Mudrā

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Position codifiée et symbolique des mains du Bharata natyam.

Mudrā (devanāgarī : मुद्रा, en pali : muddā) est un terme sanskrit signifiant « sceau, signe, geste (symbolique), rituel[1],[2] », qui désigne une position codifiée et symbolique des mains d'une personne (danseur, yogi, pratiquant du bouddhisme) ou de la représentation artistique (peinture, sculpture) d'un personnage ou d'une divinité[3]. L'origine des mudrās est très ancienne et se rattache à la culture védique.

Hindouisme[modifier | modifier le code]

Jnana mudrā.

Il existe un nombre important de mudrās, exécutées avec une seule main ou les deux, leur utilisation correspondant à l'expression d'un sentiment ou d'une situation déterminée. On trouve une combinaison de différentes mudrās permettant une infinité d'expressions qui sont principalement utilisées pour la danse. Dans l'hindouisme, la mudrā est une position codifiée et symbolique des mains d'une personne :

  • Danse : Bharata natyam, Odissi, Mohiniattam, Kuchipudi, Kathak
  • Yoga : Dans le Hatha-yoga, la mudrā intervient après l'accomplissement de la posture (āsana) et de la respiration (prāṇāyāma), elle scelle le souffle à l’intérieur du corps et le protège contre les maux[4]. C'est une posture statique visant à favoriser une stabilité mentale : Maha mudrā (tout le corps est fixe) ; ou une partie seulement comme les mains est fixe : Jnana mudrā.
  • Rituel : Dans les rituels védiques, les hymnes sacrés sont psalmodiés avec des gestes des mains[5]. Dans le rituel hindou, notamment le tantrisme, les mudrā sont employées en association avec des mantra et une concentration mentale (bhāvanā) sur l'acte sacré. « La mudrā, qui est, au sens littéral, "un sceau", a pour fonction d'apposer un cachet sur la parole et sur l'acte liturgique, de leur donner autorité, puissance spirituelle et efficacité magique[4] ».
  • Art : dans l'iconographie hindoue, les divinités et personnages présentent souvent des gestes de la main qui les caractérisent.

Iconographie[modifier | modifier le code]

Pour les divinités, les gestes les plus fréquents sont l'abhaya-mudrā (décrit plus bas dans l'art bouddhique) et la varada-mudrā (la paume en haut et les doigts pointant vers le bas, le bras étant baissé). Dans la dénomination d’une mudrā, le terme ‘hasta’ est parfois ajouté voir substitué au terme mudrā. On peut aussi bien dire abhayamudrā ou abhayahasta, que abhayahastamudrā. Les explications à ce sujet divergent fortement et ne sont jamais suivies[6].

La manière dont une main tient un attribut est aussi souvent une mudrā, comme la kartari-mudrā ou kartari-hasta, où l’index et le majeur forment un V vers le haut pour tenir un attribut. Souvent aussi, comme dans les gestes de la main de la danse, l’objet tenu n’est pas représenté, ce qui peut mener à diverses interprétations de l’objet tenu et de l’intention iconographique, comme pour le kaṭaka-hasta, le geste du ‘bracelet’, où le majeur et l’annulaire forment un cercle avec le pouce, les deux autres doigts légèrement relevés, formant comme des oreilles d’une tête de lion formée par le poing, d’où l’autre nom de cette mudrā : siṃhakarṇa (oreilles de lion). Parfois même un objet, comme une fleur fraîche pour une représentation de Lakshmi ou Parvati[7], ou une représentation de l’attribut en métal précieux est déposé au creux des doigts formant un bracelet, comme l’arc de Rāma.

On trouve des mudrā typiques de certaines représentations iconographiques. Par exemple, dans les représentations de Shiva dansant (Nataraja), l’un des bras du dieu est placé en diagonale devant sa poitrine, les doigts de la main réunis pointant vers son pied. Cette mudrā est nommée gaja-hasta « main de l’éléphant », le bras et la main formant comme une trompe d’éléphant (parfois aussi appelée daṇḍa-hasta, dola-hasta ou kari-hasta) « qui indique que le dévot doit chercher refuge et protection dans son pied levé »[8]. Une autre mudrā de cette représentation est appelée ardha-chandra (demi-lune), le bras levé, la paume vers le haut, formant avec les doigts un croissant de lune et recueillant un feu.

