Joseph Retinger

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Józef Retinger
Fonction
Ambassadeur
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 72 ans)
Londres (Royaume-Uni)Voir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
North Sheen Cemetery (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom dans la langue maternelle
Józef Hieronim RetingerVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Université de Paris
Université de Londres
Lycée Bartłomiej-Nowodworski de Cracovie (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Parentèle
Emilian Czyrniański (en) (grand-père)Voir et modifier les données sur Wikidata
Vue de la sépulture.

Józef Hieronim Retinger ( à Cracovie en Pologne - à Londres) est un diplomate et « intermédiaire » polonais du XXe siècle, et une figure majeure de l'histoire du fédéralisme européen. Il est le cofondateur, au lendemain de Seconde Guerre mondiale, de la Ligue européenne de coopération économique (LECE). En , il est secrétaire général du Comité international de coordination des mouvements pour l'unité européenne.

Partisan du fédéralisme comme solution à la guerre en Europe dès la fin de la Première Guerre mondiale, Jozef Retinger est parfois considéré comme le père d'ombre de l'Europe contemporaine. Il a joué un rôle phare dans l'organisation du Congrès de La Haye de 1948 et dans la fondation du Mouvement européen, et a été l'initiateur de l'idée de congrès annuel euro-américain devenu, à partir de 1954, le groupe Bilderberg[1],[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Joseph Retinger est le fils d'un conseiller juridique polonais. À 18 ans, il part faire ses études en France grâce à l'aide du comte Zamoyski, qui lui paie ses études à la Sorbonne. Avec l'aide de son mentor, il fréquente de nombreux salons polonais, mais aussi des cafés littéraires français, où il rencontre des gens tels que Jean Giraudoux, Bernard Grasset, François Mauriac et André Gide. Après sa thèse de doctorat à l'âge de vingt ans , il poursuit son périple en Europe : Allemagne, Italie et Grande-Bretagne. Il poursuit également ses études dans la célèbre London School of Economics (LSE)[3].

Le plan Sikorski-Retinger de Fédération d'Europe centrale et orientale[modifier | modifier le code]

Retinger commence à s'intéresser à l'Europe dès 1917. Il s'inspire du charmant Arthur "Boy Capel", en réalité un joueur de Polo anglais, et fédéraliste naïf, propagateur du gouvernement mondial basé sur l'alliance franco-britannique et en outre, connu en tant que l'amant de Coco Chanel[4]. 1919 est l'année de la mort d'Arthur Capel. De ce fait, Retinger devient son héritier. Il se lie avec le journaliste britannique Edmund Dene Morel dans les années 1920. En 1926 il épouse en 2e noces la fille de ce dernier, Stella, avec qui il aura deux filles. Il en devient veuf en 1933[5]. Durant ces années fourmillant de nombreuses idées sur l'intégration européenne, il s'attache à promouvoir la Pologne : celle-ci étant prise en étau entre la Russie et l'Allemagne, il considère que seule la solution fédéraliste peut être salvatrice.

Il passe une grande partie des années 1920 au Mexique où il noue de nombreux contacts avec les hommes politiques locaux dont le président Plutarco Elías Calles[3].

À partir de 1916, Retinger se rapproche de Władysław Sikorski, opposant à Józef Piłsudski. En 1939, Sikorski forme, à Paris puis à Londres, le Gouvernement polonais en exil[6]. À cette époque il y eut un rapprochement entre Sikorski et Retinger, d'ailleurs le leader polonais ne parlait pas anglais. Pendant cette période, Retinger débat avec des chefs d'autres gouvernements comme Marcel-Henri Jaspar, Paul Van Zeeland, Paul-Henri Spaak.

Il mit en place le Plan Sikorski, dont la première phase fut signée en janvier 1942, avec la création de la confédération polono-tchèque. Le but du plan est de faire une confédération centre-européenne, dont la Pologne et la Tchécoslovaquie devaient constituer un noyau autour duquel se grefferaient la Roumanie, la Hongrie, la Lituanie. L'autre but de ce plan est d'établir les bases d'une politique commune des petits pays envers les grandes puissances. Cette idée est à l'origine du projet d'union belgo-néerlandaise, qui devait être le pendant de la confédération polono-tchécoslovaque.

