Éva Heyman

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Éva Heyman
Éva Heyman.
Biographie
Naissance
Décès
(à 13 ans)
AuschwitzVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
Éva HeymanVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Autres informations
Genre artistique
autobiographique
Lieu de détention
Œuvres principales
J'ai vécu si peu : journal du ghetto de Nagyvárad

Éva Heyman, née le à Oradea en Royaume de Roumanie, morte le à Auschwitz-Birkenau, est une adolescente de treize ans qui a écrit, telle Anne Frank, un court journal dans le Ghetto d'Oradea (ville rattachée en 1940 à la Hongrie à la suite du deuxième arbitrage de Vienne) avant d'être déportée en 1944 au camp de concentration d'Auschwitz et de devenir une victime de la Shoah[1].

À son retour après la guerre, la mère d'Éva a récupéré le journal, qui a été publié à Budapest en 1948. Par la suite, il a été traduit dans d'autres langues, notamment en anglais. Éva a été surnommée l’Anne Frank transylvaine, l’Anne Frank d'Oradea ou l’Anne Frank de Nagyvárad[Par qui ?].

Biographie[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Éva est née en 1931 à Oradea, en Transylvanie, région qui s'était unie à la Roumanie en à la suite de la dislocation de l'Empire austro-hongrois, ce qui avait été officialisé en 1920 par le Traité de Trianon. Ses parents, Juifs hongrois, Ágnes (Agi) Rácz et Béla Heyman, divorcent en 1933. Sa mère se remarie avec l'écrivain Béla Zsolt et déménage à Budapest, tandis qu'Éva vit chez ses grands-parents maternels d'Oradea qui sont propriétaires d'une pharmacie. Son père, l'architecte Bela Heyman, habite de l'autre côté de la ville et ne la voit que de façon sporadique.

Justine, la gouvernante autrichienne et chrétienne qui avait pris soin de sa mère, s'occupe désormais d'Éva. Dans la maison de ses grands-parents vit également Mariska Szábo, une cuisinière chrétienne qui a sauvé et gardé le journal d'Éva après son expulsion du ghetto[2],[3].

Le gouvernement hongrois de Miklós Horthy prend des mesures discriminatoires à l'encontre des Juifs[4] (par exemple, les autorités confisquent à Éva son vélo rouge qu'elle aimait tant, car interdiction est faite aux Juifs d'en posséder) mais jusqu'en 1944 ils échappent à la déportation en Allemagne nazie. Éva se console en pensant que sa famille a conservé la chose la plus précieuse, la vie. Au printemps 1944, à mesure que l'Armée rouge soviétique avance vers la Hongrie, les autorités hongroises, pour donner des gages aux nazis, durcissent leur politique antisémite et regroupent les Juifs en ghettos, tandis que Horthy tente des contacts informels avec les Alliés, ce qui lui vaut d'être remplacé en octobre par Ferenc Szálasi qui n'a rien à refuser aux nazis : la Wehrmacht entre alors en Hongrie lors de l'Opération Margarethe.

Le journal d'Éva : « Je veux vivre ! »[modifier | modifier le code]

« J'ai 13 ans. Je suis née un vendredi treize », ainsi Éva commence-t-elle son journal le [5],[6].

Le 1er mai, elle raconte les préparatifs avant l'emménagement forcé dans l'un des deux ghettos de Nagyvárad :

« Nous avons tous commencé à emballer, mais uniquement des objets et uniquement ceux autorisés comme l'a lu Agi (sa mère, n.r.) sur les pancartes. Je sais que ce n'est pas un rêve, et pourtant je ne peux pas croire que c'est vrai. Nous pouvons emporter des draps de lit, mais ne sachant pas quand ils vont venir nous déporter, ils restent toujours dehors. [...]
Mon petit Journal ! Je n'ai jamais eu aussi peur ! »

. Le , soit 5 jours après l'emménagement dans le ghetto, elle écrit :

