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Conscience

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La conscience (du latin conscientia) peut faire référence à plusieurs concepts philosophiques et psychologiques[1].

Le Lalande distingue la « conscience psychologique » (Bewusstsein en allemand, consciousness en anglais) et la conscience morale (Gewissen en allemand, conscience en anglais).

Avant le XVIIe siècle, la conscience n'a qu'une seule valeur morale en français. Et c'est seulement à partir du XVIIe siècle qu'apparaît le concept philosophique (1676, Malebranche), avec le passage de la valeur morale du bien et du mal à la valeur psychologique ou métaphysique.

Histoire et polysémie du mot[modifier | modifier le code]

Selon Étienne Balibar, « dans les langues latines et germaniques, les principaux termes en présence dérivent du savoir » : d'un côté, on a con-scientia, conscient et conscience ; de l'autre, on a wissen (savoir en allemand), d'où Gewissen et Gewissheit, bewusst (unbewusst) et Bewusstsein, Bewusstheit, etc.[2]

D'après le Dictionnaire historique de la langue française, la conscience n'a qu'une seule valeur morale en français avant le XVIIe siècle. La conscience en tant que concept philosophique apparaît au XVIIe siècle avec des philosophes classiques comme Malebranche.

Dans la première moitié du XXe siècle, le Vocabulaire technique et critique de la philosophie distingue les deux catégories suivantes : 1) la « conscience psychologique » (D. Bewusstsein, Selbstbewusstsein ; E. Consciousness ; I. Coscienza), 2) la « conscience morale » (D. Gewissen ; E. Conscience ; I. Coscienza)[3].

Selon André Comte-Sponville « conscience » est « l'un des mots les plus difficiles à définir »[4]. Cette difficulté se heurte en effet à la problématique d'une conscience tentant de s'auto-définir. En effet, la possibilité qu'aurait une faculté de se discerner elle-même fait question, et connaît même des détracteurs dans des courants de pensée fort éloignés[réf. à confirmer]. Un proverbe bouddhiste formule l'adage selon lequel « un couteau ne peut se couper lui-même »[5], tandis qu'Auguste Comte assure que personne « ne peut […] se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue ».}}

Étymologie[modifier | modifier le code]

En français, « conscience » est un emprunt (vers 1165) « au latin conscientia, dérivé de conscire, de cum « avec » (→ co) et scire « savoir » (→ science), proprement « savoir en commun » »[6]. Conscientia, qui signifie « la connaissance partagée » avec quelqu'un, correspond ainsi au grec sunneidésis, et oscille quant à son sens « entre les valeurs de “confidence” et “connivence” »[6].

Le mot s'étant appliqué par la suite à « la connaissance de soi-même, il a pris un sens moral »[6].

Avant le dix-septième siècle : conscience « morale » en France[modifier | modifier le code]

La valeur morale de « connaissance intuitive du bien et du mal » est la seule que connaisse le mot « conscience » avant le XVIIe siècle[6].

On retrouve ce sens dans des locutions comme : - bonne conscience (1230) - en conscience (1306, en leur conscience, vieilli sauf dans en leur âme et conscience) - cas de conscience (1609)[6].

Le mot peut contenir une insistance sur « la faculté morale en tant que pouvoir, droit d'agir selon ce jugement » (liberté de conscience : l'expression existe déjà avant 1559)[6].

Le Dictionnaire historique de la langue française note certains emplois classiques gardant « une trace de l'ancienne localisation de la conscience dans l'estomac (lui-même souvent assimilé à la poitrine) car, dit Furetière, on se frappe l'estomac dans le repentir, le remords » : la locution mettre la main à la conscience (1673, Molière) renvoie à un geste culturel, ainsi que (se) mettre un verre de vin sur la conscience (1690)

Pris au sens collectif, il exprime « l'ensemble des opinions morales d'une société (1721, conscience publique) »[6].

Quand le sens moral s'applique aux obligations religieuses et professionnelles, on parle de conscience professionnelle, tandis que dans le cas particulier de l'imprimerie, on parle d'un travail de conscience[6].

