Troponine

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La troponine.

La troponine est un complexe de protéines qui sensibilise les cellules musculaires au calcium.

On trouve de la troponine aussi bien dans les muscles cardiaques que dans les muscles squelettiques, mais les versions spécifiques de la troponine diffèrent selon les types de muscle, du fait d'une expression différente des gènes respectifs (ceux du cœur par exemple).

Elle est dosée dans le cadre de l'infarctus pour affirmer le diagnostic sur une suspicion clinique (douleur thoracique typique du syndrome coronarien aigu) et électrocardiographique (sus ou sous décalage du segment ST). Cependant, c'est un marqueur tardif qui ne témoigne pas de l'ischémie, mais bien de la nécrose musculaire qui est déjà en place et irréversible. Son élévation commence dans les 3 à 4 heures.

Biochimie : Sous-unités de la troponine[modifier | modifier le code]

La troponine est une protéine hétérotrimérique. On distingue en effet trois sous-unités distinctes.

  • Troponine C (TnC) : sous-unité responsable de la liaison avec le calcium. Une fois le calcium lié, le complexe troponine-calcium se déplace et cesse d'empêcher la liaison entre la myosine et l'actine. La TnC présente une forte similitude entre la forme cardiaque et la forme squelettique, rendant impossible l'obtention d'anticorps monoclonaux et excluant tout intérêt clinique ;
  • Troponine I (TnI) : sous-unité responsable de l'inhibition de la liaison entre la myosine et l'actine (en masquant le site de l'actine qui sert à la liaison avec la myosine). Elle a donc une fonction inhibitrice qui a pour effet d'amorcer la décontraction musculaire. La TnI présente 3 isoformes, spécifiques respectivement du muscle squelettique à contraction rapide (muscle composé essentiellement de fibres musculaires type 2 (blanches)), du muscle squelettique à contraction lente (muscle composé essentiellement de fibres musculaires type 1 (fibres rouges)) et du cœur (TnIc) ;
  • Troponine T (TnT) : sous-unité responsable de la liaison avec la tropomyosine ; elle existe sous 5 à 12 isoformes squelettiques (TnTs) et 4 isoformes cardiaques (TnTc). La troponine T cardiaque (TnTc) et la troponine I cardiaque (TnIc) sont mesurées par méthode immunoenzymatique spécifique (elles seules ont un intérêt concret dans le diagnostic et le suivi de l'infarctus du myocarde).

La troponine cardiaque et musculaire squelettique diffèrent et les dosages actuels sont spécifiques de la forme cardiaque[1].

Usage dans le diagnostic[modifier | modifier le code]

L'utilisation de son dosage en médecine a fait l'objet de la publication de recommandations par l’European Society of Cardiology en 2010[2] et par l’American College of Cardiology datant de 2012[3].

Le dosage de la troponine (troponinémie) se fait par un prélèvement sanguin veineux. Elle n'est significative que par son élévation (le taux normal étant proche de zéro).

Son intérêt est démontré lors de douleurs thoraciques, et permet de confirmer le diagnostic par leur élévation :

Son utilisation a remplacé le dosage d'autres marqueurs comme la créatine kinase (CK, appelé communément CPK) et sa fraction mb, la myoglobine, moins spécifiques dans ces maladies.

L'augmentation de la troponine est cependant retardée par rapport à la douleur : même dans le cas d'un infarctus, le dosage sanguin peut être normal avant la quatrième heure après la douleur. Ce dernier diagnostic ne peut donc être éliminé que par deux dosages successifs négatifs espacés de quatre heures[4]. Le traitement de référence dans l'infarctus est la désobstruction de l'artère coronaire, faite le plus rapidement possible et idéalement avant la sixième heure du début des signes. Le diagnostic de cette maladie à la phase aiguë reste donc clinique (description de la douleur) et électrocardiographique et on ne doit dans aucun cas attendre le résultat des dosages biologiques pour commencer le traitement.

