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Villa Noailles

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Clos Saint-Bernard

Villa Noailles
Le bâtiment principal de la villa Noailles et son arbre de vie au fond à gauche.
Présentation
Type
Destination actuelle
Centre d'art et d'architecture
Style
Architecte
Construction
et extensions jusqu'en
Commanditaire
Surface
1 800 m2Voir et modifier les données sur Wikidata
Propriétaire
Ville de Hyères (d) (depuis )Voir et modifier les données sur Wikidata
Patrimonialité
Site web
Localisation
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Coordonnées
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La villa Noailles est une villa dont le noyau initial est construit de à à Hyères, dans le département du Var, par l'architecte Robert Mallet-Stevens, avec la collaboration de l'architecte local Léon David, notamment pour les extensions et annexes réalisées jusqu'en . Elle est située au Clos Saint-Bernard, une propriété d'1,5 hectare, à 4 km de la mer, sur les flancs de la colline du Castéou, qui domine la ville d'Hyères. Elle est aussi un centre d'art, dont la gestion controversée est révélée en [1].

La villa est commandée en et construite selon des plans présentés en au vicomte Charles de Noailles et son épouse Marie-Laure de Noailles, couple de mécènes et amis des grands noms de l'art moderne. C'est l'une des premières constructions françaises du style moderne[2]. Elle est bâtie sur le Clos Saint-Bernard, un terrain d'1,5 hectare sur les flancs de la colline du Castéou qui domine la ville d'Hyères[3], terrain que Charles de Noailles avait reçu de sa mère, née Dubois de Courval, pour son mariage[4].

L'architecte Robert Mallet-Stevens est chargé de la construction, après que le couple a essuyé un refus de l'Allemand Ludwig Mies van der Rohe et des désaccords avec Le Corbusier[2].

Dans sa correspondance avec l'architecte, Charles de Noailles précise : « Je ne compte plus sacrifier un pouce de fenêtre pour obtenir une façade Louis XVI que pour obtenir une façade moderne et intéressante » (), « Je ne pourrais jamais supporter quoi que ce soit dans cette maison ayant un but seulement architectural et je cherche une maison infiniment pratique et simple, où chaque chose serait combinée du seul point de vue de l'utilité » (), « Je veux le soleil le matin dans les chambres à coucher et le soleil de l'après-midi dans le salon, parce que c'est pour avoir le soleil que j'irai dans cette maison » ()[2].

Architecture

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Elle est représentative de l'application des préceptes et des principes du mouvement rationaliste, par sa recherche d'une luminosité maximale, de la fonctionnalité de l'habitation et de son économie décorative mais aussi par une épuration des éléments décoratifs en privilégiant les toits, les terrasses et la lumière. La villa est ainsi constituée d'un « développement de cubes plus ou moins ordonné, aux arêtes vives et percés de larges ouvertures, les surfaces planes ne supportant aucun motif décorateur. La fenêtre traditionnelle fait place aux grands pans de verre[5]. »

Aménagements

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Sur les conseils de l'architecte, il fut fait appel, pour sa construction comme sa décoration, et sur plusieurs années, à certains des artistes les plus prometteurs de l'époque, adeptes notamment de la tendance du mobilier intégré à l'architecture et transformable remarquée au Salon des artistes décorateurs de , sous forme de commandes spécifiques ou d'achats, réunissant sièges en tube chromé et toile, fauteuils en caoutchouc, table en tôle laquée montée sur roulettes ou pliable, lampes métalliques articulées, placards muraux, ferronneries escamotables, etc. et de nombreuses œuvres d'art.

Elle compte quinze chambres de 15 m2, comportant chacune une salle de bains, un dressing, le chauffage central et le téléphone. Les vitres coulissantes glissent dans les murs. Il y avait autrefois des stores en châtaignier peints à la main, en vert amande[2].

Fauteuils du type Transat créés pour la villa Noailles, exposés à la villa Cavrois.

