamique sur plusieurs décennies de la croissance démographique est en effet souvent sous-estimée : entre le début de la baisse de fécondité et le taux de remplacement de 2,1, au minimum un quadruplement de la population a lieu : un doublement dû à la durée de la transition de la fécondité et un deuxième doublement dû à l'élargissement de la pyramide des âges (source Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde).

"Dividende démographique" et "accélérateur transitionnel"

Quelques années après le commencement d'une baisse forte de la fécondité, les changements de la structure par âge de la population aboutissent à un déclin du ratio de dépendance des moins de 15 ans, le ratio de dépendance des plus de 65 ans restant faible pendant plusieurs décennies. Durant cette période entre le déclin de la dépendance des jeunes et l'augmentation de la dépendance des personnes âgées, il existe une fenêtre d'opportunité démographique qui peut potentiellement produire une forte croissance économique par habitant grâce à une augmentation du rapport de l'âge actif (15 à 65 ans) à la population dépendante, le dividende démographique. Les "miracles" est-asiatiques avec une croissance du PNB par habitant supérieure à 5 et parfois 8% par an et par habitant pendant 30 ans ou plus se sont produits dans ce contexte : Japon 1945-1975; Corée du Sud (1960-1995); Chine (1980-2010).

A l'opposé, il peut y avoir une trappe démographique de pauvreté. Le maintien de taux de natalité et de croissance démographique élevés pendant une longue période accroît la part de l'investissement démographique nécessaire au simple maintien du niveau de vie par habitant et ceci au détriment de la hausse de l'investissement économique par habitant qui permet la hausse du niveau de vie. Certains pays d'Afrique subsaharienne ont connu ainsi plusieurs décennies de stagnation et parfois de baisse du PNB par habitant.

La corrélation négative entre le taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant (g) et le taux de croissance annuel moyen de la population (p) depuis que la baisse de la fécondité a commencé dans les PED en 1960 est forte, encore davantage si on centre l'étude sur les trois régions à revenu faible en début de période (1965-2015) : Asies de l'Est et du Sud et Afrique susaharienne Cette corrélation est moins nette pour les régions à revenu intermédiaire depuis 1965, car leur PNB par habitant varie aussi en fonction du prix et de la croissance de la demande de produits primaires.

Les écarts des taux de croissance économique annuel par habitant et par an (g = growth) et des taux de croissance démographiques annuels (p) sont très importantes depuis 1965 entre ces trois semi-continents incluant ensemble environ les 2/3 de la population mondiale[17]. Pour l'Asie de l'Est : respectivement g environ 5 à 6 % par an et et p environ 1 % par an ; pour l'Asie du Sud : g environ 3 % par an et p 1,7% par an ; pour l'Afrique subsaharienne : g environ 0 à 1% par an et p environ 2,8 % par an. La règle des intérêts composés aboutit à des différences très élevées au bout de cinquante ans entre ces trois sous-continents majeurs. En résumé, les transitions socio-démographiques et économiques sont accélérées en Asie de l'Est, intermédiaires en Asie du Sud et fortement ralenties en Afrique subsaharienne, la transition démographique correspondant au ralentissement progressif de sa croissance. L'explication pour les trois macro-régions les plus peuplées est que les principaux facteurs du dynamisme économique ont joué dans le même sens: le défi créateur (démographique et politique) en début de période étudié par Esther Boserup induit la mise en place plus ou moins rapide d'un Etat socio-économique développeur (capital social), de la formation de la population (capital humain), d'un capital technique élevé et efficace permis par une bonne insertion dans la division internationale du travail (taux d'investissement et croissance des exportations). Ces facteurs ont donc été très importants en Asie de l'Est, moyens en Asie du Sud et faibles en Afrique subsaharienne. Toutes ces macro-régions doivent affronter de plus dans la période qui vient le défi écologique (maintien d'un capital naturel suffisant).

Critiques et élargissement du modèle

Spécificité de la transition française

L'observation de la transition démographique française a fait douter certains auteurs de l'universalité du schéma classique. En France on observe, à partir de 1750 et tout au long de la transition, une chute relativement conjointe des taux de natalité et de mortalité, ce qui empêche la France de connaître un essor démographique rapide lors de cette transition[8]. Certes l'augmentation de la population au terme de la transition démographique française est l'une des plus faibles au monde, mais elle est cependant significative : près de 100 %[18]. Ainsi le recul préalable de la mortalité ne fait pas de doute pour J.C. Chesnais. La forte densité utile dès le 18-ème siècle, les idées égalitaires et libérales de la Révolution française, la diffusion de la petite propriété paysanne sont parmi les explications les plus couramment citées du recul précoce de la fécondité.

