Missile balistique

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Tir d'un missile Titan II depuis son silo ; cet engin fut opérationnel à partir de 1962.

Un missile balistique est un engin qui lance une ou plusieurs armes en leur donnant une trajectoire essentiellement balistique, c'est-à-dire influencée uniquement par la gravité et la vitesse acquise par une force d'accélération initiale. La phase balistique est précédée par une phase de propulsion sous l’effet d’un moteur-fusée, le missile proprement dit, donnant à l'arme (ou les armes) la vitesse nécessaire pour atteindre la cible après une trajectoire essentiellement spatiale.

La phase d'accélération n'est pas balistique puisque soumise essentiellement à la force propulsive des moteurs. Elle est courte : moins de trois minutes. Vient alors le parcours balistique, celui de l'arme qui, une fois lancée et donc dotée d’une vitesse suffisante, n'est plus soumise dans l'espace qu'à la seule gravité de la Terre. Il dure plus longtemps, de dix minutes à une demi-heure selon la poussée délivrée par le missile. Il précède une très brève phase de rentrée dans l’atmosphère de l'ordre de quelques secondes qui, parce que soumise au frottement de l’air, n’est pas balistique.

Comme, finalement, l'essentiel du temps de parcours de l'arme est de nature balistique, c'est ce nom qui a été donné aux missiles qui la lancent.

Différences avec les autres types de missiles

Contrairement aux missiles balistiques, les missiles dits « tactiques » — anti-char, anti-aéronef ou anti-navire et d'autres encore du même type — ne sont pas balistiques parce que l'influence de la gravité sur le parcours de leurs armes est mineure : ils utilisent l'air pour se sustenter. Leur poussée se fait donc dans cet air qui agit sur eux par une force due à sa résistance, provoquant sustentation et frottements durant tout leur parcours et rendant négligeable l'action de l'attraction de la Terre. C'est par opposition aux missiles balistiques que ces missiles ont été dits tactiques.

Les missiles balistiques et tactiques, dont les phases de vol sont donc extrêmement différentes, s'inscrivent chacune dans le cadre de la politique de défense de l'État qui en dispose :

  • le missile tactique (dit le plus souvent « missile » tout court) est destiné à étendre la capacité offensive des forces terrestres, soit au-delà de celle de l'artillerie traditionnelle, soit dans la guerre aérienne ou maritime. Sa portée se limite à quelques dizaines ou centaines de kilomètres et il est muni d'une charge conventionnelle. Mais il peut aussi contribuer à la dissuasion nucléaire : il est alors doté d'une charge atomique ;
  • le missile balistique, sous sa forme la plus aboutie à très longue portée, est destiné à un rôle plus purement dissuasif. Il est doté d'une charge non conventionnelle, particulièrement nucléaire. Par sa capacité à frapper les intérêts de l'ennemi sans réelle possibilité d'interception, il permettrait à l'État en disposant d'attaquer même lorsque ses forces armées ne sont pas en mesure de le faire. La seule défense consiste en fait à disposer des mêmes missiles balistiques qui infligeraient les mêmes dégâts en retour, ce qui va militer pour leur non-utilisation par les deux parties : c'est le fondement de la dissuasion nucléaire. Cela dit, sa capacité à aller très vite, plus vite et plus sûrement que l'avion et sa bombe, le rend utile dans des actions requérant une réaction rapide. Il serait alors doté d'une charge d'explosif classique lancée avec un faible temps de parcours.

Concept

Le concept du missile balistique est simple : c’est celui du lancer du javelot. Plus on lance vite, plus le javelot va loin. Pour lancer le plus vite possible l’athlète court puis transmet toute sa vitesse à son arme, encore accrue par un violent mouvement du bras. Les armes de guerre — les boulets puis les obus — sont bien plus lourdes que le javelot ; on veut aussi les lancer plus loin, d'où le trébuchet de l'artillerie médiévale et la baliste puis, en utilisant la poudre, la bombarde, le mortier, l’obusier, etc., qui donnent à l’arme lancée de plus grandes vitesses.

L’obus est petit. La résistance de l’air n’affecte guère sa trajectoire quasi déterminée par la vitesse acquise au lancement, d’une part, et l’influence de la gravité terrestre (son poids) d’autre part. La mathématique[note 1] de la trajectoire parcourue a retenu le nom de « baliste » pour la caractériser. Cette trajectoire est dite « balistique »[1]. C’est une ellipse[2], assimilable sur de petites distances à une parabole.

Les progrès de l’artillerie ne donnent toutefois aux obus les plus récents que des portées ne dépassant guère quelques dizaines de kilomètres, d'où leur trajectoire dite parabolique, comme pour le camion équipé d’un système d’artillerie français. Pour aller plus loin, la fusée doit prendre le relais.

Les vitesses fournies à leurs armes par les fusées s’expriment en plusieurs kilomètres par seconde[note 2]. Les trajectoires deviennent elliptiques et le centre de la Terre est l’un des foyers de l’ellipse. Les portées sont de plusieurs milliers de kilomètres, jusqu’à 10 000 km et plus. On pourrait même aller deux fois plus loin, mais lancé à 20 000 km l’obus raterait la Terre (20 000 km, c’est sa demi-circonférence) et se satelliserait (voir ci-dessous).

Quand la fusée satellise, et donc sans arme nucléaire[note 3], on l’appelle « Lanceur » pour lanceur de satellites, comme Ariane par exemple. En revanche si l’objectif de la fusée est bien de faire retomber sur la terre une arme nucléaire, on l’appelle « missile balistique »[3].

Seules les trajectoires des missiles balistiques sont traitées dans cet article[note 4].

Histoire

L’histoire du missile balistique commence au début du XXe siècle. Engin très complexe, seuls les États peuvent en entreprendre la construction[note 5]. Faut-il encore qu’ils soient convaincus de l’intérêt de le faire.

En effet, réaliser une fusée répondant aux fortes contraintes de l’exploitation militaire avec l’objectif de faire retomber très loin et de façon précise une charge explosive significative est très difficile. Maîtriser la propulsion pour envoyer une charge suffisamment lourde pour être militairement signifiante est une étape déjà complexe. Viennent alors les questions de pilotage, de guidage et les problèmes de rentrée de l’arme à très grande vitesse dans l’atmosphère. Tout cela forme un vaste ensemble de contraintes dont la compréhension et la résolution technique ne s’acquièrent que très progressivement[4]. Elles sont fort coûteuses à traiter, sans compter le nombre et la qualité des ingénieurs et techniciens compétents dont il faut disposer.

Découverte

L’histoire des missiles balistiques naît donc de la rencontre entre, d’une part des hommes de génie capables d’élaborer et de présenter un dossier spatial encore inconnu et, d’autre part, la volonté politique de le réaliser. Une fois que le dossier balistique aura fait ses preuves, seule cette dernière volonté[5] forcera la décision[note 6].

Alors qu’on ne sait rien encore du missile balistique, Robert Esnault-Pelterie initie en 1912 à Saint-Pétersbourg la première conférence internationale consacrée à la conquête de l’espace. Inventeur talentueux, pionnier de l’aviation (manche à balai, ailerons, élevons lui sont dus)[6] il y propose de caractériser la navigation à venir dans le ciel et les astres par le mot « astronautique ». Un mot de son cru[6], totalement nouveau qui est devenu tant employé aujourd’hui.

À l’époque, tous ceux qui, comme lui, se sont interrogés sur la faisabilité de la navigation dans l’espace en recherchant l’intérêt civil en ont toutefois compris aussitôt l’intérêt militaire : tirer très loin dans la profondeur du territoire de l’adversaire. Longtemps Esnault-Pelterie cherchera à convaincre officiers et politiques. En 1936, le gouvernement français subventionne un prototype de moteur-fusée conçu et présenté par lui. Mais la France ne donne pas suite[7].

Faisabilité militaire

Un V2 transformé en fusée-sonde est lancé depuis le centre de lancement de White Sands, au Nouveau-Mexique, en 1949.

En Allemagne, Hermann Oberth fonde en 1928 une « Société pour les voyages spatiaux »[8]. Sa conviction devient rapidement partagée, contrairement à ce qui se passe côté français. L’histoire du missile balistique commence donc en Allemagne le 1er octobre 1932 quand un jeune étudiant qui, à 17 ans, a formulé la première théorie des fusées à longue portée, est affecté à la « Section balistique » de l’artillerie allemande. Le nom même de cette section montre l’intérêt déjà porté par ce pays à l’Espace militaire.

