Autoritarisme

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Carte de l'indice de démocratie publiée par Economist Intelligence Unit en 2022 : plus le pays est en rouge, plus il est considéré comme autoritaire[1].
Démocraties à part entière
  • 9,00–10,00
  • 8,00–8,99
Démocraties imparfaites
  • 7,00–7,99
  • 6,00–6,99
Régimes hybrides
  • 5,00–5,99
  • 4,00–4,99
Régimes autoritaires
  • 3,00–3,99
  • 2,00–2,99
  • 1,00–1,99
  • 0,01–0,99
  • Non évalué.

Le terme autoritarisme peut désigner aussi bien un comportement individuel que le mode de fonctionnement d'une structure politique. Dans les deux cas, l'autoritarisme consiste en une prééminence, une hypertrophie de l'autorité, érigée en valeur suprême. Un régime politique autoritaire est un régime politique qui par divers moyens (propagande, encadrement de la population, répression) cherche la soumission et l'obéissance de la société. Si certains chercheurs et professeurs en science politique définissent l'autoritarisme comme un des trois grands types de systèmes politiques avec la démocratie et le totalitarisme, beaucoup d'autres considèrent cette classification comme trop formelle et ne correspondant pas à la réalité[2].

Personnalité autoritaire[modifier | modifier le code]

Une personnalité autoritaire se caractérise par une dérive de l'autorité vers une tentative de domination d'autres personnes. La psychologie s'intéresse généralement à cette question sous l'angle de la soumission à l'autorité mise en perspective par l'expérience de Milgram ou de la domination (Theodor Adorno).

Concept politique[modifier | modifier le code]

Pour Juan Linz, qui a été l'un des premiers à théoriser le sujet, les régimes autoritaires sont « des systèmes politiques au pluralisme limité, politiquement non responsables, sans idéologie élaborée et directrice, mais pourvus de mentalités spécifiques, sans mobilisation politique extensive ou intensive, excepté à certaines étapes de leur développement, et dans lesquels un leader ou, occasionnellement, un petit groupe exerce le pouvoir à l’intérieur de limites formellement mal définies mais en fait plutôt prévisibles »[3]. Il convient de retenir quatre composantes principales d'un régime autoritaire[4],[3],[5],[6],[7] :

D'autres aspects peuvent être présents comme :

Lorsqu'une seule personne est à la tête d'un régime autoritaire, on parle d'autocratie.

Exemples de régimes autoritaires[modifier | modifier le code]

Rapport aux autres systèmes et régimes politiques[modifier | modifier le code]

Rapport à la démocratie et au parlementarisme[modifier | modifier le code]

Les régimes autoritaires ne présentent que rarement des caractéristiques démocratiques. Ils s'opposent profondément au parlementarisme et prospèrent généralement sur la perte de crédibilité de ce système politique. Ni la population dans son ensemble ni une de ses composantes ne peut destituer le pouvoir en place, le critiquer ou exiger de lui une décision favorable à l'ensemble du peuple.

En conséquence, les citoyens (ou sujets) de ces régimes disposent généralement de moins de droits que ceux des régimes démocratiques.

Rapport au totalitarisme[modifier | modifier le code]

D'après Juan Linz[6], les régimes non démocratiques (ou autoritaires) ne sont rattachables ni aux régimes démocratiques, ni aux régimes totalitaires. La comparaison avec un régime totalitaire est facile, néanmoins il existe des nuances entre ces deux types de régimes. L'autoritarisme est plus général. Un régime dictatorial se veut autoritaire mais ce dernier peut ne pas être une dictature au sens propre. Tout comme il peut ne pas être totalitaire.

Cela se voit souvent, par exemple, lorsqu'une ethnie minoritaire prend pouvoir dans un pays et qu'elle exerce des lois que doivent suivre la majorité n'étant pas au pouvoir. Ainsi ces lois devront encadrer toutes les sphères d'activités de manière à soumettre la population.

Ainsi, le totalitarisme se veut autoritaire sur l'ensemble de la population alors que la dictature se veut autoritaire de manière à « unifier le chef, l'État et le peuple », sous le bon vouloir du chef d'État, suivant ses caprices.

Notons que la principale différence entre un régime totalitaire et un régime autoritaire c'est que dans ce dernier on ne trouve aucune trace de la volonté des gouvernants d'obliger les citoyens à adhérer à une idéologie.

