Libre-échange

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Le libre-échange est un principe visant à favoriser le développement du commerce international en supprimant les barrières douanières tarifaires et non tarifaires et les réglementations nationales susceptibles de restreindre l'importation des biens et des services. Au sens strict, la notion ne s'étend pas aux mouvements de travailleurs ou de capitaux[1]. Il s'oppose au protectionnisme et au mercantilisme.

Le fondement de ce système repose dans les théories économiques classiques de la division du travail entre les différentes nations (division internationale du travail) et de l'avantage comparatif. Selon ces théories, son usage permet de maximiser la richesse de chacune des nations qui y concourent et contribue à augmenter le volume, la puissance et la profitabilité du secteur du commerce et du négoce international par rapport aux secteurs productifs, en particulier locaux et vivriers.

Dans leur grande majorité les économistes sont en faveur du libre-échange, affirmant que ce dernier a un impact positif sur la croissance économique et le niveau de développement[2],[3],[4],[5],[6],[7],[8],[9],[10], tandis que le protectionnisme a un impact négatif sur la croissance et le niveau de richesses[11],[12],[13],[14],[15]. Ceux qui sont en défaveur du libre-échange affirment, par exemple, que les pays pauvres ayant levé leurs protections économiques dans les années 1980 se sont appauvris, 54 nations étaient plus pauvres en 2003 qu'elles ne l'étaient en 1990.

La plupart des pays pratiquent une certaine forme de protectionnisme en appliquant des mesures tarifaires ou non-tarifaires comme les quotas, les subventions aux exportations, les normes techniques ou sanitaire ou les mesures favorisant les entreprises nationales[16]. Parmi les pays les plus protectionnistes, on peut penser en particulier à la Russie, l'Inde ou la Chine[17],[18],[19],[20],[21],[22].

Un porte-conteneurs et son chargement le long des docks de Hambourg.

Le libre-échange dans l'Histoire

Droits de douane (France, Royaume-Uni, États-Unis)
Droits de douane (Espagne, Italie)
Droits de douane (Japon)
Taux tarifaires moyens sur les produits manufacturés

Le mercantilisme

Le XVIe siècle et le XVIIe siècle furent l'âge d'or du mercantilisme. La possession de  métaux précieux était tenue pour une condition nécessaire à la richesse et à la puissance des nations. Les pays privés d'accès aux mines d'or et d'argent devaient donc réguler leur commerce extérieur pour dégager un surplus des exportations. Dans cette optique, les mercantilistes préconisent une politique volontariste de soutien aux exportations via la création de grandes compagnies de commerce ou de grandes manufactures. L'État tentait de freiner les importations qui sont synonymes de sorties d'or. L'enrichissement d'un État se fait par ses exportations et l'appauvrissement d'un autre par ses importations. L'État interdisait l'exportation de monnaie du pays ainsi que les métaux précieux (or, argent, etc.). En France par exemple, l'État va organiser la production nationale (avec les manufactures de Jean-Baptiste Colbert par exemple [23]).

Le XVIIIe siècle est généralement considéré comme une période de transition. Le libre-échange progressa dans la pensée économique durant la deuxième moitié du siècle: les thèses des physiocrates, le livre IV de l'ouvrage d' Adam Smith La richesse des nations fut publié en 1776 et surtout le traité de commerce franco-anglais fut signé en 1786[24]. Mais les désillusions engendrées par l'application du traité et les guerres européennes provoquèrent le retour du protectionnisme avant la fin du siècle.

Historiquement, le libre-échange est une rareté exceptionnelle. Chaque État se définit notamment par ses frontières et l'existence de taxes et toutes sortes de règlements propres concernant l'importation et l'exportation, érigeant autant de barrières. La pensée économique rudimentaire animant les dirigeants des anciens États les conduit à toujours préférer, entre deux biens similaires, celui produit par leur nation à celui d'importation. Du fait de ces pratiques, le commerce international peut consister pour une part notable en contrebande, contournement illégal des règles sur les importations, d'autant plus rentable que ces règles sont plus coûteuses.

Le libre-échange était mis en œuvre de plusieurs manières :

  1. traités inégaux imposés à une nation plus faible par une nation plus forte, forçant la première à admettre les biens produits par la seconde (forcer les étrangers à ouvrir leur commerce, abaisser leurs barrières et leurs droits de douanes, tout en tâchant de conserver les siennes, est une politique ordinaire des relations internationales, éventuellement appuyée par la menace militaire ou obtenue à l'issue d'une guerre) ;
  2. traités bilatéraux de réciprocité commerciale entre deux pays amis, pour une quantité plus ou moins étendue de biens ;et, dans le cadre de la mondialisation moderne, des accords multilatéraux négociés au niveau de l'organisme mondial ad hoc : l'OMC ;
  3. zones de libre-échange, lorsque le traité de libre échange implique plusieurs pays et s'étend à l'ensemble des biens (avec éventuellement des exceptions pour certains biens).

Au XIXe siècle

Selon Paul Bairoch (Mythes et paradoxes de l’histoire économique, 1994), si la pensée économique s’est clairement orientée vers le libre-échangisme tout au long du siècle, le monde industrialisé de 1913 est semblable à celui de 1815 : «Un océan de protectionnisme cernant quelques îlots libéraux», à l’exception d’une courte parenthèse libre-échangiste en Europe entre 1860 et 1870. Seuls deux îlots de libéralisme émergeaient dans la partie développée: la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. En revanche, «le tiers monde était un océan de libéralisme sans îlot protectionniste», les pays occidentaux imposant aux pays colonisés et même à ceux politiquement indépendants des traités dits «inégaux» contraignant à l’abaissement des barrières douanières[24].

Europe

La libéralisation des échanges au Royaume-Uni à partir de 1846, fut le premier exemple de libéralisation à grande échelle après la Révolution industrielle et elle fut engagée par l'économie dominante. Or, c'est le seul pays où sur une période spécifique (durant les deux décennies à partir de 1846), le libre-échange coïncida avec une hausse de la croissance. Bairoch l'explique par le fait que le pays a été le «berceau» de la révolution industrielle et disposait en 1846 d'une importante avance sur les autres pays étant donné que le pays sortait d'au moins un demi-siècle de protectionnisme[24] comme presque tout les pays d'Europe.

C'est en 1860 que le libre-échange effectua une véritable percée en Europe continentale avec le traité Cobden-Chevalier signé par Napoléon III le 23 janvier 1860. Il fut suivi d'autres accords signés entre la France et de nombreux autres pays européens: le traité franco-belge fut signé en 1861 et entre 1861 et 1866 pratiquement tous les pays européens entrèrent dans le réseau des traités Cobden. Seuls quelques petits pays du continent avaient adopté avant 1860 une politique commerciale véritablement libérale: les Pays-Bas, le Danemark, le Portugal, la Suisse, la Suède et la Belgique[24]. Les décennies qui suivirent ne furent pas une période de croissance et de prospérité, mais au contraire, elles furent assimilées à « la Grande Dépression ».

Au XXe siècle

Pour Cordell Hull[25] le ministre de Franklin Delano Roosevelt en très grande partie à l'origine du retour au libre-échange après la Seconde Guerre mondiale, il s'agit du principe de non-discrimination appliqué au commerce de biens et de services.

L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), signé en 1947, met en place au sortir de la guerre la matrice d'un commerce international conforme au principe du libre-échange[26]. En 1995, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) succède au GATT.

Au XXIe siècle

Tant dans le cadre des différentes organisations supranationales que dans leurs relations bilatérales, les États s'efforcent, lorsqu'ils souhaitent dynamiser les échanges, de supprimer les barrières douanières (à travers des unions douanières et des accords de libre-échange) mais aussi les barrières non douanières. Celles-ci comprennent les obstacles techniques (aussi appelés entraves techniques). Dans ce domaine, l'Union européenne applique deux méthodes : la reconnaissance mutuelle (principe « Cassis de Dijon ») et l’harmonisation européenne [27].

Certains acteurs économiques et politiques considèrent cependant que le libre-échange tel qu'il est pratiqué au début du XXIe siècle nuit à l'économie nationale et souhaitent réintroduire un certain degré de protectionnisme[28].

Historique de la théorie

Genèse

La première analyse rigoureuse du libre-échange[29] est due à Henry Martyn dans Considérations sur le commerce avec les Indes orientales (1701) ; dès la préface, il prévient : « la plupart des idées dans ces travaux sont directement opposées aux opinions reçues. » Martyn s'oppose à la fois au monopole de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et aux restrictions sur les importations de biens manufacturés en provenance de l'Inde. Il explique que la liberté de commerce va diminuer la rente des marchands déjà établis, et accroître le volume au bénéfice de la nation tout entière. Martyn est aussi le premier à appliquer le principe de la division du travail au commerce international.

En 1720, Isaac Gervaise écrit Le système ou théorie du commerce du monde (The System or Theory of the Trade of the World), et emploie le principe du coût d'opportunité pour mettre en doute la capacité de l'intervention de l'État à accroître la richesse nationale[30]. Appliqué au commerce international, il conclut que ce principe pousse les manufactures protégées à s'étendre au-delà de leurs capacités naturelles, aux dépens des autres activités.

Au XVIIIe siècle, les physiocrates français considèrent qu'une politique visant à réduire le prix des denrées agricoles afin de promouvoir les manufactures — telle que l'envisagent certains mercantilistes — conduirait à la ruine[31].

En 1764, André-Timothée-Isaac de Bacalan (1736-1769) publie Paradoxes philosophiques sur la liberté du commerce entre les nations[32].

Adam Smith et le modèle classique

Adam Smith fonde les bases de l'analyse économique moderne en 1776 avec ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Dans le livre IV, il introduit un nouveau critère d'évaluation d'une politique économique : son impact sur le revenu réel du pays (idée que l'on retrouve aujourd'hui sous la forme du produit intérieur brut).« Par avantage ou gain, je n'entends pas dire un accroissement dans la quantité de l'or et de l'argent du pays, mais un accroissement dans la valeur échangeable du produit annuel de ses terres et de son travail, ou bien un accroissement dans le revenu de ses habitants. »[33]Avec ce critère, on ne peut plus se contenter d'évaluer l'impact d'une politique protectionniste en se limitant simplement à l'étude de l'emploi et de la production du secteur protégé. Ainsi, « Il n'y a pas de doute que ce monopole dans le marché intérieur ne donne souvent un grand encouragement à l'espèce particulière d'industrie qui en jouit, et que souvent il ne tourne vers ce genre d'emploi une portion du travail et des capitaux du pays, plus grande que celle qui y aurait été employée sans cela. - Mais ce qui n'est peut-être pas tout à fait aussi évident, c'est de savoir s'il tend à augmenter l'industrie générale de la société, ou à lui donner la direction la plus avantageuse. »Comment l'optimisation du revenu national se fait-elle ? Smith répond qu'il s'agit du résultat de l'agrégation de décisions individuelles : « (...) chaque individu qui emploie son capital à faire valoir l'industrie nationale, tâche nécessairement de diriger cette industrie de manière que le produit qu'elle donne ait la plus grande valeur possible. » La décision de commercer avec l'étranger n'est pas naturelle, et ne vient que des profits attendus :« (...) chaque individu tâche d'employer son capital aussi près de lui qu'il le peut et, par conséquent, autant qu'il le peut, il tâche de faire valoir l'industrie nationale, pourvu qu'il puisse gagner par là les profits ordinaires que rendent les capitaux, ou guère moins. Ainsi, à égalité de profits ou à peu près, tout marchand en gros préférera naturellement le commerce intérieur au commerce étranger de consommation, et le commerce étranger de consommation au commerce de transport. » Il conclut, dans l'un des passages les plus célèbres de l'histoire de la pensée économique, qu'une « main invisible » conduit à orienter la recherche de l'intérêt personnel des individus vers l'intérêt général :« Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur échangeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c'est précisément la même chose que cette valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu'il peut, 1° d'employer son capital à faire valoir l'industrie nationale, et - 2° de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. A la vérité, son intention, en général, n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir. »[34]Smith envisage deux exceptions au principe de libre-échange :

  1. « Le premier, c'est quand une espèce particulière d'industrie est nécessaire à la défense du pays. »
  2. « Le second cas dans lequel il sera avantageux, en général, de mettre quelque charge sur l'industrie étrangère pour encourager l'industrie nationale, c'est quand le produit de celle-ci est chargé lui-même de quelque impôt dans l'intérieur. Dans ce cas, il paraît raisonnable d'établir un pareil impôt sur le produit du même genre, venu de fabrique étrangère. »

L'avantage comparatif

À la suite de Smith, les économistes de l'École classique développent ses idées et renforcent la présomption que le libre-échange permet à un pays d'obtenir une quantité de biens supérieure à ce qu'il pourrait produire par lui-même[35]. Robert Torrens et David Ricardo poursuivent le développement de cette théorie en introduisant la notion d'avantage comparatif entre 1815 et 1817, qui permet de démontrer[36] qu'aucun pays n'a besoin d'être « le meilleur » pour pouvoir obtenir des gains à l'échange. En effet, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale. Cette production est celle pour laquelle il détient un « avantage comparatif ». Selon Paul Samuelson (prix Nobel d'économie en 1970), il s'agit du meilleur exemple d'un principe économique indéniable, mais contraire à l'intuition de personnes intelligentes[37].

Les termes de l'échange

Entre 1833 et 1844, Robert Torrens revient peu à peu sur ses positions libre-échangistes, et développe le premier argument « moderne » contre le libre-échange : lorsqu'un pays peut agir sur les termes de l'échange (par exemple, parce qu'il est « gros », ou parce qu'il détient un monopole), il peut alors choisir un niveau de droits de douane optimal, qui maximise les termes de l'échange en sa faveur. Torrens en déduit que la politique la plus souhaitable est alors d'exiger la réciprocité commerciale : en adoptant unilatéralement le libre-échange, un pays s'expose à la « capture » d'une partie des gains à l'échange par ses partenaires. Il provoque une vive polémique, jusqu'à ce que John Stuart Mill tranche en sa faveur[38] en analysant les mécanismes de détermination des termes de l'échange. L'argument de Torrens sera ensuite raffiné, jusqu'à la version publiée par Harry Johnson (en) en 1950[39], qui donne une formule mathématique précise de détermination du niveau optimal des droits de douane en fonction de l'élasticité de la courbe d'offre de l'étranger. À ce jour, l'objection de Torrens reste l'entorse la plus sérieuse au principe de libre-échange[40].

Les industries naissantes

Dans son Rapport sur les manufactures (1791), le Secrétaire au Trésor américain Alexander Hamilton détaille une autre objection sérieuse : livrée à elle-même, l'industrie américaine n'est pas en mesure de concurrencer sur son propre territoire l'industrie britannique, en raison de son manque d'expérience et de savoir-faire. Hamilton propose de protéger temporairement les industries naissantes, de préférence via des subventions. En 1834, l'Écossais John Rae approfondit l'analyse de Hamilton, et propose diverses méthodes pour favoriser le transfert de technologie en provenance de l'étranger. Friedrich List, qui a été exilé aux États-Unis de 1825 à 1832 où il a été imprégné de la tradition protectionniste de Alexander Hamilton, James Madison et Andrew Jackson, publie en 1841 Das Nationale System der Politischen Ökonomie (Système national d'économie politique), qui rejette l'analyse classique au profit de l'analyse historique, et popularise le principe de protection des industries naissantes (ou « protection des industries dans l'enfance ») par des barrières douanières, qu'il appelle « protectionnisme éducateur ».