Système ouvert / fermé

La description des étapes de la transition démographique présentée dans les paragraphes précédents se place dans l'hypothèse d'un système fermé, c'est-à-dire sans migrations internationales, pour prendre en compte uniquement les entrées et sorties « naturelles ». Or, les populations sont des systèmes ouverts avec une régulation interne (natalité et mortalité) et une régulation externe (migrations). Cette dernière a des conséquences sur le volume de la population et cela de façon directe (arrivée - départ) ou indirecte (fécondité différente des populations immigrées...).

Cependant, mis à part les Amériques et la majeure partie de l'Océanie, considérés souvent comme des prolongements démographiques surtout de l'Europe, l'immigration ou l'émigration nette sont restées très minoritaires et souvent relativement faibles pour la majorité des régions du monde. Aujourd'hui le nombre des migrants dans le monde représente 3 à 4 % de la population mondiale, majoritairement vers des pays voisins.

Émigration et durée de la transition démographique

Selon une première approche il existerait une relation entre la possibilité d'émigrer et la durée de la transition démographique  : en effet, la grande émigration européenne du XIXe-XXe siècle correspond à la phase d'accroissement maximale de la transition démographique pour l'Europe. Le démographe Jean-Claude Chesnais étudie les grandes migrations transocéaniques de la période 1846-1932 : 18 millions d'émigrants ont quitté les îles britanniques, soit 64 % de la population initiale (dont 5,44 millions pour l'Irlande, soit 66 %), 11,1 millions ont quitté l'Italie (48 %), etc ; les États-Unis ont reçu 34,24 millions d'immigrants de 1821 à 1932, soit 320 % de la population initiale. Il note que « le pic d'émigration tend le plus souvent à coïncider, à quelques années près, avec le pic de croissance naturelle de la population et que c'est au moment où la proportion de jeunes adultes est exceptionnellement élevée que l'on assiste au gonflement de l'émigration transocéanique »[18]. Cependant les données statistiques permettent d'affirmer que la forte importance relative de l'émigration européenne transocéanique dans la période étudiée reste un cas à part et que les politiques d'ouverture ou de fermeture relative des pays d'immigration jouent un rôle très important.

La durée de la transition démographique serait-elle liée à la possibilité d'émigrer ? On peut émettre l'hypothèse suivante : lorsque l'accroissement d'une population est très élevé, il risque d'apparaitre un déséquilibre entre le nombre d'hommes et des moyens d'existence (récoltes à se partager, nombre d'emplois disponibles...). Il en résulte un appauvrissement. Il s'ensuivrait une émigration quand celle-ci est possible. C'est le cas de l'Irlande affamée du XIXe siècle vers les États-Unis (crise de la pomme de terre) ou de l'Italie après le second conflit mondial vers des pays plus au Nord. Or, ce sont majoritairement les jeunes qui émigrent. Leur départ a pour conséquence de diminuer le nombre des naissances dans leur pays d'origine. Taux de natalité et taux de mortalité se rejoignent donc plus rapidement du fait de cette émigration. Le raisonnement est inverse pour le pays d'accueil : l'apport de jeunes immigrants maintient le niveau de natalité et par là même prolonge la transition démographique.

On pourrait énoncer la tendance suivante : les vagues d'immigration ont pour conséquence de réduire le nombre d'années de la phase de transition démographique pour le pays de départ et de l'allonger pour le pays d'accueil . Ceci n'est — rappelons-le — qu'une hypothèse.

Selon une seconde approche, on observerait, aussi dans certains cas, une transition démographique rapide dans certains pays du tiers monde, lorsque des restrictions s'opposent à l'émigration vers les pays développés.

Enfin, selon une dernière approche, compte tenu des flux migratoires qui restent à l'échelle mondiale très minoritaires, on peut penser, au vu des données statistiques que les politiques démographiques et les décisions des familles de la majorité des pays sont déterminées principalement par des considérations internes. La tendance actuelle majoritaire dans les pays à revenu élevé est à une restriction de l'immigration nette.