Le 8 septembre 1944, près de la porte d'Italie à Paris[9], une déflagration provoque les premiers dégâts au monde infligés par un missile balistique : l’Arme de représailles (Vergeltungswaffe) no 2. C’est la première utilisation militaire du missile balistique conçu par Wernher von Braun, élève d’Oberth.

La Seconde Guerre mondiale finie, il poursuit ses essais au Nouveau-Mexique avec une grande partie de son équipe et beaucoup de matériel que les américains ont récupéré[10]. Mais là, de 1945 jusqu’à la fin des années 1950, il n’y a plus de volonté politique, plus d’intérêt de la part des États-Unis pour le dossier spatial. L’USAF favorise les bombardiers à très long rayon d’action de son Strategic Air Command (B-36, B-47, B-50 puis B-52). Le 12 janvier 1954, le secrétaire d’État américain John Foster Dulles formule le concept de « représailles massives » exécutable par la flotte des bombardiers stratégiques et eux seuls[11] qui ne laisse pas sa place à une arme nucléaire lancée à très longue portée qui arriverait beaucoup plus vite que les avions. Seul des engins dits plus tard de portée intermédiaire sont réalisés pour prendre place aux portes de l’Union soviétique, les missiles Thor et Jupiter.

Le missile balistique est donc alors confiné dans un petit rôle dont on ne cherche pas à le faire sortir. Il ne devient de nature essentiellement stratégique qu’avec la vision politique des Soviétiques et le lancement de Spoutnik 1, le 4 octobre 1957.

Faisabilité stratégique


La guerre finie, et cette fois en Union soviétique, se rencontrent un autre homme de génie et la volonté politique qui fera finalement basculer le monde de la guerre froide puis celui d’aujourd’hui dans le concept de la dissuasion nucléaire créé par les missiles balistiques de longue portée[note 7].

Cet homme, c'est Sergueï Korolev. Envoyé en 1936 au Goulag où vont mourir sa femme et sa fille, il exerçait dans un laboratoire de recherche dédié aux applications militaires des fusées, créé à la suite des travaux de Constantin Tsiolkovski qui, le premier en 1924, avait mis en évidence le paramètre fondamental de la conquête de l’espace. C’est la vitesse à donner à l’arme ou au satellite[12].

Staline sort Korolev du Goulag en 1945 pour qu’il examine le matériel balistique et interroge les ingénieurs allemands que les Américains n’avaient pu prendre. Les travaux qu’il va de lui-même mener ensuite sur des évolutions successives du V2 de plus en plus performantes (modèles dits successivement R1, 2, 3…), son puissant génie et celui de ses équipes au début pour partie allemandes et très vite entièrement nationales, mais aussi la perspicacité des dirigeants russes, tout cela conduit en 1953 au lancement dans le plus grand secret, du programme de construction d’un missile balistique dit R-7 et appelé intercontinental[13], c’est-à-dire de très longue portée et capable d’atteindre les États-Unis depuis le territoire soviétique.

Le 4 octobre 1957, lancé par une fusée R-7, le satellite artificiel Spoutnik 1 orbite autour de la Terre. Ceci n’intéresse que les journalistes et le grand public. Ce qui intéresse les militaires américains, au fait des progrès soviétiques depuis plusieurs mois déjà, ce n’est pas le satellite mais le fait d’avoir été capable de le satelliser. Une fusée qui a pu fournir un vitesse de 8 km/s aux quelques kilos d’un satellite pourrait lancer une charge plus lourde à une vitesse moindre. À 7 km/s par exemple la charge retomberait sur la Terre à 10 000 km de son point de lancement tandis qu’on aurait remplacé le satellite par une arme nucléaire (cf. ci-dessous). Les Soviétiques n’en sont pas encore là, mais ils viennent de montrer qu’ils allaient y arriver.

Le Atlas I, premier missile balistique intercontinental américain, 1958.

Le président et ex-général Dwight D. Eisenhower prend la mesure du danger et du retard des États-Unis avec une inquiétude mesurée que ne partage pas le camp opposé, celui du futur président John F. Kennedy, beaucoup plus décidé à combler le déficit technique que la satellisation vient de démontrer (le « missile gap »)[14]. Deux décisions capitales pour l’avenir du missile balistique s’ensuivent :

  • l’une par Eisenhower avec la création de la NASA en juillet 1958, regroupant les efforts civils et militaires. Wernher von Braun en sera le premier président ;
  • l’autre par Kennedy en décidant, le 25 mai 1961, d’envoyer des hommes sur la Lune avec le programme Apollo.

Une telle décision a fait l’objet de nombreuses analyses historiques. Elle est prise après le premier vol d’un Homme dans l’espace, le 12 avril 1961, qui caractérise à nouveau l’infériorité américaine dont l’avenir montrera qu’elle n’est pas si importante. Quoi qu’il en soit, elle a donné un énorme élan au complexe militaro-industriel américain en lui fournissant d’immenses crédits de recherche et de développement. Parce que le missile balistique est un objet complexe il faudra aux États-Unis comme à l'URSS puis à la France ultérieurement, deux ou trois générations de missiles avant d’en arriver aux portées les plus longues. Pour soutenir cet effort au but uniquement militaire qui aurait pu être difficilement acceptée par les citoyens américains, l’idée de proposer d’aller sur la Lune a été d’une excellente politique.

Missile balistique abouti (très longue portée)

En octobre 1962, la crise des missiles de Cuba théorise définitivement l’emploi du missile balistique sous sa forme actuelle. Portée très grande, emploi d’ogives nucléaires, délai de tir très court et protection extrême dans des bunkers ou, plus sûrement encore, à bord de sous-marins.

Les Américains avaient placé en Turquie et en Italie, depuis 1959, une génération intermédiaire de missiles balistiques (les Jupiter) qui n’avaient encore que quelques milliers de kilomètres de portée et donc ne pouvaient être tirés trop loin de Moscou, d’où leur positionnement. L’Union soviétique souhaita manifester sa capacité de rééquilibrage stratégique en plaçant ses missiles balistiques (R-12), qui, pour les mêmes raisons de développement technique, avaient les mêmes portées, dans l’île de Cuba où ils étaient alors à portée de Washington. Dans les deux cas les deux pays détruisaient leur capitales en un quart d’heure, le temps de parcours des armes des missiles balistiques de portée intermédiaire.

La crise s’est soldée par le retrait de ces missiles balistiques : ceux des Russes ne sont jamais arrivés à Cuba et ceux des Américains ont été retirés de Turquie et d'Italie parce qu’ils étaient devenus inutiles. Les deux grands mettaient alors en service leur dernière génération de missiles balistiques capables d'assurer la destruction des capitales et autres cibles majeures en passant au-dessus du pôle Nord en trente minutes. Le missile balistique de dernière génération — et rien de tel avant lui — ne donnait plus le temps de déclarer la guerre. Probablement ces deux présidents ont-ils été les premiers à en prendre pleinement conscience. Ils ont alors mis en place un moyen spécifique de s’entretenir directement et rapidement en cas de crise ou d'urgence : le téléphone rouge.

La lettre envoyée au premier secrétaire du PCUS Khrouchtchev par Madame Kennedy peut probablement conclure à ce jour (2017) l’histoire des missiles balistiques stratégiques aboutis, ces armes effroyables « dans la main de grands hommes » selon elle[15] : « Cher Président, (…) je sais combien mon époux tenait à la paix, et combien la relation que vous aviez était centrale dans ce souci qui occupait son esprit. Il avait l’habitude de vous citer dans certains de ses discours : « Dans la prochaine guerre, les survivants envieront les morts ». (…) Le danger qui hantait mon mari était que la guerre puisse être déclarée, non par des grands hommes mais par des petits. Les grands hommes savent qu’il est nécessaire de se contrôler et de se restreindre… »

Déploiement en sûreté

Garantir l’effet dissuasif, c’est empêcher l’adversaire de détruire le missile balistique en tirant le premier[16]. L’histoire a montré trois dispositions possibles pour les missiles balistiques en attente de tir : sur des wagons ou des camions déplacés continûment. Il faut disposer de vastes espaces très peu habités ; dans des silos de plus en plus protégés au fur et à mesure que la précision des missiles balistique adverses croît ; dans des sous-marins dissimulés par les immensités océaniques.

La disposition dans des sous-marins lanceurs de missiles balistiques est aujourd’hui considérée comme la plus sûre[17]. Les trois seuls pays à détenir sous la mer leurs propres missiles de très longue portée sont les États-Unis, la Russie et la France[note 8].

