Cadastre

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Extrait d’un plan terrier seigneurial de 1750, en Anjou

Le terme cadastre (terme occitan venant du grec médiéval κατάστιχον[1]), ou un mot apparenté étymologiquement, se retrouve dans de nombreuses langues.

Bien que les dictionnaires de français appellent cadastre un registre dressant l’état de la propriété foncière d’un territoire, le terme cadastre s’applique aussi parfois aux systèmes informatisés ayant le même objet, à l’organisation chargée de maintenir ces documents ou systèmes d’information ou même aux travaux de terrain aboutissant à la constitution de ces documents ou systèmes d’information.

Par extension, on parle aussi de cadastre solaire[2], de cadastres des émissions ou des émetteurs de pollution[3], ou de cadastre vert (terme désignant parfois les documents d'urbanisme relatifs à la trame verte ou la cartographique analytique du tissu végétal urbain[4]).

Étymologie

Le mot vient du latin capitastrum, un registre de capitation, et du grec κατάστιχον katastikhon, une liste d'enregistrements, de κατὰ στίχον kata stikhon— littéralement, « ligne par ligne » avec les directions et distances entre les angles mentionnés et marqués par les monuments et les bornes.

D'autres langues ont gardé le t originel (exemples: italien catasto, allemand Kataster, slovaque kataster, tchèque katastr, polonais kataster, espagnol catastro, catalan catastre). Toutefois, en grec moderne, il a été remplacé par κτηματολόγιο /ktimato'logio/.

Histoire du cadastre

Cadastre d'Arausio.

Connaître l'étendue et la nature des biens de chacun, en faire l'évaluation, se révèle très vite nécessaire afin de répartir équitablement la contribution foncière. C'est l'origine de l'institution du cadastre, remontant à la plus haute Antiquité. Une tablette d'argile datant de 3000 av. J.-C. et donnant le plan coté, la superficie, la description d’un groupe de parcelles, a été retrouvée à Telloh en Mésopotamie.

Chez les Étrusques, le cadastre est une des actions rituelles et religieuses du bornage de fondation des villes et limites de propriétés, des pratiques inscrites dans l'Etrusca disciplina.

Au Moyen Âge, le cadastre a pour objet l'établissement de la taille dans les provinces. Des registres descriptifs et estimatifs de la propriété, entre autres appelés polyptyque, pouillé, livre terrier, censier, cartulaire ecclésiastique ; accompagnés parfois de plans élémentaires, de qualité très variable suivant les contrées, donnant des renseignements sur l'état parcellaire : surfaces, propriétaires, références à l'article du censif et fiefs concernés.

En France, jusqu'à la révolution de 1789, le cadastre conserve un caractère essentiellement local en dépit de diverses tentatives, comme le cadastre thérésien. Charles VII, Louis XIV, Louis XV, envisagent tour à tour le projet d’un cadastre régulier, base d’un système fiscal cohérent et régulier. Mais la pénurie des finances, le défaut d'instruments et de méthodes perfectionnées, la résistance des grands vassaux, la disparité des provinces font échouer ces tentatives. Le cadastre, tel que la France le connait, unique et centralisé, date du , date à laquelle la loi décida qu'on procéderait au moyen de mesures géométriques car la tentative de dresser un cadastre général des propriétés imposables datant du 1er décembre 1790 reposant sur des évaluations approximatives du comité des impositions foncières puis sur la simple déclaration des propriétaires de bien-fonds, ne remplissait qu'imparfaitement le but qu'on se proposait d'atteindre[5].