Structure par âge et évolution post-transitionnelle

Les études sur la transition démographique se focalisent habituellement sur la natalité et la mortalité ; or il existe d'autres indicateurs, notamment la structure par âge, qui influence la natalité et la mortalité. Indépendamment de la natalité et de la mortalité, un système démographique peut maintenir sa structure par âge si des politiques d'émigration ou d'immigration interviennent comme facteur de régulation. Inversement, une stabilité des taux de natalité et de mortalité peut s'accompagner de modifications de la structure par âge notamment dans le cas du vieillissement d'une population post-transitionnelle.

Une autre critique, généralisant les évolutions européenne et est- asiatique, ou beaucoup plus récemment, de pays comme le Brésil, souligne que le taux de natalité à la fin de la transition, loin d'idéalement se stabiliser environ au niveau du taux de mortalité, poursuivrait sa baisse, provoquant à moyen et long terme un déclin démographique, précédé puis accompagné du vieillissement des populations. Pour un certain nombre d'économistes et de démographes le recul de l'âge moyen de prise de la retraite et ou un flux d'immigration nette sont considérés alors comme des solutions possibles.

Diversité des cultures et maintien du populationnisme

L'interprétation de la transition démographique a suscité des discussions de caractère partiellement politique et idéologique, notamment à la conférence sur la population de Bucarest en 1974 Pour certaines approches, ce Modèle théorique de la Transition Démographique (MTD, en anglais DTM) nierait la diversité des peuples et des cultures et prétendrait rendre compte de l'une de leurs dimensions les plus profondes et complexes - la reproduction - à l'aide d'un schéma de pensée unique. Il n'est pas en effet démontré que les peuples africains et européens aient les mêmes réactions démographiques face à un même événement. Ainsi, les progrès de la médecine font chuter le taux de mortalité infantile. L'histoire démographique des pays européens montre que cette chute s'est accompagnée quelques décennies après d'une réduction volontaire des naissances. Or, en Afrique intertropicale, la transition est plus haute (taux de croissance annuel de la population élevé).

Cependant ce facteur culturel populationniste est à relativiser. En premier lieu près de 50 ans après cette conférence de Bucarest, la transition de la fécondité a déjà eu lieu pour 80 % de la population mondiale. Ensuite un taux de croissance démographique annuel très élevé (par exemple 3,5 % par an au Niger en 2020) ne peut pas se maintenir en permanence, car il aboutit à une impossibilité écologique. En effet la règle des intérêts composés se traduit par un doublement de la population en 20 ans, une multiplication par 32 (2 puissance 5) en un siècle et par mille (32 au carré) en deux siècles [19] etc. Ce simple calcul explique la rationalité et l'inéluctabilité de la transition de la fécondité.

De plus, le retard de l'Afrique subsaharienne dans la transition de la fécondité peut s'expliquer par la conjonction de facteurs natalistes non uniquement culturels [20] : isolement géographique dans la période pré-coloniale, donc retard technique favorisant la fragmentation ethnique ; saignée de l'esclavage et faible densité jusqu'aux années soixante ; grande faiblesse des soins primaires et de léducation de base en 1950-60, importance du Sida depuis les années 1980... Depuis le début des années 1990 l'amélioration lente mais importante des services sanitaires et éducatifs, l'urbanisation, la crise de l'emploi et du logement dans les zones urbaines, celle de l'accès au foncier dans beaucoup de zones rurales, un meilleur accès à la contraception moderne expliquent une transition de crise de la fécondité, c'est-à-dire sans amélioration notable du niveau de vie. L'indice synthétique de fécondité (ISF) de l'Afrique subsaharienne est en 2019 de 4,5 enfants par femme, à mi-chemin entre l'ISF de départ (7 en 1960) et l'ISF d'équilibre (2,1 enfants par femme)[21].

Un autre exemple tendant à relativiser le rôle des facteurs purement culturels est celui de l'Iran : contrairement à une idée largement répandue selon laquelle la baisse de la fécondité serait moindre et plus tardive dans les pays musulmans, la fécondité est passée de plus de 6 enfants par femme au milieu des années 1980 à 2,1 en 2000 ; le premier programme de planning familial en Iran a été lancé en 1967 sous le régime du shah mais n'a guère eu d'effet ; après la révolution islamique de 1979, le gouvernement a adopté une politique nataliste, renforcée pendant la guerre avec l’Irak, mais en décembre 1989 le gouvernement change radicalement son orientation démographique pour lancer un nouveau programme de planning familial, couronné de succès[22]. L'éducation des filles , en retard sur celle des garçons, avait progressé fortement dans la période précédente.