Les missiles balistiques de moyenne portée toujours en service

Les missiles balistiques nucléaires

Le Pershing II, missile balistique nucléaire déployé en Allemagne de l'Ouest de 1984 à 1991.

En 1988, le traité américano-soviétique sur les forces nucléaires à portée intermédiaire interdit la possession de missiles sol-sol nucléaires ou conventionnels de portées comprise entre 500 km et 5 500 km. Le développement de missiles balistiques tactiques est alors définitivement arrêté dans ces deux pays mais ils n’en avaient plus besoin. D’autres pays, tels la Chine, le Pakistan, l'Inde, Israël et l'Iran continuent aujourd'hui à développer des missiles balistiques à portée intermédiaire dont le rôle stratégique leur convient puisque les adversaires sont géographiquement proches. Le cas de la Corée du Nord est différent : l’objectif politique de menacer les États-Unis ne peut être atteint que par un missile balistique de très longue portée. En 2019, avec l'abandon du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, la situation concernant la Russie et les États-Unis est devenue confuse pour l'avenir.

Les missiles balistiques non nucléaires

En 2010, le Conseil de l'Atlantique nord estimait qu’en dehors de l’OTAN, de la Russie et de la Chine, 5 550 à 6 250 missiles balistiques étaient en service dans le monde, dont 500 à 700 d’une portée de 2 000 à 3 000 km et une quarantaine pouvant atteindre de 3 000 à 5 500 km. Si l’on sort de ces chiffres les missiles balistiques détenus par les autres pays dotés d’armes nucléaires et non cités, il en reste encore beaucoup.

Missile balistique Scud afghan sur son TEL.

Normalement, fort des enseignements de l’histoire du missile balistique, un pays qui ne dispose pas d’armes nucléaires ne peut trouver d’intérêt stratégique à en disposer : la masse d’un explosif classique emporté ne pouvant jamais être très lourde, elle ne fournirait qu’un faible effet militaire.

Les missiles balistiques non dotés d’armes nucléaires servent :

  • s’ils sont « rustiques », peu chers et donc nombreux, à prolonger l’artillerie et/ou obtenir un petit effet stratégique (menace sur les villes ou les emplacements des troupes au sol). C'est le cas des Scud et de tous leurs successeurs ;
  • s’ils sont dotés d’une capacité terminale de précision (ogive pilotée disposant de gouvernes), à obtenir un effet militaire dans des cas très spécifiques, par exemple en appui de forces spéciales (temps de réaction plus courts à très grande distance que celui des avions) ou pour des destructions qu’ils seraient les seuls à pouvoir provoquer compte tenu de la protection de la cible (porte-avions protégé par une force navale).

Cela dit, il restera toujours des pays pour poursuivre les évolutions de leur missiles balistiques par besoin politique ou industriel (développer les compétences techniques) même si l’intérêt militaire est faible.

Typologie

Un missile américain Trident II tiré depuis un sous-marin perce la surface d'eau.

On distingue :

Lorsqu'ils sont lancés depuis des sous-marins, les missiles sont désignés SLBM : Submarine Launched Balistic Missile. Exemples : Missile M51 (France), Trident 2D5 (États-Unis), Boulava (Russie).

Caractéristiques techniques

Le missile balistique

Acquisition de la vitesse

Avant la fusée, seuls les obusiers fournissent les vitesses les plus grandes pour aller loin. La « Grosse Bertha » ou Pariser Kanonen pour les Allemands lançait à 120 km en 1918. Les fusées vont donner accès à des vitesses supérieures par la mise à feu d'un mélange de comburant et de combustible, dits pour chacun ergol ou propergol (ergol de propulsion).

Coupe de la partie propulsive d’un réservoir de propergol solide (schéma approximatif).

Dans un engin (un canon, une fusée), si l’on projette d’un côté une masse (l’obus pour le canon, les gaz de combustion pour la fusée) avec une vitesse (celle des gaz au sortir de la tuyère est énormément plus grande que celle de l’obus), alors l’engin est mis en mouvement de l’autre côté. Le canon recule mais il est fixé au sol ; la fusée avance et rien ne l'empêche d'avancer encore. La fusée va de plus en plus vite parce qu'on éjecte longtemps et toujours très vite de très grandes quantités de gaz :

  • pour les propergols liquides, au moyen de pompes qui puisent dans de très grands réservoirs et font se mélanger devant la tuyère le comburant et le combustible ;
  • pour les propergols solides, par l’emploi de très gros blocs de poudre constitués d'un mélange stable de comburant et de combustible.

Les premiers propergols liquides, ceux qu'il est le plus facile de se procurer, sont souvent très agressifs pour les structures qui les contiennent. Aussi le remplissage doit-il se faire juste avant le tir, d’où une médiocre capacité militaire.

Propulsion d'un missile balistique à un seul étage.

La génération suivante pallie cet inconvénient majeur. Les ergols sont alors dits « stockables » car ils peuvent rester un temps significatif dans les réservoirs. Ils n’en présentent pas moins un réel danger, surtout quand ils sont embarqués dans des sous-marins. Ainsi le sous-marin soviétique K-219 a sombré au large des Bermudes à la suite d’un incendie causé par une fuite d’ergols liquides.

Les missiles balistiques sont aujourd'hui propulsés par des ergols solides[18]. Le bloc de propergol est mis à feu par un allumeur. La surface d’allumage est conçue pour provoquer un dégagement de gaz relativement constant et donc une poussée uniforme. Le propergol qui n’a pas encore brûlé sert de protection thermique au réservoir.

Constitution de l’étage

S'il peut paraître plus simple de n'avoir qu'un seul étage de propulsion, cette configuration n’est pas réalisable en l’état actuel et prévisible de la technologie (voir ci-dessous).

Coupe d’un étage de missile balistique (figure approximative).

Un missile balistique est composé de plusieurs étages même si chaque étage doit disposer d’un allumeur, d’une tuyère et d’autres équipements connexes et que cela augmente le poids au décollage (équation de Tsiolkovski). Chaque étage est essentiellement constitué par le réservoir de propergol conçu en fibre de verre, de kevlar ou de carbone pour alléger au maximum la masse du missile balistique[19], et d'éléments structuraux qui se placent de chaque côté du réservoir de propergol.

On y ajoute ce qui est nécessaire à l'étage et qui ne servira donc plus quand il sera vide : des équipements électroniques et des piles de puissance. Celles-ci alimentent des vérins électriques fixés à la tuyère ou une petite station d'huile s'ils fonctionnent à l'huile. Leurs mouvements dévient le jet de gaz et permettent le pilotage du missile balistique.

La réalisation de butées flexibles qui assurent l’étanchéité, la tenue à la chaleur de la flamme et la reprise des efforts mécaniques créés par la tuyère est le point délicat des propulseurs à poudre[20]. Dans les missiles balistiques de technologie moins avancée on utilise pour dévier le jet des injections de gaz dans la tuyère fixe percée, des trous judicieusement disposés. Ou bien on fait tourner la tuyère, un joint rotatif étant plus accessible qu'un joint souple. Avec ce dernier, capable de résister à des températures de quelques milliers de degrés Celsius tout en conservant des caractéristiques mécaniques convenables et la mobilité nécessaire, la tuyère devient orientable dans tous les sens[21].

Constitution du missile

Accéder à de très grandes vitesses c'est concentrer la propulsion sur la masse utile, et donc l'arme. Il faut alléger continûment le missile balistique de toute masse devenue inutile : à l'évidence, celle des réservoirs quand ils sont vides.

On ne peut alléger un missile balistique à un seul étage, dont la structure en fin de combustion sera trop lourde. Un tel engin n'atteindra jamais une très grande vitesse. Le calcul de l'accroissement de vitesse fourni par la force de propulsion[22] montre que l'on ne peut accéder à des vitesses élevées qu'en construisant une fusée à plusieurs étages. Elle se déleste de masses à vide des étages qui ont consommé leurs ergols et qu'il est inutile de continuer à accélérer. Seule la partie restante est accélérée, ce qui permet d'arriver aux vitesses requises.

La masse du missile décroit donc au fur et à mesure que le propergol est consommé et l'étage séparé. Dans un missile à plusieurs étages, chaque étage fonctionne jusqu'à ce qu'il ne contienne plus de propergol. En fin de parcours propulsé, il n'y plus d'étages et donc plus de missile balistique.