Si List connaît un grand succès populaire, son analyse, entièrement fondée sur des précédents historiques et sans la moindre avancée théorique[41], ne convainc pas les économistes. C'est encore John Stuart Mill qui légitime la « doctrine des industries naissantes » dans ses Principes d'économie politique (1848). Sa caution rencontre une franche opposition pendant les décennies suivantes (Alfred Marshall parle de « son seul manquement regrettable aux sains principes de la rectitude économique »[42]), Mill lui-même regrette que les protectionnistes exagèrent fortement la portée de sa doctrine, et finit par la renier partiellement en 1871. La doctrine devient toutefois généralement acceptée au début du XXe siècle comme une exception théorique légitime au principe de libre-échange, malgré le flou de ses hypothèses, et la difficulté à la transposer en une politique industrielle concrète. L'analyse moderne de la doctrine de Mill repose sur l'étude des défaillances du marché afin de déterminer quel type d'intervention publique serait le plus efficace. Ainsi, James Meade conclut que l'intervention douanière n'est pas justifiée : si une entreprise est capable à terme de devenir rentable, il se trouvera toujours des investisseurs pour lui fournir les fonds nécessaires, à condition que les marchés des capitaux soient efficients. Et, s'ils ne le sont pas, la méthode d'intervention préférable consisterait à corriger cette défaillance précise, plutôt que d'imposer des restrictions sur le commerce[43]. Si elle n'a pas disparu, la doctrine des industries naissantes a perdu une grande partie de son cachet, et n'est plus considérée comme un pur problème de commerce international.

Les rendements croissants

En 1923, Frank Graham s'attaque à un autre cas[44], qui lui pourrait justifier une protection permanente, celui des rendements croissants. Il utilise l'exemple de deux pays qui produisent des montres et du blé. Si la production industrielle (les montres) est sujette à des rendements croissants tandis que la production agricole (le blé) est soumise à des rendements décroissants, un pays qui se spécialise dans l'agriculture s'expose à une érosion inéluctable des termes de l'échange, et des barrières douanières permanentes sur les importations industrielles deviennent alors préférables au libre-échange.

L'année suivante, Frank Knight décèle une faille majeure dans le raisonnement de Graham : il n'explique pas l'origine des économies d'échelle, et en particulier il ne fait pas de différence entre économies internes ou externes à la firme. Or, s'il s'agit d'économies internes, elles sont par nature incompatibles avec l'équilibre concurrentiel, puisque dans ce cas une seule firme finit par tout produire et devient un monopole.

En 1937, Jacob Viner approfondit l'étude du cas des économies externes. Il montre que l'intérêt de la protection dépend de si celles-ci proviennent de la taille de l'industrie mondiale ou de l'industrie nationale. Il prend l'exemple des rendements croissants dans l'industrie des montres, et suppose que ceux-ci dépendent des outils de fabrication : si le libre-échange existe pour ces outils, alors les producteurs de montres bénéficient des rendements croissants procurés par les outils, même s'ils sont de moins en moins nombreux à l'intérieur du pays. Il n'y a pas alors lieu de les protéger. Il introduit également la distinction entre économies d'échelle « technologiques » (la fonction de production de chaque firme est affectée directement par la production de l'industrie) et « pécuniaires » (elle est affectée par des producteurs en amont ou en aval). Le cas des économies d'échelles pécuniaires est, lui aussi, incompatible avec l'équilibre concurrentiel. Les hypothèses de Graham s'en retrouvent très réduites, Viner conclut que le modèle de Graham ne vaut « pas mieux qu'une curiosité technique ».

Débats contemporains sur le libre-échange et le protectionnisme

voir aussi l'article Dumping social

Le libre-échange apparaît peu populaire en 2011 dans les enquêtes d'opinion. Près de 65 % des Français, Italiens, Espagnols, Allemands sont favorables à un certain protectionnisme (relèvement des taxes douanières vers les pays tels que la Chine et l'Inde) selon des sondage IFOP de 2011 commandés par une association[45].

Selon ses défenseurs, les effets du libre-échange sont semblables à ceux du progrès technique : il favorise à long terme le développement économique général et permet d'obtenir une meilleure efficacité en accélérant l'utilisation optimale des facteurs de production par la spécialisation géographique de chaque pays (voir avantage comparatif). Comme le progrès technique, le libre-échange peut provoquer la disparition de certains emplois, mais les bénéfices qu'il procure permettent de compenser ses victimes, de sorte que le résultat global peut être gagnant-gagnant. Selon les partisans, le niveau vers lequel convergeraient les salaires serait supérieur à l'actuel salaire des salariés peu qualifiés du nord, si bien que même les salariés peu qualifiés du nord auraient intérêt à l'ouverture des frontières. Il est communément admis que l'ouverture totale au commerce international entraînerait une convergence des salaires des travailleurs peu qualifiés du Nord et du Sud.

Pour ses détracteurs, prônant l'interventionnisme ou le protectionnisme, le libre-échange provoque des coûts d'ajustement (en termes d'emplois, d'activités, etc.) aux chocs créés par l'ouverture sur le marché extérieur. Il entraîne aussi l'apparition d'une contrainte exogène sur les politiques économiques nationales, qui deviennent plus difficiles à mener afin de rechercher à réduire le chômage. Enfin, certaines catégories sociales peuvent être défavorisées par une libéralisation des échanges. Selon les opposants, le niveau vers lequel convergeraient les salaires serait intermédiaire entre le salaire actuel des salariés peu qualifiés du sud et celui des salariés peu qualifiés du nord, si bien que les salariés peu qualifiés du nord auraient intérêt à la fermeture des frontières. Les syndicats, par exemple, qui voient dans le libre-échange une course au « moins-disant social », des risques de dumping social, et une guerre économique accrue entre les travailleurs du monde entier.

Effets du commerce international sur l'environnement

Défense du libre-échange

Aujourd'hui, s'il existe un fort consensus entre de nombreux économistes de différentes tendances en faveur du libre-échange, le grand public est en général méfiant, voire hostile, envers cette notion[46]. L'économiste John Kay estime[47] que les personnes ont tendance à s'estimer capable de raisonnements économiques sans en avoir les compétences.

Le libre-échange, état naturel de l'économie

Le libre-échange n'est donc en pratique que le fruit rare et limité (ne portant en général que sur certains biens) d'accords internationaux, par lesquels les États acceptent de réduire en tout ou partie les traitements spécifiques qu'ils appliquent aux marchandises étrangères et qui les handicapent sur leur marché.

Cette présentation fait apparaître la protection nationale comme la norme et le libre-échange comme l'exception, ce qui est conforme à la vérité historique. Mais les accords de libre échange ne sont nécessaires que parce que les États ont d'abord érigé des barrières. En ce sens, le libre-échange est au contraire l'état naturel de l'économie, avant toute intervention étatique.

Objections à l'analyse de Paul Bairoch sur le libre-échange

Les pays protectionnistes ont pour la plupart tenté d’accroître le plus possible la taille de leur marché, ce qui revient finalement à agrandir les espaces géographiques où les produits voyagent sans entraves. L’Allemagne s’est constituée sur la base d’une union douanière, le Zollverein, mise en place en 1834, tandis que les États-Unis n’ont cessé d’agrandir leur territoire tout au long du XIXe siècle ;

Le Royaume-Uni aurait été le seul à profiter du libre-échange, mais il est aussi le seul à l’avoir réellement pratiqué sur une longue période ;

Le Japon a connu un développement économique précoce et rapide après que les occidentaux lui ont imposé l'ouverture aux échanges. Mais, contrairement aux pays colonisés, il restait un pays autonome, capable de gérer sa politique et notamment d'importer les techniques modernes.

De plus, la description du monde par Paul Bairoch ci-dessus, même si elle est très fortement partagée par l'opinion publique française, semble marquée par le désir de voir le libéralisme partout, notamment là où il n'y a que du protectionnisme. On peut par exemple remarquer que des barrières douanières caractérisent le protectionnisme : elles n'existent pas dans un océan de libéralisme mais bien dans un océan de protectionnisme. De même le commerce imposé n'est pas une forme de libre-échange, le libre-échange étant caractérisé par le libre consentement des parties.

Théorème H.O.S et impact sur l'inégalité

Dans la première moitié du XXe siècle, loin de cette préoccupation du « dumping social », trois économistes – Eli Heckscher, Bertil Ohlin, et Paul Samuelson – ont associé leurs noms à l’élaboration d’une théorie du commerce international dit « Théorème H.O.S. ». Selon ce théorème, dans le cadre du libre-échange, les nations ont tendance à se spécialiser dans le secteur qui requiert les facteurs de production les plus abondants sur leur territoire. Ainsi, les nations fortement dotées en main-d’œuvre se spécialiseront dans les industries de main-d’œuvre, inversement les pays fortement dotés en capital se spécialiseront dans les secteurs qui requièrent une importante concentration capitalistique. On peut bien sûr effectuer des distinctions plus subtiles : entre travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés dans le cas qui nous intéresse.

Quelle conséquence[48] pour les pays s’ouvrant au commerce international ? Les pays du Sud se spécialiseront évidemment dans les productions manufacturières les plus triviales demandant un nombre important de travailleurs faiblement rémunérés. Inversement les pays riches concentreront les activités qui exigent de lourds investissement ou de la main-d’œuvre qualifiée. De fait, l’activité mondiale tend par exemple à voir les activités de conceptions s’effectuer au Nord et celle de production au Sud.

Quel impact sur les inégalités ? Dans un article de 1941, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper déduisirent que cette dynamique de spécialisation conduirait à la réduction des inégalités et qu’il était donc nécessaire de renoncer aux politiques protectionnistes[49]. En effet, si on considère deux facteurs distincts A et B, si A est très abondant sur le sol national comparativement à B, il s’ensuivra naturellement que les lois de l’offre et de la demande favoriseront injustement le facteur rare A au détriment du facteur B. Par contre si le pays commerce avec une autre nation ayant une situation inverse, l’inégalité tendra à disparaître sous l’effet de la spécialisation. Autre effet logique, la rémunération d’un facteur tendra, à long terme, à devenir similaire dans les deux pays : pour une même qualification, les salaires des ouvriers chinois et américains seront comparables.

Effets sur l'emploi

David Ricardo avait avancé dans ses Principes de l'économie politique et de l'impôt que l'importation de produits étrangers moins onéreux permettait une baisse des prix favorable au pouvoir d'achat. Dès lors les entreprises pouvaient diminuer les salaires nominaux (sans réduire le salaire réel) et donc rendre le travail plus compétitif, favorisant l'essor de l'industrie résidente et donc en définif l'emploi.

Selon une étude publiée par l’INSEE[50], le commerce français avec les pays en voie de développement aurait provoqué au maximum une perte de 330 000 emplois, chiffre relativement faible au vu du chômage du pays. Mais ces calculs sont contestés. Ainsi pour l’économiste américain A. Wood[51], les échanges auraient provoqué la perte de 9 millions d’emplois dans les pays développés et en auraient créé 22 millions dans les pays en développement. On note donc que même les statistiques démontrant l’existence du phénomène dit de « dumping social » soulignent qu’il est à l’échelle globale largement créateur d’emplois, mais ce gain quantitatif est relativisé par les caractères qualitativement différents entre emploi perdus et créés.

Conception de l'échange comme un jeu à somme nulle

La première croyance est que, s'il y a un gagnant à l'échange, il y a forcément aussi un perdant. Conjuguée au « fétichisme monétaire », cela conduit à penser que les exportations sont « bonnes » tandis que les importations sont « mauvaises ». La théorie de l'avantage comparatif de David Ricardo (1817) tente d'invalider ce raisonnement[52].

On retrouve la même croyance dans le domaine du travail : c'est le sophisme d'une masse fixe de travail. Appliqué au commerce international, il pousse à croire que les importations détruiraient du travail, et seraient donc néfastes. On retrouve encore cette croyance comme un des moteurs du commerce équitable, reposant implicitement sur l'idée que le commerce ordinaire ne serait pas « équitable », qu'il ne profiterait qu'à un des partenaires commerciaux.

Le « fétichisme monétaire »

C'est l'idée, popularisée par les mercantilistes, que la richesse correspond à la quantité de monnaie accumulée. Le terme même a été inventé par Karl Marx. En important, un pays perdrait donc une quantité d'argent présente sur son territoire, tandis qu'il en gagnerait en exportant. Depuis Adam Smith, les économistes s'accordent sur le fait que la richesse correspond à la quantité de biens et services disponibles à la population, la monnaie n'étant utile qu'en tant qu'instrument. Les importations permettent d'obtenir plus de biens, ou des biens différents, et ce sont donc elles qui enrichissent. Les exportations sont nécessaires car il faut bien payer les importations, et elles sont le signe d'une capacité productive, mais en elles-mêmes elles constituent une perte.

On peut toutefois noter que si on considère que la monnaie n'est pas seulement utile en tant qu'instrument de l'échange, mais que son abondance peut aussi avoir des répercussions sur la production (dans la théorie keynésienne par exemple), alors la théorie mercantiliste n’est que partiellement fausse. Bien qu’il soit une erreur de considérer que les exportations soient sources de richesse (ce sont en vérité les importations), elles peuvent selon certaines théories stimuler l’activité économique d’un pays en accroissant la masse monétaire, les importations ayant l’effet inverse.

Difficultés de perception des coûts et bénéfices

En général, les coûts associés au libre-échange sont concentrés et très visibles : délocalisations, licenciements. Les gains, eux, sont diffus et peu visibles : en améliorant la productivité de l'économie, le libre échange permet d'augmenter le pouvoir d'achat de la population entière, et entraîne des embauches dans les secteurs gagnants. L'aversion au risque explique l'attention excessive portée aux pertes, et le sophisme de la vitre brisée de Frédéric Bastiat illustre la difficulté à appréhender les effets multiples d'une même cause. Toutefois, le problème d'indemnisation des perdants (plus généralement, de la répartition des gains du libre échange) est bien réel.

Confusion court terme et long terme

Les ajustements imposés par le libre-échange sont immédiatement visibles, en particulier les pertes brutes d'emplois. La tendance est d'extrapoler ces ajustements à l'infini, et de conclure que presque tout le travail va disparaître. En fait, l'analyse économique montre que la ré-allocation des facteurs de production ne survient qu'une seule fois (jusqu'au nouvel équilibre), tandis que les gains d'efficacité sont, eux, permanents. Ainsi, l'augmentation de la demande globale rendue possible par l'augmentation du pouvoir d'achat peut entraîner des embauches dans tous les secteurs en développement de l'économie. Toutefois, le problème des coûts d'ajustement est lui aussi bien réel, et si le « contexte institutionnel » est trop défavorable, ces coûts peuvent absorber une bonne partie des gains à l'échange.

Le « sophisme d'agrégation »

L'économiste Jagdish Bhagwati a résumé sous l'expression « sophisme d'agrégation »[53] ce qu'il pense de la perception supposée des militants antimondialistes (altermondialistes), perception qui voudrait que la mondialisation soit une sorte de gigantesque amalgame dont les idées sont indissociables, et que le soutien au libre-échange implique nécessairement le soutien aux mouvements de capitaux à court terme, à l'investissement direct à l'étranger, à l'immigration sans restriction, etc.

Opposition au libre-échange

Protection des activités naissantes

Au XIXe siècle Alexander Hamilton et l'économiste Friedrich List[54] ont défendu les bienfaits d'un «protectionnisme éducateur» qui apparaît comme un moyen nécessaire pour protéger les activités ou industries naissantes. Le protectionnisme serait nécessaire à court terme pour qu’un pays entame son industrialisation à l'abri de la concurrence des industries étrangères plus avancées sous la pression desquels elle pourrait succomber au premier stade du processus. Les activités économiques protégées peuvent s'abstraire au moins en partie des pressions de toutes natures en provenance du contexte concurrentiel étranger. Elles bénéficient de ce fait d'une plus grande liberté de manœuvre et d'une plus grande certitude concernant leur rentabilité et développement futur. La phase protectionniste est donc une période d'apprentissage qui permettrait aux pays les moins développés d'acquérir un savoir-faire général et technique dans les domaines de la production industrielle afin de devenir compétitifs sur les marchés internationaux.

