Grèce antique

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Carte de la Grèce antique au Ve siècle av. J.-C.

L'expression « Grèce antique » renvoie à la civilisation des peuples de langue et de culture grecques durant l'Antiquité. On entend parfois plus précisément par Grèce antique la Grèce classique, en particulier l'Athènes du Ve siècle av. J.-C., celle de Périclès et de la tragédie, et celle du IVe siècle av. J.-C., de Platon et d'Aristote. Toutefois, la culture grecque s'est développée plus tôt : les épopées de l’Iliade et de l’Odyssée remontent sans doute au VIIIe siècle av. J.-C. Elle a aussi conservé un réel dynamisme au cours des siècles suivants, pendant lesquels elle s'est étendue dans de nombreuses autres régions. En Orient, après les conquêtes d'Alexandre le Grand, la culture grecque s'est mêlée aux cultures antérieures pour donner naissance à la civilisation hellénistique. Dans le bassin méditerranéen, la culture grecque a joué un rôle décisif, notamment du fait de l'influence qu'elle eut à Rome, où le grec devint la langue du savoir utilisée par les élites, et de l'influence qu'elle exerça dans le monde arabo-musulman, qui traduisit en arabe de nombreux traités grecs. C'est ainsi que certaines productions politiques et culturelles du monde grec ont eu un rôle majeur dans le développement de la civilisation occidentale.

Les chercheurs estiment souvent que les Grecs sont à l'origine d'une nouvelle manière d'appréhender le monde, affranchissant la pensée des dogmes religieux[1]. Contrairement aux grandes religions monothéistes, la religion grecque est avant tout basée sur l'orthopraxie - il est en ce sens impossible de parler de dogme - et met l'homme au cœur de ses réflexions[2].

On considère les Grecs comme les fondateurs de la philosophie (les présocratiques, Socrate, Platon, Aristote, etc.). Inventeurs de la logique, ils peuvent être considérés comme des précurseurs de l'investigation scientifique (physique, mathématiques, astronomie)[3]. La littérature grecque eut sans doute longtemps moins d'influence que celle de ses imitateurs romains. L'art grec reste considéré comme un modèle de l'équilibre classique.

Comme ailleurs dans l’Antiquité, l’esclavage fournit à l’économie du monde grec antique une force de travail indispensable. Aristote[4] décrivait l’esclavage comme la « pierre angulaire » du fonctionnement de la société grecque[5], en raison de son importance dans le fonctionnement économique. Aristote a admis dans le Politique que les esclaves disparaîtront lorsque les machines deviendront autonomes, et dénonce le système spartiate des hilotes comme défaillant. Platon condamnait l'esclavage comme une pratique déshonorante pour un Grec, sans remettre en cause le principe économique de l'esclavagisme.

Histoire

L'histoire de la Grèce avant le VIIIe siècle av. J.-C. est assez mal connue. La civilisation mycénienne a duré de -1650 à -1100 environ, elle est fortement influencée par la Crète minoenne. Les raisons de sa disparition sont sujettes à controverse. Les chercheurs croyant à l'historicité de la guerre de Troie la situent pendant cette période. Les temps qui suivent, aussi mal connus, sont parfois appelés siècles obscurs. Des changements culturels importants semblent s'y être déroulés.

Époque archaïque

Alphabet grec antique peint sur la panse d'une coupe attique à figures noires.

Au VIIIe siècle av. J.-C., la Grèce commence à émerger de la période sombre qui suit la chute de la civilisation mycénienne. L'écriture et les écrits mycéniens en général sont perdus et oubliés mais les Grecs adoptent l'alphabet phénicien tout en le modifiant, ce qui deviendra l'alphabet grec. Au IXe siècle av. J.-C., les premiers textes proprement grecs apparaissent. Le pays est alors divisé en une multitude de petites communautés indépendantes, situation imposée par la géographie grecque, où chaque île, vallée ou plaine est totalement coupée de ses voisins par la mer ou les montagnes.

Il semble qu'à partir du VIIIe siècle av. J.-C. apparaissent les cités, de petits territoires indépendants et politiquement structurés. La population augmente fortement et des colonies grecques sont fondées, dans les îles de la mer Égée et en Asie mineure, puis dans d'autres régions méditerranéennes. Les grands penseurs vivent souvent outre-mer : Thalès et Xénophane vivent en Asie ; Pythagore fonde une école en Italie du Sud. C'est la naissance de la Grande Grèce.