« Je ne peux pas imaginer comment sera l'avenir. Je dis tout le temps, maintenant c'est le pire, mais après je me rends compte que tout le temps tout est possible ; toujours pire et même bien pire. Jusqu'à maintenant nous avons eu à manger, à l'avenir nous n'aurons plus rien. Sur le territoire du ghetto, au commencement, nous pouvions aller les uns chez les autres, maintenant nous ne sommes plus autorisés à quitter la maison... Agi me dit toujours qu'elle ne regrette rien, pourvu qu'ils nous laissent en vie. Cette nuit, mon Petit Journal, j'ai rêvé de Juszti (la gouvernante Justine, n.r.), et le matin je me suis réveillée en pleurs. »

Les 17 et , Éva raconte en détail la torture subie par les Juifs dans la brasserie Dreher, telle qu'elle l'avait apprise des récits des adultes, tout en étant au lit, incapable de s'endormir.

Elle note le  :

« Mon petit Journal, maintenant vraiment tout se termine. Ils ont divisé le ghetto en secteurs et ils nous emmènent tous. »

Le , elle nous parle des trains de déportés :

« Ce doit être terrible dans le wagon ; et maintenant, personne ne dit qu'ils nous emmènent, tout le monde dit qu'on nous déporte.
En face de notre maison, un gendarme monte la garde. Hier, il était dans le jardin Rhedely, parce que c'est de là que partent les trains avec les Juifs. Pas de la gare, pour ne pas être vus par ceux de la ville – dit grand-père.
Ils entassent environ 80 personnes dans un wagon, et à tant de personnes on a donné un seul seau d'eau. Et le plus terrible, c'est qu'ils ont cadenassé les wagons. Par cette chaleur, les gens vont étouffer!
Le gendarme a dit qu'il ne pouvait pas comprendre les Juifs. Ils ne se lamentent pas, pas même les enfants ; ils se déplacent comme des somnambules ; comme s'ils ne vivaient plus. Ils sont montés dans les voitures pétrifiés, sans prononcer un mot. »

Éva finit son journal en s'exclamant :

« Malgré tout, mon Petit Journal, je ne veux pas mourir, je veux vivre, même si j'étais la seule du secteur à pouvoir rester ici. J'attendrai la fin de la guerre dans une cave ou dans un grenier, ou dans n'importe quel trou ; moi, mon petit Journal, je me laisserai même embrasser par le gendarme qui louche et qui a pris notre farine, pourvu qu'il ne me tue pas, qu'il me laisse vivre. »

Lorsque la cuisinière Mariska pénètre dans le ghetto pour leur apporter de la nourriture, elle reçoit le journal d'Éva et le met en sécurité jusqu'à l'après-guerre[7].

La déportation à Auschwitz[modifier | modifier le code]

Le , Éva et ses grands-parents sont déportés à Auschwitz dans un des wagons à bestiaux du dernier train de déportés de Nagyvárad. Les grands-parents sont immédiatement envoyés à la chambre à gaz, tandis qu'Éva est sélectionnée par le Dr Mengele pour être l'objet d'expériences humaines. Mengele découvre qu'elle a les pieds gonflés, probablement parce qu'elle avait contracté le typhus ou la gale, et l'envoie à la chambre à gaz où elle est tuée le , à l'âge de treize ans[8].

Les survivants de la famille[modifier | modifier le code]

Le tombeau d'Agnès Rácz et Béla Zsolt à Budapest sur Kozma utcai izraelita temető (Cimetière de la Rue Kozma)

D'autres traductions[modifier | modifier le code]

