Dictature

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 12 mai 2020 à 18:40 et modifiée en dernier par Lomita (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Selon le Trésor de la langue française, une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu'aucune loi ou institution ne le(s) limite(nt)[1] ; il faut préciser que même un régime autoritaire peut avoir des lois, des institutions, voire un parlement avec des députés élus, mais pas librement et ne représentant donc pas des contre-pouvoirs. Ce régime politique a fréquemment été violemment critiqué ; ainsi, Hannah Arendt affirme que les lois qu'il promulgue sont éthiquement illégitimes, et que les institutions y sont factices[2].

Affiche de propagande el generalísimo de l'Union générale des travailleurs lors de la guerre d'Espagne, montrant un Franco soutenu par les puissances de l'Axe, suivi d'un général, d'un capitaliste et d'un prêtre.

L'origine du terme remonte à la Rome antique, où la dictature était un état de la République romaine où un magistrat (le dictateur) se voyait confier de manière temporaire et légale les pleins pouvoirs en cas de troubles graves.

Étymologie et historique

Le terme vient du latin dictatura, qui désignait, à l'époque de la République romaine, une magistrature exceptionnelle qui attribuait tous les pouvoirs à un seul homme (le dictateur – étymologiquement « celui qui parle »). Cette magistrature suprême, assortie de règles de désignation précises et temporaires (six mois maximum), était accordée en cas de danger grave contre la République. Tombée en désuétude à la fin du IIIe siècle av. J.-C., reprise par Sylla et Jules César, la dictature est abolie après la mort de ce dernier.

Le mot dictateur désigne actuellement ce que l'on appelait plutôt tyran[3] dans l'Antiquité ou despote dans l'Ancien Régime. Cette acception qui s'est développée pendant la Révolution française[4] sert surtout pour la période contemporaine.

Aristote, dans sa typologie des régimes, fait de la tyrannie une forme corrompue de gouvernement par un seul, la monarchie.

Montesquieu, dans son ouvrage De l'esprit des lois, propose une typologie fondée sur les gouvernés : le despotisme est alors un gouvernement qui ne respecte pas les libertés des individus et dont le principe est la crainte.

La dictature moderne

Fichier:Hitler and Stalin poster in comparison2.jpg
Les dictatures quadrillent sociétés et territoires, tentant d'unifier par la coercition et au travers de rassemblements grandioses, les peuples qu'elles contrôlent autour d'idéologies et de buts (qui peuvent être très différents, voire opposés) personnifiés par un leader suprême (Duce, Führer, Génialissime commandant et autres Grands timoniers) : les notions de peuple, de patrie et de fidélité au régime se confondent et tout doute devient une trahison.

Définitions

  • Encyclopædia Universalis : « La dictature est un régime politique autoritaire, établi et maintenu par la violence, à caractère exceptionnel et illégitime. Elle surgit dans des crises sociales très graves, où elle sert soit à précipiter l'évolution en cours (dictatures révolutionnaires), soit à l'empêcher ou à la freiner (dictatures conservatrices). Il s'agit en général d'un régime très personnel ; mais l'armée ou le parti unique peuvent servir de base à des dictatures institutionnelles. »
  • Dictionnaire de la politique (Hatier) : « La dictature se définit comme un régime arbitraire et coercitif, incompatible avec la liberté politique, le gouvernement constitutionnel et le principe de l’égalité devant la loi. »
  • Dictionnaire culturel (Larousse) : une dictature est un « régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes (junte) qui l'exercent sans contrôle, de façon autoritaire » et un dictateur est une « personne qui, à la tête d'un État, détient tous les pouvoirs, les exerçant sans contrôle et de façon autoritaire ; autocrate » ou « sous la République romaine, magistrat extraordinaire nommé en cas de crise grave par les consuls sur la demande du sénat, et possédant tous les pouvoirs en Italie pour six mois au maximum ».

Selon Hannah Arendt la différence entre une dictature et un régime totalitaire ne se situe pas dans l'ampleur de l'arbitraire, de la répression et des crimes, mais dans le degré de contrôle du pouvoir sur la société : une dictature devient « totalitaire » lorsqu'elle investit la totalité des sphères sociales, s'immisçant jusqu'au cœur des sphères privée et intime (familles, mentalités, psyché individuelle)[5].

