Voir la source de Georg Friedrich Haendel

=== 1706-1710 : Séjour en Italie ===
Les conditions et le trajet du voyage qui le mène en Italie ne sont pas connues (Mattheson indique qu'il aurait accompagné un certain von Binitz{{sfn|Gallois|1980|p=20}}). Quant au séjour italien lui-même, qui doit durer trois ans et qui est décisif dans l'évolution de son style et de sa carrière, les informations dont on dispose sont imprécises et lacunaires ; elles prêtent à de nombreuses interprétations ou suppositions contradictoires. 
[[Image:Niccolò Cassani, Gran Principe Ferdinando (1687, vasari corridor Uffizi).jpg|vignette|upright|gauche|alt=peinture : Ferdinand III|Ferdinand de Médicis, grand-prince de Florence<br/>Tableau de Niccolò Cassani<br/>Galerie des Offices, Florence]]
[[Image:Pietro Ottoboni by Francesco Trevisani.jpg|vignette|upright|alt=peinture : cardinal Ottoboni|Le cardinal Pietro Ottoboni, portrait par [[Francesco Trevisani]]<br/>The [[Bowes Museum]], [[Barnard Castle]], [[Durham (comté)|Comté de Durham]]]]
Il est probable – c'est ce qu'affirme Mainwaring – que sa première étape soit [[Florence]] où il arrive à l'automne 1706{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=16}}. Une certaine déception est peut-être au rendez-vous, car le prince régnant, [[Cosme III de Médicis|Cosme III]], est de caractère austère et ne s'intéresse ni à l'art en général, ni à la musique en particulier ; quant au soutien obtenu du prince héritier [[Ferdinand III de Médicis|Ferdinand]], il reste mesuré. Haendel y fait cependant des rencontres intéressantes, comme celle d'[[Alessandro Scarlatti]], alors présent au service de Ferdinand, et, peut-être, de [[Giacomo Antonio Perti]] : il entend probablement des opéras de ces deux compositeurs représentés au théâtre privé de [[Villa di Pratolino|Pratolino]], comme ''Il gran Tamerlano'' de Scarlatti, ou ''Dionisio re di Portogallo'' de Perti{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=16}}. À Florence il fait aussi très certainement connaissance d'[[Antonio Salvi]], médecin et poète à la cour grand-ducale, dont il utilisera plus tard plusieurs livrets d'opéras. Datant de 1707, [[Rodrigo (Haendel)|Rodrigo]] est le premier opéra de Haendel écrit pour la scène italienne, représenté probablement en {{date-|novembre 1707}} au ''[[Teatro Niccolini|Teatro Cocomero]]'' à la suite d'une commande de Ferdinand de Médicis, qui récompense Haendel en lui donnant 100 sequins et un service de porcelaine.

Ce dernier y aurait aussi gagné les faveurs de la prima donna Vittoria Tarquini — l'une des seules liaisons féminines de Haendel rapportées par la tradition{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=16}}. Il fera, semble-t-il, chaque année qui suit, d'autres séjours assez prolongés à Florence{{sfn|Dean|Hicks|1987|p=79}}.
[[Image:Pipe organ San Giovanni in Laterano 2006-09-07.jpg|vignette|upright|alt=photo : orgue de Saint-Jean-de-Latran|L'orgue de [[Basilique Saint-Jean-de-Latran|Saint-Jean-de-Latran]].]]
C'est à [[Rome]] que, probablement il passe la plus grande partie de son séjour en Italie, entrecoupé de voyages attestés ou probables à Naples, Venise, Florence... Il arrive à Rome en {{date-|janvier 1707}} comme en témoigne le journal d'un bourgeois de cette ville, en date du {{date-|14 janvier}} :

{{Citation bloc|Un Allemand vient d'arriver dans la ville, qui est un excellent joueur de clavecin et un compositeur. Aujourd'hui, il a fait montre de son talent en jouant de l'orgue à [[Basilique Saint-Jean-de-Latran|Saint-Jean-de-Latran]] à l'admiration de chacun{{sfn|Labie|1980|p=34}}.}}