Comportement du missile pendant son vol

Fonctionnement successif des trois étages d’un missile balistique à propergol solide après l’allumage du premier étage, étape non représentée) (schéma approximatif).

C'est ce que montre le schéma ci-contre qui présente la « vie » du missile balistique tout au long de son vol, qui dure environ trois minutes pour les très longue portée, une minute et demie à deux minutes pour les portées intermédiaires et autour d'une minute pour les courtes portées. À la fin de ces quelques minutes il n'y a plus qu'une arme (ou des armes) dans l'espace.

On distingue ainsi, après la mise à feu du premier étage :

  1. la fin de la combustion du premier étage ;
  2. l'allumage du second étage et la séparation du premier étage, vide ;
  3. le largage de la coiffe : à mi-parcours du second étage l’atmosphère devient suffisamment raréfiée pour que les frottements de l’air n’apportent plus de perturbations significatives sur la partie supérieure du missile balistique. On se débarrasse donc de la coiffe qui n'a plus de rôle de protection ;
  4. la fin de combustion du second étage ;
  5. l'allumage du troisième étage et la séparation du second, vide ;
  6. la presque fin de combustion du troisième étage ;
  7. la séparation de l’arme décidée par le programme de vol quand elle atteint la vitesse ad hoc de façon tangentielle à l’ellipse, ad hoc elle aussi qui interceptera la Terre à l'endroit exact où se situe la cible. Le troisième étage finit sa combustion peu après.

Si les missiles balistiques de courte portée peuvent être constitués d’un seul étage, ceux de portée intermédiaire en ont deux. Les longues portée en demandent trois ou quatre, de taille décroissante. Tous les derniers étages (ou le premier s’il est seul) se terminent par une « case à équipements », contenant les équipements qui servent au fonctionnement du missile balistique tout au long du vol dont ceux dédiés à l'exécution du programme de vol ou le viseur d'étoiles qui permet un recalage au dernier moment : pilotage, guidage, alimentation électrique, gestion de la charge utile, etc., le tout géré par un ordinateur embarqué.

A priori, rien n'oblige les étages à être superposés. Toutefois, les missiles balistiques sont quasiment tous à étages superposés. La forme allongée de cette configuration est de beaucoup plus compatible avec leur installation dans des silos blindés, sur des trains ou des camions, ou à bord de sous-marins. Le missile R-7 Semiorka (URSS, 1957), qui est l'ancêtre des fusées Soyouz actuelles, a été une exception à ce principe.

La trajectoire propulsée (parcours du missile)

À partir de son site de lancement (ici appelé A) le missile balistique doit placer son arme sur un point dit d'injection (B) où la valeur et la direction de la vitesse la conduira mathématiquement (trajectoire elliptique et mécanique de Newton, voir ci-dessous) sur la cible choisie (D) après sa rentrée dans l'atmosphère (C).

Vol du missile balistique.

Pour aller de A à B plusieurs trajectoires sont possibles. Pendant la traversée des couches basses de l'atmosphère le missile balistique subit l'effet du vent, voire des rafales. La trajectoire qu'il va suivre est définie par le besoin d'une incidence aérodynamique faible (l'axe de la poussée et l'axe du missile sont très proches) pour ne pas en venir à des mouvements de tuyère excessifs pour corriger la trajectoire. Ce qui ne fait pas aller de façon optimale vers B.

Mais à 50 km d'altitude environ les forces aérodynamiques deviennent négligeables. La trajectoire peut alors s'incurver et s'optimiser sous la direction du programme de vol. Cette optimisation n'a qu'un seul objectif : atteindre la vitesse requise en consommant le moins d'ergols possible[23].

L’arme est lancée au point B après environ 3 minutes[24] d'accélération à une altitude d’environ 500 km (pour une portée sur Terre de l'ordre de 10 000 km).

La trajectoire balistique dans l’espace (parcours de l'arme)

Le parcours balistique de cette arme lancée à 500 km de la Terre c'est, dans l’espace, une ellipse dont la Terre est l’un des foyers.

La compréhension de ce qui suit est accessible à tout lecteur. Pour la faciliter on peut garder en tête que l'arc est un missile balistique et la flèche, l'ogive.

Flèche et ogive.

La flèche ne va pas très loin. La Terre est plate sur tout son parcours. La force de gravité (l'attraction de la Terre) agit sur elle en étant parallèle à elle-même. Sa trajectoire est alors une parabole (attraction parallèle). Le meilleur angle de tir pour aller le plus loin possible est de 45° : cela ressort de l'équation de la parabole. L'ogive va beaucoup plus loin. On ne peut plus dire la Terre « plate ». La force de gravité reste pointée sur le centre de la Terre. Sa trajectoire est une ellipse (attraction centrée). Le meilleur angle de tir pour aller loin n'est plus de 45° mais autour de 35° : cela ressort de l'équation de l'ellipse.

Parabole et ellipses sont proches. Beaucoup de ce qui vaut pour le flèche vaut pour l'ogive. Plus l'arc est puissant (le missile balistique), plus la flèche (l'ogive) part vite et plus elle va loin. Ou : il y a toujours deux façons d'atteindre la cible. Par un tir direct ou par un tir vers le ciel qui revient sur la cible (trajectoires tendue et plongeante). Avec la flèche (l'ogive) on couvre toute la distance entre soi (sauf ses pieds !, portée minimum) et une portée maximum. La flèche tombe partout avec la même vitesse, celle qu'elle avait en quittant l’arc. Idem pour l’ogive…

Trajectoire elliptique

C’est l’une des trajectoires de tout objet dans l’espace (l’arme comme la Lune, la Terre, etc.)[25] quand l’objet est doté d’une vitesse et qu’il est soumis à une force de gravitation (celle du Soleil pour la Terre, celle de la Terre pour la Lune et pour l’arme).

S’agissant de la Terre, la première découverte de sa trajectoire elliptique[26] est due à Johannes Kepler. Il l’a définie par trois lois[25](les lois de Kepler) après l’étude qu’il avait faite des observations astronomiques de Tycho Brahe. C’est à Isaac Newton que l’on doit la première compréhension mathématique de la trajectoire de la Terre dans l’espace avec l’équation de la « conique » dont fait partie l’ellipse. C’est enfin à Constantin Tsiolkowski que l’on doit une observation majeure: le choix de la conique ne dépend que d’un seul paramètre, la vitesse au lancement. À plus de 11 km/s c’est une hyperbole et l’objet quitte la Terre; entre 8 et 11 c’est une ellipse et l’objet se satellise.; à moins de 8 km/s c’est toujours une ellipse mais l’objet revient sur terre[3].

Vitesses et trajectoires.

D’où il ressort, pour le missile balistique[27] :

  • lorsque l’angle de tir confère la portée maximum — l’équivalent de 45° pour le javelot, une valeur inférieure pour l'ellipse — plus la vitesse croît, plus l’ellipse augmente de taille, et plus le point où l’ellipse rencontre la Terre s’éloigne du point de lancement (ci-contre, figure 1) ;
  • la vitesse donnée à l'arme connait une limite (figure 2). Elle doit être inférieurs à 8 km/s sous peine de la placer (satelliser) continûment dans l’espace ce qui est interdit par un traité de Nations unies[28]. Ce traité [3] dit traité de l'espace n’interdit pas à l’arme un parcours bref dans l’espace ;
Trajectoires et limites de portée.
  • il s’en déduit une portée maximum du missile balistique (ci-contre, figure 2). En effet, trop près de la vitesse de satellisation, l’arme rentre dans l’atmosphère presque parallèlement à la Terre (figure 3). Le parcours atmosphérique, très long, conduit à des échauffement excessifs[29] qui ne seraient combattus que par de protections très lourdes. Conséquence d’armes très lourdes: le missile balistique peinerait à les lancer aussi loin, sauf à accroître considérablement sa puissance et donc sa taille (un problème pour les sous-marins) et donc son coût. Au bilan les pays dotés de missiles balistiques de dernière génération, ceux qui donnent à leurs armes une vitesse de l’ordre de 7 km/s, atteignent des portées de 10 000 km et un peu plus, largement suffisantes parce qu’elles correspondent à leur besoin stratégique compte tenu de leur géographie ;
  • il existe toujours deux angles de tir (figure 1) qui, pour une même vitesse, permettent d’atteindre le même point de la Terre (il y a deux foyers et donc deux positions du centre de la Terre). La trajectoire la plus courte est dite « tendue » et n’est jamais utilisée dès que les vitesses (et donc les portées) s’accroissent. En effet l’axe de rentrée dans l’atmosphère conduit à une trajectoire plus longue dans l’atmosphère, d’où un très grand échauffement, d’où une surcharge de protection, et etc. comme on vient de le voir ;
Caractéristiques de la portée.
  • il n’existe pas d'angle de tir qui permette, dès que la vitesse est importante, un tir extrêmement proche. Les missiles balistiques ont une portée minimum[30] imposée par leur type trajectoire. Environ 500 km pour des vitesses de l’ordre de 4 km/s et 1 000 km pour 7 km/s (figure 2) ;
  • en revanche tous les angles de tir existent qui, pour une même vitesse, permettent de délivrer l'arme entre sa portée minimum et sa portée maximum[31]. Il se déduit que les missiles balistiques aux portées les plus longues (vitesse au lancement de 7 km/s) peuvent délivrer leur arme de 1 000 à 10 000 km avec la même vitesse à l’arrivée dans l’atmosphère, soit 7 km/s ou 25 000 km/h ou encore Mach 20 (chiffres approximatifs, figure 1). Même après le freinage dû au parcours atmosphérique (10 secondes environ, voir plus bas) la vitesse de l'arme alors qu'elle va exploser interdit à tout missile de défense anti-aérienne quel qu’il soit de l’intercepter et de la détruire[note 9].

