Pedro Paterno

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pedro Alejandro Paterno y de Debera Ignacio était un illustrado et homme politique philippin, ainsi qu’un écrivain et un poète. Il fut Premier ministre de la Première République des Philippines de mai à novembre 1899. Ses dates de naissance et de mort sont incertaines : certaines sources indiquent - [1], tandis que d’autres donnent - [2] ou - [3],[4].

Biographie[modifier | modifier le code]

Pedro Paterno était issu d’une famille de riches marchands mestizo de Santa Cruz à Manille[5]. Il fut élevé dans un milieu privilégié et cultivé et reçut une solide éducation[6]. De 1871 à 1880, il fit des études de droit en Espagne à l’université de Salamanque puis de Madrid, où il obtint un doctorat[7],[8]. Il fut ensuite actif dans le domaine des lettres, publiant poésie (Sampaguitas y otras poesías varias), roman (Nínay) ou essai historique (La Antigua Civilización Tagala)[1]. Il côtoya des membres de la Propaganda comme José Rizal qui critiquait le modèle colonial espagnol et exaltait la civilisation philippine, sans toutefois rejoindre le mouvement[9].

Pedro Paterno (au premier plan à gauche) et les principaux meneurs de la révolution, durant les négociations du pacte de Biak-na-Bato en 1897.

De retour aux Philippines, il prit en 1894 la tête de la Museo-Biblioteca de Filipinas (qui deviendra la bibliothèque nationale des Philippines)[1],[5]. Lorsque la révolution éclata en , de nombreuses perquisitions et arrestations eurent lieu parmi les dignitaires de Manille, et Paterno fut lui-même suspecté. Ces suspicions ressurgirent lors du procès de Rizal en en raison de ses écrits sur la « civilisation tagalog ». En réalité, Paterno se tint à distance de la révolution, et il ne fut pas inquiété outre mesure en raison de ses relations amicales avec des dignitaires ou militaires espagnols de haut rang[10]. En 1897, il fut choisi par le gouverneur général Fernando Primo de Rivera pour mener des négociations de paix avec les insurgés du Katipunan, alors commandés par Emilio Aguinaldo[3]. Paterno négocia pendant près de cinq mois pour aboutir en au pacte de Biak-na-Bato qui instaura un cessez-le-feu et l’exil à Hong-Kong des meneurs de la révolution[1],[3].

La trêve fut de courte durée, la révolution reprenant en 1898 en raison de l’intervention militaire américaine et du non-respect des clauses du pacte de Biak-na-Bato par les deux parties. Paterno prit initialement le parti des colons et œuvra pour rallier les Philippins aux Espagnols[11]. Mais le conflit tournant à la déroute pour l’Espagne, il n’eut d’autres choix que de se rapprocher des révolutionnaires[12]. Il fut élu président du congrès de Malolos de à , dont le but était de rédiger une constitution pour les Philippines[13]. La Première République fut proclamée en conséquence le , avec Emilio Aguinaldo comme président. Pedro Paterno en devint le second Premier ministre (après Apolinario Mabini, l’un des pères de la constitution) du au [1].

Les États-Unis ayant déclaré leur intention de coloniser les Philippines à la suite du traité de Paris, les dirigeants philippins se divisèrent entre les partisans d’une ligne dure et ceux d’une ligne pacifique. Paterno faisait partie de ces derniers, appelant à discuter avec les Américains pour établir une sorte de protectorat sur les Philippines[14]. Cependant, les négociations patinèrent et les tensions augmentant, la guerre devint inévitable ; Paterno, en tant que Premier ministre, dut signer à contrecœur un appel à la résistance armée[15].

Durant la guerre américano-philippine, il dut fuir les combats à Manille comme d’autres dirigeants, puis fut capturé le à Benguet et emprisonné[15]. Il fut amnistié après avoir prêté allégeance aux États-Unis[1],[16] et fut élu en 1907 membre de la première Assemblée philippine instaurée par la nouvelle administration[4].

Il rédigea aussi quelques nouvelles dans les dernières années de sa vie, ainsi que ses mémoires sur le pacte de Biak-na-Bato[5],[1]. Il mourut en 1911 du choléra[1].