Bien que luthérien, Haendel ne tarde pas à avoir ses entrées auprès de personnalités influentes de la cité papale, notamment le marquis [[Francesco Maria Marescotti Ruspoli|Francesco Ruspoli]] et au moins trois cardinaux : [[Benedetto Pamphilj|Benedetto Pamphili]], [[Carlo Colonna]] et [[Pietro Ottoboni (1667-1740)|Pietro Ottoboni]], fastueux mécène{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=17}}. Au palais de ce dernier, comme dans le milieu prestigieux des lettrés de l'[[Académie d'Arcadie]] dont font partie certains de ses protecteurs, il fréquente de nombreux artistes et musiciens, parmi lesquels [[Arcangelo Corelli]], [[Antonio Caldara]], [[Alessandro Scarlatti]] et son fils [[Domenico Scarlatti|Domenico]], [[Bernardo Pasquini]], probablement [[Agostino Steffani]]{{sfn|Dean|Hicks|1987|p=81}} ; son talent est apprécié et lui ouvre toutes les portes.

C'est au palais d'Ottoboni, à une date indéterminée, qu'il participe à une joute musicale l'opposant à [[Domenico Scarlatti]], claveciniste éblouissant, qui a le même âge que lui. Si les deux musiciens sont jugés, peut-être, égaux au [[clavecin]], Scarlatti lui-même reconnaît la supériorité de Haendel à l'orgue. Mais les deux jeunes gens resteront liés par une amitié et une considération mutuelle indéfectibles{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=19}}. Dès avant {{date-|mai 1707}}, il compose son premier oratorio, sur un livret du cardinal [[Benedetto Pamphilj|Pamphili]] : ''[[The Triumph of Time and Truth#Il trionfo del Tempo e del Disinganno, HWV 46a|Il trionfo del Tempo e del Disinganno]]''. Il est accueilli et engagé, de façon intermittente et assez informelle, par le marquis Ruspoli, qui le loge, pour composer des cantates séculières interprétées dans ses résidences de campagne de Cerveteri et de Vignanello. Il y fait la connaissance de chanteurs et musiciens qu'il retrouvera plus tard à Londres, notamment la soprano [[Margherita Durastanti]]{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=17}}.

Le séjour romain est extrêmement fécond. Haendel compose de la musique religieuse : les psaumes ''[[Dixit Dominus (Haendel)|Dixit Dominus]]'' ({{date-|avril 1707}}), son premier grand chef-d'œuvre{{sfn|Gallois|1980|p=23}}, ''Laudate Pueri Dominum'', et ''Nisi Dominus'' ({{date-|juillet 1707}}). On lui suggère d'ailleurs de passer au catholicisme, invitation qu'il décline avec politesse et fermeté{{sfn|Labie|1980|p=35}}. Pour Ruspoli, il compose un grand oratorio dramatique, également considéré comme un de ses premiers chefs-d'œuvre, ''[[La Resurrezione]]'', sur un livret de [[Carlo Sigismondo Capece]]. L'œuvre représentée les 8 et {{date-|9 avril 1708}} dans un théâtre spécialement aménagé dans le palais du commanditaire est interprétée sous la direction de Corelli avec la participation de la Durastanti ; le succès est exceptionnel. Pour ses protecteurs ou les séances de l'Académie d'Arcadie, il compose un nombre considérable de cantates profanes (150 au dire de Mainwaring, et il en subsiste près de 120) ainsi que des sonates et autres musiques{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=19}}. Pas d'opéra, cependant : ce genre est en effet prohibé à Rome depuis des années, par décision du pape [[Innocent XII]]{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=20}}.
[[Image:VincenzoGrimani.JPG|vignette|upright|gauche|alt=cardinal Grimani|<center>Le cardinal [[Vincenzo Grimani]], librettiste d'[[Agrippina]]</center>]]
Les bruits de guerre qui se rapprochent de Rome<ref group=alpha>Il s'agit de la [[guerre de Succession d'Espagne]].</ref> sont peut-être la cause d'un séjour prolongé<ref group=alpha>les avis divergent sur la durée de ce séjour : [[Romain Rolland]] et d'autres parlent de près d'un an, Winton Dean de quelques semaines.</ref> à Naples à partir de mai ou {{date-|juin 1708}}{{sfn|Rolland|2005|p=68}}. L'aristocratie locale le reçoit avec empressement et lui prodigue une fastueuse hospitalité{{sfn|Labie|1980|p=37}}. Il compose notamment, pour un mariage ducal, la ''serenata'' à caractère festif ''[[Aci, Galatea e Polifemo]]''{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=18}} ; il est aussi introduit auprès du vice-roi de Naples, le cardinal [[Vincenzo Grimani]], prélat, lettré et diplomate issu d'une grande famille vénitienne propriétaire dans la Cité des Doges du [[Teatro Malibran|Teatro San Giovanni Grisostomo]] : ce dernier va composer pour lui le livret d'un opéra qu'il pourra donc représenter à Venise{{sfn|Gallois|1980|p=33}}. À Naples se noue aussi, peut-être, une idylle avec une énigmatique « Donna Laura »{{sfn|Gallois|1980|p=33}}.

