Langues celtiques

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Langues celtiques
Région Irlande, Écosse, Pays de Galles, Cornouailles, Bretagne, Île de Man ; historiquement, une grande partie de l'Europe centrale et occidentale
Classification par famille
Codes de langue
IETF cel
ISO 639-2 cel
ISO 639-5 cel
Linguasphere 50
Glottolog celt1248
Carte
Image illustrative de l’article Langues celtiques
Répartition actuelle des langues celtiques.
  • Parlées par une majorité.
  • Parlées par une minorité.

Les langues celtiques sont une branche de la famille des langues indo-européennes. Elles regroupent :

Après la reconnaissance en juillet 2002 du cornique comme langue minoritaire par les autorités du Royaume-Uni, la langue bretonne, parlée en France par 225 000 locuteurs[1], reste la seule langue celtique moderne à ne pas avoir de statut officiel dans sa zone culturelle.

Caractéristiques générales[modifier | modifier le code]

Les langues celtiques se caractérisent par un ensemble de mutations spécifiques à partir de l'indo-européen commun.

L'un des traits les plus caractéristiques est l’amuïssement du p à l'initiale et entre voyelles. Ainsi, l'indo-européen *ph₂tḗr « père » (> latin pater, anglais father) devient *ɸatīr en celtique commun, d'où vieil irlandais athair, athir > irlandais athair, gaulois *atir (nominatif), ater (vocatif) ou encore *pŗto- / *pértus « le gué » (> latin portus, anglais ford) devenant *ɸritus en celtique commun, d'où *rrɨd en brittonique (vieux breton rit; vieux cornique rid; vieux gallois rit > gallois rhyd), *rito- en gaulois comme dans l'ancien nom de Limoges, dont la dénomination gallo-romaine est Augustoritum « le gué d'Auguste » ou encore Chambord de *camborito-, le gué sur la courbe du fleuve[2]. Le b n'existant pas à date ancienne, le i.e. passe généralement à b comme dans le nom du bœuf, irlandais , breton buoc'h[2].

Les langues celtiques dans leur ensemble sont affectées par la modification phonétique qui porte le nom de lénition (affaiblissement des consonnes qui se trouvent entre deux voyelles). Ainsi, le mot irlandais beatha « vie » se prononce /ˈbʲahə/[2].

Celtique continental[modifier | modifier le code]

Carte de l'expansion celte à l'âge du fer : 1. Civilisation de Hallstatt et 2. Civilisation de La Tène

Les langues de ce groupe étaient parlées sur le continent européen. Toutes sont maintenant éteintes[3]. Le groupe comprenait :

  • le gaulois, langue bien attestée, autrefois parlé en Gaule et en Italie du Nord ;
  • le lépontique, langue bien attestée, parlé en Italie du Nord ;
  • le celtibère, langue bien attestée, autrefois parlé entre autres dans l'actuelle Aragon et en Castille-Léon avec une extension possible au nord ouest de la péninsule Ibérique, aucune langue celtique dont le gallaïque n'étant attesté dans ces régions, certains linguistes y incluent aussi le lusitain (attesté au Portugal et en Galice), bien que les travaux les plus récents l'exclue du groupe celtique ;
  • le galate, langue non attestée, autrefois parlé en Galatie (une région de la Turquie actuelle) (Jérôme de Stridon écrit: « Les Galates parlent la même langue que les Trévires ») ;
  • le norique, non attesté, la langue supposée du Norique (province romaine, à peu près l'Autriche d'aujourd'hui) et de la Slovénie ; bien que les preuves soient pratiquement inexistantes.

Celtique insulaire[modifier | modifier le code]

Les langues de ce groupe proviennent toutes de Grande-Bretagne et d'Irlande. On y distingue deux sous-groupes :

Groupe gaélique (ou goïdélique)[modifier | modifier le code]

Ces trois langues dérivent du vieil irlandais, un idiome littéraire important, parlé entre le VIIIe siècle et le Xe siècle).

Les pays celtiques modernes : nations ou territoires historiques possédant une langue celtique vivante : Bretagne, Cornouailles, Écosse, Galles, Irlande, Man.

