Culture de Majiayao

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Poterie Majiayao, phase Machang, décor de figure humaine stylisée et géométrisée, env. 2200-2000 avant notre ère, musée du palais à Pékin.

La culture de Majiayao (马家窑文化, vers 3300 à 2000 avant notre ère[1]) est une culture néolithique du Nord-Ouest de la Chine sur le cours supérieur du fleuve Jaune. Elle est plus ancienne mais ensuite contemporaine de la culture de Longshan (2900-1900). Des liens manifestes réunissent la culture de Majiayao avec la culture de Qijia, qui s'est développée ensuite dans cette même région et qui a été la première des cultures de l'âge du bronze en Chine[2].

Localisation, périodisation, historique des découvertes[modifier | modifier le code]

Les cultures du néolithique final en Chine. En rouge : les principaux sites des trois phases de la culture de Majiayao

La culture de Majiayao s'étendit dans les provinces du Gansu, du Qinghai, du Ningxia et dans la partie septentrionale du Sichuan, c'est-à-dire dans la plus grande partie du cours supérieur de fleuve Jaune.

Couteau de bronze. Site de Linjia, 2900-2700, Xian autonome Dongxiang, Gansu, en 1978. NMOC

Cette culture, héritant de certains traits de la culture de Shilinxia, v. 4000-3300 (à l'époque de la culture de Yangshao), s'est développée pendant environ 1 300 ans, en une succession de « phases » situées plus ou moins de plus en plus vers l'Ouest[3]. : Majiayao proprement dite, Banshan et Machang[4]. La culture Majiayao dans sa phase Machang a servi de fondement à la culture de Qijia (2200-1600) qui a effectué le passage à l'Âge du bronze, en particulier avec les premiers miroirs de bronze chinois. Mais quelques objets utilitaires et décoratifs de bronze trouvés dans les couches Majiayao, les plus anciens découverts en Chine, témoignent de contacts avec des populations de l'Ouest[5].

La céramique peinte qui la caractérise a été découverte par Johan Gunnar Andersson dans les années 1923 et 1924[6]. Il l'a considéré comme provenant d'une diffusion de la culture depuis l'Ouest, où Majiayao (au Gansu) aurait été la phase initiale de la culture de Yangshao (dans la Plaine centrale). Ensuite, les recherches ont montré, à l'inverse, que le déplacement vers l'Ouest des cultures Shilingxia et ensuite Majiayao est le résultat de la pression exercée par des cultures de Yangshao (4500-3000), durant l'optimum climatique du milieu de l'Holocène. Elle est reliée à la culture de Miaodigou (4000-3500) par l'intermédiaire de la phase Shilingxia[7] (env. 3980-3640)[8].

Avec la phase ancienne de Shilingxia (v. 4000-3300), les trois phases suivantes signalent donc un déplacement des populations vers l'Ouest :

  • Phase Majiayao, proprement dite : vers 3500-2700
  • Phase Banshan : vers 2700-2000
  • Phase Machang : vers 2500-1800.

Moyens de subsistance[modifier | modifier le code]

La subsistance est alors couverte par l'agriculture, la chasse et la cueillette[6]. Dans le cas du village de Linjia sur le xian autonome Dongxiang au Gansu, on a trouvé les mêmes outils de pierre et de terre cuite (des couteaux) que ceux trouvés dans la culture de Yangshao, et en grand nombre. Mais on a aussi trouvé des couteaux composés de microlithes insérés dans un support d'os, objets qui sont propres aux chasseurs-cueilleurs. Des fosses de stockage ont livré de nombreuses traces de millet et de chanvre, mais aussi des animaux d'élevage comme le porc et le chien (consommé). Parmi les animaux chassés on trouve le daim, l'antilope et le castor. Certains sites ont livré les restes de bétail à cornes et de moutons ou chèvres, parfois déposés en tant qu'offrande funéraire. Les activités de chasse-cueillette et d'élevage pourraient résulter d'une adaptation à un climat plus froid et plus sec que dans la région de la culture de Yangshao.

Cette région avec le Gansu et son corridor du Hexi était et est restée une zone de passage et d’échanges tournés vers l'Ouest, l'Asie centrale et la Sibérie méridionale, et vers le Nord, les steppes de Mongolie. La culture de Majiayao en a profité en particulier dans le domaine de la culture des céréales : on y a trouvé ces six céréales : les premiers types de blé, d'avoine et d'orge cultivés en Chine, en provenance du Moyen-Orient (premières mises en culture vers 4600)[9], à côté du millet commun et du millet des oiseaux (premières mises en culture vers 3000, en Chine centrale) et le riz, originaire de la vallée du Yangzi. Cette région était donc, dès le troisième millénaire, un lieu d'échange très important entre l'Est et l'Ouest.

