Agriculture aux États-Unis

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Photographie satellite de champs circulaires du Kansas caractéristiques de l'irrigation à pivot central.

L'agriculture est un secteur clé de l'économie des États-Unis, le pays étant le 1er exportateur et le 2e importateur mondial. C'est la troisième puissance agricole au monde, derrière la Chine et l'UE. Le secteur emploie 1,7 % de la population active en 2004[1].

En 2012 : 2,2 millions d'exploitations, 371 millions d'hectares de surface agricole utile (169 hectares par ferme en moyenne)[2]. C'est une agriculture intensive sur de grands domaines, qui produit beaucoup de maïs, soja (à plus de 90 % OGM), blé, coton et luzerne, avec aussi un élevage important. La majorité de la production agricole se trouve dans les Grandes Plaines, ainsi que la vallée de San Joaquin (Californie).

Les agriculteurs eux-mêmes sont vieillissants, près de 30 % d'entre eux ayant, en 2011, plus de 65 ans[3].

En 2019, 47 % des 2,4 millions d’ouvriers agricoles des États-Unis sont sans papiers, ne bénéficient d'aucun droits sociaux, et sont fréquemment soumis à des formes sévères d'exploitation[4].

Histoire

L'agriculture des USA a commencé très tôt, dès l'époque des indiens. Ils cultivaient notamment du blé et de l'orge mais aussi du cacao, des tomates... Elle s'est réellement intensifiée avec l'arrivée des esclaves africains au Ier siècle. Depuis le XIXe siècle, la Corn Belt (« ceinture de maïs ») est la principale zone agricole de ce pays - la Sun Belt étant connue pour ses fruits.

Effets du Dust Bowl : tempête de poussière dans le Texas en 1935.

Après la guerre de Sécession, les grands propriétaires fonciers s'emparèrent graduellement de la plupart des terres au détriment des petits colons au Texas et au Kansas. Entre 1880 et 1884, les grands propriétaires, organisés en véritables trusts basés principalement à Boston et à New York, prennent possession de près de 50 millions d'acres. Ils organisèrent des groupes de voleurs de bétail afin de harceler et ruiner les petits éleveurs ; près de trois millions de têtes de bétail sont volées aux indiens dans les années 1860. Selon les estimations de l'historien Oscar Osborn Winther, au moins 50 % des hors-la-loi étaient des employés des grands propriétaires. Ils obtinrent par ailleurs la collaboration du Parlement, qu'ils contrôlaient au Texas et au Kansas[5].

En 1880, les États-Unis possédaient 40 millions de têtes de bétail. Nombre de petits colons n'avaient pas les moyens de s'offrir des bovins mais pouvaient en revanche faire de l'élevage de moutons. À partir des années 1880, les grands éleveurs de bétails se lancèrent dans une « guerre du mouton » qui se prolongea pratiquement jusqu'à la Première guerre mondiale. Les cow-boys organisaient des expéditions contre les éleveurs de moutons ; les bêtes étaient généralement empoisonnées ou abattues, ou dans certains cas précipitées du haut des falaises. Pour les propriétaires de bovins, il s'agissait d'une question d'économie : sans mouton, le prix du bœuf monterait[5].

Une autre méthode employée par les grands éleveurs pour ruiner les indépendants et les petits fut la pose de clôtures de fil de fer. Ces clôtures permirent d'isoler les points d'eau pour assoiffer le bétail. En 1874, 5 tonnes de fil de fer barbelé furent mises en place, puis 127 tonnes en 1876 et 3 600 tonnes en 1880. En réaction, des groupes de petits éleveurs s'organisèrent pour cisailler les clôtures de nuit ; au Texas, 20 millions de dollars de clôtures furent détruites entre 1880 et 1885. La Chambre des représentants du Texas rendit en 1884 la destruction de clôtures un crime punissable de cinq ans d'emprisonnement. Le fait de clôturer à tort, même en connaissance de cause, n'était puni que d'une amende[5].

Dans les années 1930, l'agriculture subit une crise majeure de surproduction et de paupérisation des agriculteurs (ou farmers). Le Dust Bowl (« Bol de poussière »), des tempêtes de poussière et une sécheresse, provoqua une catastrophe écologique qui toucha, pendant près d'une dizaine d'années, la région des grandes plaines. Ces tempêtes détruisirent toutes les récoltes, dépouillèrent les champs de leur terre (érosion), la remplaçant par de la poussière, ensevelirent habitations et matériel agricole et jetèrent des milliers de fermiers sur les routes, en direction de l'ouest. Dans Les Raisins de la colère, le romancier John Steinbeck décrit de façon poignante cette période de l'histoire américaine. La crise écologique provoquée par le Dust Bowl conduisit le gouvernement américain à créer le Soil Conservation Service (en), appelé aujourd'hui Natural Resources Conservation Service (en), organisme chargé de la sauvegarde des ressources naturelles et de l'environnement.