On mentionne parfois le shelta (la langue des nomades irlandais) (Irish Travellers) comme une langue celtique, mais ce rattachement est impropre : en effet, s'il est exact que le vocabulaire de cette langue présente un fort fond issu de l'irlandais, la grammaire de cette langue est basée sur l'anglais ; ceci en fait plutôt une langue germanique à fort apport lexical gaélique.

Groupe brittonique[modifier | modifier le code]

Les langues brittoniques (terme créé au XIXe siècle) dérivent de la langue bretonne antique parlée dans l'île de Bretagne par les Bretons, dès avant la conquête romaine jusqu'à l'invasion saxonne, et de son éclatement en plusieurs dialectes, puis langues, un peu sur le modèle du latin et des langues romanes.

Les langues brittoniques sont généralement réduites à trois :

Il ne faut cependant pas oublier :

D'autres cas sont mentionnés par les spécialistes :

  • d'après une hypothèse de T. F. O'Rahilly, l'ivernique dans le Leinster en Irlande, parlé dans l’Antiquité ;
  • le gaulois, parfois classé aujourd'hui au sein d'un supra-groupe gallo-brittonique (Léon Fleuriot, Pierre-Yves Lambert) ;
  • le picte, si tant est qu'il n'existait qu'une seule langue picte, est considéré également par certains chercheurs (d'autres y voient une langue pré-celtique non indo-européenne) comme une langue brittonique, mais la question est encore très controversée[réf. nécessaire]. Les Gallois nomment d'ailleurs le picte Brithwr.

Taxinomie des langues celtiques[modifier | modifier le code]

Le schéma présenté ci-dessus[4] ne représente qu'une possibilité taxinomique. La division des langues celtiques modernes en deux catégories, gaélique et brittonique, est certaine. Mais un nombre de celticistes défend une hypothèse selon laquelle le brittonique et le gaulois constitueraient un groupe à part (les langues celtiques-P), laissant le celtibère et le gaélique dans un groupe celtique-Q. Cette notation est fallacieuse car la lettre Q n'existe ni en irlandais ni en gaélique écossais. Cette classification repose essentiellement sur le traitement du *kw hérité de l'indo-européen : en celtique-P ce phonème devient /p/, tandis qu'en celtique-Q demeure / kw/. On illustre cette différence par les mots pour « tête » : penn en breton, ceann en irlandais (où ‹ c › note /k/).

Les opposants à l'hypothèse du celtique insulaire répondent que l'évolution du kw en /p/ est assez superficielle et n'empêcherait pas en tout cas l'intercompréhension. Ils considèrent comme plus profondes les particularités du celtique insulaire : les prépositions fléchies, les mutations consonantiques ou encore l'ordre syntaxique VSO (voir plus bas). Un important substrat afro-asiatique (ibère, berbère) a aussi été proposé par John Morris-Jones pour expliquer l'évolution particulière du brittonique, ce qui a été appuyé par plusieurs autres linguistes connus (Julius Pokorny, Heinrich Wagner, et Orin Gensler). Shisha-Halevy et Theo Vennemann ont poursuivi avec d'autres travaux à ce sujet[réf. incomplète].

On a autrefois classé les langues celtiques avec les langues italiques dans une famille dite italo-celtique pour des raisons de proximité diverses (utilisation de désinences pronominales au sein des flexions nominales thématiques, par exemple). Cependant, cette taxonomie est maintenant contestée[5]. Il peut s'agir de coïncidences ou d'effets d'interférence linguistique.

Particularités des langues celtiques modernes[modifier | modifier le code]

Bien qu'il existe une diversité considérable au sein des langues celtiques, on note plusieurs traits communs dont l'association est très caractéristique des langues celtiques insulaires :

Par exemple, en irlandais :

  • Ná bac le mac an bhacaigh is ní bhacfaidh mac an bhacaigh leat[6].
  • Mot à mot : ne dérange avec fils le mendiant et ne dérangera fils le mendiant avec-toi.
  • Traduction : « Ne dérange pas le fils du mendiant et le fils du mendiant ne s’en prendra pas à toi. »

Notes :

  • bhacaigh /waki[g]/ (génitif de bacach) est le résultat de la lénition de bacaigh ;
  • leat est la deuxième personne au singulier de la préposition le ;
  • remarquer l'ordre VSO de la deuxième partie de la phrase, avec les particules négatives et .