Paul C. Sondrol, professeur à l'université du Colorado à Colorado Springs a recherché les caractéristiques des dictateurs totalitaires et des dictateurs autoritaires. Le tableau ci-dessous résume ses conclusions[28] :

Totalitarisme Autoritarisme
Charisme Haut Bas
Conception de rôle Chef comme fonction Chef comme individuel
Pouvoir Public Privé
Corruption Bas Haut
Idéologie officielle Oui Non
Pluralisme limité Non Oui
Culte de la personnalité Oui Pas directement comme dans le régime totalitaire
Légitimité Oui Non

Rapport à la théocratie et à la religion[modifier | modifier le code]

Les régimes autoritaires s'appuient parfois sur la religion pour justifier leur légitimité. On peut généralement considérer les théocraties, même autoproclamées « démocratiques » (Iran ou Florence de Savonarole), comme des exemples d'autoritarisme puisque l'autorité religieuse, au sommet de la hiérarchie politique, ne peut être contestée.

Rapport à l'anarchisme[modifier | modifier le code]

Autoritarisme et anarchisme s'opposent sur leur présupposé fondamental, le premier érigeant l'autorité en valeur suprême et le second rejetant toute autorité[29]. Les anarchistes ont donc généralement tendance à utiliser le terme d'autoritarisme à l'égard de leurs adversaires dans un sens infamant.

Possibilité de transition démocratique[modifier | modifier le code]

Les régimes autoritaires ont souvent été associés à un état particulier de la société ou, plus exactement, aux sociétés fermées. Cette analyse a amené à croire que l'ouverture au marché et aux échanges économiques, en apportant avec elles les idées et l'image du mode de vie des sociétés démocratiques permettrait une transition démocratique « douce ».

Néanmoins, l'exemple de la Chine et de sa non-démocratisation, malgré les pressions diplomatiques et son adoption de l'économie de marché, semble aujourd'hui remettre profondément en question ce point de vue[30]. Ainsi, de plus en plus de responsables politiques et d'universitaires considèrent cette transition comme un mythe bien que la question reste très débattue.

Un type de régime prépondérant[modifier | modifier le code]

Selon le rapport de 2021 du projet V-Dem (pour Varieties of Democracy) conduit par une équipe de chercheurs hébergée à l’université de Göteborg, 68 % de la population mondiale vit en 2020 dans des régimes autoritaires, et 34 % dans des pays où le degré d’autoritarisme, tous types de régimes confondus, s’est récemment aggravé[31]. Selon ce même rapport, « les droits et libertés démocratiques du citoyen moyen en 2020 sont similaires au niveau trouvé en 1990 »[31]. Les principales zones des reculs enregistrés sont l'Amérique latine, l’Asie-Pacifique, l’Asie centrale ainsi que l’Europe centrale et orientale[31]. Selon la distinction proposée par le rapport entre « démocraties libérales », « démocraties électorales », « autocraties électorales » et « autocraties fermées », les autocraties électorales (c'est-à-dire des régimes à pluralisme limité, biaisé, sans État de droit digne de ce nom) — groupe au sein duquel l'Inde se voit déclassée — sont désormais le type de régime le plus répandu sur la planète et administrent 43 % des individus dans le monde[31].

