Élection présidentielle ivoirienne de 2000

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Élection présidentielle ivoirienne de 2000
Corps électoral et résultats
Inscrits 5 475 143
Votants 2 049 018
37,42 % en diminution 18,8
Blancs et nuls 254 012
Laurent Gbagbo – FPI
Voix 1 065 597
59,36 %
Robert Guéï – Indépendant
Voix 587 267
32,72 %
Francis Wodié – PIT
Voix 102 254
5,7 %
Président de la République
Sortant Élu
Robert Guéï
Indépendant
Laurent Gbagbo
FPI

L'élection présidentielle ivoirienne de 2000 a désigné, à l'issue du premier tour le , le troisième président de Côte d'Ivoire et le premier président n'étant pas membre du PDCI de l'histoire du pays, Laurent Gbagbo. Elle a mis fin à la transition de 10 mois de la junte militaire dirigée par Robert Guéï. Des trois principaux partis politiques de Côte d'Ivoire, PDCI, RDR et FPI seul ce dernier a pu présenter un candidat ce qui a entraîné un boycott de l'élection par les deux autres[1],[2].

L'inscription sur les listes électorales est très importante, près de 5,5 millions d'électeurs âgés de plus de dix-huit ans se sont inscrits et une augmentation de 1,7 million par rapport à 1995.

Le 25 octobre, La Commission nationale électorale annonce l'élection du candidat FPI Laurent Gbagbo avec 59,36 % des voix[3],[4], soit un total de 1 065 597 bulletins de vote en sa faveur. Laurent Gbagbo est investi le mais son investiture fut contestée pendant de nombreuses semaines.

Cette élection fut marquée par de nombreux affrontements à la suite de l'éviction de quatorze candidats dont Alassane Ouattara, pour la deuxième fois après 1995. Le concept d'ivoirité mis en place part Henri Konan Bédié en est alors la principale cause.

Contexte[modifier | modifier le code]

Présidence Bédié[modifier | modifier le code]

Le , Henri Konan Bédié est élu président de la République de Côte d'Ivoire avec 96,16 % des suffrages soit 1 640 635 bulletins de vote en sa faveur, la mise en place du concept d'ivoirité l'ayant fortement aidé disqualifiant ainsi Alassane Ouattara, soutenu alors par Laurent Gbagbo et toute l'opposition appelant au boycott de l'élection. Cette élection fut considérée comme le renouvellement de la politique menée par Félix Houphouët-Boigny depuis l'indépendance de la France en .

Scission des partisans d'Alassane Ouattara[modifier | modifier le code]

Le , de nombreux partisans d'Alassane Ouattara se détachent du parti démocratique de Côte d'Ivoire et fondent un nouveau parti sous l'impulsion de Djéni Kobina, le rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire. L'ancien directeur général adjoint du fonds monétaire international et premier ministre renonce alors à se présenter à l'élection présidentielle de 1995. Le , il prend en main le parti avec ambition de se présenter pour l'élection présidentielle future. Mais, il reste en France, chassé par Henri Konan Bédié. Il rentre en Côte d'Ivoire cinq jours après le coup d'État et incite les membres de son parti à participer au gouvernement national dirigé par Robert Guéï. Seulement la réforme du code électoral l'empêche à nouveau de se présenter.

Boycott de 1995[modifier | modifier le code]

En 1995, tous les opposants du pouvoir s'allient pour le boycott de l'élection présidentielle ivoirienne de 1995, mis à part Francis Wodié. Ce boycott se poursuit un mois plus tard lors des élections législatives où le PCDI obtient la majorité absolue des sièges de l'Assemblée nationale.

Coup d'État du 24 décembre 1999[modifier | modifier le code]

Henri Konan Bédié renvoie Robert Guéï pour avoir refusé d'intervenir pour réprimer et mettre fin aux incidents entre manifestations des partisans d'Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo et les partisans du PCDI. Robert Guéï fut nommé ministre dans le deuxième gouvernement de Daniel Kablan Duncan le jour de l'élection d'Henri Konan Bédié avant d'être révoqué en août 1996 et mis à la retraite en janvier de l'année suivante. Il fut alors soupçonné de préparer un coup d'État ayant pour but de chasser Bédié du pouvoir. Il eut lieu le . Aux côtés de Guéï, Seydou Diarra fut chargé de former un gouvernement d'union nationale dit "Conseil national de Salut public". Guillaume Soro, futur chef des rebelles et premier ministre le soutiendra jusqu'à la publication des candidatures où Alassane Ouattara était absent.

