Père Samuel

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Père Samuel
Image illustrative de l’article Père Samuel
Le Père Samuel, lors de l'Assomption 2009.
Biographie
Naissance
Bağlarbaşı (Turquie)
Ordination sacerdotale , par
Mgr Grégoire Ephrem Jarjour
Autres fonctions
Fonction religieuse

Blason

Charles-Clément Boniface, né Samuel Özdemir en 1942 à Bağlarbaşı (Adıyaman, Turquie) et plus connu sous le nom de Père Samuel, est un prélat syriaque orthodoxe d'origine araméenne[1], naturalisé belge dans les années 1970. Chorévêque de l'Eglise syriaque orthodoxe, il est principalement connu pour son excentricité, son hostilité vis-à-vis de l'islam et ses différends avec l'évêché de Tournai.

En 2020, il retourne à son église d’origine, l'Église syriaque orthodoxe.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Le , il est ordonné prêtre de l'Église catholique syriaque en l'église du séminaire patriarcal de Charfet, par Mgr Grégoire Ephrem Jarjour, auxiliaire du patriarche Ignace Gabriel Ier Tappouni[2]. Il aurait alors exercé son ministère dans une dizaine de villes, dont Istanbul, avant de subir les exactions des autorités de son pays, hostiles à la minorité chrétienne. Il se réfugie alors au Liban[3].

En 1975, alors qu'éclate la guerre du Liban, il rejoint la Belgique, où il prend le nom de Charles-Clément Boniface. Il révèle en effet détester le nom d'Özdemir qui a été imposé à sa famille par les Turcs[4].

Ministères en Belgique[modifier | modifier le code]

Recommandé par le patriarche Ignace Antoine II Hayek, il intègre le diocèse de Tournai et devient aumônier de l'hôpital de Jolimont à La Louvière, puis vicaire à Gosselies[3]. Selon son site officiel, il est également consacré chorévêque le par Mgr Jarjour[2]. Mais, traditionaliste, il entre rapidement en conflit avec l'évêché tournaisien, dont Paul Belien explique qu'il serait connu pour sa sécularisation et ses prises de position progressistes[4]. Il est alors relevé de ses fonctions dès 1990[3]. Mais ses pratiques atypiques, mêlant voyance, exorcismes et séances de guérison, continuent de faire polémique[5]. En 2010, Mgr Guy Harpigny le menace même d'excommunication et appelle les fidèles de rite latin à s'en détourner[6]. Enfin, en 2011, l'évêque le frappe d'une suspense. Le , le père Samuel fait cependant appel, conformément au droit canonique[7].

Achat d'une église et d'un couvent[modifier | modifier le code]

En 1990, après que Mgr Jean Huard, évêque de Tournai, lui a retiré son ministère, le Père Samuel continue de célébrer la messe en latin dans un hangar de Gosselies[8].

En 2001, il achète toutefois aux franciscains récollets l'église Saint-Antoine-de-Padoue de Montignies-sur-Sambre, ainsi que leur couvent, au sein duquel il fonde une communauté de religieuses, et leur bibliothèque.

L'inauguration de l'église, qui a lieu le , se fait devant un parterre de journalistes et de personnalités politiques belges, dont Jean-Claude Van Cauwenberghe, Ministre-président de la Région wallonne, Jacques Van Gompel, bourgmestre de Charleroi, ou encore Richard Fournaux, député-bourgmestre de Dinant[3],[9].

Si les journalistes de La Libre Belgique s'interrogent sur l'obtention des seize millions et demi de francs belges (410 000 euros) nécessaires à l'achat, le prêtre assure qu'il s'agit surtout de dons anonymes versés à son association [10]. Le parquet de Charleroi relève en 2014 durant une enquête qu'il a d'abord acheté l'église sur fonds propres, avant d'ensuite demander à ses fidèles des dons en vue d'acheter le bâtiment, et considère qu'il s'agit d'une escroquerie. En 2017, l'instruction n'est pas terminée[11].

Polémiques[modifier | modifier le code]

Opinion sur l'islam[modifier | modifier le code]

En 2002, lors d'une interview télévisée, le père Samuel déclare : « Chaque enfant musulman né en Europe est une bombe à retardement pour les enfants occidentaux. Ces derniers seront persécutés lorsqu'ils seront minoritaires ». Il met régulièrement en garde contre « l'invasion islamique de l'Occident » et affirme avoir été témoin en Turquie de ce que l'avenir réserve à l'Europe. Il ajoute que « les soi-disant musulmans modérés n'existent pas »[4].

Le Centre d'égalité des chances lui reproche alors d'avoir tenu des propos incitant à la haine raciale et d'avoir diffusé des écrits allant dans le même sens, par le biais de son ouvrage Les versets angéliques. Pour le parquet, les faits d'incitation à la haine raciale sont bien établis et le droit à la liberté d'expression ne peut être retenu. Toutefois, en 2010, il est acquitté par le tribunal correctionnel de Charleroi qui considère qu'une partie des faits est prescrite et que l'autre partie n'est pas concernée par la loi Moureaux[12].

Un mouvement sectaire ?[modifier | modifier le code]

En 1997, la commission parlementaire belge sur les sectes établit une liste de 189 mouvements, parmi lesquels figure le Père Samuel[13], [14]. Lors d'une émission télévisée, d'anciens membres l'accusent de vouloir briser les familles, d'avoir pratiqué des attouchements sexuels sur des femmes adultes ou encore de recevoir des dons en espèces[15],[16].