Si les mappes sardes du Duché de Savoie passent parfois pour être le premier cadastre graphique européen, au XVIIIe siècle, ce type de document est en fait plus ancien. En Bourgogne, Jean Royhier signe des plans en 1643 (Noiron-sous-Gevrey et Thorey-en-Plaine) en qualité d'"arpenteur juré de la ville de Dijon"[6]. Ce savoir-faire rayonne sur la Suisse romande, où l'on rencontre peu après les premiers arpenteurs, Abraham Dubois et Pierre Rebeur, auteurs des plans cadastraux de Denens (1651), Villars-sous-Yens (1661), Denges (1658) et Lausanne vers 1670-1674. Ce chef-lieu lémanique est la première ville de Suisse à bénéficier d'un tel relevé systématique. Ces premiers plans, dits "à vue", sont encore dessinés de manière schématique par les commissaires chargés de la rénovation des droits fonciers. Ces premiers documents graphiques ont surtout pour vocation d'expliciter les "grosses de reconnaissances", épais registres dans lesquels sont détaillés la position et les redevances qui frappent chaque parcelle. Les tout premiers plans cadastraux géométriques, c'est-à-dire précis, font leur apparition à la même époque, notamment avec le plan de la ville de Coppet, vers 1657-1665, qui peut être attribué à l'ingénieur hollandais Maximilien d'Yvoy. Ce document exceptionnel précède de plus d'un demi-siècle le célèbre plan cadastral de la ville de Genève, par l'architecte Jean-Michel Billon, qui travaille sous la direction de l'ingénieur Jacques-Barthélemy Micheli du Crest[7].

Types de cadastre

Cadastre juridique

Le cadastre fournit un commencement de preuve de la propriété et des droits acquis sur celle-ci. On le retrouve dans les pays germaniques et la Suisse. En France, en raison de l'annexion par l'Allemagne de l'Alsace et de la Moselle de 1871 à 1918, les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle disposent d'un cadastre juridique en liaison avec le livre foncier, disposition maintenue dans son droit local. Le cadastre juridique donne force de loi aux limites d'une propriété (il officialise les coordonnées des sommets de la parcelle). Il correspond à un régime réel (des droits réels que sont la propriété, l'hypothèque, la superficie, l'emphytéose) de la propriété et non à un régime personnel.

Cadastre agricole

Dans certains pays existe un cadastre spécifique à l'agriculture. Le « cadastre » est souvent à la fois le nom du document et du service administratif qui s'en occupe. Il est par exemple en Angola[8] géré par un service du cadastre agricole (SCA), en collaboration avec la Direction nationale de l’hydraulique agricole et du génie rural (DNHAER) et avec le service d’études hydrauliques (SHE), au sein du Ministère de l’agriculture et du développement rural (MINADER). C'est généralement un outil d'aide à la décision pour les infrastructures agricoles qui vise à optimiser la gestion des sols et de l'eau (irrigation, drainage, hydraulique agricole), des cultures, du bétail, de l'érosion, etc.

On parle aussi parfois (improprement ?) de cadastre écologique (ex « cadastre écologique de vignes »[9] en Hongrie) à propos de documents décrivant les stations écologiques et pédologiques correspondant aux potentialités des sols pour certaines cultures.

En Europe, la notion de cadastre agricole peut désigner la partie agricole de l'enregistrement foncier, qui tend depuis les années 1990 à être numérisé sur SIG.

Cadastre solaire

Le cadastre solaire permet d'évaluer le potentiel solaire des bâtiments à l'échelle d'un territoire, souvent une ville ou une communauté de communes. En France, de plus en plus de villes mettent à disposition un cadastre solaire en ligne : Lyon sur le quartier Ste Blandine en 2011[10], Paris en 2013[11], Annecy en 2016[12], Brest Métropole en 2016[13], Bordeaux en 2016[14].

Cadastre vert

Certaines collectivités ont développé un cadastre (dit « cadastre vert ») spécifique aux espaces verts et qui éventuellement (comme pour la communauté urbaine de Dunkerque dans les années 1990) intègre des éléments de surveillance du réseau écologique des corridors. Le terme de cadastre vert peut aussi être appliqué pour le cadastre du potentiel de végétalisation des toitures (comme pour Annecy, voir le Géoportail dédié).

Cadastre fiscal

Base pour l'impôt foncier, en Belgique, en Chine, en Côte d'Ivoire, en Espagne, en France, en Mongolie et au Portugal.

Cadastre belge

Il existait depuis le Moyen Âge dans la Belgique francophone (autour de Liège et de Namur) des actes cadastraux appelés cerclemenage, visant au bornage des propriétés et notamment des seigneuries. Il y a plusieurs variantes de ce terme.