À partir du dix-septième siècle : apparition du concept philosophique[modifier | modifier le code]

La conscience comme « faculté qu'a l'homme d'appréhender sa propre réalité », qui arrive avec « la réflexion des philosophes classiques (1676, Malebranche) », devient un concept philosophique[6]. Le terme français est alors « l'héritier indirect du grec suneidésis, direct du latin conscientia en emploi antique et moderne »[6].

Le Dictionnaire historique de la langue française observe toutefois que « le passage de la valeur morale à la valeur psychologique ou métaphysique de réflexivité a été préparé par l'emploi métonymique de conscience pour “être conscient”, au XVIe siècle, par exemple chez Calvin (selon É. Balibar) »[6].

Apports anglais et allemands[modifier | modifier le code]

John Locke (traduit en français par Pierre Coste à la fin du XVIIe siècle) distingue trois concepts, conscience, consciousness et self-consciousness[6].

Le mot allemand Bewusstsein pour « conscience » au sens philosophique du terme est de Christian Wolff en 1719, d'où Selbstbewusstsein chez Kant, puis Hegel, termes qui « ont marqué l'emploi de conscience dans la philosophie française depuis Maine de Biran (1811) »[6].

Dix-huitième siècle[modifier | modifier le code]

Au XVIIIe siècle (par exemple, chez Jean-Jacques Rousseau en 1762), le concept, passé dans l'usage commun, désigne « la connaissance immédiate, plus ou moins intuitive, d'une chose à l'intérieur ou à l'extérieur de soi, fournissant les locutions avoir, prendre conscience de »[6].

Dix-neuvième siècle[modifier | modifier le code]

Le XIXe siècle (Hegel, Marx), critique de la « transparence du concept », fait de la conscience « non pas une première certitude naïve, mais le fruit d'une médiation », comme dans prise de conscience, conscience de classe[6].

Vingtième siècle[modifier | modifier le code]

Au début du XXe siècle, Sigmund Freud, en élaborant la théorie psychanalytique, poursuit la critique de ce concept « tel que l'entend la psychologie » et refuse « de limiter le champ du psychisme à la conscience »[6].

Histoire[modifier | modifier le code]

Il n’existe aucun concept strictement comparable à celui de conscience dans la philosophie de la Grèce antique : l'être de Parménide (voir ontologie) pourrait s'en rapprocher.

La racine étymologique du mot conscience vient du latin conscientia, dérivé de cumscirecum représente « avec » et scire correspond à « savoir »[7].

Chez certains auteurs romains, le mot latin prend une dimension morale dérivée du droit, exprimant le fait de se prendre soi-même pour témoin.

Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le terme apparaît dans les langues européennes[8].

Le concept de conscience n’a été isolé de sa signification morale qu’à partir de John Locke, dans son Essai sur l'entendement humain (1689). Avant lui le mot conscience n’a jamais eu le sens moderne[9]. En particulier, Descartes ne l’emploie quasiment jamais[10] en ce sens, bien qu’il définisse la pensée comme une conscience des opérations qui se produisent en nous (les Principes de la philosophie, 1644). Le Petit Robert attribue à Malebranche (1676) la définition de conscience comme « connaissance immédiate de sa propre activité psychique », alors que l'Essai de Locke date de 1689.

C’est le traducteur de Locke, Pierre Coste, qui a introduit l’usage moderne du mot conscience (donc en français, mais le sens du mot consciousness était bien sûr tout aussi nouveau), associé à l’idée d’un soi-même dont la conscience exprime l’identité.

Plusieurs catégories[modifier | modifier le code]

Le terme de conscience peut être distingué en plusieurs catégories :

  • la conscience serait un phénomène mental caractérisé par un ensemble d'éléments plus ou moins intenses et présents selon les moments : un certain sentiment d'unité lors de la perception par l'esprit ou par les sens (identité du soi), le sentiment qu'il y a un arrière-plan en nous qui « voit », un phénomène plutôt passif et global contrairement aux activités purement intellectuelles de l'esprit, actives et localisées, et qui sont liées à l’action (par exemple la projection, l’anticipation, l’histoire, le temps, les concepts…). La conscience est « ce qui voit » sans s’assimiler à ce qui est vu, c'est ce qui intègre à chaque instant en créant des relations stables entre les choses, à l'image des réseaux neuronaux. La conscience est un lieu abstrait, car impossible à localiser quelque part dans le corps, qui apparaît à chaque instant au moment exact où fusionnent les perceptions des sens et de l'esprit, l’espace dans lequel se déroulent toutes les activités intellectuelles de l’esprit, en grande partie imaginaires (les représentations mentales : conscience du monde, des autres, du moi…), mais efficaces à leur manière, ainsi que la vie émotionnelle ;
  • la conscience en tant que substrat de l'existence, dans certaines conceptions de la spiritualité.