Protection contre les pratiques de dumping

Les États ayant recours au protectionnisme invoquent une concurrence déloyale ou des pratiques de dumping :

  1. Dumping monétaire : Une monnaie subit une dévaluation, lorsque les autorités monétaires décident d'intervenir sur le marché des changes pour abaisser la valeur de la devise par rapport à d'autres monnaies. Cela rend les produits locaux plus compétitifs et les produits importés plus chers (Condition de Marshall-Lerner), permettant d'augmenter les exportations et de diminuer les importations, et ainsi d'améliorer la balance commerciale. Les pays avec une monnaie trop faible provoquent des déséquilibres commerciaux : ils affichent des excédents externes importants alors que leur concurrents enregistrent des déficits considérables.
  2. Dumping fiscal : Certains États (paradis fiscaux[55]) pratiquent un taux d'imposition sur les sociétés et les personnes plus faible. Exemples : Le taux d'imposition des entreprises est de zéro en Estonie et de 12 % en Irlande. En 2006, la moyenne du taux d'imposition des entreprises dans les pays de l'OCDE était de 28,6 %.
  3. Dumping social : lorsqu'un État réduit les cotisations sociales ou conserve des normes sociales très faibles (par exemple, en Chine, la réglementation du travail est moins contraignante pour les employeurs qu'ailleurs)[55].
  4. Dumping environnemental : lorsque la réglementation environnementale est moins contraignante qu'ailleurs. C'est, en partie, pour cela que de nombreuses entreprises occidentales implantent leurs activités polluantes dans les pays émergents. Le protectionnisme a aussi pour effet de diminuer le déplacement des biens dans son ensemble ce qui réduit l'empreinte écologique du transport.

Commerce extérieur et croissance économique

Selon Paul Bairoch, «c'est la croissance économique qui est le moteur du commerce extérieur et non l'inverse». James Riedel, arrive également à la même conclusion dans son étude intitulé Trade as an Engine of Growth: Theory and Evidence et écrit : «en réalité, il reste bien peu de chose des hypothèses qui avaient engendré les conclusions mécanistes de la théorie du commerce en tant que moteur de la croissance» [...] «L'examen approfondi des faits stylisés qui soulignent la théorie du commerce en tant que moteur de la croissance révèle qu'il ne s'agit que d'un mythe»[24]. La production domestique est donc plus importante pour la croissance économique que le commerce extérieur. Ainsi, favoriser le développement économique nécessite de protéger la production nationale plutôt que de la sacrifier (à cause des déficits commerciaux) au profit de la libéralisation et de l'extension du commerce extérieur. Bairoch note plusieurs exemples[24]:

  1. Pendant "la grande crise européenne", le ralentissement économique des nations précéda celui du commerce extérieur. Ce qui indique que c'est bien la croissance nationale qui engendre le commerce extérieur.
  2. Durant la grande dépression de 1929 , c'est le déclin de la production domestique des nations qui précéda celui du commerce extérieur: au niveau mondiale , en 1930, la production industrielle du monde (moins la Russie) a chuté de 14 %  alors que le volume des échanges mondiaux ne régressa que de 7%; En 1931 , les chiffres sont de -13 % pour l'industrie et -8 % pour le commerce mondial; en 1932 ils sont de -15 % pour l'industrie  et -13 % pour le commerce mondial. Aux États-Unis, la production industrielle avait décliné dès octobre 1929, alors que la valeur de l'ensemble des exportations américaines progressait de 20 % et celle des exportations de biens manufacturés de 5 %.

Keynes et les déséquilibres commerciaux

Les déficits commerciaux signifient que les consommateurs achètent trop de biens étrangers et trop peu de produits nationaux. Selon la théorie keynésienne, les déficits commerciaux sont nuisibles. Les pays qui importent plus qu'ils n'exportent affaiblissent leur économie. Lorsque le déficit commercial augmente, le chômage ou la pauvreté augmente et le PIB ralentit. Et les pays excédentaires s'enrichissent au détriment des pays déficitaires. Ils détruisent la production de leurs partenaires commerciaux. John Maynard Keynes pensait que les pays excédentaires devraient être taxés pour éviter les déséquilibres commerciaux[56].

Keynes est le principal auteur d'une proposition - le Plan Keynes - pour un système monétaire international. Les deux principes directeurs du plan étaient que le problème du règlement des soldes impayés devait être résolu en « créant » de la « monnaie internationale » supplémentaire, et que le débiteur et le créancier devaient être traités presque de la même manière comme des perturbateurs de l'équilibre. Le nouveau système n'est pas fondé sur le libre-échange (libéralisation du commerce extérieur ) mais plutôt sur la régulation du commerce international, afin d'éliminer les déséquilibres commerciaux : les pays ayant un excédent auraient une incitation à le réduire et, ce faisant, ils combleraient automatiquement les déficits des autres pays[57].

De nombreux économistes et commentateurs de l'époque appuyaient son point de vue. Comme l'a dit Geoffrey Crowther, alors rédacteur en chef de The Economist : « Si les relations économiques entre les nations ne sont pas, d'une manière ou d'une autre, assez proches de l'équilibre, alors il n'y a pas un système financier qui puisse sauver le monde des conséquences appauvrissantes du chaos »[58]. Influencé par Keynes, les textes économiques de l'immédiat après-guerre mettent un accent significatif sur la balance commerciale. Cependant, ces dernières années, depuis la fin du système de Bretton Woods en 1971, avec l'influence croissante des écoles de pensée monétaristes dans les années 1980, et en particulier face à d'importants déséquilibres commerciaux durables, ces préoccupations - et en particulier celles concernant les effets déstabilisateurs des excédents commerciaux importants - ont largement disparu du discours[59],[60]. Ils reçoivent à nouveau une certaine attention dans le sillage de la crise financière de 2007-2008[61].

La plupart de ceux qui analysent la pensée de Keynes estiment que celui-ci défend un « protectionnisme circonstanciel » : il ne faudrait abandonner le libre-échange que lorsque les faits montrent un décalage avec la théorie. Mais selon Max Maurin, chercheur en économie, Keynes a théorisé une critique du libre-échange, affirmant notamment son désaccord avec l’hypothèse de parfaite mobilité sectorielle du travail : Keynes estimerait au contraire que les travailleurs mis au chômage par le libre-échange n'ont pas forcément la possibilité de retrouver un travail et que le changement d'emploi peut avoir un coût, notamment en terme de formation[62].

Libre-échange et spécialisation

Erik Reinert souligne que la spécialisation préconisée par la théorie du libre-échange ne favorise pas le développement économique. Les économies les plus avancées sont toutes basées sur la diversité des activités économiques et ce sont les pays les moins avancés qui sont les plus spécialisés. Les économistes pré-Ricardiens, comme Antonio Serra dès 1613, avaient établi que les villes les plus riches sont celles où la diversité des professions est la plus grande. Cela crée des effets de synergie entre les différents secteurs[63]. De plus, Reinert note que les théories du libre-échange ne font pas de distinction entre les activités à rendement croissant et les activités à rendement décroissant. Elles prétendent que toutes les activités ont des rendements décroissants et négligent l'existence d'activités qui permettent des économies d'échelle. En réalité, les spécialisations ne sont pas égales et un pays ne peut augmenter durablement son niveau de vie par habitant sans développer des activités à rendement croissant, c'est-à-dire des activités dont la productivité augmente avec la production. Cela concerne l'industrie manufacturière mais aussi certains services. Les pays qui se sont spécialisés dans des activités à rendement décroissant comme l'agriculture ou l'extraction des ressources naturelles se sont finalement appauvris. Dans ces activités, tôt ou tard, une augmentation des quantités produites entraînera une augmentation du coût moyen dû à l'épuisement des terres ou des réservoirs. Donc, pour qu'un pays crée de la richesse, le meilleur moyen est de développer son secteur manufacturier et de le protéger. Mais cela nécessite des mesures de protection sans lesquelles l'industrie finira par être détruite en raison de déficits commerciaux[63].

Protectionnisme et concurrence

L’absence de barrière douanière commerciale ne signifie aucunement que les règles du jeu soient identiques entre pays : leur fiscalité, la qualité de leur réglementation du travail, le niveau de leurs prestations sociales, les coûts qu’une société accepte d’endurer pour ne pas sacrifier l’environnement sont autant de facteurs qui jouent un rôle déterminant dans la formation du coût de production d’un bien ou d’un service. En réalité, la mise en place de barrières douanières permet de compenser, entre pays, les différences majeures qui les séparent du point de vue de la fiscalité, des salaires, de la protection sociale et de l’environnement. Cela permet en réalité de raisonner en termes de « concurrence loyale[64].

Libre-échange et pauvreté

Le libre-échange optimise les secteurs où le pays est déjà efficace. Cela tend à enfermer les pays pauvres dans les bas salaires des industries extractives et agricoles déjà existants. Ils ne peuvent pas s'industrialiser de manière importante. Ainsi, l'accès accru au marché mondial concurrentiel et les gains de la libéralisation du commerce ne profitent qu'à un groupe restreint de nations dont les industries sont déjà assez compétitifs[65]. Selon Paul Bairoch, un très grand nombre de pays du tiers monde ayant suivi le libre échange, peuvent être considérés maintenant comme des « quasi-déserts industriels » ; il note[24] que:

« Le libre-échange signifia pour le tiers-monde l'accélération du processus de sous-développement économique. »

Les pays pauvres se sont encore plus appauvris depuis qu'ils ont supprimé les protections économiques au début des années 1980. En 2003, 54 nations étaient plus pauvres qu'ils ne l'étaient en 1990 (Rapport sur le développement humain de l'ONU 2003, p. 34)[66]. Durant les années 1960 et 1970 (période protectionniste), alors que les pays avaient plus de protection, l'économie mondiale se développait beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui - le revenu mondial par habitant augmentait d'environ 3 % par an, alors qu'entre 1980 et 2000 (période de libre échange), il n'a augmenté que d'environ 2 %. La croissance du revenu par habitant dans les pays développés est passée de 3,2 % /an entre 1960 et 1980 à 2,2 % /an entre 1980 et 1999, tandis que dans les pays en développement, elle est passée de 3 % à 1,5%/ an. Sans la forte croissance des deux dernières décennies en Chine et en Inde, qui ont suivi d'autres politiques, le taux aurait été encore plus bas[67].

En Amérique latine, le taux de croissance annuel du revenu par habitant est passé de 3,1%/ an entre 1960 et 1980 à 0,6%/ an entre 1980 et 1999 . La crise a été encore plus profonde dans d'autres régions : entre 1980 et 1999, le revenu par habitant a diminué au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (à un taux annuel de -0,2 %) alors qu'il a augmenté de 2,5 %/ an entre 1960 et 1980. Enfin, depuis le début de leur transition économique, la plupart des anciens pays communistes ont connu les baisses de niveau de vie les plus rapides de l'histoire moderne, et beaucoup d'entre eux n'ont même pas encore retrouvé la moitié du niveau de revenu par habitant sous le communisme[68].

Les pays d'Afrique sub-saharienne ont un revenu par habitant plus faible en 2003 que 40 ans auparavant (Ndulu, Banque mondiale, 2007, p. 33)[69]. En pratiquant le libre échange, l'Afrique est aujourd'hui moins industrialisé qu'il ne l'était il y a quatre décennies. La contribution du secteur manufacturier africain au produit intérieur brut du continent a diminué de 12 % en 1980 à 11 % en 2013, et elle est restée stagnante ces dernières années, selon la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (ECA). On estime que l'Afrique représentait plus de 3 % de la production manufacturière mondiale dans les années 1970, et ce pourcentage a diminué de moitié depuis[70]. Entre 1980 et 2000 (période de libre échange), le revenu par habitant en Afrique subsaharienne a chuté de 9 %, alors que les politiques interventionnistes l'avaient augmenté de 37 % au cours des deux décennies précédentes[71]. La croissance économique est revenue en Afrique durant les années 2000 mais elle a été principalement tirée par le boom des prix des produits de base, alimenté par la croissance rapide de la Chine qui avait besoin de ressources naturelles. Mais même après une décennie d'expansion sans précédent, le revenu par habitant dans la région est en 2012 à peine supérieur de 10 % à celui de 1980, compte tenu de la dépression économique provoquée par les politiques de laissez-faire dans les années 1980 et 1990. De plus en appliquant le laissez-faire, peu de pays africains ont été en mesure de convertir leur ressource récente en une base industrielle plus durable. Et au cours de la dernière décennie, de nombreux pays africains ont augmenté, plutôt que réduit, leur dépendance vis-à-vis des produits primaires, dont les fluctuations de prix notoirement importantes rendent difficile une croissance soutenue[71].

Cependant certains pays africains ont réussi à rentrer dans une phase d'industrialisation : l'Éthiopie, le Rwanda et, dans une moindre mesure, la Tanzanie. Le dénominateur commun entre eux est qu'ils ont abandonné le libre échange et ont adopté des politiques qui ciblent et favorisent leurs propres industries manufacturières. Ils ont poursuivi un « modèle d'État développemental » où les gouvernements gèrent et réglementent les économies. Ainsi depuis 2006, le secteur manufacturier éthiopien a connu une croissance annuelle moyenne de plus de 10 %, bien que partant d'une base très faible[70], mais une bonne partie de la population éthiopienne dit ne pas ressentir les effets de la croissance économique[réf. nécessaire].

Les pays pauvres qui ont réussi à avoir une croissance forte et durable sont ceux qui sont devenus mercantilistes et non libre-échangistes : la Chine, la Corée du sud, le Japon, Taïwan...[72],[73],[74] Ainsi alors que dans les années 1990, la Chine et l'Inde avaient le même PIB par habitant, la Chine a suivi une politique beaucoup plus mercantiliste et a maintenant un PIB/hab trois fois supérieur à celui de l'Inde[75]. Une part significative de l’essor de la Chine sur la scène commerciale internationale ne provient pas des bienfaits supposés de la concurrence internationale mais des délocalisations pratiquées par les entreprises des pays développés. Dani Rodrik souligne que ce sont les pays qui ont systématiquement violé les règles de la globalisation qui ont connu la plus forte croissance[76]. Bairoch note que dans le système du libre-échange, « le vainqueur est celui qui ne joue pas le jeu »[24] .

Concernant les pays développés qui ont appliqué le libre-échange, les travaux de E.F. Denison sur les facteurs de croissance aux États-Unis et en Europe occidental entre 1950 et 1962 montrent que les effets positifs sur la croissance de la libéralisation des échanges ont été négligeables aux États-Unis tandis qu'elle ne contribuait en Europe occidentale qu'à une moyenne pondérée de seulement 2 % de l'ensemble de la croissance économique. J W Kendrick dont les travaux traitent de la croissance de PNB aux États-Unis aboutit à la même conclusion[24] .

Les politiques de " dumping " de certains pays ont également largement affecté les pays en développement. Les études sur les effets du libre-échange montrent que les gains induits par les règles de l'OMC pour les pays en développement sont très faibles. Le gain pour ces pays a été réduit d'environ 539 milliards de dollars dans le modèle LINKAGE 2003 à 22 milliards de dollars dans le modèle GTAP 2005. Quant au "Cycle de Doha", il n'aurait rapporté que 4 milliards de dollars aux pays en développement (y compris la Chine...) selon le modèle du GTAP[77]. En fait lorsque les divers effets de la libéralisation du commerce, qui ne sont pas tous inclus dans les modèles GTAP ou LINKAGE sont pris en compte, le solde est directement négatif pour les autres pays, puisque le gain cumulé de la Chine dépasse largement celui des pays " en développement "[78]. La libéralisation du commerce a donc été négatif pour les pays en développement .