Néanmoins, le politiste Christian Welzel estime, sur la base d’une analyse des opinions publiques mondiales au fil des décennies, que plus les générations se renouvellent, plus « les valeurs émancipatrices – qui priorisent l’universalité des droits humains, les choix individuels et une compréhension égalitaire de l’égalité des opportunités – remplacent les valeurs autoritaires qui mettent l’accent sur la déférence et le conformisme »[31].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Democracy Index 2022: Frontline democracy and the battle for Ukraine » Accès libre [PDF], sur pages.eiu.com, (consulté le ).
  2. Le totalitarisme en question par Stéfanie Prezioso, Jean-François Fayet, Gianni Haver ; 50 fiches pour comprendre la science politique par Frédéric Lambert, Sandrine Lefranc
  3. a et b Stefania Panebianco, « Lecture: Juan J. Linz, Régimes totalitaires et autoritaires, Paris, Armand Colin, 2006 », Pôle Sud, no 26,‎ , p. 91–107 (ISSN 1262-1676, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Richard Shorten, Modernism and Totalitarianism: Rethinking the Intellectual Sources of Nazism and Stalinism, 1945 to the Present (Palgrave Macmillan, 2012), p. 256 (note 67).
  5. (en) Gretchen Casper, Fragile Democracies: The Legacies of Authoritarian Rule, pp. 40–50 (citing Linz 1964).
  6. a et b Juan Linz, Totalitarian and Authoritarian Regimes, Rienner, 2000
  7. a et b Philippe Droz-Vincent, « Quel avenir pour l'autoritarisme dans le monde arabe ?, Abstract », Revue française de science politique, vol. 54, no 6,‎ , p. 945–979 (ISSN 0035-2950, DOI 10.3917/rfsp.546.0945, lire en ligne, consulté le )
  8. Franklin Nyamsi, Critique de la tragédie kamerunaise, Paris, L'Harmattan,
  9. « Azerbaïdjan : le président Aliev largement réélu », lefigaro.fr, 11 avril 2018.
  10. « «Caviargate»: Une enquête dénonce la corruption menée par l'Azerbaïdjan pour acheter des soutiens à l'étranger », 20minutes.fr, 5 septembre 2017.
  11. Louis-Antoine Le Moulec, « Azerbaïdjan: pourquoi l’Occident se satisfait de la réélection d’Ilham Aliyev », slate.fr, 12 octobre 2013.
  12. VOA Afrique, « Des miliciens proches du pouvoir tuent et torturent impunément au Burundi », VOA,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « Le discours de Pierre Nkurunziza inquiète | Afrique », sur DW.COM, (consulté le ).
  14. « Burundi: vers un quatrième mandat pour Pierre Nkurunziza ? », RFI Afrique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. Fodé-Moussa Keita, « Zimbabwe : les causes de l’autoritarisme », Relations, no 729,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Claske Dijkema, Stratégies de légitimation et autoritarisme au Zimbabwe, (lire en ligne)
  17. « En Arabie Saoudite, l'ascension fulgurante de Mohammed ben Salmane », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. Nyamsi Wa Kamerun, Dérive dictatoriale en Côte d'Ivoire, Saint-Ouen, Les Editions du Net,
  19. Bernard Houdin, Les Ouattara: une imposture ivoirienne, Paris, Les Editions du Moment,
  20. a et b Michel Camau, L’autoritarisme dans le monde arabe : Autour de Michel Camau et Luis Martinez, CEDEJ - Égypte/Soudan, coll. « Dossiers du Cedej », , 107 p. (ISBN 978-2-905838-78-0, lire en ligne), p. 9–51
  21. Vincent Geisser et Michel Camau, Le syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris, Presses de Sciences Po, , 430 p. (ISBN 978-2-7246-0879-3, lire en ligne)
  22. Hakim Ben Hammouda, Néo-Patrimonialisme et autoritarisme au cœur des régimes politiques Arabes, (lire en ligne), p. 27
  23. « Poutine, l'impasse autoritaire (introduction du dossier) », alternatives-économiques.fr, janvier 2004.
  24. « La démocratie à la Russe : autoritarisme », franceculture.fr, 16 avril 2007.
  25. Marie Mendras (professeur à la London School of Economics and Political Science et à Sciences-Po Paris), « Le système Poutine », revue-projet.com.
  26. « Biographie de Vladimir Poutine », lci.tf1.fr.
  27. Antoine Buisson, « Les arguments du refus démocratique dans les régimes autoritaires d’Asie Centrale » [html] (article), sur institut-gouvernance.org, (consulté le ).
  28. DOI 10.1017/S0022216X00015868
  29. Sébastien Faure, Encyclopédie anarchiste, Paris, La Librairie Internationale
  30. Le Mythe de la transition démocratique par Mathieu Timmerman
  31. a b c d et e Fabien Escalona, « Les autocrates gagnent du terrain, mais les peuples résistent », sur Mediapart, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Michel Duclos, Le Monde des nouveaux autoritaires, éditions de L'Observatoire, 2019.
  • Xavier Pérez, L'Autoritarisme ou le Partage : le choix d'un monde face aux enjeux de la planète, Canéjan, 2018.
  • Guy Hermet, Démocratie et Autoritarisme, Paris : les Éd. du Cerf, 2012.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]