  • (he) Yehouda Marton (EDS.): Yomanah shel Eṿah Haiman. Le Mémorial de Yad Vashem, Jérusalem, 1964.
    • "La version hébraïque a été publié en 1964 à Jérusalem. Marton décrit l'histoire des juifs à Oradea avec les aspects de la vie sociale et culturelle, parle d'Éva et de sa famille et de l'atmosphère dans laquelle le Journal a été écrit, dans une présentation de douze pages. En outre, Marton a ajouté des notes dans le texte, ce qui explique des concepts étrangers au lecteur en hébreu."
  • Le journal d'Éva Heyman. Introduction et notes par Juda Marton. Traduit de l'hébreu en anglais par Moshe M. Kohn. Le Mémorial de Yad Vashem, Jérusalem, 1974.
  • Une partie du journal dans la traduction du hongrois en anglais par Susan Geroe à du souvenir
  • Ágnes Zsolt: Das rote Fahrrad, traduction de la langue hongroise en allemand par Ernö Hisaw. Comprend l'introduction de la mère et une postface de Gábor Murányi, Vienne : créneau de l'édition, 2012, (ISBN 978-3-9503345-0-0)
  • Silviu Goran: Eva Heyman (ISBN 978-9-738-95395-6)
  • Des Fragments de Jacob Boas: Nous en sommes témoins. Cinq journaux intimes d'adolescents qui sont morts dans l'Holocauste. Henry Holt, New York, 1995, (ISBN 0-8050-3702-0)
    • Jacob Boas, dans la traduction en néerlandais: Eva, David, Moshe, Yitschak fr Anne: oorlogsdagboeken van joodse kinderen.
    • Jacob Boas dans la traduction en russe : Mon svideteli : dnevniki piati podrostkov, jertv kholokosta. Optimale, Kiev, 2001, (ISBN 966-7869-05-9).
  • Extrait de Laurier Holliday: les Enfants dans la Shoah et la seconde Guerre Mondiale : leurs journaux secrets Livres de Poche, New York 1995. [Année anthologie de vingt-trois journaux intimes écrits au cours de l'Holocauste par les enfants, dont certains ont ensuite été assassinés par les nazis]
  • J'ai vécu si peu : Journal du ghetto d'Oradea, préface de Carol Iancu, traduction française de Jean-Léon Muller, Éditions des Syrtes[9], , (ISBN 978-2940523009)

Commémoration[modifier | modifier le code]

  • L'Université d'Oradea compte un Centre de Recherches de l'histoire des Juifs en Roumanie nommé “Eva Heyman” depuis 2012.
  • Éva Heyman, l'Anne Frank transylvaine est une tragédie du dramaturge et avocat Pașcu Balaci jouée au théâtre[10].
  • Une statue et des panneaux explicatifs ont été inaugurés en 2015 dans le parc Nicolae Bălcescu d'Oradea, d'où ont été déportés vers Auschwitz par trains de marchandises environ 3.000 juifs entre le et le [11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Notice biographique d'Eva Heyman par l'USHMM.
  2. Lemma Nagyvárad, in: Guy Miron [Hrsg.
  3. Wolfgang Benz: Arbeitserziehungslager, Ghettos, Jugendschutzlager, Polizeihaftlager, Sonderlager, Zigeunerlager, Zwangsarbeiterlager, S. 365
  4. Le régime conservateur de Miklós Horthy ne traite pas les 725 000 juifs vivant en Hongrie en 1941 de manière égale ([1]) : la moitié d’entre eux, restés citoyens hongrois en 1918-1920 (traité de Trianon) est soumise à diverses restrictions et persécutions (y compris les 58 320 devenus chrétiens) mais échappe jusqu'en 1944 à la déportation en Allemagne (- 100 000 personnes d’après l’encyclopédie multimédia de la Shoah); en revanche l’autre moitié, apatride (juifs ex-tchécoslovaques, roumains ou yougoslaves) est soumise au décret du 12 juillet 1941 stipulant qu’ils doivent être recensés et regroupés en Ruthénie subcarpathique (Encyclopédie multimédia de la Shoah, article « La Hongrie avant l'occupation allemande » sur [2], Dictionnaire de la Shoah, p. 312 et (en) « Uzhorod » sur le site www.jewishvirtuallibrary.org).
  5. D'après des indications contenues dans le texte, il semblerait qu'Éva ait tenu son journal auparavant. Voir : The diary of Eva Heyman. Introduction Translated by: Susan Geroe
  6. Jurnalul Evei (journal d'Éva)
  7. Béla Zsolt décrit la véritable dimension de l'agression perpétrée contre les jeunes femmes du Ghetto dans le roman "Neuf valises"
  8. url=https://www.ushmm.org/wlc/en/idcard.php?
  9. « "J'ai vécu si peu - journal du ghetto d'Oradea" », sur Editions des Syrtes (consulté le ).
  10. [3]
  11. Emilia Tessler, présidente de la congrégation Tikwah sur [4]

Liens externes[modifier | modifier le code]