Libre-échange et impacts économiques

Le principal argument en faveur du libre-échange est que les effets positifs (la baisse des prix des produits importés) l'emportent sur les effets négatifs (la baisse des salaires des travailleurs affectés par les importations). En effet, la baisse des salaires serait temporaire et limitée à quelques secteurs seulement. Dans les années 2010, alors que les États-Unis sont engagés depuis longtemps dans une politique libre-échangiste, plusieurs économistes affirment qu'il existe une pression à la baisse massive et durable sur les salaires du secteur manufacturier, et que les importations chinoises aggravent la situation des travailleurs américains peu qualifiés, déjà mis en danger par la robotisation. La Information Technology and Innovation Foundation (en) estime que plus de 60% des 5,7 millions d’emplois perdus dans le secteur de la fabrication aux États-Unis au cours de la première décennie des années 2000 sont dus à l’augmentation des importations de produits manufacturés[79]. Selon Clyde V. Prestowitz Jr. (en), contrairement à la théorie, les travailleurs au chômage ne retrouvent pas tous un emploi, et lorsque c'est le cas leur salaire est souvent moindre, la plupart des nouveaux emplois étant dans des secteurs à bas salaire comme la restauration. L'économiste estime que les pertes de salaire pourraient être supérieures aux gains des consommateurs, la classe moyenne n'ayant pas vu selon lui de gains de revenu réel sur les 40 années passées. D'après lui, même si le PIB a augmenté, seuls les plus riches des américains en ont profité[79]. Selon plusieurs économistes, le libre-échange a conduit à la désindustrialisation, à la déflation des salaires et à une plus grande inégalité dans les pays à déficit élevé[79],[80],[81],[82].

Déficit commercial et désindustrialisation

Ian Fletcher note que le libre-échange (l'absence de protection), facilite les délocalisations, les déficits commerciaux et conduit donc à la destruction des activités avec des rendements croissants et à des pertes salariales. En effet, les travailleurs sont déplacés des secteurs bien rémunérés (comme la fabrication) vers les secteurs moins bien rémunérés (comme la restauration). Par exemple, le déficit commercial des États-Unis, causé par le dumping et la manipulation des devises par un certain nombre de pays, a supprimé des millions d'emplois dans le secteur manufacturier américain[83],[84],[85],[86],[87].

David Autor du MIT, David Dorn et Gordon Hanson ont produit une série d'études au cours des dernières années montrant que le libre échange produit des perdants clairs. Ils ont étudié les effets de la concurrence dans le secteur manufacturier en Chine, en examinant les années 1990 à 2007. Les perdants sont les travailleurs dans le secteur manufacturier. Ils montrent que le commerce avec la Chine a coûté aux Américains entre 1991 et 2007, soit environ un million de travailleurs américains dans le secteur manufacturier. La concurrence des importations chinoises a entraîné des pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, une baisse des salaires et une diminution de leur main-d'œuvre. Ils ont également constaté que les gains d'emploi compensatoires dans d'autres industries ne se sont jamais matérialisés. Les entreprises fermées ne commandent plus de biens et services auprès d'entreprises locales non manufacturières et les anciens travailleurs industriels peuvent être au chômage pendant des années ou de façon permanente. Le montant de l'assurance sociale augmente également. L'augmentation de l'exposition aux importations réduit les salaires dans le secteur non manufacturier par une baisse de la demande de biens non manufacturiers et par une offre accrue de main-d'œuvre provenant des travailleurs qui ont perdu leur emploi dans le secteur manufacturier. On assiste à une baisse du revenu annuel moyen des ménages de 549 $ par adulte en âge de travailler pour une augmentation de 1 000 $ de l'exposition aux importations[88],[89]. Un autre document de cette équipe d'économistes, avec Daron Acemoglu et Brendan Price du MIT, estime que la concurrence des importations chinoises a coûté aux États-Unis jusqu'à 2,4 millions d'emplois au total entre 1999 et 2011[90].

Susan Houseman soutient que la croissance anémique de la production manufacturière aux Etats-Unis résulte en grande partie de la mondialisation et non de l'automatisation. En effet, la productivité est présentée comme reflétant l'automatisation. Or, la croissance de la productivité du travail n'est pas synonyme d'automatisation et est souvent un mauvais indicateur de l'automatisation. Les mesures de la croissance de la productivité du travail peuvent englober de nombreuses autres forces que l'automatisation, notamment l'amélioration de la qualité des produits, l'externalisation et la délocalisation, ainsi que l'évolution de la composition du secteur en raison de la concurrence internationale. Ensuite, elle indique que les statistiques globales sur la production manufacturière et la productivité aux Etats-Unis sont dominées par l'industrie informatique et masquent une faiblesse considérable dans la plupart des industries manufacturières, où la croissance de la production réelle a été beaucoup plus lente que la croissance moyenne du secteur privé depuis les années 1980 et a été faible ou en baisse depuis 2000. Par conséquent, rien ne prouve que l'automatisation a entraîné un déclin relatif et absolu de l'emploi dans le secteur manufacturier. Elle note que les résultats de la recherche indiquent que le commerce et la mondialisation sont les principaux facteurs à l'origine du déclin important et rapide de l'emploi dans le secteur manufacturier au cours des années 2000. L'introduction de la Chine dans le système commercial mondial est la cause profonde des pertes d'emplois. Selon elle, la perte de production en Asie contribue probablement déjà au ralentissement de la croissance mesurée de la production et de la productivité dans le secteur manufacturier. La faible performance du secteur manufacturier s'explique par le fait que les consommateurs et les entreprises américains achètent davantage de produits importés et que les exportations américaines n'ont pas augmenté en conséquence[91],[92].

Réduction de l'innovation

David Autor et plusieurs de ses collègues ont constaté que les entreprises américaines touchées par la concurrence asiatique produisent moins de brevets. En ce qui concerne les fabricants les plus exposés à la concurrence chinoise, ils constatent une baisse assez marquée de l'intensité de la création de nouveaux brevets dans ces secteurs ainsi qu'une baisse de la recherche et du développement et des bénéfices. Ainsi pendant cette période, la concurrence croissante a entraîné une réduction de la production d'innovation. Et c'est problématique parce que 70 pour cent de toutes les activités de brevetage et des dépenses de recherche et développement aux États-Unis sont dans le secteur manufacturier. "Une réduction concomitante de l'innovation pourrait bien affecter la croissance économique à plus long terme ", a écrit M. Autor. Si les entreprises sont moins en mesure de mettre au point des procédés et des technologies améliorés, leur productivité finit par en souffrir[93].

Stagnation ou déflation des salaires

Gains en revenu réel dans la population mondiale[94]

Certains pays (par exemple en Asie) ont développé des dévaluations monétaires très élevées et des politiques de dumping social et écologique. Dans le contexte du libre-échange généralisé établi par l'OMC, cela a conduit à un fort effet de déflation des salaires dans les pays développés. En effet, la libéralisation financière et commerciale a facilité les déséquilibres entre la production et la consommation dans les pays développés, entraînant des crises. Dans tous les pays développés, l'écart entre le revenu moyen et le revenu médian se creuse. Pour certains pays, on observe une stagnation absolue, voire une régression des revenus de la majorité de la population. Cet effet de déflation salariale a été amplifié par la menace de délocalisations qui conduisent les salariés à accepter des conditions sociales et salariales plus dégradées afin de préserver les emplois. En raison de la pression de la production à bas prix, dans le système de libre-échange, les pays développés n'ont le choix qu'entre la déflation salariale ou la délocalisation et le chômage[95],[96],[97].

Selon John Komlos, le déficit commercial soustrait de la richesse et conduit au déclin de la classe moyenne. Cela revient à stimuler le reste du monde aux dépens du pays par la délocalisation des emplois. L'afflux des importations a entraîné une stagnation des salaires et une baisse du revenu médian des ménages depuis des décennies aux États-Unis. Le libre-échange a donc conduit à une augmentation des inégalités. Selon lui, le revenu médian des ménages a diminué de 5 000 $ depuis 1999[98].

Avraham Ebenstein, Margaret McMillan, Ann Harrison ont constaté des effets négatifs du commerce avec la Chine sur les travailleurs américains. Dans leur article "Why are American workers getting poorer? Chine, Trade and Offshoring", ils ont noté les effets négatifs de la mondialisation sur les travailleurs américains avec des délocalisations vers des pays à bas salaires et des importations toutes deux associées à des réductions de salaires. Les travailleurs les plus touchés sont ceux qui accomplissent des tâches routinières. La mondialisation a entraîné la réaffectation de travailleurs d'emplois bien rémunérés dans le secteur manufacturier à d'autres secteurs et professions. Le changement de profession a entraîné des pertes de salaire réel de 12 à 17 p. 100[99].

Aux États-Unis, la part de la rémunération du travail dans le revenu national est tombée à 51,6 % en 2006 - son plus bas niveau historique depuis 1929 - contre 54,9 % en 2000[100]. Pour la période 2000-2007, l'augmentation du salaire réel médian a été de 0,1 %, tandis que le revenu médian des ménages a diminué de 0,3 % par an en termes réels. Au cours de la même période, les 20% les plus pauvres de la population ont vu leur revenu baisser de 0,7% par an. L'augmentation des salaires horaires n'a pas suivi le rythme des gains de productivité[101].

Selon le Bureau of Labor Statistics, dans l'industrie manufacturière aux Etats-Unis, deux travailleurs déplacés sur trois qui ont obtenu un nouvel emploi entre 2009 et 2012 ont connu des réductions salariales - la plupart d'entre elles étant supérieures à 20 %[102].

L'Economic Policy Institute estime qu'en 2011, l'augmentation des échanges commerciaux avec les pays moins développés a réduit les salaires des 100 millions de travailleurs américains sans diplôme universitaire d'environ 1 800 $ par année par travailleur à temps plein. Les chercheurs de l' EPI ont noté que lorsque des travailleurs sont mis à pied à partir d'emplois qui ont été externalisés, ils acceptent souvent des salaires inférieurs pour trouver du travail dans des emplois qui sont impossibles à externaliser - aménagement paysager par exemple[103],[104].

Selon l'Economic Policy Institute, le déficit commercial avec la Chine remplace les emplois bien rémunérés des États-Unis dans les industries du commerce de biens par des emplois dans des industries non commerciales (comme la vente au détail et les soins de santé à domicile) où les salaires et les avantages sociaux sont en moyenne inférieurs. Les 2,7 millions de travailleurs déplacés par le déficit commercial des États-Unis avec la Chine ont perdu 13 505 $ en 2011. En effet, le secteur manufacturier est un secteur très productif et à forte intensité de capital, avec des salaires élevés et supérieurs à la moyenne et de bons avantages sociaux pour ses travailleurs. Par exemple, 67,8 % des travailleurs de l'industrie ont une assurance maladie fournie par leur employeur. Le pourcentage supplémentaire gagné en travaillant dans le secteur manufacturier plutôt que dans un autre secteur varie de 26,8 % pour les travailleurs collégiaux à 15,5 % pour les travailleurs secondaires, avec une prime salariale moyenne de 16,1 %. De plus, le salaire moyen des emplois déplacés par les importations en provenance de Chine est supérieur de 17,0 % au salaire moyen des industries exportant vers la Chine. En effet, les États-Unis exportent vers la Chine des produits nécessitant des bas salaires comme les produits agricoles et importent des produits nécessitant des salaires élevés comme les produits informatiques et électroniques. La réalité économique des États-Unis est donc contraire à la théorie économique selon laquelle les États-Unis se spécialisent dans la production de biens nécessitant des travailleurs hautement qualifiés et bien rémunérés et importent des biens nécessitant une main-d'œuvre moins qualifiée[105].

D'autres recherches révèlent qu'au Royaume-Uni, dans les années 2000, les travailleurs des secteurs les plus touchés par la croissance des importations en provenance de Chine ont passé plus de temps sans emploi et ont connu une baisse de revenus. Encore une fois, ces effets étaient plus prononcés chez les travailleurs peu qualifiés[106].

Crise de la dette

Le boom des mécanismes de crédit, qui a techniquement déclenché la crise, résulte d'une tentative de maintenir la capacité de consommation du plus grand nombre alors que les revenus stagnaient, voire diminuaient (comme aux États-Unis pour le ménage médian). L'endettement des ménages augmente de façon spectaculaire dans tous les pays développés. Aux États-Unis, par exemple, la dette en dix ans est passée de 61 % à 100 % du PIB entre 1997 et 2007. En Grande-Bretagne et en Espagne, il dépasse 100% du PIB (à partir de 2007). Ainsi, l'endettement des ménages est passé de 33 % à 45 % du PIB en France entre 1997 et 2007 et a atteint 68 % du PIB en Allemagne ; en outre, la pression concurrentielle exercée par les politiques de dumping a entraîné une augmentation rapide de l'endettement des entreprises. L'augmentation de l'endettement des agents privés (ménages et entreprises) des pays développés, alors que les revenus des ménages étaient, pour la plupart, réduits, relativement ou absolument, sous les effets de la déflation salariale ne pouvait que conduire à une crise d'insolvabilité. C'est ce qui a conduit à la crise financière[107],[95],[96].

L'insolvabilité de la grande majorité des ménages est au cœur de la crise de la dette hypothécaire qui a frappé les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Espagne. Cependant, cette crise de l'endettement des agents privés est une conséquence directe de la libéralisation du commerce international. Au cœur de la crise ne se trouvent donc pas les banques, dont les désordres ne sont ici qu'un symptôme, mais le libre-échange, dont les effets se conjuguent à ceux de la finance libéralisée[108],[95],[96].

Ainsi, la mondialisation a créé des déséquilibres, comme la déflation des salaires dans les économies développées. Ces déséquilibres ont à leur tour entraîné une augmentation soudaine de la dette des acteurs privés. Et cela a conduit à une crise d'insolvabilité. Enfin, les crises se succèdent de plus en plus rapidement et sont de plus en plus brutales. La mise en place de mesures protectionnistes telles que les quotas et les droits de douane est donc la condition essentielle pour protéger les marchés intérieurs des pays et augmenter les salaires. Cela pourrait permettre la reconstruction du marché intérieur sur une base stable, avec une amélioration significative de la solvabilité des ménages et des entreprises[109],[95],[96].

Critique de la loi de l'avantage comparatif

La théorie de l'avantage comparatif dit que les forces du marché conduisent tous les facteurs de production à leur meilleure utilisation dans l'économie. Elle indique que le libre-échange international serait bénéfique pour tous les pays participants ainsi que pour le monde dans son ensemble car ils pourraient augmenter leur production globale et consommer davantage en se spécialisant en fonction de leurs avantages comparatifs. De plus, cette spécialisation ne serait pas le fruit du hasard ou d'une intention politique, mais serait automatique. Or, la théorie de repose sur des hypothèses qui ne sont valables ni sur le plan théorique ni sur le plan empirique[110], [111],[112].

hypothèse irréaliste 1 : Le capital et le travail ne sont pas mobiles à l'échelle internationale

L'immobilité internationale du travail et du capital est essentielle à la théorie de l'avantage comparatif. Sans cela, il n'y aurait aucune raison pour que le libre-échange international soit réglementé par des avantages comparatifs. Les économistes classiques et néoclassiques partent tous de l'hypothèse que le travail et le capital ne circulent pas entre les nations. Au niveau international, seules les marchandises produites peuvent circuler librement, le capital et le travail étant piégés dans les pays. David Ricardo était conscient que l'immobilisme international du travail et du capital est une hypothèse indispensable. Il y a consacré la moitié de son explication de la théorie dans son livre. Il expliquait même que si le travail et le capital pouvaient se déplacer à l'échelle internationale, alors les avantages comparatifs ne pourraient pas déterminer le commerce international. Ricardo supposait que les raisons de l'immobilité du capital seraient:[112],[111]

"l'insécurité imaginaire ou réelle du capital, lorsqu'elle n'est pas sous le contrôle immédiat de son propriétaire, ainsi que la réticence naturelle que tout homme a à quitter son pays natal et ses connexions, et à se confier avec toutes ses habitudes fixées, à un gouvernement étrange et à des lois nouvelles".

