Allégorie

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Allégorie de l'Eau (céramique de Bernard Palissy, vers 1595, Louvre).

Une allégorie (du grec : ἄλλον / állos, « autre chose », et ἀγορεύειν / agoreúein, « parler en public ») est une forme de représentation indirecte qui emploie une chose (une personne, un être animé ou inanimé, une action) comme signe d'une autre chose, cette dernière étant souvent une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement. Elle représente donc une idée abstraite par du concret. En littérature, l'allégorie est une figure rhétorique qui consiste à exprimer une idée en utilisant une histoire ou une représentation qui doit servir de support comparatif. La signification étymologique est « une autre manière de dire », au moyen d'une image figurative ou figurée.

Histoire de l'allégorie

En Europe, l'initiateur de l'allégorie physique est Théagène de Rhégion (VIe siècle av. J.-C.). On a une idée de ses conceptions à partir d'une scolie au chant XX de l' Iliade : « La doctrine d'Homère sur les dieux s'attache généralement à l'inutile, voire à l'inconvenant ; car les mythes qu'il narre sur les dieux ne sont pas convenables. Pour dissoudre une telle accusation, il en est qui invoquent la manière de parler ; ils estiment que tout a été dit en allégorie et concerne la nature des éléments [terre, eau, air, feu], par exemple dans le cas des désaccords entre les dieux. C'est ainsi que, d'après eux, le sec combat l'humide, le chaud le froid, et le léger le lourd : l'eau éteint le feu, mais le feu dessèche l'air ; il en va de même de tous les éléments dont l'univers est composé : il y a entre eux une opposition fondamentale ; ils comportent une fois pour toutes la corruption au niveau des êtres particuliers, mais dans leur ensemble, ils subsistent éternellement. Ce sont de tels combats qu'Homère aurait institué, donnant au feu le nom d'Apollon, d'Hélios, d'Héphaïstos, à l'eau celui de Poséidon et de Scamandre, à la Lune celui d'Artémis, à l'air celui d'Héra. »[1]

Différentes formes de l'allégorie

Historia, allégorie de l'Histoire
Peinture de Nikolaos Gysis (1892).

On peut distinguer l'allégorie figure de style, ou, plus précisément, figure d'« élocution » et l'allégorie comme procédé d'« invention ».

La première déborde rarement le cadre de la phrase. Il s'agit en fait d'une métaphore qui est présentée point par point. Par exemple, quand un amoureux s'écrie : « C'est une tigresse ! », il recourt à une métaphore. Mais s'il dit : « Cette tigresse me guette, puis bondit sur moi et me dévore le cœur », c'est une allégorie. Quand une telle allégorie se prolonge un peu, on parle en général de « métaphore filée ».

L'allégorie-invention tient une place plus importante et s'étend à tout un paragraphe, un chapitre ou même un livre. Ce type d'allégorie constitue alors une histoire où les personnages et les événements ont un second sens symbolique. Par exemple, Le Lion de Jean de La Fontaine est en fait une allégorie de la monarchie[2].

Dans l'art, l'allégorie peut exprimer par exemple une idée, une pensée par un élément d'une image.

Littérature

La littérature juive qualifiée d'apocalyptique ou eschatologique est un des plus anciens exemples d'œuvres allégoriques[3]. Elle apparaît au IIe siècle av. J.-C. et avant la découverte des manuscrits de la mer Morte, elle n'était connue que parce que le mouvement chrétien l'avait préservée alors que le judaïsme traditionnel l'avait oubliée[4].

Dans la littérature occidentale, une des premières œuvres entièrement allégorique est la Psychomachie de l'auteur latin Prudence. Elle met en scène le combat des vices et des vertus qui se battent pour dominer l'âme humaine. Très influente, cette longue poésie épique inspira les poètes et les auteurs médiévaux, mais aussi les artistes[réf. nécessaire].

En français, l’apologue, la fable, la parabole, mettent souvent en œuvre des allégories sous la forme de personnifications d'une idée abstraite. Ainsi, les deux premiers vers de la fable le Loup et l’Agneau de La Fontaine La raison du plus fort est toujours la meilleure, annoncent la portée allégorique du récit qui va opposer deux protagonistes :

« La raison du plus fort est toujours la meilleure ; / / nous l’allons montrer tout à l’heure. »

L’allégorie peut également investir une œuvre plus longue, comme en témoigne le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Ainsi on peut dire qu'une allégorie peut se présenter sous plusieurs formes, en image, en paroles ou encore en textes.

En tant que figure de continuité, constituée par la conjugaison de figures de métaphores qui renvoient toutes au contenu signifié, l’allégorie est le topos par excellence de l’analyse psychologique.

Dans la littérature médiévale, l'écriture allégorique était un genre très développé. Ce genre trouve son origine dans l'œuvre de Prudence (IVe)[réf. nécessaire].

Allégories célèbres

Hans Aachen, Allégorie du Triomphe de la Justice, 1598, Munich, Ancienne Pinacothèque.