On y trouve ainsi réuni du mobilier de Mallet-Stevens lui-même pour la piscine, avec le fauteuil Transat de en tube de tôle laquée et toile, de Marcel Breuer, avec la chaise Wassily de achetée pour la terrasse et l'atelier, lesquels comptent parmi les tout premiers meubles modernes à structure métallique, de Sybold van Ravesteyn, qui réalise en des meubles en bois et métal peints de différentes couleurs avec casiers et tiroirs intégrés et la polychromie de la chambre d'amis du 2e étage, tandis que Theo van Doesburg avait conçu en et réalisé en le décor d'une pièce destinée à la confection de bouquets, de Djo-Bourgeois, qui aménage la salle à manger en , quatre chambres au mobilier intégré en , un bar coloré dans les salles voûtées et crée un lit pour la chambre de Madame, complétée d'une chaise de Francis Jourdain, d'un tapis et d'une table de desserte d'Eileen Gray et d'un fauteuil de Dominique[a], de Charlotte Perriand avec une table de jeu pliante, de Pierre Legrain qui est chargé de la décoration d'une chambre, de Pierre Chareau, qui conçoit un lit à balancelle suspendu à des barres métalliques[7],[8] dans la chambre en plein air aménagée sur la terrasse en , également dotée de parois de ferronneries escamotables dessinées par Jean Prouvé, et qui réalise l'ameublement de la chambre de Monsieur et des sièges pour le petit salon, lequel est décoré en d'un guéridon et de tabourets de Blanche Klotz, d'une cheminée de René Prou et de toiles imprimées de Raoul Dufy, des « tissus simultanés » de Sonia Delaunay, mais aussi du mobilier plus industriel provenant des firmes Smith & Co, avec des fauteuils, et Ronéo, avec des tables et casiers en tôle.

Le mobilier est complété par des horloges murales électriques de Francis Jourdain, qui ornent chaque pièce, des luminaires de Jean Perzel, des ferronneries de Claudius Linossier, comme la porte d'entrée associant cinq métaux, des vitraux de Louis Barillet dans l'atelier et l'escalier, des sculptures des frères Jean et Joël Martel, qui créent des bas-reliefs sur le pilier central du hall et un miroir polyédrique, d'Henri Laurens (Femme à la draperie), Constantin Brancusi, Alberto Giacometti ou Jacques Lipchitz, dont une œuvre (La Joie de vivre) est placée à la pointe du jardin cubiste réalisé par Gabriel Guevrekian, tandis qu'un second jardin est dessiné par les frères André et Paul Vera, ou des tableaux modernes notamment de Mondrian, avec Composition avec gris et noir de , de Braque, etc. À l'époque, plusieurs de ces personnalités sont encore inconnues du grand public[2].

La villa est ensuite successivement agrandie jusqu'en , pour atteindre 2 000 m2 (contre 500 m2 en ) et 60 pièces avec piscine intérieure aux baies vitrées escamotables et solarium, squash et gymnase privés. Surmontée, comme l'atelier, d'une verrière formant une composition néo-plastique de poutres et de panneaux aux plans décalés, elle offre le premier exemple d'une piscine privée couverte en France. Environ la moitié des espaces affectés au service et au logement des domestiques semblent avoir été conçus principalement par l'architecte local Léon David, qui succédera comme maître d'œuvre à Mallet-Stevens[2].

Sur la colline du vieux château dominant la ville d'Hyères, la villa comporte également un grand jardin méditerranéen planté par le vicomte de Noailles, complété en par un jardin cubiste de Gabriel Guevrekian. Ce jardin cubiste, appelé aussi le jardin triangulaire, était orné d'une sculpture en bronze, La Joie de Vivre, de Jacques Lipchitz, aujourd'hui conservée au Musée d'Israël à Jérusalem.

Lieu de rendez-vous d'artistes

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Fresque d'Óscar Domínguez, sur la terrasse de la piscine.

La villa Noailles devint le rendez-vous de l'avant-garde artistique : Giacometti, Gide, Cocteau, Picasso, Dalí, Buñuel et Man Ray qui y tourna en son premier film surréaliste, Les Mystères du château du Dé, de même que Jacques Manuel avec son film Biceps et Bijoux. Buñuel écrit le scénario de L'Âge d'Or dans la chambre d'amis du deuxième étage, film qui sera financé par Charles et Marie-Laure de Noailles[9]. Óscar Domínguez réalise la fresque qui orne la terrasse de la piscine[10].

Le couple de Noailles donne de grands bals costumés pour divertir et réunir les artistes qui viennent y travailler ou de passage.

Continuité de la vocation du lieu

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Vendue à la municipalité en , la villa, inscrite en et au titre des monuments historiques[11],[12] après une longue période d'abandon et de détérioration, a été restaurée en plusieurs étapes par le cabinet d'architectes[13] Cécile Briolle[14], Claude Marro et Jacques Repiquet, pour devenir un centre d'art et d'architecture en (expositions temporaires d'art contemporain : arts plastiques, architecture, design, photo ou mode). Elle est ouverte au public depuis [2].

La villa Noailles reçoit une quinzaine d'artistes chaque année en résidence dans les quatre chambres disponibles, dont firent partie Eddy de Pretto ou Camélia Jordana.