La classification toujours adoptée aujourd’hui selon les portées maximum (voir plus haut : Typologie) peut induire en erreur. Les missiles de génération intermédiaire ne sont que des avatars, appelés puisqu’on les met en service, de courte, de moyenne portée, ou de portée intermédiaire. On va décrire ci-dessous la trajectoire d’un missile balistique abouti (7 km/s) avec, plus bas, le cas particulier des vitesses plus faibles.

Mouvement dans l’espace

Inertie dans l'espace.

Une conséquence essentielle du trajet dans l’espace relève du principe d’inertie. Un javelot lancé dans l’espace pointera toujours dans la même direction du ciel, quelle que soit la trajectoire de son centre de gravité (figure 1, expérience de pensée d'un javelot lancé dans l'espace). Il conserve une direction fixe dans le référentiel galiléen quel que soit le mouvement de son centre de gravité. L’arme nucléaire aboutie est constituée de l’arme proprement dite et de ses équipements couverts par un bouclier thermique dont on attend le meilleur profil pour qu'il soit le moins freiné possible à la rentrée pour garder une très grande vitesse avant l'explosion. Il est en forme de cône, revêtu de matériaux ablatifs. Ce cône garde donc une direction fixe.

Pour optimiser sa rentrée dans l’atmosphère il faut le pré-pointer[32] (figure 2). Sans cette action il pourrait voir sa trajectoire de rentrée très perturbée, ou même se détruire. Sa séparation implique un mouvement ad hoc du troisième étage avant le lancement. Un mouvement complexe dont la connaissance ne s'acquiert que progressivement. Tous les missiles balistiques aboutis, dits intercontinentaux ou de très longue portée, sont munis d'un dernier étage qui place l'arme (ou les armes) sur une (ou des) ellipse(s) successive(s), chacune associée à un objectif, avec une position dans l'espace convenable[33].

Au bilan des deux premières phases de vol, la trajectoire propulsée et la trajectoire balistique le parcours de l’arme aura duré approximativement[34] 3 minutes, liée au missile balistique, puis 30 minutes seule dans l’espace. Son altitude à l’apogée de l’ellipse sera de 2 à 3 000 km et sa vitesse à la rentrée dans l’atmosphère de 30 000 km/h.

Cas particulier des armes lancées à vitesses faibles

Trajectoires première génération.

Ces armes sont celles des missiles balistiques des premières générations. La caractéristique principale de la toute première est de fournir une vitesse très faible (autour de 2 km/s) à une arme qui fait corps avec eux car on n’a pas encore appris à les séparer : le V2 et le Scud en sont de bons exemples.

Dans le cas du V2 l’altitude atteinte aux premiers lancements est proche de la limite généralement adoptée pour l’atmosphère, soit environ 120 km[35]. À cette altitude les molécules d’air sont très rares. Leur faible effet est pourtant suffisant pour agir sur les ailerons[note 10], initialement placés au bas du V2 pour le stabiliser dans le premières secondes après mise à feu. L’axe du missile balistique vide et qui ne propulse plus est rapidement affecté par l’écoulement de l’air sur les ailerons, ce qui le « rapproche » de la trajectoire dont l’apogée est d’ailleurs proche de l’altitude de lancement (figure 1).

Très vite les V2 ont gagné en portée et donc en vitesse.

Le parcours balistique devient plus important et l’axe du V2 reste fixe par rapport au ciel. Mal orienté à l’arrivée dans l’atmosphère, le missile balistique peut se casser en morceaux (figure 2)[36]. Des études en soufflerie permettent de corriger le dessin des structures et de les renforcer.

Trajectoires génération suivante.

Aussi la première modification apportée par la génération suivante est-elle la séparation de l'arme dans des conditions techniquement simples et imparfaites, mais suffisantes pour assurer la rentrée de l'arme malgré la destruction possible du missile balistique à un seul étage (figure 1).

La génération suivante comporte deux étages et un arme séparée lancée à une vitesse intermédiaire entre 2 km/s (V2) et 7 km/s (missile balistique abouti), soit environ 4 à 5 km/s (portée de 4 000 km environ).

Agni II fabriqué en Inde.

L’arme fait encore corps avec la coiffe qui est son bouclier thermique. L’axe de cette dernière restant fixe dans l’espace, sa bonne rentrée dans l’atmosphère doit être facilitée.

Aussi on la munit d'ailerons bien visibles sur la photographie du missile balistique indien Agni II ci-contre. Le mouvement de basculement permis par ces ailerons fera prendre rapidement une direction telle que la pointe du bouclier thermique sera rapidement la plus efficace possible (figure 2)[note 11].

La trajectoire de rentrée dans l’atmosphère (fin du parcours de l'arme)

La rentrée dans l’atmosphère provoque un freinage très important qui :

  • pour un véhicule habité va diminuer sa vitesse et permettre l’ouverture des parachutes, ou l'atterrissage de la navette ;
  • pour une arme nucléaire doit être combattu pour obtenir la vitesse la plus grande possible avant l’explosion.

La rentrée dans l’atmosphère peut aussi, comme il en est pour les avions avec leur portance, rendre possible une correction de trajectoire.

Rentrée d’une arme nucléaire

Rentrée de huit armes atteignant des objectifs tous placés le long d'un même axe.

La précision obtenue au moment de la séparation des armes des missiles balistiques de dernière génération est au regard de leur puissance destructrice largement suffisante compte tenu des faibles erreurs propres au mode de largage (centrale à inertie du missile très élaborée et recalage optique avec les étoiles). Aussi peut-on laisser l'arme suivre librement sa trajectoire et, à la rentrée dans l'atmosphère, parcourir une ligne qui sera quasi droite à la façon d’une météorite. Les photographies de ces rentrées sont celle d’étoiles filantes arrivant au sol (ci-contre).

Ogives coniques W78 et leur véhicule de rentrée MK12-A LGM-30G d'un Minuteman III.

Pour être le moins freinée possible, l'arme est enfermée dans une protection de forme conique très allongée. L’échauffement est extrême car l’onde de choc colle au sommet du véhicule de rentrée[37]. Le corps du cône est revêtu d’un matériau de protection thermique qui se transforme en se détruisant tout en absorbant une très grande quantité de chaleur[37]. Il diminue donc d’épaisseur pendant la rentrée, laquelle est calculée pour qu’il en reste quelques millimètres avant l’explosion, l’objectif étant de ne pas en mettre trop pour ne pas l’alourdir inutilement. La chaleur sera très forte à l’intérieur et les équipements sont prévus pour y résister.

Aucun document disponible ne donne la vitesse de ce type d’arme à l’explosion. En revanche, on lit que des missiles balistiques intermédiaires (vitesses de 4 à 5 km/s) sont dotés d’armes de vitesse finale de l’ordre de Mach 4 à Mach 6[38]. Les armes les plus avancées arrivent certainement beaucoup plus vite.

Rentrée d’une capsule habitée

Pour mémoire, les rentrées d'une arme nucléaire et d'une capsule habitée diffèrent totalement[39].