Les économistes néoclassiques quant à eux défendent l'idée que l'ampleur de ces mouvements des travailleurs et du capital est négligeable. Ils ont développé la théorie de la compensation des prix par facteur qui rend ces mouvements superflus .

Or, dans la pratique, les travailleurs se déplacent en grand nombre d'un pays à l'autre. Aujourd'hui, la migration de main-d'œuvre est véritablement un phénomène mondial. Et, avec la diminution des coûts de transport et de communication, les capitaux sont devenus de plus en plus mobiles et se déplacent fréquemment d'un pays à l'autre. De plus, l'hypothèse néoclassique selon laquelle les facteurs sont piégés au niveau national n'a aucun fondement théorique et l'hypothèse de l'égalisation des prix des facteurs ne peut justifier l'immobilisme international. Les avantages comparatifs ne peuvent donc pas déterminer la structure du commerce international

S'ils sont mobiles à l'échelle internationale et si l' utilisation la plus productive des facteurs se trouve dans un autre pays alors le libre-échange les amènera à migrer dans ce pays. Cela profitera à la nation vers laquelle ils émigrent, mais pas nécessairement aux autres. Ce problème s'applique à tous les facteurs de production, mais le cœur du problème est le capital. Ainsi, la mobilité des capitaux remplace l'avantage comparatif, qui s'applique lorsque le capital est forcé de choisir entre plusieurs utilisations au sein d'une même économie nationale, par un avantage absolu à l'échelle internationale. Et l'avantage absolu ne garantit pas que les résultats soient bons pour l'ensemble des partenaires commerciaux. Le commerce passe donc d'une garantie théorique de relations gagnant-gagnant à une possibilité de relations gagnant-perdant[111],[112].

hypothèse irréaliste 2 : Il n'y a pas d'externalités

Une externalité est le terme utilisé lorsque le prix d'un produit ne reflète pas son coût ou sa valeur économique réelle. L'externalité négative classique est la dégradation de l'environnement, qui réduit la valeur des ressources naturelles sans augmenter le prix du produit qui leur a causé du tort. L'externalité positive classique est l'empiétement technologique, où l'invention par une entreprise d'un produit permet à d'autres de copier ou de construire sur ce produit, générant une richesse que l'entreprise d'origine ne peut pas capturer. Si les prix sont erronés en raison d'externalités positives ou négatives, le libre-échange produira des résultats sous-optimaux[111],[112].

Par exemple, les marchandises d'un pays dont les normes de pollution sont laxistes seront trop bon marché. Ainsi, ses partenaires commerciaux en importeront trop. Et le pays exportateur en exportera trop, concentrant trop son économie dans des industries qui ne sont pas aussi rentables qu'elles en ont l'air, en ignorant les dommages de la pollution.

Concernant les externalités positives, si une industrie génère des retombées technologiques pour le reste de l'économie, alors le libre-échange peut laisser cette industrie être anéantie par la concurrence étrangère parce que l'économie ignore sa valeur cachée. Certaines industries engendrent de nouvelles technologies, permettent les améliorations dans d'autres industries et stimulent les progrès technologiques à l'échelle de l'économie; perdre ces industries signifie donc perdre toutes les industries qui en auraient découlé à l'avenir[111],[112].

hypothèse irréaliste 3 : Les ressources productives se déplacent facilement d'une industrie à l'autre

La théorie de l'avantage comparatif traite de la meilleure utilisation des ressources et de la façon de mettre l'économie à son meilleur usage. Mais cela suppose que les ressources utilisées pour fabriquer un produit peuvent être utilisés à la production d'un autre objet. S'ils ne le peuvent pas, les importations ne pousseront pas l'économie dans des industries mieux adaptées à son avantage comparatif et ne feront que détruire les industries déjà existantes.

Par exemple, lorsque les travailleurs ne peuvent pas passer d'une industrie à l'autre - généralement parce qu'ils n'ont pas les bonnes compétences ou ne vivent pas au bon endroit - les changements dans l'avantage comparatif de l'économie ne les feront pas passer à une industrie plus appropriée, mais plutôt au chômage ou à des emplois précaire et peu productifs[111],[112].

hypothèse irréaliste 4 : les gains qui résultent du commerce international ne sont que des gains statique

La théorie de l'avantage comparatif permet une analyse « statique » et non « dynamique » de l'économie. C'est-à-dire qu'elle examine les faits d'un seul instant et détermine la meilleure réponse à ces faits à cet instant, compte tenu de nos productivités dans diverses industries. Mais au sujet de la croissance à long terme, elle ne dit rien sur la façon dont les faits peuvent changer demain ainsi que la façon dont on peut les faire changer en faveur de quelqu'un. Elle n'indique pas la meilleure façon de transformer les facteurs de production en facteurs plus productifs demain[111],[112].

Selon la théorie, le seul avantage du commerce international est le fait que les marchandises deviennent moins chères et disponibles en plus grandes quantités. L'amélioration de l'efficacité statique des ressources existantes serait donc le seul avantage du commerce international. Et la formulation néoclassique suppose que les facteurs de production sont donnés uniquement de façon exogène. Les changements exogènes peuvent provenir de la croissance démographique, des politiques industrielles, du taux d'accumulation du capital (propension à la sécurité) et des inventions technologiques, entre autres. Les développements dynamiques endogènes au commerce comme la croissance économique ne sont pas intégrés dans la théorie de Ricardo. Et cela n'est pas modifié par ce que l'on appelle l' avantage comparatif dynamique[111],[112].

Or, le monde, et en particulier les pays industrialisés, sont caractérisés par des gains dynamiques endogènes au commerce, comme la croissance technique qui a conduit à une augmentation du niveau de vie et de la richesse du monde industrialisé. De plus, les gains dynamiques sont plus importants que les gains statiques.

hypothèse irréaliste 5 : Le commerce sera toujours équilibré et il existe un mécanisme d'ajustement

Une hypothèse cruciale dans la formulation classique comme dans la formulation néoclassique de la théorie de l'avantage comparatif est que le commerce est équilibré, ce qui signifie que la valeur des importations est égale à la valeur des exportations de chaque pays. Le volume des échanges commerciaux peut changer, mais le commerce international sera toujours équilibré au moins après un certain temps d'ajustement. L'équilibre des échanges est essentiel pour la théorie parce que le mécanisme d'ajustement qui en résulte est responsable de la transformation des avantages comparatifs des coûts de production en avantages de prix absolus. Et cela est nécessaire car ce sont les différences de prix absolues qui déterminent le flux international des marchandises. Donc si les échanges n'étaient pas équilibrés en soi et s'il n'existait pas de mécanisme d'ajustement, il n'y aurait aucune raison de réaliser un avantage comparatif[111],[112].

Or, les déséquilibres commerciaux sont la norme et le commerce équilibré ne constitue dans la pratique qu'une exception. Il n'existe pas de mécanisme d'ajustement dans la pratique. Les avantages comparatifs ne se transforment pas en différences de prix et ils ne peuvent donc pas expliquer les flux commerciaux internationaux. Ainsi, la théorie peut très facilement recommander une politique commerciale qui nous donne le niveau de vie le plus élevé possible à court terme mais aucune sur le long terme. C'est ce qui se produit lorsqu'une nation accuse un déficit commercial, ce qui signifie nécessairement qu'elle s'endette auprès des étrangers ou qu'elle leur vend ses actifs existants. Ainsi, la nation applique une frénésie de consommation à court terme suivie d'un déclin à long terme[111],[112].

hypothèse irréaliste 6 : le commerce international est compris comme du troc

L' hypothèse que le commerce sera toujours équilibré est un corollaire du fait que le commerce est compris comme du troc. Ricardo insiste sur le fait que le commerce international a lieu comme s'il était purement un commerce de troc, présomption qui est maintenue par les économistes classiques et néoclassiques ultérieurs. La théorie de la quantité d'argent, que Ricardo utilise, suppose que la monnaie est neutre et néglige la vitesse d'une monnaie. La monnaie n'a qu'une seule fonction dans le commerce international, à savoir un moyen d'échange afin de faciliter le commerce[111],[112].

Or, dans la pratique , la vitesse de circulation n'est pas constante et la quantité de monnaie n'est pas neutre pour l'économie réelle. Ainsi, contrairement à l'hypothèse de troc de la théorie de l'avantage comparatif, la monnaie n'est pas une marchandise comme les autres. Il est plutôt d'une importance pratique de posséder spécifiquement de l'argent plutôt que n'importe quelle marchandise. Et la monnaie en tant que réserve de valeur dans un monde d'incertitude influe de façon significative sur les motifs et les décisions des détenteurs et des producteurs de richesse[111],[112].

hypothèse irréaliste 7 : le travail ou le capital est utilisé à pleine capacité

D'un point de vue théorique, la théorie de l'avantage comparatif doit supposer que le travail ou le capital est utilisé à pleine capacité et que les ressources limitent la production. Si les ressources d'un pays n'étaient pas pleinement utilisées, la production et la consommation pourraient être augmentées au niveau national sans participer au commerce international. Toute la raison d'être du commerce international disparaîtrait, de même que les gains possibles. Dans ce cas, un État pourrait même gagner davantage en s'abstenant de participer au commerce international et en stimulant la production intérieure, car cela permettrait d'employer davantage de main-d'œuvre et de capitaux et d'augmenter le revenu national. De plus, tout mécanisme d'ajustement qui sous-tend la théorie ne fonctionne plus si le chômage existe[111],[112].

Or, dans la pratique, le monde est caractérisé par le chômage. Le chômage et le sous-emploi du capital et de la main-d'œuvre ne sont pas un phénomène à court terme, mais il est courant et répandu. Le chômage et les ressources inexploitées sont plutôt la règle que l'exception[111],[112].

hypothèse irréaliste 8 : Le commerce n'augmente pas l'inégalité des revenus

Même si on suppose que le libre-échange élargit l'économie dans son ensemble, il peut faire basculer la répartition des revenus à tel point que la classe moyenne n'en voit que peu ou pas du tout les gains. Dani Rodrik, estime que la libéralisation du commerce redistribue cinq dollars de revenu entre différents groupes de personnes du pays pour chaque dollar de gain net hypothétique qu'elle apporte à l'économie dans son ensemble. Ainsi le libre-échange peut faire baisser les salaires de la plupart des travailleurs d'une économie[111],[112].

Le libre-échange n'est pas facteur de paix

Une autre erreur est de considérer le libre-échange comme automatiquement facteur de paix (à l'inverse du protectionnisme). En réalité, les exemples de conflit au nom du libre-échange ne manquent pas : ainsi la guerre de l’opium dans les années 1830-1840 liée à une volonté britannique d'ouvrir le marché chinois par la force alors même que la Chine se suffisait, à l'époque, en grande partie à elle-même en matière économique[113],[114].

Arguments historiques

Au XIXe siècle

Selon Paul Bairoch (Mythes et paradoxes de l’histoire économique, 1994), si la pensée économique s’est clairement orientée vers le libre-échangisme tout au long du siècle, le monde industrialisé de 1913 est semblable à celui de 1815 : «Un océan de protectionnisme cernant quelques îlots libéraux», à l’exception d’une courte parenthèse libre-échangiste en Europe entre 1860 et 1870. Seuls deux îlots de libéralisme émergeaient dans la partie développée: la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. En revanche, «le tiers monde était un océan de libéralisme sans îlot protectionniste», les pays occidentaux imposant aux pays colonisés et même à ceux politiquement indépendants des traités dits «inégaux» contraignant à l’abaissement des barrières douanières. Bairoch montre que le « tiers monde » est en fait devenu sous-développé à cause de l'imposition du libre-échange alors que l'Amérique du Nord et l'Europe occidentale ont pu se développer, précisément parce qu'elles ont rejeté le libre échange au cours de leur histoire. Il note que[24]:

« dans l'Histoire, le libre-échange est l'exception et le protectionnisme la règle. »

Europe

C'est en 1860 que le libre-échange effectua une véritable percée en Europe continentale avec le traité Cobden-Chevalier signé par Napoléon III le 23 janvier 1860. Il fut suivi d'autres accords signés entre la France et de nombreux autres pays européens: le traité franco-belge fut signé en 1861 et entre 1861 et 1866 pratiquement tous les pays européens entrèrent dans le réseau des traités Cobden. Seuls quelques petits pays du continent avaient adopté avant 1860 une politique commerciale véritablement libérale: les Pays-Bas, le Danemark, le Portugal, la Suisse, la Suède et la Belgique[24]. Les décennies qui suivirent ne furent pas une période de croissance et de prospérité, mais au contraire, elles furent assimilées à « la Grande Dépression »

Grande dépression européenne

Bairoch note dans Mythes et paradoxes de l'histoire économique que la Grande Dépression européenne commença vers 1870-1872 au summum du libre-échange en Europe entre 1866 et 1877 et qu'elle pris fin avec le retour au protectionnisme vers 1892[24]:

« Le point important est non seulement le fait que la crise ait démarré au plus fort du libéralisme, mais qu'elle se soit terminée vers 1892-1894, juste au moment où le retour au protectionnisme devenait effectif en Europe continentale[...] Il est presque certain que le libre échange coïncida avec la dépression dont il fut probablement la cause, tandis que le protectionnisme fut sans doute à l'origine de la croissance et du développement dans la plupart des pays développés actuels. »

En Europe, le ralentissement de la croissance du PNB, fut surtout la conséquence du déclin de la croissance de la production agricole; les barrières tarifaires européennes ne furent pas totalement supprimées sur les produits manufacturés, alors qu'elles l'étaient totalement sur les produits agricoles dans tous les pays. Cette crise agricole de l'Europe continentale s'explique presque exclusivement par l'afflux de céréales étrangères ce qui est devenu possible grâce à l'abolition de protections tarifaires sur les céréales en Europe continentale entre 1866 et 1872. Ce sont surtout les paysans qui eurent à souffrir car les importations bon marché aboutirent à l'effondrement des prix des produits agricoles. Le niveau de vie des paysans baissa ou stagna dans presque tous les pays. Mais cela affecta aussi la demande globale des biens industriels ainsi que le secteur du bâtiment [24]. En France qui était pourtant une économie agraire, les importations de blé qui atteignaient 0,3 % de la production nationale au cours des années 1851/1860 grimpèrent jusqu'à 19 % en 1888/1892. En Belgique, ce pourcentage passa de 6 % vers 1850 à plus de 100 % vers 1890 [24].

Au début des années 1860, l'Europe et les États-Unis menèrent des politiques commerciales complètement opposées. Les années 1860 étaient une période de protectionnisme croissant aux États-Unis alors que la phase de libre-échange européenne se prolongea de 1860 à 1892. Le taux moyen de prélèvement douanier sur les importations de produits manufacturés était vers 1875 de 40 % à 50 % aux États-Unis contre 9 % à 12 % en Europe continentale à l'apogée du libéralisme européen. Pendant les années 1870 et 1880, les États-Unis étaient le premier fournisseur de céréale de l'Europe. Il y eut un déséquilibre commercial de plus en plus important de l'Europe vis-à-vis des États-Unis jusqu'aux années 1900, étant donné que ceux-ci étaient restés protectionnistes. Les États-Unis n'avaient pas pris part au mouvement de libre-échange et au contraire avaient relevé leur niveau de protection. Ils connurent une période de forte croissance alors que l'Europe était en pleine dépression. Vers 1870, le déficit commercial de l'Europe vis-à-vis de l'Amérique de Nord représentait 5 % à 6 % des importations de la région. Il atteignait 32 % en 1890 et 59 % vers 1900 [24].