« quatre-vingt-dix-neuf » :

  • Pedwar ar bymtheg ar bedwar hugain (gallois), mot à mot : quatre sur quinze sur quatre-vingts.
  • Naontek ha pevar-ugent (breton), mot à mot : dix-neuf et quatre-vingts.
  • Naoidéag ar cheithre fichid (irlandais), mot à mot : dix-neuf sur quatre-vingts

Notes :

  • remarquer le système vicésimal ;
  • bymtheg est la forme lénifiée de pymtheg, ainsi que bedwar pour pedwar.

Mots d'origine celtique en français, celtologie et reconstructionnisme linguistique[modifier | modifier le code]

Jean Markale, homme de lettres très controversé, sans publication scientifique, écrit qu'environ 1 200 mots celtiques sont connus, dont 200 se sont transmis au français[7]. Sont cités en tant qu'exemples : bief, if, bille, soc, ruche, claie, barque, chemin, lieue, lande, grève, roche, char, bec, jarret, briser, changer, border, petit et dru. Pierre-Yves Lambert donne à la fin de son ouvrage de référence[8] une liste de termes d'origine gauloise bien documentés, dont la présentation est plus scientifique. Xavier Delamarre présente des listes de mots gaulois qui ont une postérité dans la langue française[9]. Pierre Gastal présente dans son 2e ouvrage, p. 251-257[10], deux listes de près de 800 mots français d'origine gauloise, une liste alphabétique et une liste classée par racines. Jean-Paul Savignac présente lui aussi des mots gaulois dans un dictionnaire de langue gauloise issu des toponymies et textes anciens[11]. Jacques Lacroix, les recherches dans l'onomastique (composition des noms) et la toponymie[12]. Joseph Monard propose un Dictionnaire de Celtique Ancien, croisant les différentes recherches érudites avec les langues celtiques contemporaines, pour reconstituer un vocabulaire épais[13].

Personnalités[modifier | modifier le code]

Les linguistes spécialistes des langues celtiques sont appelés celtistes ou celtisants. Parmi les plus notables :


Universités proposant des cours de langues celtiques[modifier | modifier le code]

Europe[modifier | modifier le code]

Amérique du Nord[modifier | modifier le code]

Publications périodiques[modifier | modifier le code]

  • Revue Celtique, du Tome I, 1870 au Tome LI, 1934, Éditions Émile Bouillon puis Éditions Honoré Champion, Paris.
  • Études Celtiques, Tome I, 1936 - Tome XXXVI, 2008, continue de paraître : Éditions Les Belles Lettres puis Éditions du CNRS, Paris.
  • The Bulletin of the Board of Celtic Studies, est. 1921, Cardiff; merged with Studia Celtica in 1993.
  • Zeitschrift für celtische Philologie, gegr. 1897, Halle (Saale)/Tübingen .
  • Journal of Celtic Linguistics, gegr. 1992, Cardiff .
  • Celtica. Journal of the School of Celtic Studies, gegr. 1949 , Dublin.
  • The Bulletin of the Board of Celtic Studies, gegr. 1921, Cardiff; 1993 mit Studia Celtica zusammengeführt.
  • Studia Celtica, est. 1966, Cardiff.
  • Studia Celtica Japonica, est. 1988.
  • Ériu. Founded as the Journal of the School of Irish Learning, Dublin .
  • Studia Hibernica , Dublin.
  • Éigse , Dublin.
  • Cornish Studies, est. 1993, Tremough .
  • Proceedings of the Harvard Celtic Colloquium, Cambridge, MA .
  • Journal of Celtic Linguistics, est. 1992, Cardiff.
  • Cambrian Medieval Celtic Studies, est. 1993, Aberystwyth; formerly Cambridge Medieval Celtic Studies.
  • Keltische Forschungen, gegr. 2006, Vienne .
  • Hor Yezh, 1954, Lannion.
  • La Bretagne linguistique, 1985, Centre de recherche bretonne et celtique, Brest.

Mots communs avec les langues tchoukotko-kamtchatkiennes[modifier | modifier le code]

Les langues tchoukotko-kamtchatkiennes forment une famille de langues parlées en Sibérie. Jäger (2015) remarque quelques mots communs avec les langues celtiques, qui ne sont pas partagées avec les autres langues indo-européennes, ce qui indiquerait qu'il ne s'agit ni de cognats, ni d'emprunts. Or, selon lui, les langues indo-européennes et tchoukotko-kamtchatkiennes ne formeraient pas un clade, les ressemblances seraient plutôt fortuites[14].