La conscience phénoménale correspondrait au « ressenti » d'un sujet. La conscience est « cette capacité de nous rapporter subjectivement nos propres états mentaux »[11]

Les états de conscience se caractérisent par la totalité formée par l'ensemble des représentations d'un sujet à un moment donné.[réf. souhaitée]

Représentations[modifier | modifier le code]

Le premier sens renvoie à ce qui permet une représentation, même très simplifiée, du monde et des réactions par rapport à celui-ci. Il est alors question de « conscience du monde ». C’est celle qui est évoquée dans des expressions comme « perdre conscience », ou, à l'inverse, « prendre conscience ».

Chez les humains, les recherches récentes sur plusieurs périodes de l'histoire montrent l'importance du concept de représentation : par exemple Georges Duby (sur le bas Moyen Âge), Jean Delumeau (sur la Renaissance), et sur un plan plus épistémologique, les recherches de Michel Foucault relatives à l'épistémè. On évoquera également le philosophe allemand Arthur Schopenhauer qui a consacré une grande partie de sa philosophie à l'étude de cette faculté représentative des animaux et, en particulier, de l'homme dans son œuvre principale et magistrale, Le Monde comme volonté et comme représentation.

La conscience est un « fait » au sens où René Descartes, dans les Méditations métaphysiques, laisse entendre que « l'âme est un rapport à soi ». L'examen de la conscience suppose ainsi le doute méthodique comme la façon première d'entrer dans un rapport à soi non erroné. Dans un sens plus « individualiste », la conscience peut aussi correspondre à une représentation, même très simplifiée, de sa propre existence. Il est alors question de conscience de soi, ou de conscience réflexive (en anglais self-awareness). Elle est attribuée au moins aux grands singes hominoïdés comme le sont par exemple les humains, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. Il semble assez raisonnable de l'étendre aussi aux dauphins et aux éléphants qui disposent de capacités cognitives et affectives avancées. La conscience dans ce second sens, implique celle du premier, puisque « se connaître », signifie nécessairement « se connaître dans ses rapports au monde » (y compris d’autres êtres potentiellement doués de conscience). L'inverse en revanche est disputé.

Chaque personne éveillée est consciente, ayant l'expérience de son entourage ; endormie ou morte elle devient inconsciente[incompréhensible].

La conscience de soi est bien illustrée en médecine, surtout au niveau individuel. C'est en effet une des fonctions vitales qui permet de réagir aux situations, de bouger et de parler spontanément. Plus généralement, l’état de conscience (de la conscience pleine au coma profond) est déterminé par l’état neurologique du patient[évasif].

Formes minimales[modifier | modifier le code]

Antonio Damasio, neurologue, étudie les bases neuronales de la cognition et du comportement.

Au niveau de la conscience du monde, les choses peuvent se montrer plus complexes, en impliquant un ensemble de phénomènes liés au contexte sociologique, politique, économique. Le degré minimal de conscience du monde semble celui où on[Qui ?] a tout simplement quelque chose à dire sur le monde. Un simple capteur de présence possède un début de représentation du monde (présence, absence). Encore faut-il pour l’intégrer dans un schéma de conscience que cette information soit utilisée en aval par quelque chose (déclencheur d'alarme, etc.)[incompréhensible].

La conscience de soi, comme la conscience du monde (René Dubos dirait « agir local / penser global ») n'est jamais complète[réf. souhaitée]. Une question qui s'en déduit — puisque toutes sont incomplètes — est « quel est le degré minimal de conscience de soi imaginable ? ». Descartes y répond par son célèbre « Je pense, donc je suis ». Les sciences cognitives s'intéressent à détailler le sens « opérationnel » de cette phrase[évasif] (voir Antonio Damasio, Daniel Dennett…)[réf. souhaitée].