Retour du protectionnisme
Politiques commerciales, exportations et croissance dans les pays européens

L'Allemagne fut le premier grand pays européen à modifier sensiblement sa politique douanière en adoptant le nouveau tarif de juillet 1879. Ce nouveau droit de douane allemand signifia l'achèvement de la période de libre échange sur le continent. Ainsi, la période 1879-1892 vit le retour progressif du protectionnisme en Europe et la période 1892-1914 peut être décrite comme celle du protectionnisme croissant en Europe continentale mais tous les pays ne modifièrent pas leur politique au même rythme[24].

Paul Bairoch remarque en plus que c'est au moment où tous les pays de l'Europe continentale renforçaient le protectionnisme que le taux de croissance atteignit son plus haut niveau en Europe continentale: en effet la croissance du PNB passa de 1.1%/an dans les années 1850-1870 (période protectionniste) à 0.2%/ an dans les années 1870-1890 (période de libre échange). Et ce sont les pays qui étaient revenus au protectionnisme qui profitèrent essentiellement de la reprise économique: pendant la phase protectionniste (après 1892), l'économie de l'Europe continentale progressait au taux annuel par habitant d'environ 1,5 %, alors qu' au Royaume-Uni, qui continuait le libre-échange, ce taux atteignait environ 0.7%[24]. Dans tous les pays, à l'exception de l'Italie, et indépendamment de la date de révision des politiques, l'adoption de mesures protectionnistes (après 1892) fut suivie d'une nette accélération de la croissance dans les dix premières années; dans la décennie suivante, qui est celle du renforcement de la protection, on constate une nouvelle accélération de la croissance. À l'inverse au Royaume-Uni, où il n'y eut pas de changement de la politique de libre-échange, on constate une première période de stagnation suivi d'un net déclin du taux de croissance. C'est en 1892 que la France a réintroduit un fort protectionnisme: au cours des dix années précédentes, son PNB était de 1,2 %/an. Au cours des dix premières années qui ont suivi le changement protectionniste, le PNB était de 1,3 %/an et la décennie suivante il passa à 1,5 %/an . Les différences sont encore plus marquées dans le cas de l'Allemagne: après l'introduction de nouvelles mesures protectionnistes en 1885, le PNB est passé de 1,3 % au cours de la décennie précédente, à 3,1 % au cours de la décennie suivante et à 2,9 % pendant la deuxième décennie[24].

Tiers-monde

À partir de 1813, le libéralisme économique imposé par les puissances occidentales au tiers monde et l'ouverture de ces économies fut l'une des premières causes de l'absence de développement[24]. L'importation de grandes quantités d'articles manufacturés bon marché aboutirent à un processus de désindustrialisation massive. Le tiers-monde produisait vers 1750 environ 70 % à 76 % de tous les biens manufacturés du monde. Mais autour de 1913, il n'en produisait plus que 7 % à 8 %. En 1913 le niveau d'industrialisation mesuré par la production de biens manufacturés par habitant n'était plus que le tiers de son niveau de 1750[24].

Colonies

En Inde par exemple, après l'abolition en 1813 du monopole commercial de la Compagnie des Indes Orientales qui prohibait l'importation de produits textiles en Inde, ceux-ci affluèrent rapidement dans le pays. Tandis que les importations étaient soient prohibés, soit soumises à des droits de douane de 30 % à 80 % en Europe, les produits textiles britanniques pénétraient sur le marché indien sans payer aucun droit. En 1813, l'industrie textile indienne était la première industrie du pays comme dans toute société traditionnelle, et représentait probablement 45 % à 65 % de l'ensemble des activités manufacturières du pays. Vers les années 1870-1880, le taux de désindustrialisation dans ce secteur allaient de 55 % à 75 %. Dans les années 1890/1900 le taux de désindustrialisation dans la métallurgie, allaient de 95 % à 99%[24]. Le processus fut analogue ou plus marquée encore dans le reste de l'Asie, à l'exception de la Chine où l'industrie locale survécut mieux. En Chine la désindustrialisation de l'industrie textiles allait de 30 % à 50%[24].

Avant l'indépendance, les pays d'Amérique latine étaient sous la domination de l'Espagne et du Portugal. L'intervention du Royaume-Uni avait beaucoup aidé la plupart de ces pays à obtenir leur indépendance politique au XIXe siècle (réalisé pour la plupart entre 1804 et 1822). Le Royaume-Uni pu ainsi signer de nombreux traités de commerce qui ouvraient les marchés de ces pays aux produits manufacturés britanniques et européens. L'indépendance de la plupart de ces pays aboutit donc paradoxalement à une phase de désindustrialisation car elle facilita la pénétration de produits venant de pays plus avancés que le Portugal et l'Espagne[24]. Grâce à l'influence de l'Amérique du Nord, la majorité des pays de l'Amérique latine modifièrent leur politique commerciale au cours de la période 1870-1890 et imposèrent des droits protecteurs afin de soutenir l'industrialisation[24].

Pays indépendants

Concernant les pays du tiers monde indépendants ou qui n'avaient pas le statut de colonie au XIXe siècle (la majeure partie de l'Amérique latine, la Chine, la Thaïlande, l'ensemble du Moyen-Orient), les pays occidentaux avaient exercés des pressions telles que la plupart d'entre eux avaient signé des traités prévoyant la suppression plus ou moins totale des droits à l'importation, ce qui permit l'entrée massive de biens manufacturés importés. Les législations douanières ne pouvaient prévoir des droits supérieurs à 5 % de la valeur d'importation des marchandises. La plupart de ces « traités inégaux » furent signé entre 1810 et 1850 essentiellement à l'initiative des britanniques[24].

Au XXe siècle

D'après l’économiste coréen Ha-joon Chang, la libéralisation des échanges a provoqué un ralentissement de la croissance économique mondiale. Pendant les années 1960 et 1970, quand il existait bien davantage de protections et autres régulations, la croissance du revenu par tête dans les pays développés croissait d’environ 3 % par an, contre 2,3 % au cours des décennies 1980 et 1990. En Amérique latine, cette croissance est devenue pratiquement nulle : 0,6 %, contre 3,1 % de 1960 à 1980. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, elle est tombée de 2,5 % à - 0,2 %, et en Afrique subsaharienne de 2 % à - 0,7 %[115].

La période 1950-1973 est considérée comme l'âge d'or du capitalisme dans les pays aujourd'hui riches. Or c'était une période avec de fortes protections et régulations. Le taux de croissance du revenu par habitant en Europe est passé de 1,3 % pendant l'âge d'or libéral (1870-1913) à 4,1 % durant la période 1950-1973. Il est passé de 1,8 % à 2,5 % aux États-Unis, tandis qu'il est passé de 1,5 % à 8,1 % au Japon. Ces performances en matière de croissance ont été combinées à de faibles inégalités de revenus et à la stabilité économique. Les pays en développement ont également obtenu de très bons résultats au cours de cette période. Au cours des années 1960 et 1970, lorsqu'ils ont eu recours à des politiques interventionnistes dans le cadre du système international " permissif ", leur croissance par habitant a été de 3 %. C'est bien plus que ce qu'ils avaient réalisé sous les anciennes politiques libérales pendant la " première mondialisation " (1870-1913) et deux fois le taux qu'ils ont enregistré depuis les années 1980 sous les politiques libérales[115].

Selon Paul Bairoch, les pays occidentaux qui poursuivirent une politique de libre-échange à l'égard des importations de produits manufacturés ont perdu une grande partie de leur main-d'oeuvre dans ce secteur depuis le début des années soixante. Il cite l'exemple du Royaume-Uni où le secteur de l'industrie cotonnière perdit entre 1950 et 1970, un total de 168 400 emplois. L'amélioration de la productivité en fit disparaître 20 % du total mais les modifications intervenues dans la structure des échanges extérieurs coûtèrent 52 %[24].

Protectionnisme et Grande Dépression

Les années 1920 à 1929 sont généralement décrites, à tort, comme des années durant lesquelles le protectionnisme gagna du terrain en Europe. En fait, d'un point de vue général, on peut considérer que la période qui précéda la crise fut précédée en Europe par la libéralisation des échanges. La moyenne pondérée des tarifs douaniers sur les produits manufacturés est restée tendanciellement la même que dans les années précédant la Première Guerre mondiale : 24,6 % en 1913, contre 24,9 % en 1927. De plus, en 1928 et en 1929, les droits de douane furent abaissés dans presque tous les pays développés[24]. De plus, le Smoot-Hawley Tariff Act a été signé par Hoover le 17 juin 1930, tandis que l'effondrement de Wall Street a eu lieu à l'automne 1929. Et la crise de 1929 avait déjà réduit de moitié le commerce international (l'essentiel de la contraction) avant que les grands pays industrialisés n'adoptent des mesures protectionnistes. Il n'y avait donc pas de protectionnisme particulier à l'époque.

Les partisans du libre-échange affirment que les mesures protectionnistes instaurées après la Grande Dépression de 1929 comme la loi Hawley-Smoot auraient aggravé la crise économique. Jacques Sapir réfute ces hypothèses en expliquant que la chute du commerce international a d'autres causes que le protectionnisme[116]. Il fait remarquer que : « la production intérieure des grands pays industrialisés régresse [...] plus vite que le commerce international ne se contracte. Si cette baisse avait été la cause de la dépression que les pays ont connue, on aurait dû voir l'inverse. » «Enfin, la chronologie des faits ne correspond pas à la thèse des libres-échangistes […] L'essentiel de la contraction du commerce se joue entre janvier 1930 et juillet 1932, soit avant la mise en place des mesures protectionnistes, voire autarciques, dans certains pays, à l'exception de celles appliquées aux États-Unis dès l'été 1930, mais aux effets très limités». On voit la proportion du tonnage maritime inemployé augmenter rapidement jusqu'à la fin du premier trimestre 1932, puis baisser et se stabiliser[117]. Il relève que « la contraction des crédits est une cause majeure de la contraction du commerce ». «En fait, ce sont les liquidités internationales qui sont la cause de la contraction du commerce. Ces liquidités s'effondrent en 1930 (-35,7 %) et 1931 (-26,7 %)». Une étude du National Bureau of Economic Research met en évidence l'influence prédominante de l'instabilité monétaire (qui entraîna la crise des liquidités internationales[116]) et de la hausse soudaine des coûts de transport dans la diminution du commerce durant les années 1930[118].

Selon Maurice Allais, prix Nobel d’Économie : «Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m’apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d’aggravation de la situation sociale... à partir d’un contresens incroyable. Tout comme le fait d’attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l’ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l’arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler.» (Lettre aux français : Contre les tabous indiscutés)[119].

Concernant les États-Unis, plusieurs économistes, un groupe allant de Paul Krugman[120] à Milton Friedman[121] réfutent que la loi Hawley-Smoot appliquée en 1930 ait causé la dépression :

Selon William Bernstein (libre échangiste): «la plupart des historiens économiques croient maintenant que seule une infime partie de cette énorme perte du PIB mondial et du PIB des États-Unis était due aux tarifs douaniers. Ainsi entre 1929 et 1932, le PIB réel a chuté de 17% pour cent dans le monde et de 26% aux États-Unis. Or en 1930 le volume commercial représentait seulement environ 9% de la production économique mondiale et entre 1930 et 1933, le volume du commerce mondial a chuté d'un tiers à la moitié. Cela représente 3% à 5% du PIB mondial, et ces pertes ont été partiellement compensées par la production de biens domestiques plus chers. Ainsi, les dégâts infligés ne pouvaient pas dépasser 2% du PIB mondial, ce qui est loin de la baisse de 17% observée pendant la Grande Dépression...» (A Splendid Exchange: How Trade Shaped the World).

Selon l'historien économique Peter Temin: «Un tarif, comme une [[dévaluation]], est une politique expansionniste. Cela détourne la demande, des producteurs étrangers vers les producteurs domestiques. L'argument populaire cependant, est que le tarif a causé la dépression américaine [...] en induisant des représailles étrangers [...] Les exportations ont représenté 7 % du [[PNB]] en 1929. Elles ont diminué de 1,5 % du PNB entre 1929 et les deux années suivantes [...] la baisse de la demande pour l'exportation devait être compensé par l'augmentation de la demande intérieure causée par le tarif. Tout effet de contraction net du tarif était faible» (Lessons from the Great Depression, MIT Press, Cambridge, Mass, Peter Temin)[122].

Ian Fletcher indique que le tarif ne s'appliquait qu'à environ un tiers du commerce aux États-Unis : environ 1,3 % du PIB. Le tarif moyen des États-Unis sur les marchandises assujetties[123] est passé de 40,1 % en 1929 à 59.1 en 1932 (+19 %). Or il était systématiquement supérieur à 38 % tous les ans de 1865 à 1913 (de 38 % à 52 %). De plus, il a augmenté aussi fortement en 1861 (de 18,61 % à 36,2 % ; +17,6 %), entre 1863 et 1866 (de 32,62 % à 48,33 % ; +15,7 %), entre 1920 et 1922 (de 16,4 % à 38,1 % ; +21,7 %) sans produire de dépressions mondiales[124].

Libre-échange et protectionnisme selon les nations

Les pays aujourd'hui développés ont eu recours à des politiques commerciales et industrielles interventionnistes (p. ex. tarifs douaniers, subventions, restrictions au commerce extérieur) pour promouvoir leurs industries naissantes. Dans de nombreux pays, la protection tarifaire était un élément clé de cette stratégie, mais elle n'était en aucun cas le seul. Il existait de nombreux autres outils, tels que « la dévaluation compétitive » de la monnaie, les subventions à l'exportation, les rabais tarifaires sur les intrants utilisés pour les exportations, l'octroi de droits de monopole, les ententes, les crédits dirigés, la planification des investissements, la planification de la main-d'œuvre, le soutien à la R&D et la promotion d'institutions qui permettent la coopération entre le secteur public et le secteur privé. Enfin, bien que partageant le même principe sous-jacent, il y avait un degré considérable de diversité parmi les pays développés en termes de dosage des politiques, ce qui suggère qu'il n'existe pas de modèle unique pour le développement industriel[68].

Grande-Bretagne

La Grande-Bretagne est entrée dans l'ère post-féodale (du XIIIe au XIVe siècle) comme une économie relativement en retard. Sa croissance s'appuyait sur les exportations de laine brute et dans une moindre mesure, de tissus de laine à faible valeur ajoutée vers les pays alors plus avancés[68]. Edward III (1312-1377) fût le premier roi qui avait délibérément tenté de développer la fabrication locale de tissus de laine. Il ne portait que du tissu anglais pour donner l'exemple, avait fait venir des tisserands flamands, avait centralisé le commerce de la laine brute et avait interdit l'importation de tissu de laine de pays étrangers[68].

Les monarques Tudor donnèrent une impulsion supplémentaire. Daniel Defoe, le célèbre marchand, homme politique du XVIIIe siècle et auteur du roman Robinson Crusoé, décrit cette politique dans son livre A Plan of the English Commerce (1728). Il y indique en détail comment les monarques Tudor, en particulier Henry VII (1485-1509), ont transformé l'Angleterre en la plus grande nation productrice de laine au monde[125]. À partir de 1489, Henry VII mit en œuvre des plans comme l'augmentation des droits à l'exportation de laine brute. Les monarques Tudor, en particulier Henry VIII et Elizabeth I, ont utilisé le protectionnisme, les subventions, la distribution des droits de monopole, l'espionnage industriel parrainé par le gouvernement et d'autres moyens d'intervention gouvernementale pour développer l'industrie de la laine en Angleterre[68] .

Cependant, l'événement le plus important dans le développement industriel de la Grande-Bretagne, a été la réforme politique de 1721 introduite par Robert Walpole, le premier ministre britannique, sous le règne de George I (1660-1727). Auparavant, les politiques du gouvernement britannique visaient en général, à capter le commerce et à générer des recettes publiques. Après 1721, les politiques mises en place visaient délibérément à promouvoir les industries manufacturières. Présentant la nouvelle loi, Walpole déclara, à travers le discours du roi au Parlement:

« il est évident que rien ne contribue autant à promouvoir le bien-être public que l'exportation de produits manufacturés et l'importation de matières premières étrangères »[126].