La difficulté principale posée par la rentrée atmosphérique des engins habités est l’échauffement interne qu’il faut limiter drastiquement pour qu’il puisse être supporté par l’équipage. Pour cela, on détache l’onde de choc de la structure par une forme en bouclier arrondi.

Rentrée d'un véhicule Apollo.

Les matériaux sont choisis pour leur fort pouvoir d’émissivité[37] qui les rend capables de renvoyer la chaleur à l’extérieur par rayonnement. Seule une petite partie de la chaleur parvient alors à pénétrer dans les structures suivantes tandis que la trajectoire de rentrée (ci-contre) est choisie pour limiter l’intensité du freinage, ce qui diminue aussi la décélération[40]. Le contrôle de la trajectoire reste très délicat. L'angle de rentrée est déterminant pour la suite de la rentrée. S'il est trop faible le véhicule n'est pas capté par l'atmosphère, rebondit et va se perdre dans l'espace. S'il est trop grand, il est soumis à des décélérations fortes, insupportables par l'équipage[41].

Utilisation de l’atmosphère pendant la rentrée

Profil de vol du planeur hypersonique Hypersonic Technology Vehicle 2 testé en 2010 et 2011 par la DARPA.

Le cône de rentrée est muni de dispositifs (des ailerons par exemple) contrôlés par un moyen interne de recalage de navigation (un radar, toujours à titre d’exemple) qui guide l’arme sur l’objectif. On parle d’ogive manœuvrante. Elle permet une amélioration significative de la précision.

Accroître la capacité de tir précis est nécessaire :

  • tant que l’on n'a pas su faire une centrale de guidage du missile balistique convenablement précise alors que la charge nucléaire n’est pas particulièrement puissante. C’était le cas du Pershing II ;
  • si l’on souhaite une précision très grande avec un explosif classique[42], ou, surtout, si l’on souhaite atteindre de la même façon un objectif mobile. C’est le cas de navires de guerre, particulièrement de porte-avions dont la destruction pourrait être assurée par une ogive à précision décamétrique et dont la vitesse interdit toute interception défensive.

La trajectoire sous-marine (lancement par sous-marin)

Construire un missile balistique est complexe. Le lancer sous l’eau ajoute une autre complexité[43]

À l’évidence le missile balistique ne s’allume pas au départ du tube dans lequel il été placé : il détruirait le sous-marin. Il en est donc éjecté par un forte pression de gaz à la façon d’une cartouche de fusil de chasse qui propulse ses plombs (le missile balistique) hors du canon (le tube). La partie propulsive de la « cartouche » est appelée « générateur de gaz ».

Écoulements et houle.

L’immersion du sous-marin à laquelle il va lancer en allumant le générateur de gaz est définie par deux contraintes :

a/ tiré verticalement, le missile balistique subit de plein fouet l’écoulement transversal de l’eau le long du sous-marin (schéma ci-contre). Pour que l'écoulement soit le plus faible possible le sous-marin doit avoir une vitesse presque nulle. Or un sous-marin à vitesse très faible se pilote difficilement. D’autant plus difficilement qu’il est proche de la surface où les effets de la houle sont perturbateurs et importants. Le sous-marin a donc intérêt à naviguer à une immersion la plus éloignée possible de la surface de la mer.

b/ mais plus il est tiré loin de la surface, plus le missile balistique dont la vitesse verticale est faible même avec un générateur de gaz très puissant est perturbé dans son parcours sous marin. L’écoulement de l’eau, même très faible, commence à le faire pencher. Sous l’effet de la houle il perd son équilibre et va sortir de l’eau avec une forte inclinaison. Corriger cette inclinaison doit se faire dès que possible. Il faudra avoir allumé le premier étage pour provoquer le redressement avec un très grand débattement de la tuyère. La consommation de propergol pour redresser le missile balistique ne pourra pas servir pour porter plus loin. On souhaite donc que le redressement ne soit pas trop important. Il faut allumer le premier étage le plus tôt possible.

On peut procéder de la façon suivante.

Le tube est obturé par un membrane en caoutchouc, prédécoupée pour être convenablement déchirée par le missile balistique quand il sortira du tube.

La porte étanche vient fermer par-dessus. Elle est résistante à la pression de la mer (schéma ci-contre, a).

Tube lance missile balistique.

Avant le lancement : on met en pression en même temps :

  • avec un gaz neutre la partie du tube située sous la membrane (et donc le missile balistique) ;
  • avec l’eau de la mer, la partie supérieure de la membrane.

Ces deux pressions (schéma b) sont calculées pour être égales et correspondent à la pression de la mer à l’immersion où se situe le sous-marin. La membrane est donc équilibrée (pression de la mer au-dessus, pression de gaz égale en dessous). Elle interdit à l’eau de mer d’envahir le missile.

Au moment du lancement, sous la pression des gaz du générateur de gaz, le missile balistique monte et déchire la membrane. Il quitte le tube et va vers la surface.

La mise à feu du premier étage se fait sous la mer après avoir vérifié que la tuyère débat correctement et, surtout, que le missile balistique s’est suffisamment éloigné du sous-marin, ce que calcule sa centrale à inertie. Ainsi peut-on corriger la verticalité du missile balistique vers la fin du parcours sous-marin[note 12]

Liste des principaux missiles balistiques

Les tables suivantes indiquent les principaux types de missiles balistiques qui sont ou ont été en service dans le monde. Les différents modèles pour un même type d'engin ne sont pas indiqués. Et les caractéristiques indiquées s'appliquent au premier modèle mis en service. Pour chaque missile, les données suivantes sont incluses.

  • Pays : le pays où l'engin a été développé.
  • Dépl. : l'année de mise en service (déploiement) du premier modèle pour ce type d'engin.
  • Ogives : le nombre d'ogives séparées transportées par le missile.
  • Charge : la puissance explosive d'une ogive transportée. Pour les armes nucléaires, elle est mesurée en milliers de tonnes d'équivalent TNT (kt) ou en million de tonnes (Mt).
  • Masse : la masse du missile au lancement, y compris son carburant.
  • Propulsion : le nombre d'étages de propulsion et leur type. Pour chaque étage, on indique en fonction du combustible soit kér. (kérosène et oxygène liquide), soit hyp. (ergols hypergoliques), soit sol. (ergols solides). Certains missiles disposent d'un moteur supplémentaire pour l'insertion des ogives dans l'atmosphère qui n'est pas mentionné dans la table.
  • Portée : la distance maximale que le missile peut parcourir.
  • Précision : le rayon d'un cercle centré sur la cible à l'intérieur duquel la moitié des missiles de ce type atterriront.
  • Tir : le type de pas de tir utilisé; mobile signifie sur camion ou sur rail. Pour les missiles navals, si le missile est tiré en surface ou depuis un sous-marin submergé.

Vu la nature sensible des informations sur la plupart de ces engins, les valeurs ci-dessous sont sujettes à des imprécisions importantes.

Stratégiques sol-sol

nom local code OTAN pays dépl. ogives charge masse propulsion portée Précision tir
R-7 SS-6 Sapwood Drapeau de l'URSSURSS 1957 1 2,9 Mt 265 t kér. et kér. 8 000 km 3 700 m tour
SM-65 Atlas Drapeau des États-Unis

USA

1959 1 1,4 Mt 121 t kér. 11 000 km 3 700 m tour et silo
R-16 SS-7 Saddler Drapeau de l'URSSURSS 1961 1 Mt 140 t hyp. et hyp. 11 000 km 2 700 m tour et silo
SM-68 Titan Drapeau des États-Unis

USA

1961 1 Mt 100 t kér. et kér. 10 000 km 1 400 m silo
LGM-30 Minuteman 1962 1 1,2 Mt 29 t sol., sol. et sol. 10 000 km 2 400 m silo
LGM-25C Titan II 1963 1 Mt 154 t hyp. et hyp. 16 000 km 1 300 m silo
R-9 SS-8 Sasin Drapeau de l'URSSURSS 1964 1 2,3 Mt 81 t kér. et kér. 11 000 km 2 000 m tour et silo
R-36 SS-9 Scarp 1966 1 1825 Mt 210 t hyp. et hyp. 15 500 km 920 m silo
UR-100 SS-11 Sego 1967 1 500 kt 42 t hyp. et hyp. 11 000 km 1 400 m silo
RT-2 SS-13 Savage 1968 1 1,5 Mt 50 t sol., sol. et sol. 9 500 km 2 000 m silo
RT-20P SS-15 Scrooge 1969 1 500 kt 30 t sol. et hyp. 11 000 km 600 m mobile
R-36 SS-9 Scarp MRV 1970 3 Mt 180 t hyp. et hyp. 12 000 km 1 800 m silo
LGM-30F Minuteman III Drapeau des États-Unis