La formule de Socrate, tirée de l'oracle de Delphes : « connais-toi toi-même », montre qu'une mauvaise connaissance de soi a un impact sur la connaissance du monde et réciproquement — puisque nous faisons partie du monde. En fait, la conscience de soi désigne la conscience de phénomènes particuliers reliés au concept de soi.

Notion de culture[modifier | modifier le code]

La notion de conscience du monde pourrait aussi être rapprochée de celle de culture, en tant que cette dernière est un système de représentation. Le mot culture est souvent perçu en langue française dans une acception individuelle avec une connotation « intellectuelle » (ce terme n'étant pas toujours perçu positivement), encore qu'il existe des sens collectifs : culture d'entreprise, culture française, culture de masse[réf. souhaitée]

En allemand, les deux sens sont donnés par des mots différents : Bildung[12] et Kultur[13].

Aspects[modifier | modifier le code]

Pluralité de manifestations[modifier | modifier le code]

Daniel Dennett a, entre autres, écrit sur les Qualia.

Outre les deux sens principaux déjà vus, le concept de conscience a de nombreux sens ou manifestations que l’on peut s’efforcer de distinguer, bien que dans certains cas, ces différences soient surtout des différences de degrés :

  • la conscience comme sensation : tout être doué de sensibilité, voire un système automatique, peut être dit, dans une certaine mesure, « conscient » de son environnement, puisqu'il répond à des stimuli ; c'est ce qu'on désigne sous le nom de « conscience du monde » ;
  • la conscience spontanée, sentiment intérieur immédiat ; certains philosophes de l’Antiquité (par exemple les Stoïciens) parlent de « toucher intérieur »[14] (voir l'article Qualia) ;
  • on peut distinguer une étape supérieure, en signifiant par le mot conscience un état d’éveil de l’organisme, état différent du précédent en ce sens qu’il ne comporte pas de passivité de la sensibilité (cf. en anglais, le mot wakefulness, vigilance, alerte, ou awareness) ; en ce sens, il n’y a pas de conscience dans l’état de sommeil profond ou dans le coma ;
  • conscience de soi : la conscience est la présence de l’esprit à lui-même dans ses représentations, comme connaissance réflexive du sujet qui se sait percevant. Par cette présence, un individu prend connaissance, par un sentiment ou une intuition intérieurs, d’états psychiques qu’il rapporte à lui-même en tant que sujet. Cette réflexivité renvoie à une unité problématique du moi et de la pensée, et à la croyance, tout aussi problématique, que nous sommes à l’origine de nos actes ; ce dernier sens est une connaissance de notre état conscient aux premiers sens. Le domaine d’application est assez imprécis et il comporte des degrés : s’il s’agit d’une conscience claire et explicite, les enfants qui ne parlent pas encore ne possèdent sans doute pas la conscience en ce sens ; s’il s’agit d’un degré moindre de conscience, d’une sorte d’éveil à soi, alors non seulement les enfants peuvent être considérés comme conscients mais aussi certains animaux ;
  • un autre sens du mot conscience a été introduit par le philosophe Thomas Nagel : il s’agit de la conscience pour un être de ce que cela fait d’être ce qu’il est ;
  • la conscience comme conscience de quelque chose (conscience transitive, opposée à l’intransitivité du fait d’être conscient). Cette conscience renvoie à l’existence problématique du monde extérieur et à notre capacité de le connaître ;
  • la conscience intellectuelle, intuition des essences ou des concepts ;
  • la conscience phénoménale, en tant que structure de notre expérience ;
  • à un degré conceptuellement plus élaboré peut exister ou non la « conscience morale », définissable comme la compréhension et la prise en charge par l'individu des tenants et aboutissants de ses actes pour la collectivité et les générations futures.

Dans l’ensemble de ces distinctions, on peut noter une conception de la conscience comme savoir de soi et perception immédiate de la pensée, et une autre comme sentiment de soi impliquant un soubassement obscur et un devenir conscient qui sont, en général, exclus de la première conception. La conscience morale, quant à elle, désigne le sujet du jugement moral de nos actions. De cette conscience-là, on dit aux enfants qu'elle nous permet de distinguer le bien du mal. Voir plus bas.