Ouverture démocratique[modifier | modifier le code]

Robert Guéï, au pouvoir depuis le coup d'état, a mis fin à la première République. Il a demandé la rédaction d'une nouvelle constitution qui fut approuvée par référendum le par près de 87 % de la population, mais une abstention de 44 %. Il programma l'élection pour le mois d'octobre.

Candidatures acceptées[modifier | modifier le code]

Candidatures rejetées[5][modifier | modifier le code]

Campagne électorale[modifier | modifier le code]

Le , le conseil constitutionnel publie la liste des candidats. 14 candidats ont été disqualifiés par la Cour Suprême dont le candidat RDR (Alassane Ouattara) et les six candidats PDCI (parmi lesquels Henri Konan Bédié et Émile Constant Bombet). Ne restent que cinq candidats, Robert Guéï, Laurent Gbagbo, Francis Wodié, Théodore Mel Eg et Nicolas Dioulo[6]. Parmi ces candidats, deux avait déjà présenté leur candidature auparavant, Laurent Gbagbo en 1990 (18 % des suffrages) et Francis Wodié en 1995 (4 ou 5 % des suffrages). Cela marque officiellement le début de la campagne électorale.

Campagne de Laurent Gbagbo[modifier | modifier le code]

Laurent Gbagbo se porte candidat le . L'éternel opposant de Félix Houphouët-Boigny, emprisonné à plusieurs reprises avait enfin de véritables chances de remporter le scrutin. Il fait campagne en ayant un point de vue très critique sur les différents quinquennats qui ont précédé. Il réussit à réunir les 5000 parrainages nécessaires avant le . Il reçoit après la proclamation des résultats le soutien d'Émile Constant Bombet, d'Henri Konan Bédié et d'autres militants du parti démocratique de Côte d'Ivoire. Gbagbo est le seul candidat pouvant remporter l'élection, avec Robert Guéï, les autres étant quasi inconnus.

Campagne de Robert Guéï[modifier | modifier le code]

Robert Guéï se déclare candidat pour l'élection présidentielle le . Ayant échoué à obtenir l'investiture du PDCI le général se déclare "candidat du peuple"[7]. Il fait campagne en rappelant qu'il a soutenu les mouvements de 1995 réclamant la tenue d'un autre scrutin malgré sa nomination au gouvernement. Il réussit également à réunir les 5000 parrainages avant le . Il tenta de se rapprocher d'Émile Constant Bombet et d'Alassane Ouattara, mais c'est Laurent Gbagbo qui fut le plus convaincant. Il était avec Gbagbo le seul candidat capable de remporter l'élection, rappelant son passé militaire et ayant suffisamment d'expérience pour exercer la fonction de président de la République, les autres étant très méconnus auprès des ivoiriens.

Ralliements[modifier | modifier le code]

Les principaux candidats disqualifiés par la cour suprême à la présidentielle choisissent Laurent Gbagbo pour faire obstacle à Robert Guéï.

Résultats[modifier | modifier le code]

Résultats de la présidentielle[8],[9]
Candidats Partis Premier tour
Voix %
Laurent Gbagbo FPI 1 065 597 59,36
Robert Guéï Ind 587 267 32,72
Francis Wodié PIT 102 253 5,70
Théodore Mel Eg UDCI 26 331 1,47
Nicolas Dioulo Ind 13 558 0,76
Votes valides 1 795 006 87,60
Votes blancs et nuls 254 012 12,40
Total 2 049 018 100
Abstention 3 426 125 61,58
Inscrits / participation 5 475 143 37,42

Analyse[modifier | modifier le code]

Le , 2 049 018 ivoiriens se rendent aux urnes dans les différents bureaux de vote du pays de 8h à 20h. Le taux d'abstention atteignant 62,6 %, dépasse largement la moyenne de l'abstention lors de l'ensemble des élections présidentielles et des élections législatives depuis l'indépendance, étant supérieur à celui de 1990 et 1995 (30,80 % et 43,80 %). Mais cela s'explique par le fait qu'une majorité de la population est dépassée par les évènements qui ont eu lieu depuis cinq ans.