USA

1971 3 170 kt 35 t sol., sol. et sol. 13 000 km 280 m silo
S2 Drapeau de la FranceFrance 1971 1 130 kt 40 t sol. et sol. 3 500 km n.d. silo
Jericho I Drapeau d’Israël

Israël

1971 n.d. 6,5 t sol. et sol. 500 km 1 000 m tour
DF-3A CSS-2 Drapeau de la République populaire de Chine

Chine

1973 1-3 Mt (ogive unique) 64 t hyp. 2 800 km 1 000 m silo
RS-20 SS-18 Satan Drapeau de l'URSSURSS 1974 1 à 10 11 Mt (ogive unique) 210 t hyp. et hyp. 11 200 km 400 m silo
UR-100MR SS-17 Spanker 1975 1 3,56 Mt 71 t hyp. et hyp. 10 100 km 420 m silo
UR-100N SS-19 Stiletto 1975 6 650 kt 105 t hyp., hyp. et hyp. 9 700 km 350 m silo
RT-21 SS-16 Sinner 1976 1 1–1,5 Mt 44 t sol., sol. et sol. 10 500 km 450 m mobile
S3 Drapeau de la FranceFrance 1980 1 1,2 Mt 25 t sol. et sol. 3 500 km n.d. silo
DF-5 CSS-4 Drapeau de la République populaire de Chine

Chine

1981 1 Mt 183 t hyp., hyp. et hyp. 12 000 km 500 m silo
RT-2PM SS-25 Sickle Drapeau de l'URSSURSS 1985 1 550 kt 45 t sol., sol. et sol. 10 500 km 150 m mobile et silo
LGM-118A Peacekeeper Drapeau des États-Unis

USA

1986 10 300 kt 88 t sol., sol., sol. 9 600 km 100 m silo
Jericho II Drapeau d’Israël

Israël

1986 n.d. 26 t sol. et sol. 3 500 km n.d. tour
RT-23 SS-24 Scalpel Drapeau de l'URSSURSS 1987 10 400 kt 104 t sol., sol. et sol. 10 000 km 150 m mobile et silo
RT-2UTTH SS-27 Topol-M Drapeau de la RussieRussie 1997 1 550 kt 47 t sol., sol. et sol. 11 000 km 350 m mobile et silo
DF-31 CSS-9 Drapeau de la République populaire de Chine

Chine

2000 1 Mt 42 t sol., sol. et sol. 8 000 km 300 m mobile

Stratégiques mer-sol

nom local nom O.T.A.N. pays dépl. ogives charge masse propulsion portée Précision tir
UGM-27 Polaris Drapeau des États-UnisUSA

et Drapeau du Royaume-UniG.-B.

1960 1 600 kt 13 t sol. et sol. 1 850 km 1 800 m submergé
R-13 SS-N-4 Sark Drapeau de l'URSSURSS 1961 1 Mt 14 t hyp. 600 km 1 800 m surface
R-21 SS-N-5 Sark 1963 1 Mt 19 t hyp. 1 400 km 1 800 m surface
R-27 SS-N-6 Serb 1969 1 Mt 14 t hyp. 2 400 km 1 100 m submergé
M-1 Drapeau de la FranceFrance 1971 1 Mt 20 t sol. et sol. 3 000 km n/d submergé
UGM-73 Poseidon Drapeau des États-UnisUSA 1972 10 50 kt 30 t sol. et sol. 4 600 km 550 m submergé
R-29 SS-N-8 Sawfly Drapeau de l'URSSURSS 1974 1 1–1,5 Mt 33 t hyp. et hyp. 7 800 km 900 m submergé
M-20 Drapeau de la FranceFrance 1977 1 1,2 Mt 20 t sol. et sol. 3 000 km 1 000 m submergé
UGM-96 Trident I Drapeau des États-UnisUSA 1979 8 100 kt 33 t sol., sol. et sol. 7 400 km 380 m submergé
R-29R SS-N-18 Stingray Drapeau de l'URSSURSS 1979 7 100 kt 35 t hyp. et hyp. 6 500 km 900 m submergé
R-39 SS-N-20 Sturgeon 1983 10 100 kt 90 t hyp., hyp. et hyp. 8 250 km 500 m submergé
M-4 Drapeau de la FranceFrance 1985 6 150 kt 35 t sol., sol. et sol. 4 000 km 500 m submergé
R-29RM SS-N-23 Skiff Drapeau de l'URSSURSS 1986 4 100 kt 40 t hyp. et hyp. 8 300 km 500 m submergé
JL-1 CSS-N-3 Drapeau de la République populaire de ChineChine 1988 1 200–300 kt 15 t sol. et sol. 1 700 km 300 m submergé
UGM-133 Trident II Drapeau des États-UnisUSA

et Drapeau du Royaume-UniG.-B.

1990 6 300475 kt 59 t sol., sol. et sol. 11 000 km 120 m submergé
M-45 Drapeau de la FranceFrance 1997 6 110 kt 35 t sol., sol. et sol. 6 000 km 350 m submergé
M-51 2010 10 100 kt 56 t sol., sol. et sol. 10 000 km 200 m submergé

Tactiques

Il n’aura fallu qu’une cinquantaine d’années pour qu’avec des portées environ 50 fois supérieures, la précision des tirs soit devenue au moins 50 fois meilleure, les écarts probables ne se chiffrant plus qu’en décamètres : ces écarts sont tout théoriques s’agissant de « coup au but ».

nom local nom OTAN pays dépl. charge masse propulsion portée précision tir
V-2 Allemagne Nazie 1944 738 kg (conventionnel) 13 t alcool 320 km 17 km tour
PGM-11 Redstone Drapeau des États-UnisUSA 1958 500 kt ou 3,5 Mt 28 t alcool 320 km 300 m mobile
R-11FM SS-1B Scud-A Drapeau de l'URSSURSS 1959 100500 kt 5,6 t kér. 150 km km tour ou mobile
MGM-52 Lance[44] Drapeau des États-UnisUSA 1972 1100 kt 1,5 t hyp. 120 km 450 m mobile
Pluton Drapeau de la FranceFrance 1974 15 ou 25 kt 2,4 t sol. 120 km 150 m mobile
OTR-21 Tochka SS-21

Scarab A

Drapeau de l'URSSURSS 1976 100 kt t sol. 70 km 150 m mobile
Hadès Drapeau de la FranceFrance 1991 80 kt 1,8 t sol. 480 km 150 m mobile

Évolution des missiles tactiques sol-sol de l'US Army à ogive nucléaire de la guerre froide

Tous ces engins ont été démantelés après le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire interdisant la possession de missiles d'une portée comprises entre 500 et 5 500 kilomètres signé le 8 décembre 1987 par les États-Unis et l'Union soviétique après la crise des euromissiles.

Nom Date de mise en service Portée (km) Ecart circulaire probable (m) Vitesse Charge nucléaire (Kt)
Honest John 1954 5-38 1 800 Mach 1,5 1-20
Pershing I 1962 185 -741 450 Mach 8 60-400
Lance 1972 5-125 150-375 Mach 3 1-150
Pershing II 1983 150-1 800 20-45 Mach 8 5-50