Mots communs en celtique et en tchoukotko-kamtchatkien
français langue celtique langue kamtchoukotique mot celtique mot kamtchoukotique
peau breton koriak korxEn x3lx3n
alioutor kroxEn x3lx3n
mannois krax3n
tchouktche krax3n x3Lx3n
koriak krax3n x3lx3n
roche irlandais itelmène septentrional klox kox
gallois karEg
mannois klax
écossais klax
chemin mannois tchouktche red ret
pou écossais alioutor mi3l m3m3ll3
tchouktche m3m3l
koriak m3m3l
itelmène méridional m3lm3l
itelmène septentrional m3lm3l

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Situation sociolinguistique - Office Public de la Langue Bretonne », (chiffres de 2018), sur www.fr.brezhoneg.bzh (consulté le )
  2. a b et c André Martinet, Des steppes aux océans : l'indo-européen et les indo-européens, Paris, Payot, 1986, p. 94-99
  3. Hervé Abalain, Histoire des langues celtiques, Jean-Paul Gisserot, , 127 p. (lire en ligne)
  4. (en) Peter Forster et Alfred Toth, « Toward a phylogenetic chronology of ancient Gaulish, Celtic, and Indo-European », Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, vol. 100, no 15,‎ , p. 9079–9084 (PMID 12837934, DOI 10.1073/pnas.1331158100).
  5. Pierre-Yves Lambert, La langue gauloise, Éditions errance 1994. p. 13.
  6. Cette phrase est aussi un virelangue.
  7. La Femme celte, p. 37
  8. Op. cité. p. 186 à 200.
  9. Dictionnaire de la langue gauloise, Éditions errance 2003.
  10. Nos racines celtiques, Désiris 2013.
  11. Dictionnaire français-gaulois, La Différence
  12. Les noms d'origine gauloise. La Gaule des activités économiques. Paris, Errance, 2005
  13. Joseph Monard, Dictionnaire de Celtique Ancien, 2000 et 2001, 324 p. (ISBN 0-906590-56-6)
  14. (en) Gerhard Jäger, Support for linguistic macrofamilies from weighted sequence alignment, PNAS, (DOI 10.1073/pnas.1500331112, lire en ligne Accès libre)

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Franz Bopp, Grammaire comparée des langues indo-européennes traduction de Michel Jules Alfred Bréal de l'École pratique des hautes études et du Collège de France (de 1866 à 1905), membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, quatre tomes in-quarto, Paris, Imprimerie impériale et Imprimerie nationale, 1866-1874.
  • (en) Robert D. Borsley & Ian Roberts (ed.), The Syntax of the Celtic Languages: A Comparative Perspective. Cambridge: Cambridge University Press, 1996 (ISBN 0521481600).
  • (en) R. Gray et Q. Atkinson, « Language-tree divergence times support the Anatolian theory of Indo-European origin », dans la revue Nature du .
  • (en) Ranko Matasovic, Etymological Dictionary of Proto-Celtic, Series: Leiden Indo-European Etymological Dictionary Series, Volume: 9, 2008, (ISBN 978-90-04-17336-1)
  • Henriette Walter, « L'Aventure des mots français venus d'ailleurs », Livre de Poche, Paris, 1999.
  • Henriette Walter, « L'aventure des langues en Occident », Livre de Poche, Paris, 1996.
  • (en) Martin J. Ball et James Fife, The Celtic Languages, Londres, New York, Martin J. Ball et James Fife, coll. « Routledge Language Family Descriptions », (réimpr. 2005), XI-682 p., broché (ISBN 978-0-415-28080-8, LCCN 91038316, lire en ligne)
  • I. C. Zeuss, Grammatica celtica e monumentis vetustis tam Hibernicae linguae quam Britannicarum dialectorum Cambriacae Cornicae Aremoricae comparatis Gallicae priscae reliquis construxit I. C. Zeuss, Phil. Dr. Hist. Prof., editio altera curavit. H. Ebel, .Ph.Dr., Acad. Reg. Hib. Soc. Hon., Acad. Reg. Boruss. Adi. Comm. Epist. Berolini, Apud Weidmannos MDCCCLXXI (1871).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]