Les antiques poètes ont souvent eu recours aux allégories. Dans le chant VI (268-281) de l'Énéide, Virgile évoque les ombres infernales sous forme d'allégories errantes, le Chagrin, les Remords, la Peur, la Faim, pour finir par la Discorde :

« Discordia demens vipereum crinem vittis innexa cruentis[5]. »

On retrouve la Discorde vaincue par la Joie dans l'Ode à la Joie de Schiller, mise en musique par Beethoven dans sa 9e symphonie et choisie comme hymne européen.

  • Allégorie de la caverne : Une allégorie est un tableau constitué d'images ou de symboles ayant chacun un sens déterminé qu'il est possible de décrypter à partir de clefs d'interprétation précises[6]
  • Allégorie de la justice : La titanide Thémis dans la mythologie grecque avec dans une main un glaive, dans l'autre une balance, un bandeau lui couvrant les yeux.
  • Allégorie de la mort : Elle est représentée par un squelette armé d'une faux (souvent appelée « La faucheuse » car elle se servirait de cette arme pour faucher les vies).
  • Allégorie de la grenouille : Se laisser prendre par des habitudes…[7]
  • Allégorie du roi : Dans les fables de La Fontaine, le roi Louis XIV était représenté par un lion et ses sujets par le renard (rusé, fourbe) et les autres animaux. Le Tiers état était symboliquement dessiné sous les traits d'un mouton ou d'un agneau.
  • Allégorie de l'angoisse : le tableau Le Cri d'Edvard Munch

Arts plastiques

Dès l'Antiquité, les sculpteurs ont représenté des idées abstraites sous forme de figures humaines ou animales, ou d'objets symboliques. Au Moyen Âge, l'art roman puis l'art gothique utilisent l'allégorie dans la représentation des Vices et des Vertus, par exemple la Justice avec son glaive et sa balance, représentations qui connaîtront une longue popularité. La vogue de l'allégorie dans les beaux arts se développe aux XVIe et XVIIe siècles avec celle des livres d'emblèmes, et connaît son apogée dans l'art baroque souvent inspiré par l'ouvrage encyclopédique de Cesare Ripa, Iconologia (1593).

Exemples

« Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir »

(Baudelaire, Les Fleurs du mal, Spleen LXXVIII)

Vous avez ici deux allégories: l’Espoir et l’Angoisse sont représentés sous des traits humains. Les allégories sont très simples à repérer quand elles commencent par une lettre majuscule. L’auteur les traite en effet comme des personnes, donc comme des noms propres. Ici, les allégories mettent en scène de façon imagée les sentiments du poète. Baudelaire présente son paysage intérieur comme un véritable champ de bataille duquel l’angoisse sort victorieuse. La représentation de l’angoisse sous les traits d’un despote apparaît effrayante, inquiétante et suggère par une image forte l’horreur du sentiment ressenti.

  • Exemple : « L'Angleterre est un vaisseau. Notre île en a la forme: la proue tournée au Nord, elle est comme à l'ancre au milieu des mers, surveillant le continent ». (Alfred de Vigny, Chatterton)

Dans cet extrait de Chatterton, la domination de l'Angleterre sur les mers est rendue sensible par l'allégorie du vaisseau.

  • - Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! (Charles Baudelaire, Le voyage)
  • "Tu marches sur des morts, Beauté..." - Baudelaire
  • La Déroute, géante à la face effarée,
La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut! (Victor Hugo)

Bibliographie

  • Benoît Monginot, Allégorie et tautologie: la politique du poème de Baudelaire à Mallarmé, Romantisme, n°152, Armand Colin, 2010. (ISBN 9782200927349)
  • Jean Pépin, Mythe et Allégorie, Aubier, 1958.
  • Édités par Brigitte Pérez-Jean et Patricia Eichel-Lojkine, Actes du colloque international de Montpellier (10-13 janvier 2001) : « L’Allégorie, de l’Antiquité à la Renaissance », Paris, , 688 p. (ISBN 978-2745310071, lire en ligne) ;
  • Armand Strubel, « Grant senefiance a ». Allégorie et littérature au Moyen Âge, Paris, Champion, coll. « Moyen Âge-Outils de synthèse 2 », , 464 p. (ISBN 2745306146) ;
  • Anne Rolet (dir.), Allégorie et symbole : voies de dissidence ? (De l’Antiquité à la Renaissance), Rennes, PUR, coll. « Interférences », 2012, 597p., (ISBN 978-2-7535-1982-4) [consulter le site de l'éditeur : http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=2931]

Voir aussi

Articles connexes

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Notes et références

  1. Scholia homerica, B-Y 67 = Porphyre, Questions homériques, I, édi. H. Schrader (Quaestionum Homericarum ad Iliadem pertinentium reliquiae, Leipzig, Teubner, 1880) p. 240. Trad. J. Pépin, Mythe et allégorie, 1958, p. 98.
  2. Le Lion est une allusion à Louis XIV et permet au poète de représenter le pouvoir, Fables, Livre XI, fable I, le Lion
  3. Daniel Assefa, L' "Apocalypse des animaux" (1 Hen 85-90) une propagande militaire ?, éd. Brill, Leiden, 2007, p. 169-170.
  4. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF.
  5. La furieuse Discorde aux cheveux de vipère retenus par des rubans sanglants
  6. République, Livre VII, Les intégrales de philo, édition Nathan, 2005.
  7. Une allégorie du développement durable