Populisme de gauche

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Le populisme de gauche est une idéologie politique qui combine les valeurs de gauche et les thèmes et la rhétorique du populisme. Cette rhétorique est souvent constituée de sentiments anti-élitistes, antisystèmes et parlant au nom des « petites gens »[1]. Habituellement, les thèmes importants pour les populistes de gauche comprennent l'anticapitalisme, la justice sociale, le pacifisme et l'opposition à la mondialisation. La critique du capitalisme et de la mondialisation est liée à l'antiaméricanisme, qui est devenu plus important dans les mouvements populistes de gauche à la suite des interventions de l'armée américaine[2].

Les populistes de gauche n'excluent pas d'autres horizons et s'appuient sur des idées d'égalitarisme[1]. Certains chercheurs soulignent le nationalisme de gauche dans ces mouvements populistes, comme en Turquie avec le kémalisme[3].

Théorisation[modifier | modifier le code]

Le populisme de gauche est théorisé par les politologues Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, qui s'inspirent de cas sud-américains et inspirent la constitution de formations comme Podemos en Espagne et La France insoumise en France.

Le populisme théorisé par Laclau et Mouffe suit une logique formelle de « dichotomisation de l’espace social, entre le peuple et les élites considérées comme responsables de la frustration du plus grand nombre », selon le résumé du chercheur Arthur Borriello. Ce dernier estime « qu’il faut ajouter que le populisme a aussi malgré tout un contenu politique (ce n’est pas une pure logique formelle, comme le concevait Laclau) : en tant que mouvement populaire, il vise à une extension des droits politiques et sociaux des classes populaires ». Arthur Borriello considère ainsi que le populisme est « fondamentalement « de gauche », ou en tout cas, orienté vers l’émancipation populaire »[4].

Historique[modifier | modifier le code]

Les premiers et seuls mouvements qui ont ouvertement revendiqué le label populiste et combattu en son nom sont apparus à la fin du dix-neuvième siècle et ont été promus soit par des intellectuels russes soit par les petits fermiers et ouvriers agricoles américains du Parti populiste[5]. Ils cherchaient à défendre les intérêts des groupes défavorisés par le système de domination social et politique existant en donnant une voix politique à ceux qui n'en avaient pas[5].

Des formations populistes de gauche émergent en Europe au milieu des années 2010, notamment Podemos en Espagne et La France insoumise en France, puis connaissent un reflux à l'occasion des élections européennes de 2019[4]. Le chercheur Arthur Borriello considère à cet égard que « la résistance des anciennes logiques ou l’institutionnalisation rapide de nouvelles logiques, qui est un impensé des théories de Laclau, est une spécificité européenne. Contrairement à l’Amérique du Sud, le Vieux Continent est pétri d’une longue histoire institutionnelle et politique qui empêche l’émergence de formations populistes au sens strict… »[4]

Par pays[modifier | modifier le code]

Allemagne[modifier | modifier le code]

Oskar Lafontaine

Le Parti du socialisme démocratique a été explicitement étudié pour le populisme de gauche, en particulier par des universitaires allemands[6]. Le parti a été formé après la réunification allemande et comparé aux populistes de droite fondé sur des discours anti-élitiste et attire l'attention des médias[7]. Le parti a participé, avec une certaine mesure, à la même base électorale que les populistes de droite, même si elle s'est appuyée sur un programme plus grave en Allemagne de l'Est[pas clair]. Cela a été limité par les sentiments anti-immigration préférés par certains électeurs[7]. Le PDS a fusionné avec Die Linke en 2007, et de nouveaux éléments populistes sont susceptibles de trouver un habitat plus accueillant à gauche qu'à droite[8].

Autriche[modifier | modifier le code]

Pour les politologues Gaël Brustier et David Djaïz, Alexander Van der Bellen doit son élection comme président fédéral de la République d'Autriche en 2016 « à l'intelligence stratégique impulsée par le stratège des Grünen autrichien Stefan Wallner » qui « a fait du « populisme de gauche », d'allure post-marxiste, le moteur de la stratégie électorale du candidat vert »[9].

Colombie[modifier | modifier le code]

L'avocat Jorge Eliécer Gaitán, probable futur président colombien et dont l'assassinat en 1948 précipita la Colombie dans la guerre civile, ne se référait pas explicitement au socialisme en dépit de ses positions marquées contre l'oligarchie et est par conséquent considéré comme populiste de gauche[10].

Bolivie[modifier | modifier le code]

Le président Hernán Siles Zuazo a adopté un discours populiste de gauche[11] ainsi que Evo Morales[12].

Équateur[modifier | modifier le code]

Rafael Correa mène une politique combinant souveraineté nationale et aide aux plus pauvres[13].

États-Unis[modifier | modifier le code]

Huey Long, l'ardent gouverneur puis sénateur de la Louisiane au début de la Grande Dépression, qui préconisait - entre autres - une large redistribution des richesses dans le cadre de son programme Share Our Wealth (en), est un des premiers exemples de populisme de gauche aux États-Unis.