Une petite chauve-souris brune affectée du syndrome du nez blanc, qui décime actuellement les colonies nord-américaines de chiroptères, très grandes consommatrices d'insectes. Une étude publiée en 2011 dans Science faisait état de pertes pouvant aller jusqu'à 3,7 milliards de dollars par an pour les agriculteurs nord-américains provoquées notamment par cette épizootie[6].

Sur les recommandations d’Henry Wallace, l’administration Roosevelt entreprit de protéger les agriculteurs contre les aléas du marché en distribuant des subventions fédérales et en contrôlant la production. Le président Roosevelt fait voter la création d'une Agence agricole et des lois pour assurer la régulation de l'offre de produits agricoles. Le , l’Agricultural Adjustment Act fut promulgué[7]. On décida ainsi de réduire la production pour faire remonter les cours agricoles. Pour cela une grande partie des récoltes et des réserves furent détruites ; la réduction des surfaces cultivées fut encouragée par une politique d'indemnisation[8]. Les dettes des agriculteurs furent rééchelonnées (Farm Credit Act, )[9].

Les premiers résultats, au bout de trois ans, furent encourageants, puisque le revenu des agriculteurs augmenta. Aussi, l’interventionnisme étatique dans le secteur primaire fut amorcé.

Principaux produits

Les vingt principaux produits agricoles du pays étaient en 2003, selon la FAO (avec la masse de la production en tonnes) :

1. Maïs 256 904 992 (80 % du maïs provient de Monsanto[10]; plus de 20 % de la surface agricole utile est consacrée au maïs)
2. Viande de bœuf 11 736 300 (notamment de l'élevage extensif et des feed lots dans les Rocheuses : 98,5 millions de têtes en 1999 (3e producteur mondial)[11] - cf. Élevage bovin aux États-Unis)
3. Lait de vache 78 155 000
4. Poulet 15 006 000
5. Soja 65 795 300 (93 % du soja provient de Monsanto[10])
6. Cochon 8 574 290 (2e élevage porcin du monde, avec 62,2 millions de têtes en 1999[12])
7. Blé 63 589 820
8. Coton 3 967 810
9. Œuf de poule 5 141 000
10. Dinde 2 584 200
11. Tomate 12 275 000
12. Pomme de terre 20 821 930
13. Raisin 6 125 670
14. Orange 10 473 450
15. Riz 9 033 610
16. Pomme 4 241 810
17. Sorghum 10 445 900
18. Laitue cultivée 4 490 000
19. Huile de coton 6 072 690
20. Betterave sucrière 27 764 390

L'agriculture américaine dans le monde : quelques productions

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Réglementation et subventions agraires

Subventions accordées en 2005 par le gouvernement fédéral aux agriculteurs, en milliards de dollars, selon les cultures (source: Congressional Budget Office).

Au niveau réglementaire, le Congrès vote périodiquement des farm bill (en) (« loi sur la ferme »). La dernière en date est le Food, Conservation, and Energy Act of 2008 (en), qui a mis en place un plan de politique agraire sur 5 ans, doté d'un budget de 288 milliards de dollars. Entre autres mesures, cette loi soutient de façon importante la production d'éthanol cellulosique, et institue le National Institute of Food and Agriculture (en), qui doit coordonner la politique fédérale en matière de recherche agronomique.

L'Omnibus Consolidated and Emergency Appropriations Act, FY1999 (en) et l'Agriculture Risk Protection Act of 2000 (en) prévoyaient des indemnisations aux agriculteurs victimes de pertes de récoltes ou de gains inférieurs aux gains escomptés en raison de la volatilité des prix du marché. Ces indemnisations, dites « market loss payments (en) », étaient financées par un budget 3,1 milliards de dollars dans la loi de 1999, et de 7,14 milliards de dollars dans la loi de 2000.

Les Texas longhorns, une race bovine emblématique de l'élevage américain.

Depuis le Federal Agriculture Improvement and Reform Act of 1996 (en), des contrats dits production flexibility contract (en)s, échelonnés sur sept ans, ont été mis en place, qui déconnectent le montant des primes des prix du marché. Ces contrats donnent une plus grande liberté de choix des cultures mises en champ (hormis en fruits et légumes). C'est aussi cette loi de 1996 qui mit fin au soutien aux terres non cultivées, visant à lutter contre la surproduction et à maintenir à un taux suffisamment élevé le prix des denrées agraires.