Peut-être est-il venu plusieurs fois à Venise : ce serait là qu'il aurait fait la connaissance de [[Domenico Scarlatti]] ainsi que de plusieurs musiciens de renom animant la vie musicale exceptionnelle de la cité, notamment [[Antonio Lotti]], [[Francesco Gasparini]], [[Tomaso Albinoni]], peut-être [[Antonio Vivaldi]]{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=19}} et de plusieurs personnages influents tels le prince [[Ernest-Auguste de Brunswick-Lunebourg|Ernest-Auguste de Hanovre]] et le baron von Kielmansegg qui joueront un rôle important dans sa carrière{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=22}}.

En tous les cas, c'est le {{date|26 décembre 1709|en musique classique}} qu'il assiste à la première de son opéra ''[[Agrippina]]'' sur le livret que lui a écrit le cardinal [[Vincenzo Grimani|Grimani]] et dans le ''[[Teatro Malibran|Teatro San Giovanni Grisostomo]]'' que celui-ci met à disposition{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=19}}. L'œuvre, représentée dans une distribution éclatante, recueille un succès immédiat et phénoménal au cours de 27 soirées – chiffre considérable à cette époque{{sfn|Gallois|1980|p=35}}.

[[Fichier:Handel quando jovem.jpg|vignette|upright|Portait possible du jeune Haendel, vers 1710, lors de sa période italienne (miniature attribué à Jakob Christoph Platzer).]]
Le public enthousiaste fait un triomphe au ''{{lang|it|caro Sassone}}'' (« Cher Saxon ») qui s'apprête maintenant à quitter l'Italie.

En effet, la renommée qu'il a acquise dans la péninsule, et particulièrement à Venise, que visitent tant de princes ou souverains étrangers attirés par son exceptionnelle animation culturelle, lui a certainement apporté des propositions intéressantes d'engagement à des postes prestigieux et notamment de l'[[George Ier (roi de Grande-Bretagne)|Électeur de Hanovre]], sur la recommandation d'[[Agostino Steffani]] sans doute appuyée par le prince Ernst-August et le baron von Kielmansegg qui ont assisté au triomphe d’''Agrippina''{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=22}} ; peut-être encore de l'[[Jean-Guillaume de Neubourg-Wittelsbach|Électeur Palatin]] et de son épouse (une sœur de Ferdinand de Medicis), tous deux grands amateurs de musique{{sfn|Gallois|1980|p=38}}. Probablement aussi le [[Charles Montagu (1er comte d'Halifax)|comte de Manchester]], ambassadeur de Grande-Bretagne, lui a-t-il évoqué toutes les opportunités qui pourraient s'offrir à Londres, ville devenue alors la plus peuplée d'Europe{{sfn|Labie|1980|p=39}}. Il quitte l'Italie en {{date-|février 1710}}, passe par Innsbruck où il décline une offre du [[Charles III Philippe du Palatinat|gouverneur du Tyrol]] et revient en Allemagne{{sfn|Dean|Hicks|1985|p=22}}.

Le séjour en Italie est donc déterminant à de nombreux titres : il a pu s'imprégner, à la source, de la musique italienne, de son environnement et de sa pratique, côtoyer et se mesurer aux musiciens les plus célèbres, lier connaissance avec nombre de chanteurs et chanteuses qu'il retrouvera plus tard, se constituer un vaste répertoire (vocal particulièrement) dans lequel il ne manquera pas de puiser par la suite et se faire une renommée auprès de grands personnages, mécènes potentiels influents{{sfn|Gallois|1980|p=37}}.