Le candidat à la présidentielle de 2016 et sénateur du Vermont, Bernie Sanders a été décrit comme populiste[14].

France[modifier | modifier le code]

Jean-Luc Mélenchon, fondateur du mouvement La France insoumise créé en , inscrit son discours dans ce qui est parfois qualifié par la presse de populisme de gauche[15],[16] : redistribution des richesses, multiculturalisme, progressisme.

Pays-Bas[modifier | modifier le code]

Le Parti socialiste a mené des discours populistes de gauche après la chute des régimes communistes en Europe durant les années 1990[17]. Bien que certains ont fait remarquer que le parti devient de moins en moins populiste au fil des années, il comprend encore des sentiments anti-élitistes dans ses programmes électoraux récents[18]. Il s'oppose à ce qu'il appelle le « super-État européen ».

Partis de gauche populiste dans le monde[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. a et b Albertazzi and McDonnell, p. 123.
  2. Hartleb, Florian Rechts- und Linkspopulismus. Eine Fallstudie anhand von Schill-Partei und PDS, p. 162.
  3. Ozel, Soli After the tsunami, Journal of Democracy, v. 14, p. 80-94.
  4. a b et c « Arthur Borriello: «La parenthèse du populisme de gauche est en train de se refermer» », sur Mediapart, (consulté le ).
  5. a et b Annie Collovald, « Le populisme : de la valorisation à la stigmatisation du populaire, Populism : From the Eulogy to the Stigmatization of “People’s Politics” », Hermès, La Revue, no 42,‎ , p. 154–160 (ISSN 0767-9513, lire en ligne, consulté le ).
  6. De Lange, Sarah Political extremism in Europe, European Political Science, p. 476–488.
  7. a et b Albertazzi and McDonnell, p. 132.
  8. Albertazzi and McDonnell, p. 133.
  9. Gaël Brustier et David Djaïz, « Vers un nouveau monde : les monstres sont dans l'isoloir (1/3) », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  10. « COLOMBIE. 9 avril 1948: le jour où la guerre a commencé », Courrier international,‎ (lire en ligne).
  11. Mayorga, Rene Antonio Bolivia's Silent Revolution, Journal of Democracy, vol.8, p. 142-156.
  12. Kirk Andrew Hawkins, Venezuela's Chavismo and Populism in Comparative Perspective. New York: Cambridge University Press, 2010, (ISBN 978-0-521-76503-9), page 84
  13. de la Torre, Carlos Populismus in Lateinamerika. Zwischen Demokratisierung und Autoritarismus http://library.fes.de/pdf-files/iez/10210.pdf
  14. John Cassidy, « Bernie Sanders and the New Populism », The New Yorker, (consulté le ).
  15. Jean-Laurent Cassely, « Le populisme "vintage" de Jean-Luc Mélenchon, trop élaboré pour être efficace », slate.fr, 15 avril 2013.
  16. Tugdual Denis, « Le Pen-Mélenchon: la mode est au langage populiste », lexpress.fr, 5 avril 2013.
  17. overnance and politics of the Netherlands Andeweg, R. B., p. 51.
  18. Otjes, Simon Populists in Parliament: Comparing Left-Wing and Right-Wing Populism in the Netherlands, Political Studies
  19. « Red Tide: From 'economic freedom' to 'white genocide', extremism grabs the spotlight (in English) », Daily Maverick, (consulté le ).
  20. The Crisis of Social Democracy in Europe, Edinburgh University Press, , 270 p. (ISBN 978-0-7486-6582-2, lire en ligne), p. 147.
  21. (es) Juan José Cruces, « El puchero de gallina del populismo kirchnerista » [« The chicken pot of the Kirchnerite populism »], La Nación, (consulté le ).
  22. Karl Oberascher, « Welche Chancen hätte eine "Liste Peter Pilz"? », Kurier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. a et b (en) « South America’s New Caudillos », The New York Times, (consulté le ).
  24. (en) Eduardo Porter, « Populist Policies Let Brazil’s Tomorrow Slip Away », The New York Times, (consulté le ).
  25. Parties and Elections in Europe: The database about parliamentary elections and political parties in Europe, by Wolfram Nordsieck
  26. Cristóval Rovira Kaltwasser, The Promise and Perils of Populism: Global Perspectives, University Press of Kentucky, , 484 p. (ISBN 978-0-8131-4687-4, lire en ligne), « Explaining the Emergence of Populism in Europe and the Americas », p. 211.
  27. Christopher Ross, Bill Richardson et Begoña Sangrador-Vegas, Contemporary Spain, Routledge, , 416 p. (ISBN 978-1-317-75164-9, lire en ligne), p. 75.
