Éjaculation féminine

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Glandes para-urétales
Les glandes de Skene sont considérées comme importantes dans le phénomène d'éjaculation féminine.

L'éjaculation féminine désigne, chez la femme, la libération d'un liquide (différent de la cyprine) à l'approche ou au moment de l'orgasme.

L'émission de liquide est très faible chez une majorité de femmes, mais abondante chez d'autres ; l'expression populaire « femme fontaine » est utilisée pour désigner une femme à l'éjaculation très abondante[1].

L'éjaculation féminine a été décrite par Ernst Gräfenberg dès 1950. Mais ce phénomène était déjà mentionné dans des manuscrits indiens du XIe siècle[2].

Physiologie[modifier | modifier le code]

Nature de l'éjaculation[modifier | modifier le code]

La nature de l'éjaculation féminine consiste en :

  • une sécrétion des glandes para-urétrales. Le fluide produit est émis par deux petits orifices à gauche et à droite du méat urétral. Il est différent des autres sécrétions émises près du vagin ou de la vulve, telles que les sécrétions lubrifiantes des glandes de Bartholin. Ce liquide est expulsé vers l'extérieur du corps de manière réflexe quand l'excitation est très forte. C'est le seul véritable pendant de l'éjaculat masculin dont la composition est proche du liquide pré-éjaculatoire sécrété par les glandes de Cowper. D'ailleurs, les glandes para-urétrales ont le même précurseur embryonnaire que la prostate masculine.
  • une sécrétion vésicale (principalement composée d'urine[3]). La stimulation érotique provoque des contractions réflexes de la vessie ainsi qu'une surproduction de liquide par des glandes vésicales entraînant l'éjection par l’urètre d'une quantité variable de liquide.

L'éjaculation féminine — qu'elle provienne des glandes para-urétrales, de la vessie ou des deux — est naturelle et ne saurait être confondue avec l'incontinence coïtale, elle, pathologique[4].

Difficultés des recherches sur la nature de l'éjaculat[modifier | modifier le code]

La double nature de cet éjaculat a fait que beaucoup de résultats d'études ont été perçus comme contradictoires. Des recherches ont été faites pour en définir la composition, en mesurant notamment les quantités de créatinine, de phosphatase acide, d'urée, de glucose et de fructose[5] qu'il contient. Certains spécialistes concèdent à cet éjaculat toutes les caractéristiques du sperme, sauf la présence de spermatozoïdes. D'autres études[6] évoquent le rôle de la « prostate féminine », les glandes para-urétrales, glandes diffuses situées entre le vagin et l'urètre.

Afin de distinguer sécrétion des glandes para-urétrales et sécrétion vésicale, le chercheur Gary Schubach (en) a recruté des femmes éjaculant en grande quantité, qui ont consenti à ce qu'on leur insère un cathéter de l'urètre jusqu'à la vessie. Quand ces femmes ont atteint l'orgasme en se masturbant, dans tous les cas, un grand volume de liquide est sorti par le cathéter, et dans quelques cas un peu de substance nacrée est sortie en dehors du cathéter. La conclusion de cette expérience est que l'éjaculat des « femmes fontaines » vient principalement de la vessie, et qu'il est parfois accompagné d'une faible sécrétion des glandes para-urétrales[7].

Fréquence et abondance[modifier | modifier le code]

Le docteur Cabell Santa Maria, qui a travaillé sur ce phénomène, indique que 75 % des femmes étudiées par son équipe expulsent un liquide lors de l'orgasme[8] ; cependant la sécrétion est souvent insuffisante pour être perçue. Ses expérimentations ont permis de mettre en évidence que les sécrétions des glandes para-urétrales (ou prostate féminine) entrent dans la composition de la lubrification vaginale, un phénomène jusqu'ici méconnu.

Dans une enquête faite auprès d'un grand échantillon de femmes travaillant dans le milieu de la santé[9], 39,5 % des femmes affirmaient ressentir une éjaculation au moment de l'orgasme.

Dans certains cas, l'éjaculat passe totalement inaperçu alors que, dans d'autres, l'éjaculation s'accompagne d'un véritable jaillissement, pouvant atteindre un volume de 300 ml[7] (contenance moyenne d'une vessie pleine). Le phénomène peut se produire plusieurs fois au cours d'un rapport sexuel. Chez les personnes non habituées ou non informées, l'imminence du jaillissement peut être ressentie comme une subite envie d'uriner. L'éjaculation peut se produire sous la forme d'un écoulement lent ou d'un véritable jet plus ou moins puissant. Cette particularité peut être ressentie comme une gêne, un frein par certaines femmes non averties ; ou alors comme un plaisir supplémentaire (pour 90 % des partenaires, et presque 80 % des personnes concernées[10]).

