Mégalopole

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Une mégalopole (du grec megas, megalos, « grand » et polis, « ville ») est un espace urbanisé formé de plusieurs agglomérations dont les banlieues et couronnes périurbaines s'étendent tellement qu'elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. Le phénomène d'exode rural et d'immigration vers les villes aboutit à ce processus appelé mégalopolisation.

Il ne faut pas confondre une mégalopole et une mégapole, agglomération de plus de 10 millions d'habitants (seuil fixé par l'ONU, auparavant fixé à 8 millions d'habitants). Ainsi, Moscou est une mégapole, mais n'appartient à aucune mégalopole reconnue puisqu'aucun réseau urbain d'importance ne s'est développé à proximité, même si elle compte plus de 20 millions d'habitants.

Origine du concept[modifier | modifier le code]

Le concept, contemporain, fut proposé par le géographe français Jean Gottmann dans son livre Megalopolis, The Urbanized Northeastern Seaboard of the United States (1961, The MIT Press), qui traitait des zones urbaines du nord-est des États-Unis. Ce dernier définit la « Mégalopolis » par la région urbaine s'étendant entre l'agglomération de Boston et la conurbation Baltimore-Washington, comprenant les agglomérations de Hartford, de New York, et de Philadelphie, ainsi qu'une multitude de villes de plus de 100 000 habitants, sur la côte est des États-Unis. On retrouve parfois l'expression BosWash (composée par la première syllabe du nom des deux villes situées aux extrémités). Cet ensemble urbain s'étale sur plus de 800 km du nord au sud, avec une population estimée à quelque 65 ou 70 millions d'habitants.

Gottmann explique cette concentration de population et de pouvoirs (politique, économique, judiciaire, culturel) dans cet espace par la succession de conjonctures favorables : la colonisation de la façade Nord et l'importance des échanges maritimes avec l'Europe ; la victoire du Nord sur le Sud lors de la Guerre de Sécession (éliminant la concurrence des ports du Sud) et la présence d'une élite urbaine[1].

L'auteur tend même à en faire une nouvelle Rome : « (la Mégalopolis) « fait un peu figure à l'époque présente de ce que fut la Rome impériale du monde antique. L'Atlantique semble être la Mare Nostrum de cette nouvelle Mégalopolis aux dimensions extraordinaires »[2]. » Cette comparaison anticipe l'analyse qui débouche sur la définition des trois centres d'impulsion de la triade de Ken'ichi Ōmae, quinze ans plus tard.

Exemples de mégalopoles[modifier | modifier le code]

Amérique[modifier | modifier le code]

Rio de Janeiro et São Paulo vus de nuit en 2012.

Dans certains manuels scolaires français, la conurbation transfrontalière de la région des Grands Lacs, en Amérique du Nord, correspondrait à une mégalopole de 65 millions d'habitants, nommée ChiPitts. Elle réunirait des métropoles américaines (Chicago, Détroit, Pittsburgh) et canadiennes (Montréal, Toronto, Québec, Ottawa), ainsi qu'une dizaine d'autres villes moins importantes.

Plus usuelle est l'expression BosWash désignant le vaste ensemble urbain nord-américain allant de Boston à Washington en passant par New York, Philadelphie, Baltimore et d'autres villes de moindre importance (notamment Hartford, Newark ou Wilmington et comprenant plus de 50 millions d'habitants.

D'autres regroupements peuvent être perçus comme des mégalopoles en formation :

Asie[modifier | modifier le code]

Japon[modifier | modifier le code]

Au Japon, une deuxième mégalopole s'est constituée depuis 1981. Cette mégalopole s'étend sur plus de 1 000 km de Tokyo, à l'est, à Fukuoka, à l'ouest, et rassemble 110 millions d'habitants, soit environ 80 % de la population japonaise sur 6 % du territoire. Cet ensemble urbain est considéré comme le cœur démographique et politique du Japon. Il est constitué de trois ensembles : l'hypercentre, autour de la capitale administrative et économique du pays, Tokyo (37 millions d’habitants) et la région du Kantō ; puis le centre secondaire (22 millions d’habitants), relié à l'hypercentre par la ligne Shinkansen Tōkaidō et l'axe historique du Tōkaidō, constitué de Nagoya et de la conurbation Keihanshin (ou « triangle Kinki ») du Kansai (Ōsaka, Kobe et Kyōto) ; et le troisième ensemble, à l'ouest, constitué des littoraux de la mer intérieure, sorte d'annexe industrielle du centre.