La loi de 1721 et les modifications supplémentaires apportées par la suite comprenaient plusieurs mesures: les droits de douane à l'importation sur les matières premières utilisées pour les produits manufacturés ont été abaissés voir totalement supprimés ; les droits de douane sur les produits manufacturés étrangers importés ont été augmentés ; les subventions à l'exportation ont été augmentées pour le tissu à voile et le sucre raffiné et ont été étendues à de nouveaux produits d'exportation comme la soie et la poudre à canon. Une réglementation a été introduite pour contrôler la qualité des produits manufacturés, en particulier les produits textiles afin de sauvegarder la réputation des produits britanniques sur les marchés étrangers[68].

Les politiques protectionnistes de Walpole sont restées en place pendant le siècle suivant, aidant les industries manufacturières britanniques à rattraper leurs homologues sur le continent, puis à prendre de l'avance sur elles. La Grande-Bretagne est restée un pays très protectionniste jusqu'au milieu du XIXe siècle. En 1820, le taux tarifaire moyen de la Grande-Bretagne sur les importations de produits manufacturés était de 45 à 55 %, contre 6 à 8 % dans les Pays-Bas, 8 à 12 % en Allemagne et en Suisse et environ 20 % en France, mais les tarifs n'étaient pas la seule arme dans l'arsenal de la politique commerciale britannique[127].Lorsqu'elle est arrivée dans ses colonies, la Grande-Bretagne a imposé une interdiction totale des activités de fabrication avancée qu'elle ne voulait pas voir se développer. Walpole a interdit la construction de nouvelles aciéries de laminage en Amérique, obligeant les Américains à se spécialiser dans les produits à faible valeur ajoutée plutôt que dans les produits à forte valeur ajoutée. La Grande-Bretagne a également interdit les exportations de ses colonies qui faisaient concurrence à ses propres produits, au pays et à l'étranger. Elle interdisait les importations de textiles de coton en provenance de l'Inde, qui étaient alors supérieures à celles des produits britanniques. En 1699, elle interdit l'exportation de tissus de laine de ses colonies vers d'autres pays (la loi sur la laine). Enfin, des politiques ont été déployées pour encourager la production de matières premières dans les colonies. Walpole a accordé des subventions à l'exportation (du côté américain) et supprimé les taxes à l'importation (du côté britannique) sur les matières premières produites dans les colonies américaines comme le chanvre, le bois et le bois. Il voulait absolument s'assurer que le colon s'en tienne à la production de matières premières et qu'il ne devienne jamais un concurrent des fabricants britanniques. Ils ont donc été contraints de laisser les industries les plus rentables entre les mains de la Grande-Bretagne[127].

Au début du XIXe siècle, le tarif moyen des produits manufacturés britanniques était d'environ 50 %, le plus élevé de tous les principaux pays d'Europe. Malgré son avance technologique croissante par rapport aux autres nations, la Grande-Bretagne poursuivit sa politique de promotion industrielle jusqu'au milieu du XIXe siècle et maintenait des droits de douane très élevés sur les produits manufacturés jusque dans les années 1820, soit deux générations après le début de la révolution industrielle. Ainsi, selon l'historien économique Paul Bairoch, l'avance technologique de la Grande-Bretagne a été réalisée «derrière des barrières tarifaires élevées et durables». En 1800, le Royaume-Uni qui rassemblait environ 8 % à 10 % de la population européenne fournissait 29 % de toute la fonte brute produite en Europe, proportion qui atteignait 45 % en 1830; la production industrielle par habitant était encore plus significatif : en 1830 elle était de 250 % supérieure à celle du reste de l'Europe contre 110 % en 1800. En 1846, le taux d'industrialisation par habitant était plus du double de celui de ses concurrents les plus proches comme la France, la Belgique, l'Allemagne, la Suisse et les États-Unis[24].

En 1825 le Parlement autorisa à nouveau l'émigration des ouvriers qualifiés (interdite depuis 1719 par crainte de la concurrence étrangère) et une série de réductions tarifaires eut lieu en 1833 mais le libre-échange en Grande-Bretagne commença sérieusement avec l'abrogation des Corn Laws en 1846, ce qui équivalait au libre-échange des céréales. Les droits de douane de nombreux produits manufacturés furent aussi abolis. Les élites britanniques s'attendaient à ce que grâce au libre échange, leur avance dans le transport maritime, la technologie, les économies d'échelle et l'infrastructure financière se renforceraient d'eux-mêmes et dureraient donc indéfiniment. Mais tandis que le libéralisme progressait au Royaume-Uni, le protectionnisme se maintenait sur le continent. La Grande-Bretagne pratiqua le libre-échange unilatéralement dans le vain espoir que d'autres pays l'imiteraient, mais les États-Unis émergèrent de la guerre civile encore plus explicitement protectionnistes qu'avant, l'Allemagne sous Bismarck rejeta le libre-échange, et le reste de l'Europe suivit. Ainsi pendant les années 1880 et 1890, les tarifs douaniers augmentèrent en Suède, en Italie, en France, en Autriche-Hongrie et en Espagne[128].

Bairoch note que la Grande-Bretagne est le seul pays où sur une période spécifique (durant les deux décennies à partir de 1846), le libre-échange coïncida avec une hausse de la croissance. Le taux de croissance annuel du PNB par habitant était de 0,6 % entre 1831/1835 et 1841/1845 mais il atteignit 2,3 % entre 1841/1845 et 1851/1855 et 1,8 % entre 1851/1855 et 1861/1865. Bairoch l'explique par le fait que le pays a été le «berceau» de la révolution industrielle et disposait en 1846 d'une importante avance sur les autres pays étant donné que le pays sortait d'au moins un demi siècle de protectionnisme[24]. Ian Fletcher explique que même après que la Grande-Bretagne ait adopté le libre-échange pour la plupart des marchandises, elle continua de réglementer étroitement le commerce des biens d'équipement stratégiques, tels que les machines pour la production de masse des textiles[128].

À partir des années 1870, l'économie britannique continua de croître, mais inexorablement en retard par rapport aux États-Unis et à l'Allemagne qui continuèrent à être protectionniste : de 1870 à 1913, la production industrielle augmenta en moyenne de 4,7 % par an aux États-Unis, de 4,1 % en Allemagne et de seulement 2,1 % en Grande-Bretagne. Ainsi la Grande-Bretagne finit par être surpassé économiquement par les États-Unis autour de 1880. L'avance de la Grande-Bretagne dans divers domaines comme l'acier et le textile s'éroda, puis le pays prit du retard alors que de nouvelles industries, utilisant des technologies plus avancées, émergèrent après 1870 dans d'autres pays qui pratiquaient encore le protectionnisme[128].

Fondamentalement, le pays pensait que le libre-échange était optimal en tant que politique permanente et s'en est contenté avec l'absence de politique industrielle. Mais contrairement à la croyance britannique, le libre-échange n'améliora pas la situation économique et la concurrence accrue des productions étrangères finit par dévaster l'ancienne économie rurale de la Grande-Bretagne. Mais malgré l'échec croissant de son grand pari stratégique, la Grande-Bretagne était tellement attachée au libre-échange qu'elle accepta d'en payer le prix[128].

À cause de la Grande Dépression, la Grande-Bretagne abandonna finalement le libre-échange en 1932, reconnaissant qu'elle avait perdu son éminence manufacturière et réintroduisit des tarifs douaniers à grande échelle. Mais il était beaucoup trop tard pour remettre la position de la nation en tant que puissance économique dominante[128]. En 1932, le niveau d'industrialisation des États-Unis était supérieur de 50 % à celui du Royaume-Uni[24].

États-Unis d'Amérique

La Grande-Bretagne a été le premier pays à utiliser une stratégie de promotion de l'industrie naissante à grande échelle. Cependant, son utilisateur le plus ardent était les États-Unis; Paul Bairoch l'appelait «la mère patrie et bastion du protectionnisme moderne»[24].

La plupart des intellectuels et politiciens américains pendant la période de rattrapage du pays étaient d'avis que la théorie du libre-échange préconisée par les économistes classiques britanniques n'était pas adaptée à leur pays. Et c'est contre l'avis d'économistes comme Adam Smith, David Ricardo et Jean-Baptiste Say que les États-Unis protégèrent leurs industries. Ils ont fait valoir que le pays devait développer les industries manufacturières et utiliser la protection et les subventions gouvernementales à cette fin, comme l'avait fait la Grande-Bretagne avant eux. Le leader intellectuel de ce mouvement était Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des États-Unis (1789-1795). Hamilton et l'économiste Daniel Raymond, ont été les premiers théoriciens à exposer l'argument de l'industrie naissante, et non pas l'économiste allemand Friedrich List[68]. Hamilton a été le premier à utiliser le terme «d'industries naissantes» et à l'avoir introduit au premier plan de la pensée économique[24]. L'apport essentielle d'Hamilton est de mettre l'accent sur l'idée que l'industrialisation n'est possible qu'à l'abri d'une protection douanière. Il craignait que la politique de la Grande-Bretagne vis-à-vis des colonies ne condamne les États-Unis à être seulement des producteurs de produits agricoles et de matières premières. Dans Report on Manufactures (1791), qui est considéré comme le premier texte exprimant la théorie moderne du protectionnisme, il soutenait que la concurrence étrangère et les «forces de l'habitude» empêcheraient la création de nouvelles industries aux États-Unis, à moins que les pertes initiales de ces industries ne soient garanties par une aide gouvernementale[68]. Il estima également que les droits sur les matières premières devraient être généralement faibles[129]. Dans ce rapport, Hamilton proposait une série de mesures pour assurer le développement industriel de son pays, notamment des tarifs protecteurs et des interdictions d'importation, des subventions, l'interdiction d'exporter des matières premières essentielles, la libéralisation des importations et des remises tarifaires sur les intrants industriels, des prix et des brevets pour les inventions, la réglementation des normes des produits et le développement des infrastructures financières et de transport. Hamilton a fourni le plan directeur de la politique économique américaine jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale et son programme pour l'industrie naissante a créé les conditions d'un développement industriel rapide[127].

Initialement, la Grande-Bretagne ne voulait pas industrialiser les colonies américaines, et mit en œuvre des politiques à cet effet (par exemple, l'interdiction des activités de fabrication à haute valeur ajoutée). Sous la domination britannique, l'Amérique s'est naturellement vu refuser l'utilisation des tarifs douaniers pour protéger ses nouvelles industries. Il lui était interdit d'exporter des produits concurrents des produits britanniques. Elle a reçu des subventions pour produire des matières premières. De plus, des restrictions absolues ont été imposées sur ce que les Américains pouvaient fabriquer. Certaines activités industrielles étaient autorisées mais la fabrication de produits de haute technologie a été interdite[127]. Ainsi, la Révolution américaine fut, dans une certaine mesure, une guerre contre cette politique, dans laquelle l'élite commerciale des colonies se révoltait contre le fait d'être contrainte de jouer un rôle inférieur dans l'économie émergente de l'Atlantique. Cela explique qu'après l'indépendance, le Tariff Act de 1789 fut le deuxième projet de loi de la République signé par le président Washington permettant au Congrès d'imposer un tarif fixe de 5 % sur toutes les importations, à quelques exceptions près[130].

Entre 1792 et la guerre avec la Grande-Bretagne en 1812, le niveau tarifaire moyen resta autour de 12,5 % ce qui était beaucoup trop bas pour inciter les acheteurs de produits manufacturés à soutenir les industries américaines naissantes. Quand la guerre anglo-américaine de 1812 éclata, tous les tarifs furent doublés à une moyenne de 25 % afin de faire face aux dépenses gouvernementales accrues dues à la guerre. La guerre a ouvert la voie à de nouvelles industries en interrompant les importations de produits manufacturés en provenance de Grande-Bretagne et du reste de l'Europe. Un changement significatif de politique se produisit en 1816, lorsque les industriels américains qui s'étaient épanouis grâce aux droits de douane ont fait pression pour les maintenir. Une nouvelle loi fût ainsi introduite pour maintenir le niveau tarifaire à un niveau proche de celui du temps de guerre - les produits spécialement protégés étaient le coton, la laine et le fer[130],[131]. En 1816, les droits de douane étaient alors fixés à environ 35 % sur presque tous les produits manufacturés[24]. Entre 1816 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis avaient ainsi l'un des taux tarifaires moyens les plus élevés du monde sur les importations de produits manufacturés. Étant donné que le pays jouissait d'un degré de protection "naturelle" exceptionnellement élevé en raison des coûts de transport élevés au moins jusqu'aux années 1870, les industries américaines étaient donc parmi les plus protégées au monde jusqu'en 1945[24].

Il y eut un bref moment de 1846 à 1861, au cours duquel les tarifs américains furent abaissés, coïncidant avec le zénith du libéralisme classique en Europe. Mais cela a été suivi d'une série de récessions et de la panique de 1857, qui finalement suscita des demandes de droits de douane plus élevés que le président James Buchanan, signa en 1861 (Morrill Tariff)[132]. Mais même durant les périodes de baisse du taux moyen de droit de douane, les tarifs américains restaient parmi les plus élevés au monde[24].

Bien que la politique commerciale de Hamilton ait été bien établie dans les années 1820, les tarifs douaniers ont été une source de tension constante dans la politique américaine au cours des trois décennies suivantes. Les États agraires du Sud ont constamment tenté d'abaisser les tarifs industriels, tandis que les États manufacturiers du Nord ont plaidé en faveur de leur maintien à un niveau élevé, voire de leur augmentation. Le conflit envenimé a fini par trouver une solution violente lors de la guerre civile qui s'est déroulée sous la présidence d'Abraham Lincoln. La guerre civile américaine (1861-1865) a été menée sur la question des droits de douane autant que sur la question de l'esclavage. À l'époque les intérêts agraires du Sud s'opposaient à toute protection alors que les intérêts manufacturiers du Nord voulaient la maintenir. La guerre marqua le triomphe des protectionnistes des États industriels du Nord sur les libres-échangiste du Sud. Comme Henry Clay du Whig Party, qui prônait le «système américain» basé sur le développement des infrastructures et le protectionnisme[133], Abraham Lincoln était protectionniste. En 1847, il déclara: «Donnez-nous un tarif protecteur, et nous aurons la plus grande nation sur terre»[132]. Une fois élu, Lincoln a relevé les tarifs industriels et les dépenses liées à la guerre de Sécession ont été invoquées comme excuse - de la même manière que la première hausse importante des tarifs américains a eu lieu pendant la guerre anglo-américaine (1812-16). Après la guerre, les tarifs douaniers sont restés à des niveaux égaux ou supérieurs à ceux du temps de guerre.

Le taux de croissance annuel du PNB par habitant aux États-Unis était de 1,8 % entre 1850 et 1870, de 2,1 % entre 1870 et 1890 et de 2 % entre 1890 et 1910; les vingt meilleures années de croissance économique furent donc celles entre 1870 et 1890, la période la plus protectionniste [24].

En 1791 les États-Unis représentaient 2 % de la population européenne et leur capacité de production manufacturière n'atteignait que 1 % de celle de l'Europe. En 1860, la production industrielle des États-Unis représentait en volume 13 % de celle de l'Europe pour une population de 11 % du chiffre de la population européenne et seulement vingt ans plus tard en 1880, cette proportion de la production industrielle atteignait 24 %. Pendant tout le XIXe siècle et même jusqu'à la fin des années 1920, les États-Unis ont connu un taux de croissance économique parmi les plus élevés du monde. De 1829/1831 à 1909/1911, le taux de croissance annuel en PNB par habitant en volume est de 2,4 % aux États-Unis (qui étaient les plus protectionnistes), de 1,2 % en Europe occidentale et de 1,5 % à 1,6 % dans les pays européens au développement le plus rapide[24].