Dirigée par Jean-Pierre Blanc depuis [15], la villa Noailles est le seul centre d'art en France qui construit sa programmation autour de l'architecture (exposition en février), la mode et la photographie (Festival international de mode et de photographie), et le design (Design-Parade à Hyères et Toulon). Son originalité, la qualité de sa programmation et son rayonnement local, national et international lui ont valu le label « Centre d'art contemporain d'intérêt national »[16]. Des bailleurs de fonds de ce centre d'art alertent cependant sur ses difficultés financières. Une enquête de l'IGAC est déclenchée fin par le ministère de la Culture[15]. Cet audit révèle des problèmes de gestion importants[17], notamment un cumul de déficit de près de 4 millions d'euros, conséquences des frais de déplacement et de réception somptuaires[15].

En , le ministère de la Culture annonce mettre à pied Jean-Pierre Blanc à titre conservatoire[18]. Début , suite aux révélations concernant la gestion de la villa Noailles, Chanel annonce suspendre son soutien financier en attendant la mise en place d'une nouvelle gouvernance[19].

Notes et références

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  1. Léon Marie André Domin (), ensemblier, récompensé par sa nomination de chevalier de la Légion d'honneur par décret du en récompense de sa participation à l'exposition de Paris de [6]. Associé à Marcel Genevrière (), il est cofondateur de la maison Dominique, sise 8, rue de Castellane à Paris.

Références

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  1. Roxana Azimi, « Jean-Pierre Blanc, le directeur de la Villa Noailles, dans la tourmente », Le Monde, (consulté le ).
  2. a b c d e f et g Annie Barbaccia, « À Hyères, chez les Noailles », Le Figaro, , p. 14.
  3. Hubert François 2009, p. 213.
  4. Élizabeth Mismes, « Villa Noailles, cent ans de mécénat », Le Quotidien de l'art, no 2613,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Hubert François 2009, p. 214.
  6. « DOMMIN Léon Marie André », base Léonore, ministère français de la Culture.
  7. « Pierre Chareau, Lit à balancelle, vers  », inv. AM 1997-2-154, sur collection.centrepompidou.fr, Musée national d'Art moderne.
  8. Pierre Chareau, (exposition, galerie du Centre de création industrielle,  – ), Paris, Centre Pompidou (lire en ligne [PDF]), p. 13.
  9. Laetitia Møller, « À la Villa Noailles, dans le Var, de l'art à tous les étages », Le Monde, (consulté le ).
  10. « La fresque d'Oscar Dominguez retrouve des couleurs! », sur metropoletpm.fr, Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, (version du sur Internet Archive).
  11. « Villa Marie-Laure-de-Noailles ou château Saint-Bernard », notice no PA00081651, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  12. François Fray, « Maison dite Clos Saint-Bernard ou villa Noailles », pour l'Inventaire général du patrimoine culturel, 2001, dans la base Mérimée, ministère de la Culture, notice no IA83000024.
  13. « Cabinet Briolle Marro et Repiquet », sur Societe.com.
  14. Françoise Hamon, « Cécile Briolle, Agnès Fuzibet, Gérard Monnier : Mallet-Stevens, La Villa Noailles. Marseille, Parenthèses, , 199 p., nb. ill. n. et bl.  » (compte-rendu de Briolle, Fuzibet et Monnier 1990), Revue de l'art,‎ , p. 109–110 (lire en ligne).
  15. a b et c Roxana Azimi, « La Villa Noailles en proie aux dérives financières », Le Monde, .
  16. « Les centres d'art contemporain », sur culture.gouv.fr, ministère de la Culture (consulté le ).
  17. Christelle Marquès, « Qui va payer ? La gestion financière de la villa Noailles à Hyères étrillée par le ministère de la Culture », sur francebleu.fr, Ici Provence, .
  18. « Le directeur de la Villa Noailles, dans le Var, mis à pied par le ministère de la Culture pour sa mauvaise gestion », sur franceinfo.fr, (consulté le ).
  19. Xavier de Jarcy, « Chanel suspend son soutien au Festival de mode d'Hyères : la Villa Noailles s'enfonce dans la crise », Télérama, (consulté le ).

Bibliographie

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Monographies

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  • Hubert François, « Marie-Laure de Noailles et sa villa hyéroise à l'avant-garde du mouvement artistique moderne () », Actes du 131e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, vol. Tradition et innovation, no 3,‎ , p. 213–216 (lire en ligne).

Documentaire

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Articles connexes

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Liens externes

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