La troponinémie peut être normale en cas d'angine de poitrine qui reste un diagnostic basé essentiellement sur la description de la douleur. Dans ce cas, son dosage peut apporter une confirmation du diagnostic mais aussi une évaluation du pronostic : les angors à troponine élevée ont plus de risque de faire à court ou moyen terme un accident cardiaque pouvant être grave et nécessitent par conséquent une hospitalisation urgente.

Les troponines cardiaques peuvent être élevées (parfois de façon importante) dans tous les cas où il existe une souffrance myocardique quelle que soit sa cause :

De façon beaucoup plus inconstante, elles s'élèvent (de manière modérée) en cas de :

Elle s'élève parfois lors de certains traitements à visée cardiaque, et ce, de façon habituelle et non inquiétante :

Elles peuvent être élevées dans certaines maladies cardiaques, mais le plus souvent par une atteinte du muscle cardiaque secondaire :

Le dosage de la troponine peut avoir également un intérêt pour évaluer le pronostic lors d'une poussée d'insuffisance cardiaque, une augmentation du taux de celle-ci étant plutôt péjorative[6].

La troponine T est élevée dans le cadre d'un infarctus du myocarde[7], mais des niveaux bas, détectés uniquement par certains tests dits « hautement sensibles » auraient un intérêt d'indicateur pronostique en cas d'insuffisance cardiaque[8] ou chez le patient coronarien[9] et même chez le sujet âgé sans antécédent particulier[10] ou dans la population générale[11].

Troponine hypersensible[modifier | modifier le code]

Histoire de la troponine hypersensible[modifier | modifier le code]

En 2007, un consensus international donne une nouvelle définition de l'infarctus du myocarde, associant des signes cliniques, électriques et biologiques[12]. Elle précise que toute élévation de la troponinémie, lorsqu'elle dépasse le 99e percentile de la distribution de valeurs de troponinémie dans une population de témoins sains, doit faire évoquer un infarctus du myocarde, sous réserve que la cinétique de la variation soit compatible avec le diagnostic. Cette définition est assortie d'un critère analytique, précisant que l'imprécision (ou coefficient de variation) de la mesure de la troponinémie au 99e percentile ne doit pas dépasser 10 %. Or, cette même année, aucun dosage disponible en routine ne peut atteindre un tel degré de précision pour ce seuil.

Depuis 2008, avec la troponine dite « hypersensible » (ou « ultrasensible »), la sensibilité des dosages peut atteindre l'ordre du nanogramme par litre[11] et le coefficient de variation est inférieur à 10 %, pour le seuil considéré comme anormal[13].

Le taux « normal », suivant la définition du 99e percentile pour la troponine T (kit ROCHE) est de 14 ng·L-1[14]. Ce seuil est cependant discuté et devrait être plus haut chez l'homme et la personne âgée pour le trousse de dosage de la Troponine Tc[15].

Facteur de risque cardiovasculaire[modifier | modifier le code]

Chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique[8] ou d'insuffisance coronarienne[16], une concentration élevée de TnTc hypersensible est fortement correlée à une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire.

Un dosage légèrement élevé semble être un marqueur de risque de survenue d'événements cardiovasculaires[17] mais son utilité, en pratique quotidienne, reste à être déterminée.

Anecdote[modifier | modifier le code]

Un taux élevé de troponine a été retrouvé dans une momie égyptienne dont la mort remonte aux environs de 1085 avant notre ère (momie d'Horemkenesi), la protéine ayant été bien conservée dans le natron servant à la momification. Cette augmentation serait révélatrice d'un infarctus du myocarde, cause probable de son décès[18].