La politique de subventions aux agriculteurs est ancienne aux États-Unis, bien que moins connue que la politique agricole commune (PAC) en Europe. Elle date des années 1920 et de la crise de 1929, avec le Grain Futures Act (en) de 1922, l'Agricultural Marketing Act (en) de 1929 et l'Agricultural Adjustment Act de 1933. Promulgué sous l'administration Roosevelt, cette dernière loi est la première englobant l'agriculture de manière générale. D'autres lois avaient régulé l'agro-alimentaire, et notamment le secteur de l'abattage, après un rapport de la Federal Trade Commission de 1919 (Packers and Stockyards Act (en) de 1921 et Capper-Volstead Act (en) de 1922, qui soustrayait les coopératives aux poursuites anti-trusts).

Insecticides

Entre 1992 et 2014, l’agriculture américaine est devenue près de cinquante fois plus toxique pour les insectes, principalement en raison des nouvelles générations d’insecticides systémiques dits « néonicotinoïdes »[13].

Commerce

Commerce extérieur

Comme en Europe, l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, ou « maladie de la vache folle ») a atteint le cheptel américain, poussant le Japon, la Corée du Sud et Taïwan à suspendre leurs importations (cf. Conflits sur l'importation de bœuf américain (en)).

Le Japon, premier marché des producteurs de bœuf américains à l'étranger (pour une valeur de plus d'un milliard de dollars), suspendit ses importations en 2003, avant de les ré-autoriser fin 2005, et de les suspendre à nouveau en 2006, puis de lever partiellement ses restrictions (cf. Importation de bœuf américain au Japon (en)).

Vente directe

Les marchés où les consommateurs achètent directement leurs produits frais aux producteurs locaux se multiplient aux États-Unis : appelés «  farmers' markets  » en anglais, ils sont au nombre de 8669 en 2016, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 2015[14]. Ils sont répartis dans 733 aires urbaines américaines (CSA)[14], dont les principales sont New York (plus de 50 « green markets » ou « marché verts » dans la commune[15]), San Francisco ou Washington D.C. Au niveau fédéral, l'USDA encourage leur développement.

La vallée de San Joaquin

50 % des fruits et légumes et 90 % des amandes, artichauts, avocats et tomates des États-Unis sont produites dans la vallée de San Joaquin, au sud du delta du Sacramento en Californie[16]. La vallée, qui est aussi le plus grand fournisseur pétrolier de la Californie, et abrite le troisième champ pétrolier des États-Unis, le Midway-Sunset Oil Field, est aussi l'une des régions les plus pauvres des États-Unis. En 2005, 41 % des adultes du comté de San Joaquin vivaient sous le seuil de pauvreté fédéral et dans un état d'insécurité alimentaire[17].

Élevage

Selon une étude publié en 2018 dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale des sciences des États-Unis d'Amérique (PNAS), les agriculteurs américains pourraient nourrir plus de deux fois plus de personnes qu'actuellement s'ils abandonnaient l'élevage d'animaux destinés à la consommation humaine et se concentraient sur la culture de plantes[18].

Agriculture biologique

logo du National Organic Program.

Depuis 2002, l'agriculture biologique est sous supervision du National Organic Program, organisme dépendant de l'USDA (Département de l'Agriculture), qui distribue notamment un label « bio » (en fait, trois labels, avec des seuils de qualité variable: « 100 % organic », « USDA organic » ou « made with organic ingredients »). Dès 1990, une loi, l'Organic Food Production Act (en), avait mandaté l'USDA pour mettre sur pied une réglementation couvrant le secteur. En 2015, les produits bio représentent 4,9 % des ventes de biens alimentaires aux États-Unis[19]. Ce pays domine largement le marché bio mondial avec 44 % du total soit 39,8 milliards de dollars en 2015[19]. Environ 4100 fermes bio sont présentes aux États-Unis, dont un cinquième est situé en Californie[19]. La production est cependant insuffisante pour couvrir les besoins, c'est pourquoi le pays en importe. Le secteur employait un demi million de personnes en 2010[19].