La guerre lélantine (de -710 à -650) fut un long conflit entre cités grecques qui présente la particularité d'être l'un des premiers affrontements de la Grèce antique documenté. Cette guerre voit s'affronter les cités-état de Chalcis et d’Érétria à propos de la Lélantine, plaine fertile de l’Eubée.

Une classe marchande se développe dans la première moitié du VIIe siècle av. J.-C. comme le démontre l'apparition de monnaies grecques vers -680, ce qui ne manque pas de susciter des tensions entre les villes. Les classes aristocratiques qui gouvernent les cités sont menacées par cette nouvelle bourgeoisie de marchands qui souhaite se lancer dans la politique. À partir de -650, cette même classe aristocratique doit lutter afin de ne pas être renversée par des tyrans populistes. Le mot tyran étant d'ailleurs lui-même issu du grec τύραννος (tyrannos) signifiant « dirigeant illégitime » indifféremment qu'il soit bon ou mauvais.

Époque classique

Au début du Ve siècle av. J.-C., les Grecs parviennent à repousser les troupes de l'immense Empire perse lors des guerres médiques. La bataille de Salamine (480 av. J.C.) pose les bases de l'hégémonie de la cité d'Athènes en mer Égée. La Grèce connaît alors un « âge d'or ». Certains penseurs, Parménide, Empédocle, Leucippe inaugurent de nouvelles manières d'envisager le monde. Athènes, où une démocratie s'est mise en place, occupe une place prépondérante sur les plans politique et artistique. La tragédie s'y développe. Socrate ne quitte presque jamais la ville.

Après la guerre du Péloponnèse (de -431 à -404), les cités grecques sont affaiblies, mais la vie intellectuelle reste vivace (Platon, Aristote).

Vers -338, la Macédoine domine la Grèce. Entre -336 et -323, son roi, Alexandre le Grand, conquiert un immense empire.

Époque hellénistique

Carte de la Macédoine et du monde égéen vers 200 av. J.-C.

À la mort d'Alexandre le Grand, son empire est partagé entre ses anciens généraux ou diadoques : Ptolémée, Séleucos, Lysimaque, Antigone le Borgne, qui règnent en souverains absolus sur de vastes régions.

Les Antigonides conservent la Macédoine. Les Séleucides règnent en Asie, sur l'ancien Empire perse. On ressent des influences grecques jusque dans les sculptures bouddhiques d'Afghanistan. Les Ptolémées, qui dominèrent l'Égypte, nous sont toutefois mieux connus. Alexandrie y est un haut lieu du savoir. En Grèce même, de nouvelles philosophies se développent : l'épicurisme et le stoïcisme.

Époque romaine

La situation politique est assez difficile et, au IIe siècle av. J.-C., la Grèce passe sous domination romaine. La Grèce reste un centre culturel mais perd en créativité.

Économie

L'économie de la Grèce antique se caractérise par une forte prédominance de l’agriculture, d’autant plus importante que les sols grecs sont peu fertiles. Cette sténochôria provoque la création de colonies, qui procurent des matières premières. Plus qu'une source de subsistance, l’agriculture façonne une partie des représentations et des rapports sociaux : la majorité de la population du monde grec est rurale et la propriété foncière représente un idéal. L’artisanat et le commerce (principalement maritime) se développent à partir du VIe siècle av. J.-C. dans les cités. Cependant, les Grecs éprouvent une grande répugnance pour le travail rétribué, et en particulier le travail manuel : la politique est la seule activité réellement digne du citoyen, le reste devant être autant que possible abandonné aux esclaves.

Culture

Religion

La religion grecque antique a pour particularité de n'avoir ni textes sacrés, ni dogme, ni Église : elle est polythéiste. Elle accorde une grande importance aux rites et peu à la dévotion personnelle. Les différents cultes peuvent être distingués en trois grandes catégories : cultes publics, rassemblant la communauté des citoyens d'une cité, cultes privés, appartenant à la sphère domestique, cultes à mystères, qui seuls promettent aux initiés une vie heureuse et un au-delà.

Le panthéon grec comporte douze divinités principales (dites « olympiennes »), dont les plus importantes sont exprimées par trois figures ayant le monde en partage : Zeus, dieu de la foudre, régnant sur le Ciel, Poséidon, dieu des mers, des océans et des séismes et enfin Hadès, maître du monde des Enfers. Il existait cependant de nombreuses autres divinités, appelées parfois « divinités mineures », auxquelles on accordait plus ou moins d'importance selon la situation, l'époque de l'année, le lieu...