Questions fondamentales[modifier | modifier le code]

Pour Jean-Pierre Changeux, il existe un « espace de travail neuronal » constitué de neurones momentanément coactivés et qui forment le siège de la conscience.

Il existe de nombreuses théories qui s’efforcent de rendre compte de ce « phénomène ».

Ce sujet fait l’objet des travaux de Daniel Dennett, Antonio Damasio et Jean-Pierre Changeux, ainsi que des sciences cognitives. Le modèle du spectateur cartésien est remis en cause car, comme le fait remarquer Daniel Dennett, on ne peut expliquer la conscience par la conscience : expliquer exige que l’explication ne fasse pas appel elle-même à une compréhension de ce qu’on souhaite justement expliquer (« To explain means to explain away »). En d’autres termes, on n’aura expliqué la conscience que lorsque cela aura été fait en termes ne faisant pas intervenir le mot ni le concept de « conscience ». Sinon, on tombe dans un argument circulaire (voir l’article : sophismes). On remarquera que Daniel Dennett, remet en cause le modèle du « spectateur cartésien » avec une explication elle-même de type « circulaire ».

Il semble que ces questions soient à mettre en rapport avec le cogito de Descartes, replacé dans son contexte, et avec la notion de représentation du monde. Descartes conçut sa philosophie en réaction au modèle géocentrique, incarné par les « aristotéliciens » et la scolastique décadente de son époque, et en fonction du modèle héliocentrique qui émergeait avec les observations faites par Galilée (voir Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, 1633).

Disciplines concernées[modifier | modifier le code]

Dans le langage courant, le concept de conscience peut être opposé à l’inconscience, à l’inattention, à la distraction, au divertissement, etc. Lorsqu'il s'agit de l'étudier, c'est avant tout la philosophie qui a été et est concernée. Outre la médecine, l’étude de la conscience concerne plusieurs disciplines, comme la psychologie, la psychanalyse, la psychiatrie, la philosophie de l'esprit et la philosophie de l'action. Elle est aussi liée au langage (verbal ou non), donc à la philosophie du langage.

Philosophie[modifier | modifier le code]

La psychanalyse[modifier | modifier le code]

« Il se passe dans le psychisme bien plus de choses qu’il ne peut s’en révéler à la conscience ».
Sigmund Freud, Essais de psychanalyse

La psychanalyse distingue, à la suite de Sigmund Freud, la conscience de l'inconscient[15]. Dans la première topique établie par Freud, « le conscient » est l’une des trois instances composant l'appareil psychique, les deux autres étant le préconscient et l’inconscient. Ainsi pour Freud, la conscience n'est pas l'essence du psychisme, elle n’en est qu'une partie et ignore de nombreux phénomènes qui sont de l’ordre de l'inconscient. Ceux-ci ne peuvent être amenés à la conscience que dans le cadre de la cure psychanalytique, à travers la prise de conscience du refoulé[16].

Méditation[modifier | modifier le code]

Les pratiquants de la méditation cherchent à accéder à une prise de conscience (de la conscience), voire à des états modifiés de conscience[17],[18],[19]. C'est une méthode pour entrer en soi et s'interroger soi-même dans la perspective de mieux se connaître et de vivre une expérience subjective intérieure personnelle.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Jean-Paul Sartre : « La conscience n’a pas de dedans, elle n’est rien que le dehors d’elle-même. »

La conscience présente certains traits caractéristiques qui peuvent notamment inclure : rapport à soi, subjectivité (la conscience que l'individu possède de lui-même est distincte de celle d’autrui), la structure phénoménale, la mémoire, la disponibilité (ou liberté de la conscience à l’égard des objets du monde), la temporalité, la sélectivité, l’intentionnalité (toute conscience est conscience de quelque chose, est tournée vers autre chose qu’elle-même[20]) et l’unité ou synthèse de l’expérience.