Souvent, la main gauche est représentée reposant sur la hanche (kaṭyavalaṃbita-hasta)[7].

Quelques mudras[modifier | modifier le code]

  • Tarjanī-hasta (ou tarjanī-mudrā) : Ce geste de la main montre l’index pointé vers le haut de manière menaçante. Certains le nomment aussi sūci-mudrā, la mudrā de l’aiguille, bien que celle-ci pointe selon Rao plutôt vers le bas[7]
  • Vismaya-hasta : Ce geste dénotant l’étonnement ou l’admiration est montré par la main levée, les doigts écartés, la paume vers l’intérieur. Ce geste est fréquent dans l’art Pallava.
  • La dhyana-mudrā, décrite plus bas pour le bouddhisme, est souvent nommée yoga-mudrā dans les représentations hindouistes.
  • Il est fréquent que les déesses laissent leur bras balancer gracieusement le long du corps, c’est le lola-hasta.
  • La vyākhyāna-mudrā est aussi appelée vitarkamudrā (voir plus bas dans la section bouddhisme)[9], jñānamudrā ou cinmudrā. Selon certaines sources[10], ces deux dernières dénominations désignent ce geste avec la paume vers le cœur, tandis que pour les premières elle fait face à l’observateur. Mais il n’y a pas de consensus.


Bouddhisme[modifier | modifier le code]

Mudrās de Vairocana.

Dans l'art bouddhique, les représentations de Bouddhas, Bodhisattvas et Yidams utilisent un nombre restreint de mudrās, associés à une posture du corps (asana).

Canons de la sculpture bouddhique[modifier | modifier le code]

L'enseignement originel du Bouddha excluait formellement une idolâtrie qu'aurait pu entraîner la dévotion à des images le représentant. Cette exigence fut peu à peu contournée à partir du Ier siècle par le courant Mahayana (« Grand Véhicule) » qui arguait que les représentations proposées aux fidèles ne devaient être qu'une image symbolique, impersonnelle et propice à la méditation. Comme il n'existait aucun portrait nature du Bouddha, les artistes furent réduits à produire des représentations idéalisées, fondées sur les indications trouvées par des textes anciens. Un ensemble de caractéristiques fixes s'est alors progressivement imposés, qui ne variera plus beaucoup au cours des siècles.

Trois postures principales du corps sont représentées dans la statuaire :

  • Assis dans la position du lotus, jambes repliées et croisées. Quelques plus rares statues en position assise à l'européenne, ou en demi-lotus existent.
  • Debout, les pieds joints, ou marchant (création de l'art de l'école de Sukhothaï Thaïlande) .
  • Couché sur le côté, une main sous la tête, position dans l'attente de l'accès au parinirvana.

Quelques mudrās dans la sculpture bouddhique[modifier | modifier le code]

Afin d'illustrer différents enseignements et épisodes de la vie de Bouddha, certaines mudrâs récurrentes sont représentées dans la statuaire, en nombre limité et plus ou moins fréquemment :