Il est également accusé de développer un culte de la personnalité, notamment lorsqu'il se met en scène, mimant la Passion du Christ, accroché à une croix[16]. Aimant rappeler que ses parents parlaient l'araméen, la langue du Christ, il fait également publier en 2002 sa biographie, teintée d'hagiographie : il serait par exemple né dans une étable, comme l'Enfant Jésus, et aurait été témoin d'une apparition de l'ange Raphaël à l'âge de 6 ans[3].

Fin 2014, le père Samuel doit encore se défendre de diverses accusations devant la chambre du conseil de Charleroi, l'instruction étant encore en cours début 2015[17].

Liens avec la politique[modifier | modifier le code]

Le Père Samuel est candidat à deux reprises en Belgique sur des listes intitulées S.A.M.U.E.L[18] : d'abord lors des communales à Charleroi le (1 788 voix, 1,64 %, aucun élu[19]), puis lors des législatives le (31 392 voix, 0,52 %, aucun élu[20]).

Certains membres du Parti socialiste sont critiqués pour leurs liens et leur complaisance envers le père Samuel. Parmi eux figure notamment Jean-Claude Van Cauwenberghe, qui salue en « l'extraordinaire disponibilité du père Samuel pour écouter les détresses de chacun et tenter de les soulager à sa façon ». Le quotidien Le Soir accuse alors : « À défaut de montrer que le guérisseur de Gosselies est un pourvoyeur de fonds du PS local, on sait qu'il en est un des fidèles serveurs de voix, lui qui, depuis 1994, appelle ses ouailles à voter socialiste. »[21], [22]. Selon La Libre Belgique, il s'attire la sympathie d'élus de la région en faisant des dons importants à diverses associations caritatives, et plus particulièrement aux Restos du Cœur[10]. Parallèlement, il est accusé d'entretenir des liens avec l'extrême-droite. Le , il célèbre en effet une messe de suffrage pour Charles Pire, président du Front national belge, mort cinq jours plus tôt. Pour se défendre, le prêtre déclare : « je sais qu’il est au FN, mais c’est un homme charmant. Son appartenance politique ne m’intéresse pas. Mais, il était d’une grande simplicité »[23].

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Ahna Suryoye Na, Ahna Oromoye Na! (2/6) » (consulté le )
  2. a et b Le Père Samuel
  3. a b c d et e Denis Ghesquière et Alain Dewez, « Le Père Samuel, prêcheur en eaux troubles », Le Soir,‎ , p. 1 et 4 (lire en ligne, consulté le ).
  4. a b et c (en) Paul Belien, « Brussels Prosecutes Aramaic Priest and Fugitive for Islamophobia », The Brussels Journal,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Une nébuleuse affaire d'endoctrinement derrière une simple plainte en diffamation ? », sur www.lavoixdunord.fr, (consulté le ).
  6. « L'Évêque de Tournai, Mgr Guy Harpigny, menace le père Samuel d'excommunication » Accès payant, sur www.lavenir.net, (consulté le ).
  7. « Le Père Samuel à la RTBF : réaction de Mgr Guy Harpigny », sur www.diocesedenamur.be, (consulté le ).
  8. À propos du Père Samuel, Communiqué de presse de l'Évêché de Tournai à propos du Père Samuel, 24 novembre 2010
  9. Philippe Mac Kay, « Du hangar de Gosselies à l'église Saint-Antoine de Montignies », sur www.lalibre.be, (consulté le ).
  10. a et b Pascal André, « Le Grand Retour du père Samuel », sur www.lalibre.be, (consulté le ).
  11. « La chambre du conseil de Charleroi ordonne la réouverture des débats concernant le Père Samuel », sur RTBF, (consulté le )
  12. Belga, « Le Père Samuel acquitté », sur www.lalibre.be, (consulté le ).
  13. (fr + nl) Antoine Duquesne et Luc Willems, Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge : Rapport fait au nom de la commission d'enquête (Partie I), Bruxelles, Chambre des représentants de Belgique, , 364 p. (lire en ligne), p. 340.
  14. (fr + nl) Antoine Duquesne et Luc Willems, Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge : Rapport fait au nom de la commission d'enquête (Partie II), Bruxelles, Chambre des représentants de Belgique, , 306 p. (lire en ligne), p. 262.
  15. (en) « L'étrange "Père Samuel" en son "église" », Centre contre les manipulations mentales (consulté le )
  16. a et b (en) « Des victimes d'attouchements sexuels témoignent des écarts du prêtre catholique », CCMM (consulté le )
  17. Belga, « Charleroi : le Père Samuel devant la chambre du conseil », sur www.lesoir.be, (consulté le ).
  18. Extraits de presse sur la liste SAMUEL aux élections communales à Charleroi en 1994 et aux élections sénatoriales dans la circonscription francophone en 1995
  19. résultats officiels des communales de 1994 à Charleroi, site de la Direction générale institutions et population du Ministère belge de l'Intérieur
  20. résultats officiels des sénatoriales de 1995, site de la Direction générale institutions et population du Ministère belge de l'Intérieur
  21. Stéphanie Hotton, Christian Laporte et Luc Delfosse, « Le prêtre controversé a inauguré “sa” propre église à Montignies-sur-Sambre : Van Cau chez le père Samuel », Le Soir,‎ , p. 3 (lire en ligne, consulté le ).
  22. Au conseil communal de Charleroi, "Le bourgmestre n'a pas voulu se justifier sur sa participation à l'inauguration du couvent des Récollets de Montignies-sur-Sambre.", in: D.A, "Le père Samuel au conseil - Les Verts dénoncent le financement des œuvres du père par l'extrême droite", La Dernière Heure (éd. Charleroi) 22 décembre 2001
  23. Rédaction en ligne, « Le père Samuel va célébrer une messe en hommage au président décédé du FN, Charles Pire », sur www.lanouvellegazette.be, (consulté le ).