Conscience de soi[modifier | modifier le code]

La conscience s’accompagne de souvenirs, de sentiments, de jugements, de sensations et de savoir que nous rapportons à une réalité intérieure que nous nommons moi. Cette conscience est appelée conscience de soi, et est structurée par la mémoire et l’entendement. Elle est en ce sens une unité synthétique sous-jacente à tous nos comportements volontaires. Les éléments qu’elle contient, souvenirs, sentiments, jugements, dépendent d’un contexte culturel, ce qui fait de la conscience de soi une réalité empirique changeante et multiple. L’unité et la permanence du moi ne sont donc pas garanties par l’unité, peut-être seulement nominale, de la conscience.

Le cogito cartésien (« je pense donc je suis ») tend à exprimer l'état de conscience de celui qui s'exprime. Autrement dit le sujet, disant « Je » exprime une conscience de lui-même (Ego), en termes de savoir (raisonnement - entendement). Le « Je pense » est interactif. Il implique et nécessite, pour être exprimé, la conscience de soi. La conclusion d'être pourrait dès lors paraître redondante. Toutefois, elle vient exprimer l'état et la relation sensitive. « Je pense donc je suis » peut donc se décliner en « Je sais que je ressens donc j'existe ». C'est aussi la faculté de douter de sa propre existence qui « atteste » cette existence même.

Rapport en première personne[modifier | modifier le code]

Auguste Comte : « On ne peut pas se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue ».

L’introspection est une méthode d’investigation de la conscience qui vient, généralement, la première à l’esprit. C’est un fait que nous pensons tous avoir un accès privilégié à notre esprit, accès dont la conscience serait l’expression. Mais l’investigation de notre vie mentale n’est certainement pas suffisante pour élaborer une théorie étendue de la conscience : « on ne peut pas, disait Auguste Comte, se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue ». Le sujet ne peut en effet s’observer objectivement puisqu’il est à la fois l’objet observé et le sujet qui observe, d’autant que la conscience se modifie elle-même en s’observant. Toute psychologie impliquerait donc d’examiner la conscience à la troisième personne, même s'il faut alors se demander comment il est possible d’observer ainsi la conscience de l’extérieur.

Le stade du miroir (se reconnaître dans un miroir) est souvent, considéré comme une étape essentielle de la conscience de soi, réservé à l'humain. Mais si ce stade est atteint vers l'âge d'un an et demi à deux ans chez l'homme, certains chimpanzés expérimentés, certains autres grands singes, éléphants, dauphins, perroquets et pies, sont capables de se reconnaître dans un miroir, comme l'a montré le test du miroir en éthologie[21].

Courant[modifier | modifier le code]

L’idée de conscience de soi pose le problème de l’unité d’un sujet, d’un moi ou d’une conscience. On peut très généralement distinguer deux types d’hypothèses :

  • la conscience est l’expression d’une unité interne — le je du je pense ; cette unité peut être comprise de différentes manières :
    • unité d’un individu — le sujet pensant, voire « l’âme » (par exemple chez Descartes),
    • unité transcendantale — le sens interne comme conscience de mes contenus de conscience comme m’appartenant (Kant).
  • la conscience n’est qu’une liaison d’agrégats d’impressions (Hume) qui peut être décrite comme une suite plus ou moins cohérente de récits concernant un sujet purement virtuel — le moi. Aussi, « quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps je n’ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n’existe pas » (Hume, Traité de la nature humaine, I). Selon cette thèse, le moi est autre.

Conscience du monde extérieur[modifier | modifier le code]

Pour Edmund Husserl, la conscience ne peut être décrite indépendamment des objets qu'elle appréhende.

Selon Husserl, qui reprend un concept médiéval, toute conscience est conscience de quelque chose. Cela suppose que la conscience soit un effort d’attention qui se concentre autour d’un objet. Cette concentration est structurée par l’expérience ou par des catégories a priori de l’entendement, structures que l’on considère parfois comme les fondements de toute connaissance du monde extérieur. Dans l’idéalisme moderne la conscience est ainsi la source et l’origine de la science et de la philosophie.

À la question de savoir quelles relations la conscience entretient avec la réalité en général, une description phénoménologique répond que celle-ci a une structure spatiale et temporelle, structure qui est une organisation des concepts qui concernent notre expérience du monde et nous-mêmes en tant qu’acteurs de ce monde.