Valeur normale[modifier | modifier le code]

Valeur normale de la concentration en troponine I cardiaque plasmatique : 0 - 0,1 µg/L selon le cas clinique du patient.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Apple FS, Ricchiuti V, Voss EM, Anderson PA, Ney A, Odland M, Expression of cardiac troponin T isoforms in skeletal muscle of renal disease patients will not cause false-positive serum results by the second generation cardiac troponin T assay, Eur Heart J, 1998;19(suppl N):N30–N33
  2. (en) hygesen K, Mair J, Katus H et al. « Recommendations for the use of cardiac troponin measurement in acute cardiac care » Eur Heart J. 2010;31:2197-204.
  3. (en) Newby LK, Jesse RL, Babb JD et al. « ACCF 2012 Expert consensus document on practical clinical considerations in the interpretation of troponin elevations: A report of the American College of Cardiology Foundation task force on clinical expert consensus documents » J Am Coll Cardiol. 2012;60:2427-63.
  4. (en) Hamm CW, Bassand JP, Agewall S et al. ESC Committee for Practice Guidelines. « ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute coronary syndromes (ACS) in patients presenting without persistent ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC) » Eur Heart J. 2011;32:2999-3054.
  5. Schmid J, Liesinger L, Birner-Gruenberger R et al. Elevated cardiac troponin T in patients with skeletal myopathies, J Am Coll Cardiol, 2018;71:1540–1549
  6. (en) Peacock WF, De Marco T, Fonarow GC et al. « Cardiac troponin and outcome in acute heart failure » N Eng J Med. 2008;358:2117-26.
  7. (en) Giannitsis E, Kurz K, Hallermayer K et al. « Analytical validation of a high-sensitivity cardiac troponin T assay » Clin Chem. 2010;56:254–61.
  8. a et b (en) R. Latini, S. Masson, I.S. Anand et al., « Prognostic value of very low plasma concentrations of troponin T in patients with stable chronic heart failure », Circulation, vol. 116, no 11,‎ , p. 1242-1249 (ISSN 0009-7322 et 1524-4539, lire en ligne).
  9. Wereski R, Adamson P, Shek Daud NS et al. High-sensitivity cardiac troponin for risk assessment in patients with chronic coronary artery disease, J Am Coll Cardiol, 2023:82:473-485
  10. (en) deFilippi CR, de Lemos JA, Christenson RH et al. « Association of serial measures of cardiac troponin T using a sensitive assay with incident heart failure and cardiovascular mortality in older adults » JAMA 2010;304:2494-502.
  11. a et b (en) JA Lemos, MH Drazner, T Omland et al., « Association of troponin T detected with a highly sensitive assay and cardiac structure and mortality risk in the general population », JAMA, vol. 304, no 22,‎ , p. 2503-2512 (DOI 10.1001/jama.2010.1768, lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) K Thygesen, JS Alpert, HD White, HA Katus et al., « Universal definition of myocardial infarction », Circulation, vol. 116, no 22,‎ , p. 2634-2653 (ISSN 0009-7322 et 1524-4539, lire en ligne).
  13. (en) Thygesen K, Mair J, Giannitsis E et al. « How to use high-sensitivity cardiac troponins in acute cardiac care » Eur Heart J. 2012;33:2252-7.
  14. (en). Giannitsis E, Kurz K, Hallermayer K, Jarausch J, Jaffe AS, Katus HA, « Analytical validation of a high-sensitivity cardiac troponin T assay » Clinical Chem. 2010;56:254–261.
  15. Gore MO, Seliger SL, deFilippi CR. et al. « Age- and sex-dependent upper reference limits for the high-sensitivity cardiac troponin T assay » J Am Coll Cardiol. 2014;63:1441–1448.
  16. (en) T Omland, JA De Lemos, MS Sabatine et al., « A sensitive cardiac troponin T assay in stable coronary artery disease », New England Journal of Medicine, vol. 361, no 26,‎ , p. 2538-2547 (ISSN 0028-4793, lire en ligne).
  17. (en) JT Saunders, V Nambi, JA Lemos et al., « Cardiac troponin T measured by a highly sensitive assay predicts coronary heart disease, heart failure, and mortality in the Atherosclerosis Risk in Communities Study », Circulation, vol. 123,‎ , p. 1367-1376 (lire en ligne).
  18. Bernard Ziskind, « La mort subite d'un prêtre funéraire égyptien », Pour la Science, no 50,‎ , p. 30-34 (résumé).