  28. (en) Cas Mudde, « The problem with populism », The Guardian,‎ (lire en ligne).
  29. (en) Zachary A Goldfarb, « More liberal, populist movement emerging in Democratic Party ahead of 2016 elections », The Washington Post,‎ (lire en ligne, consulté le )
  30. (en) Amitai Etzioni, « The Left's Unpopular Populism », The Atlantic,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. (en) Waleed Shahid, « America in Populist Times: An Interview With Chantal Mouffe », The Nation,‎ (lire en ligne, consulté le )
  32. « Populists, the Elites, and Us » (consulté le ).
  33. (en) « Fighting Faux Populism » (consulté le ).
  34. a et b (de) Robert Pausch, « Populismus oder Extremismus? – Radikale Parteien in Europa », sur Die Zeit, .
  35. a et b Denis Tugdual, « Le Pen-Mélenchon: la mode est au langage populiste », L'Express,‎ (lire en ligne).
  36. a et b Jean-Laurent Cassely, « Le populisme «vintage» de Jean-Luc Mélenchon, trop élaboré pour être efficace », sur slate.fr, .
  37. Giorgos Katsambekis, « Left-wing Populism in the European Periphery: The Case of SYRIZA », academia.edu.
  38. Jane Suiter, Jesper Strömbäck (dir.), Toril Aalberg (dir.), Frank Esser (dir.), Carsten Reinemann (dir.) et Claes H. de Vreese (dir.), Populist Political Communication in Europe, New York and London, Routledge, (ISBN 978-1-138-65480-8), « Ireland: The rise of Populism on the Left and Among Independents », p. 131.
  39. (it) Roberto Di Caro et Francesca Sironi, « Potere al popolo, la via di sinistra al populismo: ecco come il movimento vuole crescere », L'Espresso,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  40. (ja) Satoru Ishido, « 山本太郎、れいわ…左派ポピュリズムの衝撃とどう向き合うか? » [« Tarō Yamamoto et Reiwa Shinsengumi, Comment traiter le populisme de gauche? »], sur news.yahoo.co.jp, Yahoo! JAPAN,‎ (consulté le )
  41. (ja) Kasane Nakamura, « れいわ・山本太郎代表「私はポピュリストです」。 » [« Le leader du Reiwa Shinsengumi, Tarō Yamamoto, a déclaré: "Je suis populiste" »], HuffPost,‎ (lire en ligne, consulté le )
  42. (ja) Hiroshi Kamei, « れいわ躍進、左派ポピュリズムの日本版 » [« Percée du Reiwa Shinsengumi, c'est une version japonaise du populisme de gauche. »], sur AERA dot., Asahi Shimbun,‎ (consulté le ), p. 1
  43. (ja) Akai Ohi, « 山本太郎は日本のバーニー・サンダースか » [« Tarō Yamamoto est-il la version japonaise de Bernie Sanders? »], sur webronza.asahi.com, Asahi Shimbun,‎ (consulté le ), p. 1, 4
  44. R. B. Andeweg et Galen A. Irwin, Governance and politics of the Netherlands, Basingstoke, Palgrave Macmillan, , 250 p. (ISBN 0-333-96157-9), p. 51.
  45. « Rumäniens Justiz im Belagerungszustand », Neue Zürcher Zeitung,‎ (lire en ligne, consulté le )
  46. « Aufgefallen: Der stille Anführer », Publik-Forum,‎ (lire en ligne, consulté le )
  47. Cas Mudde, « Radikale Parteien in Europa – bpb », bpb.de, (consulté le ).
  48. Peter Učeň, « Populizmus Smeru... má to ešte vôbec význam? », .
  49. http://www.bisla.sk/sk/wp-content/uploads/2015/05/Chamulova_Barbora-Bakalarska_praca.pdf
  50. Miro Kern, « 11 nesplnených alebo meškajúcich sľubov premiéra Fica ».
  51. « 人民作主的新政治 », newpowerparty.tw (consulté le ).
  52. « Rechtspopulistische Parteien in Tschechien. - Vile Netzwerk », sur www.vile-netzwerk.de.
  53. Ömer Tekdemir, « Is a socialist EU possible via left-wing populist parties such as Syriza, Podemos and the HDP? », openDemocracy, .
  54. « Left-Wing Populists in Latin America? ».
  55. Steve Ellner & Daniel Hellinger, eds., Venezuelan politics in the Chávez era: class, polarization, and conflict. Boulder: Lyne Rienner, 2003, (ISBN 1-58826-297-9), page 67
  56. Michael Drinkwater, The State and Agrarian Change in Zimbabwe's Communal Areas, Basingstoke, Palgrave-Macmillan, , 93–96 p. (ISBN 978-0-312-05350-5).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Daniele Albertazzi et Duncan McDonnell, Twenty-First CenturyPopulism : the spectre of Western European democracy, Basingstoke, Palgrave MacMillan, , 251 p. (ISBN 978-0-230-01349-0).
  • Kurt Weyland, « The Threat from the Populist Left », Journal of Democracy, vol. 24, no 3,‎ , p. 18-32 (DOI 10.1353/jod.2013.0045).
  • Luke March, « From Vanguard of the Proletariat to Vox Populi: Left-Populism as a 'Shadow' of Contemporary Socialism », SAIS Review of International Affairs, vol. 27, no 1,‎ , p. 63-77 (DOI 10.1353/sais.2007.0013).