Théories[modifier | modifier le code]

Selon Stuart Hameroff, le cerveau est l'organe à travers lequel la conscience se manifeste mais il n'est pas ce qui produit la conscience[22].

Les questions de savoir ce qui caractérise la conscience, quelles sont ses fonctions et quels rapports elle entretient avec elle-même ne préjugent pas nécessairement du statut ontologique qu’il est possible de lui donner. On peut, par exemple, considérer que la conscience est une partie de la réalité qui se manifeste dans des états de conscience tout en étant plus qu’une simple abstraction produite à partir de l’adjectif « conscient ». Cette thèse réaliste (au sens de la philosophie médiévale, voir réalisme et nominalisme) n’a plus beaucoup de défenseurs de nos jours. L’une des raisons en est que l’investigation purement descriptive ne rend pas nécessaire ce genre d’hypothèses réalistes.

et même des approches totalement physiques (matérialisme scientifique), comme celle de Jean-Pierre Changeux, selon lequel les percepts et les concepts constituent des entités physiques se traduisant par des connexions physiques et logiques de neurones, qu’il entend mettre en évidence ; c’est déjà le cas pour les percepts. Dans cette démarche, Stanislas Dehaene poursuit les travaux de recherche sur la Théorie de l'espace neuronal global, dans Le Code de la conscience, 2014.

Le concept de conscience n'est donc plus exclusivement utilisé par la philosophie ou la psychologie, des chercheurs d'autres disciplines comme la sociologie ou l'anthropologie s'intéressent à ce concept en lui donnant d'autres sens, à partir souvent de résultats d'enquêtes ou d'observations directes et participantes. Par exemple, des chercheurs sous la direction d'Alfredo Pena-Vega et de Nicole Lapierre ont étudié l'émergence d'une conscience européenne chez des jeunes vivant en Poitou-Charente.

Des disciplines telles que la neurologie s'intéressent elles aussi au concept de conscience. À ce titre, les altérations de conscience par exemple dans le cadre d'un accident vasculaire cérébral permettent de mieux appréhender ce concept. Ainsi, la vision aveugle dans le cadre d'un accident vasculaire occipital consécutif à l'occlusion du tronc basilaire, permet d'expérimenter une vision inconsciente des objets. Le patient parvient à éviter des objets d'une façon qu'il qualifie d'intuitive donc inconsciente.

Religions[modifier | modifier le code]

Bouddhisme[modifier | modifier le code]

La philosophie bouddhique étudie elle aussi la conscience, vijñāna et en analyse les différentes formes et fonctions. Il s'agit alors de l'un des constituants de la personne, skandhas, distinct de la perception, samjñā ; cependant, si vijñāna est traduit par conscience, et que le terme désigne bien une connaissance, le concept bouddhiste ne recouvre pas exactement la conscience telle qu'elle est thématisée dans la pensée occidentale.

Hindouisme et védisme[modifier | modifier le code]