Arts

Ruines de la Tholos à Delphes remontée partiellement en 1938.

L'art grec est l'aspect le plus immédiatement sensible de la Grèce antique : il a influencé l'art romain, celui de la Renaissance et une grande partie de l'art moderne et contemporain d'Occident. Ses monuments sont admirés par les touristes en Grèce même, ainsi que sur les sites des colonies grecques de Grande Grèce et d'Asie mineure ; ses sculptures et ses vases occupent souvent une place de choix dans les musées et les collections privées. Le Parthénon et son décor sculpté, l'aurige de Delphes, le groupe du Laocoon et la Victoire de Samothrace figurent parmi les œuvres d'art les plus connues dans le monde.

Pour autant, l'œuvre d'art grecque est souvent mal comprise. Elle est admirée aujourd'hui pour le plaisir esthétique qu'elle procure, alors que sa fin première est pratique ou religieuse. Les ruines de monuments se trouvent dans des endroits isolés, ou sont incorporées dans des villes modernes, alors que les bâtiments grecs se trouvaient naturellement intégrés à tout un ensemble de bâtiments environnants. La peinture murale, l'une des principales formes d'expression de l'art grec, a presque totalement disparu, alors que la sculpture grecque nous est parvenue principalement sous la forme de copies ou variantes romaines, pour lesquelles il est difficile de départager le génie de l'auteur original de celui du copiste-adaptateur. Il est donc important de replacer l'art grec dans son contexte et de restituer ses origines, évolutions et influences.

Sciences

Les Grecs ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des sciences. Ils ont notamment fait progresser les mathématiques, trigonométrie, géométrie (avec Pythagore), la physique (avec Aristote et Archimède), la chimie, l’astronomie et la géographie (avec Ptolémée), la météorologie, la zoologie (classification du règne animal par Aristote), la botanique (avec Théophraste et Dioscoride), la médecine (avec Hippocrate), l’anatomie et la physiologie.

Ces sciences atteindront un niveau qui ne sera dépassé qu’à la Renaissance. Les sciences physiques notamment sont longtemps restées basées sur des fondements aristotéliciens, qui n'ont commencé à être abandonnés qu'au XVIIe siècle avec la naissance de la physique classique.

Société

Bisexualité

On sait que les Grecs anciens, du moins les hommes, avaient un mode de vie bisexuel : s'ils se mariaient afin d'assurer la descendance, ils passaient aussi par une éducation de nature pédéraste durant l'adolescence, qui les liait sexuellement à un homme légèrement plus âgé, avant qu'eux-mêmes, une fois devenus citoyens, ne deviennent les amants et formateurs d'autres jeunes gens[6]. Par exemple, les sources d'époque présentent la vie amoureuse d'Alcibiade ainsi : « lorsqu'il était jeune, il détournait les hommes de leurs épouses, et lorsqu'il était plus âgé, il détournait les femmes de leurs maris »[7].

Place des femmes

Comme dans toutes les sociétés, la condition de la femme dans la Grèce antique diffère selon les époques et même les cités. À l'époque minoenne[8], elles jouent un rôle important dans la société et semblent l'avoir conservé à l'époque homérique[9]. Au VIe siècle av. J.-C., à Lesbos, la poétesse Sappho dirige un institut d'éducation pour jeunes filles de haute naissance où elles peuvent s'adonner à des exercices physiques, court vêtues et montrant leurs cuisses. Sur ce point du moins, Sparte était plus tolérante qu'Athènes et la relative liberté des femmes ne manquait pas de scandaliser les Athéniens comme Euripide ou Platon :« En dehors des maisons, avec les jeunes gens / Allant les jambes nues et la robe flottant[10] » Aristote définissant la citoyenneté comme la possibilité de participer au pouvoir politique, la femme en est donc la plus éloignée : elle ne peut jamais devenir citoyenne. Confinée à la maison, la jeune Athénienne apprend principalement les travaux ménagers : cuisine, traitement de la laine et tissage, peut-être aussi quelques rudiments de lecture, de calcul et de musique. Ses rares occasions de sortir sont certaines fêtes religieuses où elles assistent aux sacrifices et participent aux processions. Si elles apprennent à danser et à chanter pour participer aux chœurs religieux, les chœurs de jeunes filles restent séparés de ceux des jeunes hommes.