Enfin, Emmanuel Todd et Youssef Courbage dans Le Rendez-vous des civilisations paru en 2007, expliquent la transition sanitaire et de la mortalité ainsi que la transition éducative et de la fécondité des sociétés musulmanes ou influencées par l'islam, en analysant les variables démographiques : nombre moyen d'enfants par femme, mortalité infantile, taux d'alphabétisation, entre autres. L'analyse de l'évolution de ces variables au cours du temps permet de montrer que les sociétés en question sont, soit en train de connaître une transition démographique rapide, soit pour certaines l'ont même déjà accomplie. Ainsi en 2019, l'ISF est de 2,8 en Afrique du Nord Moyen Orient, de 2,1 en Iran, de 3,5 au Pakistan, de 2 au Bangladesh, de 2,3 en Indonésie

Transition ou révolution démographique du néolithique

La transition démographique contemporaine n'est pas la seule transition démographique de l'histoire humaine. Au néolithique, l'apparition de l'agriculture entraîne une augmentation de la population et une forte augmentation de la fécondité (en anglais fertility), suivie d'une augmentation de la mortalité, par rapport aux populations de chasseurs-cueilleurs mésolithiques. Ce régime démographique se maintiendra jusqu'à la transition démographique contemporaine[23].

Cependant l'absence de baisse structurelle de la mortalité et de la fécondité ne permet pas de parler de transition démographique au sens strict et conduit à parler plutôt pour être précis de révolution démographique du Néolithique.

Robustesse et élargissement du modèle de la transition démographique

Globalement ces différentes critiques du Modèle de Transition Démographique (MTD, en anglais DTM) permettent de mieux expliquer la variété des chemins suivis par les différents pays. Cependant, ce paradigme de la transition démographique (le démographe Adolphe Landry parlait de révolution démographique dès 1934) a montré sa robustesse. L'amélioration de la santé, de l'éducation, la volonté des familles d'améliorer leur niveau de vie, l'impossibilité de poursuivre certaines activités traditionnelles et l'exode agricole, le risque élevé de sous-emploi et de chômage, l'accès plus facile à la contraception, la dégradation du capital écologique favorisent progressivement une adaptation à la nouvelle situation et une restriction des naissances[24]. À l'échelle internationale la transition démographique a été confirmée dans les pays du Sud du fait de la forte baisse de la mortalité suivie d'une forte baisse de la fécondité ; elle est quasiment achevée (ISF < à 2,5) pour les pays incluant ensemble environ 80 % de la population mondiale[25]. Elle devrait durer trois siècles de 1750 à 2050.

Du point de vue chronologique on peut distinguer la première transition démographique pour l'essentiel entre 1800 et 1975 qui est celle des pays développés . Les problèmes liés à la basse fécondité, au vieillissement accéléré vont devenir alors progressivement plus importants, particulièrement en Europe.

La deuxième période de la transition démographique des PED a lieu pour l'essentiel entre 1950 et 2050. Cette deuxième transition démographique, qui aboutit à un quadruplement de la population mondiale doit être intégrée pour être comprise à des déterminants principalement géographiques, historiques, institutionnels et socio-culturels en amont et des conséquences principalement économiques et écologiques en aval[26]. Cette transition globale doit être analysée avec l'aide de plusieurs sciences sociales, ce qui remet en cause la pertinence de certains modèles étroitement "économicistes" appliqués parfois dogmatiquement à beaucoup de PED au cours de leur histoire récente par des économistes "mainstream" et certaines années par le FMI.