Au cours des siècles, la conscience n'était pas définie systématiquement de la même façon sur le sous-continent indien. La notion de « conscience pure » dans les théories dérivées des textes de l'hindouisme, est comme un « état libéré », libéré du karma, libéré du samsara. Elle peut être comprise comme un substrat de l'existence individuelle. Pour certains hindouistes, plus le chemin du yogi avance dans la méditation, plus sa conscience devient grande. Le problème de la dualité de l'univers entre l'individuel et le Tout, c'est-à-dire Dieu se pose aussi[24]. Dieu dans le Brahmanisme et l'Hindouisme peut être l'être suprême Brahman, transcendant (Tat) ou immanent (Sat-Chit-Ananda) dont la triplicité est l’existence-conscience-félicité. c'est encore la Trimurti de Brahma-Vishnou-Shiva. La Mandukya Upanishad donne quatre états de conscience : éveillé, dormant, rêvant et n'étant qu'un avec le Brahman[25]. Ce quatrième état de conscience, ou Turiya, qui veut dire quatrième en sanskrit, est au-delà des états de veille, de rêve et de sommeil dont il peut être considéré comme la source à l'origine de trois fleuves, ou encore illustré comme l'image du moyeu d'une roue à trois branches. Pour Aurobindo Ghose qui réunit spiritualité et matérialisme dans une vision évolutionniste de l'humanité, l'émergence d'une conscience de vérité qu'il appelle la conscience supramentale[26] peut contribuer à l'évolution d'une nouvelle conscience sur terre. Pour Jean Gebser la conscience supramentale de Sri Aurobindo est la même que la conscience intégrale qu'il décrit dans sa vision de l'évolution de la conscience[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Christian Godin, Dictionnaire de philosophie
  2. Étienne Balibar, « Conscience » (article), dans Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, Le Robert, (ISBN 978-2-02-143326-5), p. 260.
  3. Lalande 1993, p. 173-176.
  4. André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, PUF, , p. 127
  5. Conscience, publié par Le Centre Vimalakirti, lieu consacré à la pratique de diverses méditations bouddhiques.
  6. a b c d e f g h i j k l m n o et p Alain Rey (dir.), Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française (1e éd. 1992), édition petit format, 1998, réimpression, 2000, tome 1, entrée « Conscience », p. 856-857.
  7. Oscar Bloch et Walther von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, Presses universitaires de France, (lire en ligne)
  8. Conscience & cerveau : la nouvelle frontière des neurosciences, De Boeck Supérieur, , 340 p. (ISBN 978-2-8041-3766-3, lire en ligne), p. 78
  9. John Locke (trad. et dir. Etienne Balibar), Identité et Différence : L'Invention de la conscience, Seuil, 1998
  10. Voir Natalie Depraz, La conscience. Approches croisées, des classiques aux sciences cognitives (cf. Bibliographie), ch.1, § 1.3, où elle recense les (très rares) occurrences chez Descartes des termes conscientia, conscius esse, et conscience en français ; elle conclut que [chez Descartes] « on a moins affaire à une philosophie de la conscience qu'à une philosophie de la vérité certaine et du fondement (…) ».
  11. Sciences Humaines. No spécial « Le cerveau en 12 questions », en date de
  12. (de) Voir l'article « Bildung » sur Wikipédia en allemand.
  13. (de) Voir l'article « Kultur » sur Wikipédia en allemand.
  14. Daniel Heller-Roazen, Une archéologie du toucher, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », , 432 p. (présentation en ligne)
  15. Sigmund Freud, Métapsychologie, Ed. Presses Universitaires de France, 2010, (ISBN 2-13-057957-4)
  16. Roland Chemama (dir.) et Bernard Vandermersch (dir.), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Éditions Larousse, , 4e éd., 602 p. (ISBN 978-2-03-583942-8), p. 108-109.
  17. J.G. Henrotte, P. Etevenon, G. Verdeaux. Les états de conscience modifiés volontairement. La Recherche, 1099-1102, 29, décembre 1972, Paris
  18. Pierre Etevenon et Bernard Santerre, États de conscience, Sophrologie et Yoga, Éditions Tchou, 2006
  19. Les états de conscience modifiés.Pierre Etevenon. 3emillénaire, N°127, 14-23, printemps 2018.
  20. « la conscience n’a pas de dedans, elle n’est rien que le dehors d’elle-même. » (Sartre)
  21. Voir Ces drôles d'oiseaux, Documentaire de Volker Arzt et Immanuel Birmelin (Allemagne, 2006, 2 × 43 min), diffusé sur Arte le 5 septembre 2006
  22. What is consciousness ?
  23. Kammerer 2019
  24. Dictionnary of Hinduism par W.J. Johnson publié par Oxford University Press, page 86, (ISBN 9780198610250)
  25. The A to Z of Hinduism par B.M. Sullivan publié par Vision Books, pages 56 et 57, (ISBN 8170945216)
  26. Sri Aurobindo. La synthèse des Yoga. Le Yoga de la perfection de Soi, tome 3, Buchet Chastel, 1995.
  27. Jean Gebser, The Ever-Present Origin, Traduction de l'allemand de Noel Barstad et Algis Mickunas, Athens: Ohio University Press, 1985, 1991

Annexes[modifier | modifier le code]

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Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Conscience.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Dictionnaires[modifier | modifier le code]

Textes classiques[modifier | modifier le code]

Études[modifier | modifier le code]

David Chalmers parle de problème difficile de la conscience pour évoquer les questions non résolues sur le sujet.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]