Pêche et aquaculture

Avec son large territoire et ses côtes sur l'océan Atlantique, le Pacifique et le Golfe du Mexique, les États-Unis ont les plus importantes eaux territoriales du monde (avec un rôle moteur de la Nouvelle-Angleterre, mais aussi de l'Alaska). Ils étaient 5e producteur mondial de poissons au milieu des années 2000, derrière la Chine, le Pérou, l'Inde et l'Indonésie, ce qui représentait 3,8 % du total mondial.

Bien que la question des ressources halieutiques soit un enjeu ancien (un rapport du Congrès de 1871 l'évoquait), ce n'est qu'avec la loi Magnuson–Stevens sur la gestion et la conservation des ressources halieutiques de 1976 que les pêcheries furent réglementées afin de garder sous contrôle les phénomènes de surpêche.

En réponse, l'aquaculture, qui pesait 45 millions de dollars en 1974, prit de l'importance, pour représenter 866 millions de dollars en 2003[20]. En 2004, les États-Unis étaient le 10e producteur mondial dans le secteur de l'aquaculture, principalement derrière des pays asiatiques. Son déficit commercial, dans les fruits de mer, atteignait ainsi plus de 9 milliards de dollars[21].

Après l'ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, la catastrophe pétrolière de la plate-forme Deepwater Horizon, de BP, en , provoqua des conséquences économiques importantes pour la pêche et les fruits de mer (notamment les crevettes, la Louisiane étant le premier producteur de crevettes des États-Unis), durablement contaminés par la nappe de pétrole.

Conditions de travail

D'après une étude de l'ONG britannique Oxfam, parue en 2016, la grande majorité des 250 000 ouvriers du secteur volailler sont privés du droit d'aller aux toilettes afin de gagner en productivité. Beaucoup d'entre eux sont alors contraints de porter des couches-culottes pour travailler dans leurs entreprises et « réduisent leurs prises de liquides et fluides à des niveaux dangereux ». Pour l'ONG, il s'agit d'une dégradation de la condition humaine pour des salariés qui déjà « gagnent de faibles salaires et souffrent de taux élevés de blessures et maladies »[22].

Voir aussi

Bibliographie

Neraud, Lucienne, Le mouvement des ouvriers Mexicains et Mexicains-Americain au Texas, PULM, 2009, Montpellier

Notes

  1. L’état du monde 2006, Paris, La Découverte, 2005, page 362
  2. Contexte agricole et relations internationales agriculture.gouv.fr consulté en avril 2014
  3. Recherche agronomique/Science des aliments Projet de loi sur les priorités agricoles pour l'année 2012, BE États-Unis 266 >> 14/11/2011
  4. (en-US) « Taking a Closer Look at the Agricultural Worker Program Act », sur Food Tank,
  5. a b et c Frank Browning, John Gerassi, Histoire criminelle des États-Unis, Nouveau monde, , p. 340-343
  6. Justin G. Boyles, Paul M. Cryan, Gary F. McCracken et Thomas H. Kunz, Economic Importance of Bats in Agriculture, Science, , Vol. 332 n°6025, pp. 41-42. DOI: 10.1126/science.1201366. Voir aussi USA: des chauves-souris décimées, Le Figaro avec l'AFP, 31 mars 2011.
  7. A. Kaspi, Franklin Roosevelt, Fayard, 1988, p.236
  8. A. Kaspi, Franklin Roosevelt, Fayard, 1988, p.235
  9. A. Kaspi, Franklin Roosevelt, Fayard, 1988, p.240
  10. a et b Peter Whoriskey, Monsanto's dominance draws antitrust inquiry, Washington Post, 29 novembre 2009
  11. Source : Images Economiques du Monde, 2001
  12. Images Economiques du Monde, 2001
  13. « Pesticides: les ravages de l’agriculture américaine », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. a et b (en) USDA, « FARMERS MARKET PROMOTION PROGRAM. 2016 Highlights. » [PDF], sur www.ams.usda.gov (consulté le )
  15. (en) « Greenmarket Farmers Markets | GrowNYC » (consulté le )
  16. Armelle Vincent, La Californie en état d'urgence, Le Figaro, 16 mars 2009.
  17. Hunger in California’s Central Valley: rising poverty in leading food-producing region, WSWS, juillet 2005
  18. https://www.latimes.com/science/sciencenow/la-sci-sn-more-food-vegan-20180326-story.html
  19. a b c et d « Le bio dans le monde » (consulté le )
  20. NOAA/NMFS: (2004) Fisheries of the United States, 2003
  21. Aquaculture in the United States NOAA Aquaculture Program. Retrieved 4 January 2009.
  22. « Des ouvriers privés de pause pipi réduits à travailler… en couche-culotte », Marianne,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

Lien externe