Notes et références

  1. Lexique : Transition démographique, INED.
  2. (en) Myrskylä, Mikko; Kohler, Hans-Peter; Billari, Francesco C, « "Advances in development reverse fertility declines". », Nature. 460 (7256),‎ , p. 741–3. (doi:10.1038/nature08230. PMID 19661915)
  3. a et b Michel-Louis Lévy, La transition démographique en Occident, INED, Population et sociétés, n° 127, septembre 1979.
  4. (en) Wikipedia En, « Demographic transition », sur https://en.wikipedia.org/wiki
  5. a et b (fr) Gilles Pison, Tous les pays du monde, Population et Société septembre 2019, https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/29504/569.population.societes.tous.pays.monde.2019.fr.pdf
  6. Alexandre Adveev et al, Populations et tendances démographiques des pays européens (1980-2010) (voir pages 9, 17, 25), INED, Population n°66, 2011.
  7. Le changement caché du système démographique suédois à « l’Époque de la Grandeur », cairn.info, 2001 (voir figure 1).
  8. a et b Jacques Vallin et Graziella Caselli, « Quand l'Angleterre rattrapait la France », Population et sociétés, INED, no 346,‎ (ISSN 0184-7783, lire en ligne).
  9. Isabelle Attané et Magali Barbieri, La démographie de l’Asie de l’Est et du Sud-Est des années 1950 aux années 2000 (page 32), INED, Population n°64, 2009.
  10. (fr) Jean Claude Chesnais, La transituion démographique, INED PUF, , 580 p
  11. Rapport sur le développement 1992 Banque mondiale, Le développement et l'environnement, Waschington, Banque mondiale Waschington, , 272 p., Statistiques urbanisation, tableau 31
  12. Daniel Noin, Atlas de la population mondiale, Paris, Reclus- La Documentation française, , 160p, p.78-79
  13. (en) Faruqee, « Sources of fertility decline : factors analysis of intercountry data », World Bank Staff Working Papern° 318, Waschington DC,‎ , p. 48 p.
  14. Jean Claude Chesnais, La population du monde. De l'Antiquité à 2050, Paris, Bordas, , 96 p. (ISBN 2-04-019395-2), p. 50-51
  15. (en) Chenery H. et Syrquin M., Patterns of development 1950-1970, Oxford, OUP, , 234 p.
  16. Gilles Pison, « Tous les pays du monde », Population et Société,‎ (lire en ligne)
  17. (en) World Bank, « World Bank Indicators », sur https://donnees.banquemondiale.org/, (consulté le )
  18. a et b Michel-Louis Lévy, Les transitions démographiques, INED, Population & sociétés n° 207, novembre 1986.
  19. Alfred Sauvy, Eléments de démographie, Paris,
  20. (en) John Caldwell, « The Cultural Context of High Fertility in subSaharan Africa », Population and Development Review, Vol. 13, No. 3,‎ sep., 1987, p. 409-437
  21. (fr) Gilles Pison, « Tous les pays du monde 2019 », Population et société, n° 569,‎
  22. Mohammad Jalal Abbasi-Shavazi La fécondité en Iran : l'autre révolution, INED, Population & sociétés n° 373, novembre 2001.
  23. J P Bocquet-Appel, When the World’s Population Took Off: The Springboard of the Neolithic Demographic Transition, Science, vol. 333, 2011
  24. (fr) J.C. Chesnais, « La transition démographique trente ans de bouleversements (1965-1995) », Dossiers du CEPED n° 34,‎ , p. 16
  25. Gilles Pison, « Tous les pays du monde 2019 », Population et Société,‎
  26. R. Bilsborrow, « La démographie dans les modèles macro-économiques-démographiques », Bulletin démographique des Nations Unies n° 26,‎

Voir aussi

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Bibliographie

  • (en) Warren S. Thompson, « Population », American Sociological Review, no 34(6),‎ , p. 959-975.
  • Adolphe Landry, La révolution démographique : Études et essais sur les problèmes de la population, Paris, INED-Presses Universitaires de France, (1re éd. 1934).
  • (en) Frank W. Notestein, « Population — The Long View », dans Theodore W. Schultz, Food for the World, Chicago, University of Chicago Press, .
  • Alfred Sauvy, Éléments de démographie – Paris : PUF, 1976, 393 p. (Collection Thémis -Sciences sociales)
  • Jean Claude Chesnais, "La transition démographique Etapes, formes, implications économiques", Paris, INED-PUF, 1986, 580 p.
  • Daniel Noin, Atlas de la population mondiale, Paris, Reclus- La documentation française, 1991, 160 p.
  • John C. Caldwell, The cultural context of high fertility in sub-Saharian Africa, Population and development review Vol. 13, No. 3 (Sep., 1987), pp. 409-437
  • Galor, Oded and David.N. Weil. (1996). “The Gender Gap, Fertility, and Growth”,American Economic Review86: 374-387
  • Youssef Courbage et Emmanuel Todd, Le rendez vous des civilisations, Éditions du Seuil, collection la République des idées (sept. 2007) (ISBN 978-2-02-092597-6)


Articles connexes