Société[modifier | modifier le code]

La distribution des sites sur toute la période Majiayao depuis Shilingxia montre un déplacement des populations vers l'Ouest. Ce mouvement pourrait être le résultat d'une pression exercée par la population de Yangshao au moment de l'optimum climatique du milieu de l'Holocène qui aurait entrainé la mise en exploitation de nouvelles terres agricoles sur les zones frontalières moins peuplées[6].

Par ailleurs selon une théorie encore partagée par quelques archéologues chinois, la société Majiayao serait passée d'une organisation matriarcale à une organisation patriarcale dans la dernière phase de son existence[4], mais cette opinion est très largement contestée aujourd'hui.

Rites funéraires et céramique[modifier | modifier le code]

Dans les années 1980, on a découvert quelque 6 000 articles dans environ 1 600 cimetières.

D'après les offrandes funéraires déposées dans les tombes de Majiayao l'égalité entre hommes et femmes semblait exister à cette époque. Plus tard, un changement majeur est intervenu dans les pratiques d'inhumation, les hommes et les femmes étant enterrés séparément, chacun avec des dépôts différents : les hommes étaient enterrés avec des instruments nécessaires au labour et aux travaux des champs, alors que les femmes étaient enterrées avec des outils nécessaires au filage et avec des pots.

Mais le nombre et la qualité des dépôts a évolué au cours du temps. Ces objets ont plus ou moins de valeur étant le résultat d'un travail plus ou moins long et souvent avec une réelle recherche dans le décor peint. Dans la phase Machang le phénomène indique clairement l'apparition des inégalités. Ainsi dans la phase Machang d'un site du Qinghai[10] la tombe d'un seul adulte male contenait 85 céramiques de terre cuite peinte, la plupart étant de grandes jarres de type hu. Ces très nombreuses poteries décorées de peintures élaborées soulèvent aujourd'hui de nombreuses questions: qu'est ce qui aurait déterminé ces premières sociétés d'agriculteurs à les réaliser ainsi ? Ces grandes jarres ne seraient-elles pas l'indice d'une compétition entre clans à l'occasion des rites funéraires ? Est-il légitime, et sur quels critères comparer la céramique Majiayao avec celle produite à l'Est de la Chine d'alors ? D'autre part les rares céramiques à figures « humaines » font encore l'objet de discussion sur l'interprétaion que l'on peut en faire : entre autres cette célèbre jarre du Musée National de Chine qui porte en léger relief un être énigmatique, où certains ont cru voir une figure anthropomorphe portant les signes des deux sexes.

Les céramiques sont alors peintes aux pigments bruns et noirs[11](des matières naturelles broyées : chromite de fer, bioxine de manganèse[12]). Le motif, récurrent dans la phase Banshan, composé de croisillons grands et petits encadrés dans un cercle ou dans un rectangle, n'est pas sans évoquer le tressage des passoires à farine en vannerie, rondes ou rectangulaires.

Céramique : Shilingxia et les trois phases Majiayao[modifier | modifier le code]

Avant Majiayao : phase Shilingxia (à l'époque des cultures de Yangshao moyen) : v. 4000-3300[modifier | modifier le code]

Phase Majiayao, proprement dite : vers 3500-2700[modifier | modifier le code]

Phase Banshan : vers 2700-2000[modifier | modifier le code]

Phase Machang : vers 2500-1800[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]


Références[modifier | modifier le code]