Deux candidats se sont détachés lors de ce premier tour, Laurent Gbagbo et Robert Guéï qui se partagent la majorité des suffrages dans le nord et le sud du pays. Le score de Laurent Gbagbo est quasiment le double de celui de Robert Guéï, et s'explique par le ralliement des partisans d'Alassane Ouattara et d'Émile Constant Bombet. Il est également beaucoup plus important que celui réalisé dix ans plus tôt (18,32 % contre 59,36 %).

Francis Wodié, candidat pour la deuxième fois consécutive échoue à nouveau après 1995 où il fut battu sans appel. Mais il réussit tout de même à réunir plus de 100 000 bulletins de vote à son nom.

Tensions après le premier tour[modifier | modifier le code]

Le , les premiers résultats indiquant que Laurent Gbagbo arriverait en tête, suivi par Robert Guéï.

Robert Guéï dissout la Commission électorale nationale. Le le ministère de l'intérieur annonce l'élection de Robert Guéï avec 52,72 % des voix[10]. Le , des dizaines de milliers de manifestants descendent dans les rues et malgré les soldats qui leur tirent dessus obligent le chef de la junte à fuir[11].

Laurent Gbagbo sera proclamé le lendemain par la cour suprême troisième président de la République de Côte d'Ivoire.

Cette situation provoque des troubles qui font de nombreuses victimes dans le pays. Le , un « charnier est découvert à Yopougon », dans lequel sont entassés 57 cadavres de partisans supposés de Ouattara[12],[13]. Cette découverte intervient quelques jours après une élection contestée qui a porté Laurent Gbagbo à la tête de la Côte d'Ivoire et au lendemain d'affrontements violents entre partisans du parti du président élu et militants du RDR qui ont envahi les rues d'Abidjan pour réclamer la tenue d'un nouveau scrutin[13].

Épilogue[modifier | modifier le code]

Le , Laurent Gbagbo est investi comme président de la République de Côte d'Ivoire et nomma comme Premier ministre Pascal Affi N'Guessan, chargé de constituer un gouvernement avec les membres du FPI, mais également du RDR et du PIT.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Christophe Champin, « A Treichville, le PDCI colle au boycott », sur RFI,
  2. Fabienne Pompey, « L'opposant Laurent Gbagbo revendique la victoire à l'élection présidentielle de Côte d'Ivoire », sur Le Monde,
  3. ???, « Élection présidentielle ivoirienne, 2000 », sur MA,
  4. Elio Comarin, « Laurent Gbagbo proclamé président », sur RFI,
  5. Chambre constitutionnelle de Côte d'Ivoire, « Présidentielle 2000, Au nom du peuple de Côte d'Ivoire la Chambre Constitutionnelle », sur Nations unies,
  6. Christophe Champin, « Gueï et Gbagbo seuls en piste », sur RFI,
  7. « Quand le Général Gueï veut devenir président de la Côte d’Ivoire », sur Afrik.com,
  8. (en) « Elections in Côte d'Ivoire », sur africanelections.tripod.com (consulté le ).
  9. Elections in Africa, Nohlen et al.
  10. Christophe Champin, « La révolte contre le «pouvoir kaki» », sur RFI,
  11. Christophe Champin, « Une journée d'insurrection populaire », sur RFI,
  12. Human Rights Watch, 28 août 2001, « Le Nouveau Racisme, La manipulation politique de l'ethnicité en Côte d'Ivoire », sur hrw.org
  13. a et b « Rapport : enquête sur le charnier de Yopougon du 26 octobre 2000 » sur le site de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme, 22 décembre 2000.

Annexes[modifier | modifier le code]