  • La Dhyāni-mudrā, ou mudrā de la méditation. En position assise, la main droite repose dans la main gauche posée dans le giron, paume en l'air et les deux pouces s'effleurant. C'est une des représentations les plus courantes.
  • La Bhûmisparsha-mudrā, ou mudrā de la prise de la terre à témoin. Même position que la Dhyâni-mudrâ, mais la main droite est posée sur le genou, les doigts effleurant la terre. Dans sa dernière méditation avant l'éveil, Bouddha subit les attaques de Māra, personnification du mal, qui tenta divers stratagèmes pour interrompre sa méditation. Finalement, Māra nia la réalité de l'éveil du Bouddha, arguant qu'il n'y avait pas de témoin ; celui-ci toucha alors la terre (Bhūmi ou Prithvi), qui était son témoin. Cette représentation est également très courante ; c'est par exemple celle du grand Bouddha d'or de Bangkok.
  • La Vitarka-mudrā, ou mudrā de l'enseignement et de l'argumentation. En position debout ou assise, la main droite est relevée au niveau de l'épaule et le pouce forme avec l'index un cercle, les autres doigts étant relevés. Le bras gauche est au niveau de la taille, la main effectuant le même geste ou parfois la paume tournée vers le haut. Cette mudrâ est particulièrement important dans la statuaire de Dvaravati.
  • La Dharmachakra-mudrā, ou mudrā de la mise en mouvement de la roue de la Loi ou Dharma. En position assise ou debout, les deux mains sont devant le corps au niveau de la taille, la paume droite tournée vers l'extérieur, la gauche vers l'intérieur, pouce et index joints formant deux cercles tangents, la main droite à la verticale, la gauche à l'horizontale.
  • L'Abhaya-mudrā, ou mudrā de l'absence de crainte et de la protection. En position assise ou debout, avec une seule main en avant, doigts joints vers le haut, paume vers l'extérieur. En Asie du Sud-est (mais pas en Inde[11]), les deux mains sont parfois utilisées, cette attitude étant alors appelée « calmant l’océan ».
  • La Mettakaruna-mudrā, ou mudrā de la bienveillance et de la compassion. En position debout, les deux bras le long du corps, les mains dans le prolongement, légèrement détachées du corps, paume vers l'intérieur.
  • L'Añjali-mudrā, aussi appelée Pūjā-mudrā, ou mudrā du salut et de la considération. Les deux mains sont paumes jointes, doigts tendus, au niveau de la poitrine, les doigts sous le menton. C'est le geste traditionnel du salut en Asie (Namasté, Wai, Gasshô).
  • Position de la contemplation de l'arbre de la Bodhi : les deux bras descendent le long du corps et les mains sont croisées au niveau du poignet, paumes reposant sur les cuisses.


Dans la fiction[modifier | modifier le code]

  • Dans le manga Naruto, les ninjas utilisent 12 mudrā liées aux signes astrologiques chinois pour effectuer des techniques de ninjutsu.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « mudrā » in Gérard Huet, The Sanskrit Heritage Dictionary. [lire en ligne (page consultée le 4 février 2021)]
  2. Saunders 1985, p. 199, note 1.
  3. B.M. Sullivan, The A to Z of Hinduism, Vision Books, (ISBN 8-170-94521-6) p. 137-138
  4. a et b Tara Michaël 1985, p. XXVI
  5. Tara Michaël 1985, p. XXIII
  6. Gösta Liebert, Iconographic Dictionary of the Indian Religions, Hinduism-Buddhism-Jainism, 1976, p. 182
  7. a b et c (en)Elements of Hindu Iconography par T.A. Gopinatha Rao, volume I, page 15.
  8. C. Sivaramamurti, L'art en Inde, Citadelle et Mazenod, Paris 1999, p. 111
  9. Aussi bodhyaṅgī-, sandarśaṇa- et upadeśa-mudrā selon Liebert
  10. Stutley, Margaret (2003), The Illustrated Dictionary of Hindu Iconography (First Indian Edition ed.), New Delhi: Munshiram Manoharlal Publishers Pvt. Ltd., (ISBN 81-215-1087-2) Originally published 1985, Routledge & Kegan Paul plc, London, p. 60
  11. Louis Frédéric, Les Dieux du Bouddhisme. Guide iconographique, p. 36-37
  12. Ho Phra Keo, Laos

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Études[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

  • SI-DO-IN-DZOU. Gestes de l'officiant dans les cérémonies mystiques des sectes Tendaï et Singon / (d'après le commentaire de M. Horiou Toki, supérieur du temple de Mitani-dji ; traduit du japonais, sous sa direction, par S. Kawamoura, avec introduction et annotations par L. de Milloué, conservateur du Musée Guimet), Paris, Ernest Leroux, , XIX, 234 (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]