Critères contemporains

Dans le domaine de la politique, on appelle « dictature » un régime dans lequel une personne (dictateur), ou un groupe de personnes, disposant d'un pouvoir absolu, s'y maintient de manière autoritaire et l'exerce de façon arbitraire.

Le caractère absolu du pouvoir se caractérise notamment par l'absence de séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Cette confusion des pouvoirs peut l'être au profit de l'exécutif (cas le plus courant) ou au profit du pouvoir législatif (régime d'assemblée). Il résulte aussi de l'absence de contrôle démocratique et d'élections libres (répression politique des opposants, le non-respect de la liberté de la presse).

Le caractère arbitraire du pouvoir se traduit par le non-respect de l'État de droit (violation de la Constitution, établissement de lois d'exceptions).

Si beaucoup de dictateurs arrivent au pouvoir à la suite d'un coup d'État (en Afrique, en Amérique du Sud et en Europe centrale et orientale notamment), d'une guerre civile (Francisco Franco) ou d'une guerre internationale (Kim Il-sung), il arrive qu'un dirigeant parvienne au pouvoir légalement avant de devenir un dictateur (ce fut le cas d'Adolf Hitler ou d'António de Oliveira Salazar) ou bien accède au pouvoir dans un régime de parti unique (ce fut le cas de Lénine, de Staline et de Mao).

Les dictatures aujourd'hui

Carte de l’indice de démocratie par l'Economist Intelligence Unit de 2018 : plus le pays est vert et foncé, plus il est considéré comme démocratique[6].
Démocraties pleines
  • 9–10
  • 8–9
Démocraties imparfaites
  • 7–8
  • 6–7
Régimes hybrides
  • 5–6
  • 4–5
Régimes autoritaires
  • 3–4
  • 2–3
  • 0-2
  • Non déterminé

Néanmoins, il reste encore aujourd'hui des régimes autoritaires ou dictatoriaux, la plupart situés sur les continents africains et asiatiques. En Europe, la Biélorussie et l'Azerbaïdjan[réf. nécessaire] sont considérées comme des dictatures. Entre l'Europe et l'Asie, la Turquie est vue comme un régime où la démocratie se dégrade, à la limite un régime autoritaire.

Les dictatures sont fréquemment des régimes à parti unique, quelquefois fermés au reste du monde (Corée du Nord ou Birmanie avant 2011[7]), ou plus ouverts commercialement (Chine). Mais la règle n'est pas absolue car l'histoire admet certaines dictatures pluralistes (exemple : la France de Vichy, le Maroc sous le règne d'Hassan II), auquel cas il est plus approprié d'employer l'expression "régime autoritaire" que celle de "dictature".

La montée en puissance des politiques anti-terroristes dans les démocraties occidentales ont par ailleurs remis au goût du jour la théorie de la dictature constitutionnelle, pensée initialement par des juristes allemands sous la République de Weimar[8] et illustrée par exemple, en France, par les pouvoirs exceptionnels que tient le Président de la République de l'article 16 de la Constitution.

Annexes

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

Notes et références

  1. (fr) « Le Trésor de la Langue française - Dictature », Le Trésor de la Langue française (consulté le )
  2. Hannah Arendt, La nature du totalitarisme, trad. Michelle-Irène Brudny de Launay, Paris, Payot, 1990
  3. Du grec ὁ τύραννος, littéralement « celui qui a usurpé le pouvoir », sans connotation nécessaire de brutalité. Œdipe est ainsi un « tyran »
  4. Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française
  5. Hannah Arendt, La nature du totalitarisme, trad. Michelle-Irène Brudny de Launay, Paris, Payot, 1990
  6. (en) « Democracy Index 2016 » [archive du ], sur Economist Intelligence Unit,
  7. La Birmanie était une dictature militaire avant son renversement entre 2010 et 2011.
  8. (fr) « Mathieu Carpentier, "État d’exception et dictature", Tracés n°20 (2011) »

Liens externes