Rôle des muscles pubo-coccygiens[modifier | modifier le code]

Dans l'expérience de l'éjaculation, le mental compte beaucoup mais aussi le physique, plus précisément la force des muscles du plancher pelvien. Grâce à un ensemble d'exercices divers de relaxation, de reconnaissance anatomique et d'apprentissage des sensations, il est possible, pratiquement pour chaque femme, de parvenir à l'éjaculation et de la maîtriser.

Histoire[modifier | modifier le code]

Selon Voltaire, dans L'Homme aux quarante écus, le jésuite Tomás Sánchez dans son ouvrage De matrimonio croyait « que les deux véhicules fluides de l’homme et de la femme s’élancent et s’unissent ensemble, et que dans le moment l’enfant est conçu par cette union », partageant en cela l’opinion d’Hippocrate. Il souleva ainsi une question théologique qui peut se résumer, en latin, à « Utrum virgo Maria semen emiserit in copulatione cum Spiritu Sancto » (« La Vierge Marie a-t-elle émis une semence en s'unissant avec l'Esprit Saint ? »). Voltaire remarque aussi qu’« il y a beaucoup de femmes qui ne répandent aucune liqueur, qui ne reçoivent qu’avec aversion les embrassements de leurs maris, et qui cependant en ont des enfants. Cela seul décide contre Hippocrate et Sanchez. »

Dans les années 1980, la féministe canadienne Shannon Bell organise des performances avec Annie Sprinkle et Deborah Sundahl pour démontrer l'existence de l'éjaculation féminine[11].

Filmographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Les premières évocations de la femme fontaine sont attribuées à Hippocrate Voir sur Psychologies.com.
  2. (en) Simon Levay et Janice Baldwin, Human Sexuality, 3e édition, Sinauer Associates, 2009.
  3. (en) Samuel Salama, Florence Boitrelle, Amélie Gauquelin et Lydia Malagrida, « Nature and Origin of “Squirting” in Female Sexuality », The Journal of Sexual Medicine, vol. 12, no 3,‎ , p. 661–666 (DOI 10.1111/jsm.12799, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) « Female ejaculation orgasm vs. coital incontinence: a systematic review. », sur PubMed.gov, (consulté le ).
  5. (en) M. Zaviačič, S. Doležalová, I.K. Holomáň, A. Zaviačičová, M. Mikulecký et V. Valer Brázdil, « Concentrations of Fructose in Female Ejaculate and Urine: A Comparative Biochemical Study », The Journal of Sex Research, vol. 24,‎ , p. 319-325 (JSTOR 3812855).
  6. (en) M. Zaviacic et R.J. Ablin, « The female prostate and prostate-specific antigen. Immunohistochemical localization, implications of this prostate marker in women and reasons for using the term "prostate" in the human female », Histology and Histopathology, vol. 15, no 1,‎ , p. 131-142 (DOI 10.14670/HH-15.131).
  7. a et b (en) Gary Schubach, Urethral expulsions during sensual arousal and bladder catheterization in seven human females, Ed. D. thesis, Institute for Advanced Study of Human Sexuality, 1996.
  8. Cabello Santa Maria, Francisco, communication au XVe congrès mondial de sexologie, Paris, juin 2001.
  9. (en) C. A. Darling, J. K. Davidson et C. Conway-Welch, « Female ejaculation : perceived origins, the Gräfenberg spot/area, and sexual responsiveness », Archives of Sexual Behavior, vol. 19, no 1,‎ , p. 29-47 (DOI 10.1007/BF01541824).
  10. (en) « female ejaculation has a positive impact on women's and their partners' sexual lives », sur PubMed.gov, (consulté le ).
  11. Agnès Giard, « Les femmes aussi éjaculent », sur Libération, (consulté le ).
    Voir l'ouvrage de Stephanie Haerdle, Fontaines – Histoire de l’éjaculation féminine de la Chine ancienne à nos jours, traduit de l’allemand par Stéphanie Lux, 2021.
  12. Voir sur docsonline.tv.
  13. Voir sur blogs.mediapart.fr.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Dr Samuel Samala & Dr Pierre Desvaux, Femmes fontaines & éjaculation féminine : mythes, controverses et réalités, avec la collaboration de Sylvie Nordheim, Paris, Le Cherche midi, 2020 (ISBN 978-2-7491-3606-6) lire en ligne, consulté le .
  • Stephanie Haerdle, Fontaines – Histoire de l’éjaculation féminine de la Chine ancienne à nos jours, traduit de l’allemand par Stéphanie Lux, Montréal (Québec), Lux, 2021.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]