Famille[modifier | modifier le code]

Il était le fils de Maximo Molo Paterno et de Carmen de Vera Ignacio[7],[8]. Il fut marié à Luisa Pineyro, qui mourut le [17].

Héritage[modifier | modifier le code]

Portrait de Pedro Paterno.

Pedro Paterno a laissé une trace controversée dans la mémoire philippine. Il est populairement décrit comme l’un des plus grands traitres (balimbing, « retourneur de veste » en tagalog) de l’histoire philippine en raison de ses changements de camp (d’abord pro-espagnol, puis pro-révolutionnaire, et enfin pro-américain)[4],[3]. Ses essais historiques et ethnologiques sont de nos jours considérés comme largement fantaisistes[4],[5], et en son temps même ses écrits n’étaient pas tenus en haute estime[18]. Cette réputation négative a longtemps conduit les historiens à ignorer l’œuvre de Paterno, qui est redécouverte et analysée à partir des années 2000 pour comprendre la tension à la fin du XIXe siècle entre hispanité et civilisation philippine en devenir[3],[19]. Ses mémoires sur le pacte de Biak-na-Bato restent importantes car elles constituent un point de vue alternatif à ceux d’Aguinaldo et de Primo de Rivera qui publièrent leurs propres mémoires[1].

Il est l’auteur du premier roman philippin de l’histoire, Nínay, paru en 1885[5],[9],[7].

Distinction[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h et i (en) Spencer C. Tucker (dir.), The Encyclopedia of the Spanish-American and Philippine-American Wars : A Political, Social, and Military History, ABC-CLIO, , 993 p. (ISBN 978-1-85109-951-1, lire en ligne), p. 465-466 (entrée écrite par Michael R. Hall).
  2. Mojares 2006, p. 4, 41.
  3. a b c d et e Reyes 2006, p. 87-121.
  4. a b c d et e (en) Ambeth Ocampo, « The First Filipino Novel », Philippine Daily Inquirer,‎ (lire en ligne).
  5. a b c d et e (es) García Castellón, Manuel, « Pedro Alejandro Paterno y de Vera-Ignacio (Manila, 1858 - 1911) », sur Revista Filipina (consulté le )
  6. Mojares 2006, p. 6.
  7. a b et c (en) Luciano P. R. Santiago, « The First Filipino Doctoral Law Graduates in Spain (1860-1890) », Philippine Quarterly of Culture and Society, vol. 27, nos 1-2,‎ , p. 105-116 (lire en ligne).
  8. a et b Rath 2016, p. 227
  9. a et b Mojares 2006, p. 10-13.
  10. Mojares 2006, p. 18-19.
  11. Mojares 2006, p. 22.
  12. Mojares 2006, p. 23-24.
  13. (en) George A. Malcolm, « The Malolos Constitution », Political Science Quarterly, vol. 36, no 1,‎ , p. 91-103 (lire en ligne).
  14. Mojares 2006, p. 25-26.
  15. a et b Mojares 2006, p. 26-27.
  16. Mojares 2006, p. 31-32.
  17. Mojares 2006, p. 20.
  18. Mojares 2006, p. 11-15, 43.
  19. Rath 2016, p. 228-234

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Resil B. Mojares, Brains of the Nation : Pedro Paterno, T.H. Pardo de Tavera, Isabelo de Los Reyes, and the Production of Modern Knowledge, Ateneo University Press, , 565 p. (ISBN 978-971-550-496-6, lire en ligne).
  • (en) Imke Rath, « Pedro Alejandro Paterno's La Antigua Civilización Tagalog (1887): An Attempt to (Re)construct One's Own Religious Past », dans The Role of Religions in the European Perception of Insular and Mainland Southeast Asia: Travel Accounts of the 16th to the 21st Century, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 9781443899222, lire en ligne), p. 755.
  • (en) Portia L. Reyes, « ‘Treasonous’ History of Filipino Historiography: The Life and Times of Pedro Paterno, 1858–1911 », South East Asia Research, vol. 14, no 1,‎ , p. 87-121 (lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]