Chine[modifier | modifier le code]

Les trois mégalopoles chinoises.

En Chine, 3 mégalopoles sont en cours de développement autour des trois plus grandes villes chinoises :

D'autres mégalopoles se développent en Chine intérieure, autour des grandes villes comme Wuhan, Chengdu et Chongqing.

Europe[modifier | modifier le code]

La « banane bleue ».
Les bananes de l'Europe.

Attention, les informations ci-dessous sont basées sur un concept de Roger Brunet, et ne représentent pas un consensus global. Cette notion porte à confusion puisqu'une mégalopole est par définition une aire urbaine large dont les différentes agglomérations sont si étendues qu'elles se rejoignent, et dont la population est très importante. Il apparaît donc farfelu d'imaginer que Londres, Lille, Berne et Milan forment une zone urbaine continue dont les frontières se rejoignent.

La mégalopole européenne est un concept développé par Roger Brunet pour désigner un espace fortement urbanisé long de 1 500 km et densément peuplé (73 millions d'habitants) entre l'agglomération londonienne, en Angleterre, et la région de Milan, en Italie, en passant par le Benelux, la Ruhr et la Suisse. Cet arc métropolitain en position médiane en Europe est également nommée « dorsale européenne » — appelée « banane bleue » par Roger Brunet, au début des années 1990, en raison de la forme qui apparaissait sur une image satellitaire. Dans certaines approches, on associe parfois en périphérie les agglomérations de Paris et de Francfort. Cette « dorsale » est le centre d'impulsion en termes politiques et économiques de l'Union européenne, et domine les régions périphériques, moins dynamiques en termes démographiques et économiques de l'Europe.

Toutefois, cette dorsale européenne n'est pas complètement homogène et pourrait être divisée en sous-ensembles urbains :

Par un effet de dominos, les collectivités situées à la périphérie de cette banane bleue cherchèrent à l'intégrer. Et c'est ainsi que des représentations[réf. nécessaire] de cette banane gagnèrent en épaisseur et inclurent le bassin parisien. Les régions plus lointaines chargèrent les responsables du développement de dessiner de futurs couloirs de développement spatial, avec pour objectif implicite de se rapprocher du cœur de l'Europe. C'est ainsi qu'apparurent les « bananes scandinaves », l’« arc méditerranéen » ou encore l’« arc alpin » ou « sillon alpin ».

Afrique[modifier | modifier le code]

En Afrique du Sud, la fusion des aires urbaines de Johannesbourg, Pretoria et de la zone comprise entre les villes plus petites de Witwatersrand, Vereeniging et Sasolburg, située dans la province du Gauteng, semble avoir créé la première mégalopole africaine avec pas moins de 8 millions d'habitants.

Mégalopoles imaginaires[modifier | modifier le code]

La mégalopole est un thème courant dans la science-fiction, permettant généralement d'exprimer une vision de l'enfer urbain poussé à son paroxysme. Par exemple, William Gibson décrit, dans Neuromancien, une « Conurb » s'étendant de Boston à Atlanta. Le genre a également décrit des villes ayant finalement recouvert l'intégralité de leur planète, comme Trantor, peuplée de 40 milliards d'habitants, dans la série Fondation d'Isaac Asimov, ou Coruscant dans Star Wars (appelées oecuménopoles).

La mégalopole est évoquée également dans d'autres arts. Dans la comédie musicale Starmania, la « capitale de l'Occident » est sa mégalopole « Monopolis », dont le nom montre clairement l'image inquiétante de la concentration extrême de tous les pouvoirs, une image donnée également à son président mégalomane, dictateur, surpuissant et omniprésent sur les médias qu'il dirige et où la ville est montrée comme le centre du monde.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Gottmann, 1960, L'Amérique, Hachette, pp. 176-177
  2. Jean Gottmann, 1960, L'Amérique, Hachette, pp. 175

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Pour la « mégalopole européenne »
Pour la hiérarchie urbaine mondiale