Autres missiles balistiques par pays

Corée du Nord

Inde

Iran

Pakistan

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. C’est à Newton que l’on doit la détermination des trajectoires. On rapporte (probablement à tort) que le savant se demandait pourquoi la pomme tombe alors que Lune ne tombe pas. La pomme est « lancée » sans vitesse (elle se détache de l’arbre). La Lune s’est (probablement) détachée de la terre dans un chaos cataclysmique qui lui a donné une vitesse. Aussi elle tombe (comme la pomme) mais elle avance grâce à sa vitesse ; elle tombe encore mais avance encore. Au bilan elle tourne. La pomme et la Lune suivent des trajectoires entièrement caractérisées par une vitesse initiale et la gravité. Newton les calcule (Mouvements à accélération centrale). Ce sont des coniques à savoir des ellipses (la Lune), des paraboles ou des hyperboles qui se réduisent à une droite quand la vitesse est nulle (la pomme).
  2. À titre de comparaison on pourra retenir que la balle d’une carabine de chasse sort de la bouche du canon à un vitesse proche de 1 km/s.
  3. La résolution de l'ONU no 1884 (XVIII) du 17 octobre 1963, adoptée à l’unanimité engage les États à s’abstenir de mettre sur orbite autour de la Terre tous objets porteurs d’armes nucléaires [1]. On note qu'il n'est évidemment pas interdit de faire parcourir dans l'espace un moment (et non continûment) des armes nucléaires, ce que fait tout missile balistique.
  4. La mécanique céleste, les conditions de satellisation, les orbites des satellites héliosynchrones et stationnaires, les orbites des sondes spatiales et l'assistance gravitationnelle sont très bien décrites dans l'ouvrage L'Espace, nouveau territoire sous la direction de Fernand Verger, Éditions Belin, août 2002.
  5. En 2002 Elon Musk fonde la première de lanceurs spatiaux privée : SpaceX. Pour autant il recrute un personnel dont la compétence relève de ses rapports précédents avec la NASA et utilise un matériel sur étagère validé puisque venant majoritairement des précédentes commandes de cette administration. La notion de compagnie privée doit être nuancée.
  6. C’est le cas de la France qui disposait en 1958 d’un savoir-faire balistique et surtout nucléaire mais sans volonté de réaliser un missile balistique. Dès qu’elle s’est manifestée par décision du général De Gaulle devenu président de la République, la construction en a été actée dans la deuxième loi programme 1965-1970.
  7. En décembre 1966 le Président Johnson et le secrétaire d’État Mac Namara annoncent leur « choix stratégique » : « dissuader une attaque nucléaire » et, pour ce faire, « maintenir une capacité claire et convaincante d’absorber une première attaque » en vue de « pouvoir détruire l’attaquant », qui n’a donc aucun intérêt à attaquer (dans Le duel USA-URSS cité par ailleurs, page 27).
  8. Le Royaume Uni n’a jamais construit de missiles balistiques mer-sol propres. Ceux de ses sous-marins sont loués aux États-Unis. La Chine dispose de missiles balistiques lancés par sous-marin mais ils sont encore de portée intermédiaire en 2017.
  9. Les missiles tactiques destinés à la destruction des avions (vitesse d’environ Mach 2) peuvent être améliorés pour détruire des cibles plus rapides (Mach 3 à 4) qui correspondent aux vitesses fournies par les missiles balistiques lents. Dans l’état actuel de la technologie, ils sont incapables de détruire une arme de vitesse bien plus grande lancée par un missile balistique abouti (voir plus bas : défense anti missiles balistiques).
  10. On ne sait pas encore faire tourner la tuyère. Les dispositifs mis en place dans cette tuyère pour dévier le jet de gaz et donc piloter la missile balistique sont de peu d’efficacité et insuffisants pour satisfaire les corrections sévères qui s’imposent alors que la vitesse est très faible au départ du sol. Aussi de grands ailerons utilisent leur déplacement dans l’air pour stabiliser à la verticale. Ces ailerons disparaissent avec les progrès techniques des générations successives de missiles balistique.
  11. On observe que la séparation des deux étages se fait par des boulons explosifs placés sur un treillis métallique bien visible entre les deux étages. La séparation par cordeau détonnant inséré dans une virole qui lie de très près les étages, disposition prise sur les générations suivantes, est beaucoup plus difficile à réaliser. Elle s’impose dans le cas du sous-marin où l’on cherche de placer le maximum de propergol dans les étages d’un missile de longueur contrainte par la dimension de la coque. Or le treillis implique un espace vide, donc une perte de portée à longueur égale.
  12. Pour aller encore plus loin, les missiles américains utilisent un propergol (la nitralane) dont la probabilité — extrêmement faible mais non nulle — qu’il explose l’a fait interdire en France. Aussi leurs missiles balistiques ne s’allument-ils pas sous l’eau car une explosion à ce moment là détruirait le sous-marin. Conséquence: ils sortent de l’eau assez couchés et utilisent une importante quantité de propergol à la seule fin de se redresser [2], une quantité qui ne servira pas à augmenter la vitesse et donc la portée. Mais la nitralane étant particulièrement énergétique, ils peuvent se permettre d’en « perdre » un peu. Ce qui n’est pas le cas de la France dont le propergol est un peu moins énergétique. Voilà deux réponses différentes à un même problème (aller le plus vite possible) de la part des ingénieurs français et américains.

Références

  1. Encyclopédie des sous-marins français, Tome 6 : « Approche générique et prospective, Vol balistique et missiles balistiques », page 214 (ISBN 2-912838-57-6).
  2. Philippe Couillard, Lanceurs et satellites, Éditions Cépaduès, 2005, pages 16 à 18.
  3. a et b Michel Polacco, La conquête spatiale pour les nuls, Éditions First, 2009 page 116 : « Lanceur ou missile ? »
  4. Le Tome 6 de l’Encyclopédie des sous-mains français explique les questions posées par la construction des moteurs, l’emploi des propergols, la définition des étages, leur séparation, la rentrées à très haute vitesse et le parcours sous la mer des missiles balistiques lancés par sous-marins.
  5. L’Arme nucléaire et ses vecteurs, Colloque du Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, Rédaction collective, Atelier d'impression de l'Armée de Terre no 1, Paris, 1989. Voir l'Intervention de Yves Le Baut sur la genèse de l’arme nucléaire et de ses vecteurs, l'avion et le missile balistique.
  6. a et b La conquête spatiale pour les nuls, page 77.
  7. Ibid., page 78.
  8. Ibid., page 79.
  9. (en) Frederick I. Ordway III et Mitchell R. Sharpe, The Rocket Team, Apogee Books, 32 p. (ISBN 1-894959-00-0).
  10. La conquête spatiale pour les nuls, page 99.
  11. Jean-Pierre Clerc, Paul Iorcète, Le duel États-Unis-URSS dans l’espace, Éditions Autrement, 1986, page 19.
  12. La conquête spatiale pour les nuls, page 109 : « Les vitesses cosmiques ».
  13. Ibid., page 102.
  14. Le duel USA-URSS dans l’espace, page 24.
  15. « Lettre de Jackie Kennedy à Nikita Khrouchtchev », sur http://www.deslettres.fr/ (consulté le ).
  16. Ibid., page 27.
  17. Encyclopédie des sous-marins français, Tome 6, page 212.
  18. Le Tome 6 de l'Encyclopédie des sous-marins français détaille p. 226 et suiv. la propulsion à poudre. Il présente la photographie du bobinage du réservoir du premier étage du missile balistique français en service, le M51, dans son atelier de fabrication.
  19. Lanceurs et satellites, page 66.
  20. Ibid., page 66.
  21. L'Encyclopédie des sous-marins, Tome 6, page 227.
  22. Lanceurs et satellites, p. 55.
  23. Lanceurs et satellites, p. 71.
  24. Encyclopédie des sous-marins français, Tome 6 p. 223.
  25. a et b Atlas d’astronomie, Stock, 1976.
  26. Arthur Koestler, Les Somnambules, Le livre de poche, .
  27. Attention : tous les chiffres cités sont donnés à titre indicatif et doivent être compris comme des ordres de grandeur.
  28. Traité et principes des Nations unies relatif à l’espace extra-atmosphérique, Publication des Nations unies no F-02-I-20, 1967.
  29. Lanceurs et satellites, p. 108.
  30. Encyclopédie des sous-marins français, Tome 6, p. 215.
  31. Ibid., p. 215.
  32. Ibid., p. 222.
  33. Ibid., p. 229.
  34. Ibid., p. 223.
  35. Lanceurs et satellites, p. 107.
  36. Dominique Chevallier, Les Missiles balistiques, champs de tir et essais en vol, Société nationale d’édition, Paris, 2004, p. 59.
  37. a b et c Lanceurs et Satellites p. 104.
  38. Encyclopédie des sous-marins français, Tome 6 p. 222.
  39. Philippe Couillard, Lanceurs & satellites, Éditions Cépaduès, , 246 p. (ISBN 978-2854286625), p. 103-118.
  40. Lanceurs et satellites p. 108.
  41. Lanceurs et satellites p. 112.
  42. [image](zh)Trajectoire Qian étudié par la Chine pour une ogive de type planeur hypersonique.
  43. L'Encyclopédie de sous-marins français, Tome 6, détaille le parcours sous-marin des missiles balistiques français. Toutes les informations contenues de ce paragraphe proviennent de cet ouvrage.
  44. (en) « MGM-52 Lance Short Range Battlefield tactical support missile system », sur www.historyofwar.org (consulté le ).