  1. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 232 qui déplace les anciennes dates de référence : 3500-1800.: Danielle Elisseeff 2008, p. 354, qui retient 3 phases : vers 3500-2700 : Majiayao, proprement dit; vers 2700-2000 : Banshan; vers 2500-1800 : Machang. Mais cet ouvrage n'aborde pas la culture de Majiayao.
  2. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 329
  3. Carte : Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 214
  4. a et b He Li, La Céramique chinoise, 2006, p. 22.
  5. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 234
  6. a b et c Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 232
  7. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 232. Et pour Shilingxia id. Chapitre I. Voir aussi : Late Quaternary Climate Change and Human Adaptation in Arid China, 2011, publié par D.B. Madsen, F. Chen, X. Gao.: / Site de Shizhaocun IV, correspondant à la phase Shilingxia.
  8. Li Liu 2004, p. 67: [1]
  9. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 234 : Site de Xishanping, Tianshui, Gansu : dans le corridor du Hexi.
  10. Li Liu et Xingcan Chen 2012, p. 233
  11. Céramique : Vocabulaire technique : Principes d'analyses scientifique, Nicole Blondel (conservateur général du patrimoine). MONUM, Éditions du patrimoine, 2001, p. 221; p. 48 pour la définition de l'engobe; p. 208 pour les terres colorées et les ocres.
  12. Michel Beurdeley, La Céramique chinoise, Paris, Éditions d'Art Charles Moreau, 2005, 318 p. (ISBN 2-909458-15-6) p. 15
  13. Grande bouteille à fond plat en forme d'amphore à deux anses. Cette amphore devait être plongée dans l'eau, puis hissée par une corde en trois brins. Deux d'entre eux étaient noués aux anses et le troisième s'enroulait autour du col. Une description de ce type de bouteille, mais à fond pointu, en forme d'amphore dans la culture de Shijia, sur le même territoire géographique que la culture de Banpo, dans : Chinese Ceramics. 2010, p. 54-55. (croquis explicite p. 55).
  14. Référence : Danielle Elisseeff, 2008, Art et archéologie : La Chine du néolithique à la fin des Cinq Dynasties. Page 114, notice 2.
  15. Chine des origines, 1994, p. 13-14.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Chen, Zhaofu, Découverte de l'art préhistorique en Chine, Paris, A. Michel, , 220 p. (ISBN 2-226-03386-6) Les gravures rupestres en Chine.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Collectif, Chine des origines : Hommage à Lionel Jacob, Paris, RMN, , 204 p. (ISBN 2-7118-2915-4)
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Corinne Debaine-Francfort, La redécouverte de la Chine ancienne, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie » (no 360), , 159 p. (ISBN 2-07-053352-2). Autres tirages : 2001, 2003, 2005. (ISBN 978-2-07-039173-8) en 2008.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Danielle Elisseeff, Art et archéologie : la Chine du néolithique à la fin des Cinq Dynasties (960 de notre ère), Paris, École du Louvre, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux (Manuels de l'École du Louvre), , 381 p. (ISBN 978-2-7118-5269-7) Ouvrage de référence, bibliographie et Sites Internet.
  • Gabriele Fahr-Becker (sous la direction de), Les Arts de l'Asie orientale. Tome 1, Cologne, Könemann, , 406 p. (ISBN 3-8290-1743-X).
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article Violette Fris-Larrouy, Arts de Chine : la collection chinoise du Musée Georges Labit, Paris, Société nouvelle Adam Biro. Musée Georges-Labit, Toulouse, , 175 p. (ISBN 2-87660-245-8). Bon livre d'initiation d'après les trésors du musée Georges-Labit à Toulouse: p. 15-25: Poteries et jades du Néolithique.
  • He Li, La Céramique chinoise, Paris, Thames & Hudson, , 352 p. (ISBN 2-87811-270-9).
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article He Li (trad. de l'anglais), La Céramique chinoise, Paris, Éditions de l'amateur / L'aventurine, , 352 p. (ISBN 978-2-85917-246-6 et 2-85917-246-7).
  • (en) Li Feng, Early China : A Social and Cultural History, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 367 p. (ISBN 978-0-521-89552-1, lire en ligne) 24 cm , noir et blanc.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article (en) Li Liu et Xingcan Chen, The Archaeology of China : From the Late Paleolithic to the Early Bronze Age, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 330 p. (ISBN 978-0-521-81184-2) 24 cm , noir et blanc.
  • Document utilisé pour la rédaction de l’article (en) Li Liu, The Chinese Neolithic : Trajectories to Early States, Cambridge et New York, Cambridge University Press, , 498 p. (ISBN 978-0-521-64432-7) 24 cm , noir et blanc. Texte basé sur la thèse de l'auteur consacrée à la culture de Longshan, et mise à jour avant 2004.
  • (en) Li Zhiyan, Virginia L. Bower et He Li (dir.), Chinese Ceramics : From the Paleolithic Period to the Qing Dynasty, Cambridge et New York, Yale University and Foreign Langage Press, , 687 p. (ISBN 978-0-300-11278-8) 31 cm .
  • (en) Anne P. Underhill (dir.), A companion to Chinese archaeology, Chichester, West Sussex ; Malden (Mass.), Wiley-Blackwell, , 640 p. (ISBN 978-1-4443-3529-3) 26 cm , noir et blanc.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Généralités
Époque précédente (vers 5500-2900)
  • Culture de Hemudu (v. 5500-3300), Majiabang (vers 5000-4000), Songze (vers 4000-3300), Beiyinyangying (vers 4000-3300), Xuejiagang (vers ? -3300)
  • Culture de Yangshao (4500 - 3000) : « Yangshao ancien » 4500-4000 : Sites de Banpo (4800 à 3600) et Hongang I ; « Yangshao moyen » 4000-3500 : culture de Miaodigou ; « Yangshao récent » 3500-3000 : région de Dadiwan, et région de Zhengzhou
  • Cultures de Beixin (v. 5300-4300) - Dawenkou (4300-2400)
  • Culture de Hongshan (4700-2900)
Époque concernée (vers 3400-1900)
Époque suivante (vers 2200-1400)

Liens externes[modifier | modifier le code]