Le cadastre belge est à l'origine issu du cadastre français jusqu'en 1830, date de la révolution et de la constitution de la Belgique.

Au début, la jeune administration du cadastre belge a continué à suivre les décisions prises sous le régime napoléonien. C'est ainsi que furent créés entre 1806 et 1843 les plans cadastraux primitifs.

À la suite de la Première Guerre mondiale, certaines communes de langues germaniques (constituant les cantons communément nommés cantons rédimés) ont été annexées à la Belgique. Dans ces communes, les archives du cadastre recèlent d'anciens documents appelés "Plans noirs" issus du cadastre allemand.

À la suite de la réforme Coperfin, le cadastre est devenu une partie de l'Administration générale de la Documentation patrimoniale qui, bien que faisant encore partie du Service public fédéral Finances, a une vocation de moins en moins fiscale.

Cadastre congolais RDC

Le cadastre congolais est encore organisé selon les principes tels en vigueur pendant la période coloniale. Par conséquent, 80 % des litiges portent sur des dossiers fonciers. Le le Ministère des Affaires Foncières a signé un contrat du type PPP avec une société belge ayant comme objet la numérisation du cadastre national. Mais, jusqu'aujourd'hui, l’État congolais refuse d'exécuter le contrat signé par son propre ministre. La société Borgerweert (RDC) à Kinshasa poursuit l'exécution de ce projet.

Cadastre français

Cadastre de Grèce

Notes et références

  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « cadastre » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. Batiactu, L’Atelier parisien d’urbanisme développe actuellement un nouvel outil pour informer sur l’ensoleillement des toitures de la Capitale. En effet, un cadastre solaire, bientôt disponible au public, 2012-04-06
  3. Définition du Cadastre des émissions d'Airparif (Alerte et mesure de la pollution de l'air)
  4. E. Guille, P. Legrand, A. Radureau, 1978. Villes, végétations et Cadastre vert. Métropolis, 32, 44-48
  5. F.BUISSON, agrégé de l'Université, inspecteur général de l'enseignement primaire, Dictionnaire de pédagogie, Paris, Librairie Hachette et Cie, , p. 346
  6. Anne Radeff, "Destinée européenne d'un Bourguignon: le notaire et commissaire Pierre Rebeur", Annales de Bourgogne76, 3, 2004, 291-312.
  7. Paul Bissegger, « De la grosse à la planchette », Patrimonial, vol. 3,‎ , p. 27-35.
  8. Document Fao, évoquant l'intérêt du cadastre agricole pour l'eau en Angola
  9. Présentation relative à un « cadastre écologique de vignes » de Hongrie
  10. réalisé par Hespul, voir le cadastre solaire en ligne
  11. réalisé par l'APUR, voir le cadastre solaire en ligne
  12. réalisé par Cythelia Energy, voir le cadastre solaire en ligne
  13. réalisé en interne, voir le cadastre solaire en ligne
  14. réalisé par Cythelia Energy, voir le cadastre solaire en ligne

Voir aussi

Bibliographie

  • Paul-Marie Grinevald, Le Cadastre. Guide des sources, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, , 3e éd. (lire en ligne)
  • Albert Rigaudière (dir.), De l’estime au cadastre en Europe : le Moyen Âge : Colloque des 11, 12 et 13 juin 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 605 p. (lire en ligne)
  • Pierre Clergeot (coord.), Cent millions de parcelles en France : 1807, un cadastre pour l'Empire, Paris, Éd. Publi-Topex, , 124 p. (ISBN 978-2-9519379-5-6).
  • Anne Radeff, «Les premiers plans terriers de Suisse occidentale (XVIIe siècle)», in De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne, colloque des 4-5 décembre 2003, vol. 2, sous la dir. scientifique de Mireille Touzery, Paris, 2007, pp. 43-55. 16.00
  • Paul Bissegger, « De la grosse à la planchette », Patrimonial, vol. 3,‎ , p. 27-35.

Articles connexes

Liens externes