Le mariage, arrangé par le père ou le tuteur légal, ne la délivre en rien de son confinement. Elle aura juste toute autorité sur sa maison et les esclaves pour lesquels elle est la despoïna. Le seul but du mariage est la procréation. La plupart des Athéniens se marient par convenance religieuse et sociale plus que par goût. À Sparte, le célibataire endurci est puni par la loi.

Il convient cependant de distinguer les différentes classes sociales. Les Athéniens pauvres et ne disposant que d'un logement exigu laissaient plus facilement sortir leur femme, souvent contraintes de travailler au dehors, notamment comme revendeuses sur les marchés, pour subvenir aux besoins de la famille[11].

Notes et références

  1. Pierre Vernant, Du mythe à la raison. La formation de la pensée positive dans la Grèce archaïque, Persée, Annales Année 1957 12-2 pp. 183-206.
  2. André Bernand, Les Grecs devant leurs dieux dans l'Antiquité, Clio, 2001.
  3. Jean-Baptiste Gourinat, « La logique : une création de la Grèce antique », Pour la science, no 49,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Politique, livre I
  5. Le Politique
  6. L’hermaphrodite et la bisexualité à l’épreuve du droit dans l’antiquité, Eva Cantarella, (Université de Milan), Cairn.info
  7. (en) Diogenes Laerticius, Lives and Opinions of Eminent Philosophers, trans C.D. Younge (London: George Bell and Sons, 1891), p. 72, Michel Foucault, History of Sexuality, vol 2: The Uses of pleasure, trans Robert Hurley (New York, Viking Press, 1985) ; repris dans Bisexuality and the Eroticism of Everyday Life, de Marjorie Garber, Routeledge, 2000
  8. G. Glotz, La civilisation égéenne, p. 166-170. Cité par Robert Flacelière, La vie quotidienne en Grèce, p. 82
  9. E. Mireaux, La vie quotidienne au temps d'Homère, p. 204-227. Cité par Robert Flacelière, op. cit., p. 83
  10. Platon, Criton, p. 50, a-b
  11. Robert Flacelière, La vie quotidienne en Grèce, Paris, Librairie générale française, coll. « Le Livre de Poche » (no 5806), , 415 p. (ISBN 2-253-03207-7), p. 82-117

Voir aussi

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Bibliographie

  • Alain Billault, Les 100 mots de la Grèce antique, collection « Que sais-je ? », Paris, PUF, 2012 (ISBN 978-2-13-059105-4).
  • Marie-Claire Amouretti et Françoise Ruzé, Le Monde grec antique, Hachette, collection « U », Paris, 2003 (ISBN 2-01-145541-3).
  • Anne-Marie Buttin, La Grèce classique, Belles Lettres, collection « Guide des civilisations », Paris, 2000 (ISBN 2-251-41012-0).
  • Jean Hatzfeld, Histoire de la Grèce ancienne, Paris, 1926.
    • 3e éd., revue et corrigée par André Aymard, Paris, Payot, 1950.
    • rééd. coll. « Petite Bibliothèque Payot », 1962, 1995, 2002.
  • Pierre Lévêque, L'Aventure grecque, Livre de Poche, collection « Références », Paris, 1997 (1re édition 1977) (ISBN 2-253-90449-X).
  • Robert Morkot, Atlas de la Grèce antique, Autrement, coll. « Atlas/Mémoires », Paris, 1999 (ISBN 2862607649).
  • Philippe Jockey, La Grèce antique, Paris, Le Cavalier Bleu éditions, « Idées reçues », 2005, 125 pages, (ISBN 2 -84670-118-0).
  • Brigitte Le Guen (dir.), Maria Cecilia d'Ercole, Julien Zurbach, Naissance de la grèce. De Minos à Solon, 3200 à 510 avant notre ère, Belin, 2019, 688 p.
  • Prophéties et oracles, t. I : Dans le Proche-Orient ancien, t. II : En Égypte et en Grèce, Cerf, 1994, 132 et 116 p.
  • Moses I. Finley (traduit de l'anglais par Monique Alexandre, bibliographie de Pierre Vidal-Naquet, Claude Mossé et Annie Schnapp-Gourbeillon), Les Anciens Grecs. Une introduction à leur vie et à leur pensée, Paris, Seuil, coll.« Points Essais », 1993 (ISBN 2-02-013663-5).
  • Laurianne Martinez-Sève, Nicolas Richer, Grand Atlas de l'Antiquité grecque, Éditions Autrement, Paris, 2019.
Revues scientifiques

Articles connexes

Liens externes