Après que les États-Unis dépassèrent les industries européennes dans les années 1890, l'argument justifiant le tarif Mckinley n'était plus de protéger «les industries dans l'enfance» mais plutôt le maintien du niveau des salaires des ouvriers, l'amélioration de la protection du secteur agricole et le principe de réciprocité[24].

La loi Hawley-Smoot de 1930, n'a augmenté que marginalement le degré de protectionnisme de l'économie américaine. Le taux tarifaire moyen pour les produits manufacturés qui en a résulté était de 48 %, et il se situait toujours dans la fourchette des taux moyens qui prévalaient aux États-Unis depuis la guerre de Sécession.

La période protectionniste correspondait ainsi à l'âge d'or de l'industrie américaine, lorsque la performance économique des États-Unis surpassa celle du reste du monde et pendant laquelle ils se sont transformés d'un territoire agricole en la plus grande puissance économique du monde. Bien qu'étant le pays le plus protectionniste du monde tout au long du XIXe siècle et jusqu'aux années 1920, les États-Unis étaient aussi l'économie à la croissance la plus rapide. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, que les États-Unis ont libéralisé leur commerce extérieur[132].

Allemagne

Dans son histoire l'Allemagne utilisa principalement d'autres politiques que les droits de douane pour promouvoir son industrie[134]. En 1879, le chancelier de l'Allemagne, Otto von Bismarck, introduisit une grande augmentation des droits de douane afin de cimenter l'alliance politique entre les «Junkers» (propriétaires terriens) et les industriels lourds – ce qu'on appelle le «mariage du fer et du seigle». Malgré la protection substantielle qui a été accordée aux industries clés, en particulier l'industrie sidérurgique, le niveau de protection dans le secteur manufacturier allemand en général était l'un des plus bas parmi les pays comparables tout au long du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle[135]. Les tarifs ont toujours été relativement bas en Allemagne. Tout au long du XIXe siècle et au début du XXe siècle (jusqu'à la Première Guerre mondiale), le taux moyen des droits de douane sur les produits manufacturés en Allemagne était de 5 à 15 %, bien en dessous des taux américains et britanniques (avant les années 1860) de 35 à 50 %. Même dans les années 1920, lorsqu'elle est devenue plus protectrice de ses industries, le taux moyen des droits de douane industriels de l'Allemagne est resté autour de 20 %[136].

Toutefois, la protection tarifaire relativement faible ne signifie pas que l'État allemand a adopté une approche de laisser-faire en matière de développement économique. En particulier sous Frédéric Guillaume Ier (1713-1740) et Frédéric le Grand (1740-1786) au XVIIIe siècle, l'État prussien a mené une série de politiques visant à promouvoir de nouvelles industries – en particulier les textiles (surtout le lin), les métaux, les armements, la porcelaine, la soie et le raffinage du sucre – en accordant des droits de monopole, la protection commerciale, les subventions à l'exportation, les investissements en capital et en faisant venir des travailleurs qualifiés de l'étranger[137]. Dès le début du XIXe siècle, l'État prussien a également investi dans l'infrastructure avec par exemple la construction de routes dans la Ruhr. Il a également mis en œuvre une réforme de l'éducation, qui a non seulement impliqué la construction de nouvelles écoles et universités, mais aussi la réorientation de l'enseignement de la théologie vers la science[138].

France

Dans son histoire la France utilisa principalement d'autres politiques que les droits de douane pour promouvoir son secteur industriel. La politique économique française à l'époque pré-révolutionnaire – souvent appelée colbertisme, du nom de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), le célèbre ministre des Finances de Louis XIV – était très interventionniste. Par exemple, au début du XVIIIe siècle, l'État français a tenté de recruter des travailleurs qualifiés en Grande-Bretagne à grande échelle et a encouragé l'espionnage industriel.

La Révolution, cependant, a bouleversé ce cours de manière significative. Milward et Saul soutiennent l'idée que la Révolution a entraîné un changement marqué dans la politique économique du gouvernement français, parce que «la destruction de l'absolutisme semblait liée dans l'esprit des révolutionnaires à l'introduction d'un système de laissez-faire»[138]. C'est surtout après la chute de Napoléon que le régime du laisser-faire s'est fermement établi et a persisté jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

John Vincent Nye examina des preuves empiriques détaillées et conclut qu' en matière de mesure tarifaire, «le régime commercial de la France a été plus libéral que celui de la Grande-Bretagne pendant la majeure partie du XIXe siècle, même pendant la période allant de 1840 à 1860 (la période présumée du libre-échange à part entière en Grande-Bretagne)». En analysant les recettes douanières nettes en pourcentage des valeurs nettes à l'importation, la France a toujours été moins protectionniste (au niveau des droits de douane) que la Grande-Bretagne entre 1821 et 1875[139].

En 1860, Napoléon III signa le fameux traité commercial franco-anglais (le traité Cobden-Chevalier), qui annonça la période du libéralisme commercial sur le continent (1860-1879)[68]. En 1892, le traité devint caduc et de nombreux droits de douane, en particulier sur les produits manufacturés, furent augmentés. Cependant, il n'y eut pas de stratégie cohérente de mise à niveau industrielle derrière cette augmentation tarifaire.

Entre 1821 et 1875, surtout jusqu'au début des années 1860, la France avait des tarifs plus bas que la Grande-Bretagne. Même lorsqu'elle est devenue protectionniste - entre 1920 et 1950 - son taux moyen des tarifs industriels n'a jamais dépassé 30 %. Les taux moyens des droits de douane industriels en Grande-Bretagne et aux États-Unis étaient de 50 à 55 % à leur plus haut niveau.

Après la Seconde Guerre mondiale, les efforts des États pour promouvoir l'industrie se sont intensifiés dans la plupart des pays riches et c'est en France qu'il y a eu le plus grand changement. Après 1945, reconnaissant que ses politiques conservatrices et non interventionnistes étaient responsables de son déclin économique relatif et donc de sa défaite lors de la guerre mondiale, l'État français a pris une part beaucoup plus active dans l'économie. Elle a lancé une planification " indicative " (par opposition à la planification " obligatoire " du communisme), s'est emparée d'industries clés par la nationalisation et a canalisé des investissements dans des industries stratégiques par l'intermédiaire de banques publiques. Pour permettre aux nouvelles industries de prendre de l'expansion, les tarifs industriels ont été maintenus à un niveau relativement élevé jusqu'aux années 1960. La stratégie a très bien fonctionné. Dans les années 1980, la France s'est transformée en leader technologique dans de nombreux domaines. En conséquence, la France a connu une transformation structurelle très réussie de son économie et a finalement dépassé la Grande-Bretagne[140].

Pays-Bas

Les Pays-Bas étaient la puissance navale et commerciale dominante du monde au XVIIe siècle, son «Siècle d'Or», grâce à ses réglementations «mercantilistes» en matière de navigation, de pêche et de commerce international depuis le XVIe siècle[68].

Le roi Guillaume Ier (1815-1840) créa de nombreuses agences de financement industriel[141],[142]. Il soutint aussi fortement le développement d'une industrie textile cotonnière moderne, en particulier dans la région de Twente[68]. Cependant, à partir de la fin des années 1840, le pays est revenu à un régime de laissez-faire qui a duré jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. À l'exception de la Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle et du Japon avant le rétablissement de l'autonomie tarifaire, les Pays-Bas demeurèrent l'économie la moins protégée parmi les pays industrialisés.

Le pays abolit la loi sur les brevets (qui a été introduite pour la première fois en 1817) en 1869, inspirée par le mouvement anti-brevet qui a balayé l'Europe à l'époque. Malgré les pressions internationales, le pays a refusé de réintroduire la loi sur les brevets jusqu'en 1912.

Durant cette période de laissez-faire, l'économie néerlandaise resta léthargique et son industrialisation resta relativement superficielle. Selon l'estimation officielle de Maddison, mesurée en dollars de 1990, les Pays-Bas furent le deuxième pays le plus riche du monde après la Grande-Bretagne en 1820. Un siècle plus tard en 1913, pas moins de six pays – l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, le Canada, la Suisse et la Belgique – l'ont dépassé[68].

C'est en grande partie pour cette raison qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a vu l'introduction de politiques plus interventionnistes[142]. Jusqu'en 1963, des politiques commerciales et industrielles actives ont été pratiquées notamment des aides financières aux grandes entreprises, des subventions pour industrialiser les régions en retard, l'encouragement de l'enseignement technique, l'encouragement du développement de l'industrie de l'aluminium et d'infrastructures clés[68].

Japon

Un régime de modernisation a été mis en place après la Restauration de Meiji de 1868. Depuis lors, le rôle de l'État a été crucial dans le développement du pays. Jusqu'en 1911, le Japon n'était pas en mesure d'utiliser la protection tarifaire, en raison des «traités inégaux» qui lui interdisaient d'avoir des taux tarifaires supérieurs à 5 %. Par conséquent, l'État japonais a dû recourir à d'autres moyens pour encourager l'industrialisation. Il a créé des «usines modèles» appartenant à l'État dans un certain nombre d'industries, notamment dans la construction navale, l'exploitation minière, le textile et l'industrie militaire[68]. Bien que la plupart d'entre elles aient été privatisées dans les années 1870, l’État a continué à subventionner les entreprises privatisées, en particulier dans la construction navale[143].

Par la suite, il a établi une première aciérie moderne et a développé les chemins de fer et le télégraphe. Après la fin des traités inégaux en 1911, l'État japonais a commencé à introduire une série de réformes tarifaires destinées à protéger les industries naissantes, à rendre les matières premières importées plus abordables et à contrôler les importations de produits de consommation de luxe. Dans les années 1920, sous forte influence allemande[68], le Japon commença à encourager la «rationalisation» des industries clés en encourageant les fusions, qui visaient à restreindre la «concurrence inutile», à réaliser des économies d'échelle, à normaliser et à introduire la gestion scientifique[143].

Grâce aux barrières non tarifaires, le Japon poursuivit dans la période de l'après Seconde Guerre mondiale, une politique plus restrictive et protectionniste que les autres grandes puissances concernant les importations de biens manufacturés[24]. Le rythme de croissance industriel du Japon jusqu'au début des années 1970 fut alors sans précédent et beaucoup plus rapide que les autres pays développés. Selon les données de Maddison (1989, p. 35) entre 1950 et 1973, le PIB par habitant au Japon a augmenté à un rythme de 8 %, soit plus du double de la moyenne de 3,8 % atteinte par les seize pays développés.

L'excédent commercial en produits manufacturés du Japon fut multiplié par trente entre 1965 et 1990 en valeur courante et en douze en valeur constante. Entre 1965 et 1973, le total de l'excédent commercial japonais en produits manufacturés passa de 5.9 milliard de dollars à 23.4 milliards puis entre 1973 et 1990, il passa de 23.4 milliards de dollars à 176.2 milliards de dollars. À l'égard de l'Europe occidentale, les chiffres sont passés de 2.5 milliard à 31.6 milliards de dollars entre 1973 et 1990[24].

Le célèbre MITI (Ministère du Commerce International et de l'Industrie) a orchestré un programme de développement industriel qui est maintenant devenu une légende. Les droits de douane industriels du Japon n'étaient pas particulièrement élevés après la Seconde Guerre mondiale, mais les importations étaient étroitement contrôlées grâce au contrôle exercé par le gouvernement sur les devises étrangères. Les exportations ont été encouragées afin de maximiser l'offre de devises étrangères nécessaires pour acheter de meilleures technologies (soit en achetant des machines, soit en payant des licences technologiques). Il s'agissait de subventions directes et indirectes à l'exportation ainsi que d'une aide à l'information et à la commercialisation de la part de J E T R O (Japan External Trade Organisation) l'agence commerciale d'État[127].

Russie

La Russie a adopté plus de mesures commerciales protectionnistes en 2013 que tout autre pays, ce qui en fait le leader mondial du protectionnisme. À lui seul, il a introduit 20 % des mesures protectionnistes dans le monde et un tiers des mesures dans les pays du G20. Les politiques protectionnistes de la Russie comprennent des mesures tarifaires, des restrictions à l'importation, des mesures sanitaires et des subventions directes aux entreprises locales. Par exemple, l'État a soutenu plusieurs secteurs économiques tels que l'agriculture, l'espace, l'automobile, l'électronique, la chimie et l'énergie[144],[145].

Ces dernières années, la politique de substitution des importations par les droits de douane, c'est-à-dire le remplacement des produits importés par des produits nationaux, a été considérée comme un succès car elle a permis à la Russie d'accroître sa production intérieure et d'économiser plusieurs milliards de dollars. La Russie a réussi à réduire ses importations et à lancer une production intérieure émergente et de plus en plus performante dans presque tous les secteurs industriels. Les résultats les plus importants ont été obtenus dans les secteurs de l'agriculture et de la transformation alimentaire, de l'automobile, de la chimie, de la pharmacie, de l'aviation et de la marine[146].

A partir de 2014, des droits de douane ont été appliqués sur les produits importés dans le secteur alimentaire. La Russie a réduit ses importations alimentaires, tandis que la production intérieure a considérablement augmenté. Le coût des importations alimentaires est passé de 60 milliards de dollars en 2014 à 20 milliards de dollars en 2017 et le pays bénéficie d'une production céréalière record. La Russie a renforcé sa position sur le marché alimentaire mondial et est devenu autosuffisant sur le plan alimentaire. Dans le secteur de la pêche et des fruits et légumes, la production intérieure a fortement augmenté, les importations ont diminué et la balance commerciale (différence entre exportations et importations) s'est améliorée. Au deuxième trimestre de 2017, les exportations agricoles devraient dépasser les importations, faisant de la Russie un exportateur net pour la première fois[147],[148],[149].

Inde

A partir de 2017, dans le cadre de la promotion de son programme "Make in India" visant à stimuler et protéger l'industrie manufacturière nationale et à lutter contre les déficits de la balance courante, l'Inde a introduit des tarifs sur plusieurs produits électroniques et "articles non essentiels". Il s'agit d'articles importés de pays tels que la Chine et la Corée du Sud. Par exemple, le programme national d'énergie solaire de l'Inde favorise les producteurs nationaux en exigeant l'utilisation de cellules solaires de fabrication indienne[150],[151].

Pays industrialisés d'Asie de l'Est

Dans les succès économiques du Japon et d'autres pays d'Asie de l'Est, les politiques commerciales, industrielles et interventionnistes ont joué un rôle crucial. Les politiques (utilisées aussi par d'autres pays développés comme la France) au cours de l'après-guerre étaient beaucoup plus sophistiquées et affinées que leurs équivalents historiques. Ils ont utilisé des subventions à l'exportation plus substantielles et mieux conçues (directes et indirectes) et beaucoup moins de taxes à l'exportation que dans les expériences antérieures. Les rabais tarifaires pour les matières premières importées et les machines destinées aux industries d'exportation étaient beaucoup plus systématiquement utilisés que dans la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle, par exemple[135]. La coordination des investissements complémentaires, qui s'effectuait auparavant de manière plutôt aléatoire (voire pas du tout), a été systématisée par le biais d'une planification et de programmes d'investissement gouvernementaux[152]. Les États d'Asie de l'Est ont également intégré plus étroitement les politiques relatives au capital humain et à l'apprentissage, par le biais de la «planification de la main-d'œuvre»[153]. Les règlements sur les licences de technologie et les investissements étrangers directs étaient beaucoup plus sophistiqués et complets[154]. Les subventions à l'éducation, à la formation et à la R&D (et la prestation de services publics) étaient également beaucoup plus systématiques et plus étendues[155]

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Voir aussi

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