Mais cette position de Retinger posa des problèmes entre Londres et Moscou. De ce fait, les Britanniques, pour ne pas froisser les Soviétiques, changèrent de position et refusèrent à Sikorski de négocier la déclaration des huit petits États. Lorsque Churchill fit son discours, où il fit mention du Conseil de l'Europe, il parla de la fédération scandinave, danubienne et balkanique. Mais le silence sur la fédération de l'Europe centrale et orientale montra que Staline avait eu le dernier mot.

Opération Salamander[modifier | modifier le code]

Après la disparition du général Sikorski, Retinger s'est fait mandaté par le nouveau Premier ministre polonais Stanisław Mikołajczyk pour tenter d'obtenir des dirigeants de l'Armia Krajowa une attitude plus conciliante face aux exigences soviétiques en vue de préserver l'indépendance de la Pologne après la fin des hostilités. La mission impliquait de sauter en parachute sur la Pologne occupée par les nazis. Son accompagnateur chargé de veiller à sa sécurité (il avait déjà 56 ans) était Tadeusz Chciuk, un Cichociemni ayant déjà réalisé une mission similaire en 1941-1942. Les dissensions internes au Gouvernement polonais en exil, ainsi que l'attitude intransigeante des dirigeants de l'AK firent de cette mission un échec[7]. L'évacuation de Pologne de Retinger et son retour à Brindisi dans un avion de la RAF s'effectuèrent dans des conditions dramatiques.

L'action européenne de l'exilé d'après-guerre[modifier | modifier le code]

Après la guerre, Retinger était un exilé de l'Europe de l'Est. Il décida de contribuer à la liberté de son pays de manière indirecte. Il se lança dans la bataille de l'intégration européenne, convaincu qu'elle embrasserait un jour les pays de l'Est. Il poursuivit ses voyages pour renouer avec les réseaux qu'il s'était fait lorsqu'il était à Londres. Il comptait sur Paul Van Zeeland et Paul-Henri Spaak.

Le , Retinger parla avec Van Zeeland qui a présidé à la mise en place de Ligue Indépendante de Coopération Européenne (LICE) devenu la Ligue européenne de coopération économique (LECE). Dans la pensée de ses créateurs, cette ligue devait être un groupe de pression réunissant les élites politiques pour une construction de l'Union européenne sur une base libérale.

Au début des années 1947, les organisations pro-européennes se créaient de manière exponentielle. On peut citer la United Europe Movement avec le gendre de Churchill à sa tête, l'Union européenne des fédéralistes de Brugmans, et l'Union interparlementaire de Coudenhove-Kalergi, ou Nouvelles équipes internationales. Retinger entrait en contact avec ses associations et ne rencontra pas de difficultés (mis à part avec Coudenhove-Kalergi, qui voulait jalousement garder sa place de pionnier de l'Europe). Retinger avait pour but de coordonner toutes ces organisations. Pour cela, il organisa le congrès de La Haye (7 au ). Cette date constitue une référence sur la voie de l'intégration européenne.

Il est également un des trois seuls membres européens (avec Winston Churchill et Richard Coudenhove-Kalergi) de l'American Committee on United Europe (ACUE), une structure de façade créée en 1948 par la CIA, le département d'État et le Conseil des relations étrangères, afin de coordonner l'aide américaine pour le projet d'unification européenne. Celui-ci est à cette époque une priorité pour les États-Unis et Retinger est chargé de distribuer les millions de dollars mis à disposition pour encourager ces buts. Joseph Retinger est également un fervent partisan de la création de l'OTAN en 1949[8].

La commission de l'Europe centrale et orientale[modifier | modifier le code]

Le congrès de La Haye inspira, en 1949, dans le cadre du Mouvement européen, le projet d'une commission de l'Europe centrale et orientale qui regroupa les leaders politiques de l'émigration tels que Paul Auer, George Dimitrov, Grigore Gafencu, Štefan Osuský, Hubert Ripka, Edward Raczynski et August Rei. Seul Tito manquait. Étaient associés des Occidentaux tels que Paul Reynaud, Paul Ramadier, Clément Davis.

Le but de cette réunion était d'associer, à ce qui se réalisait à l'Ouest, tous les pays européens et préparer les conditions de la future réunion. Ce travail préliminaire aboutit à une conférence, en janvier 1952, à Church House à Westminster. La commission du Mouvement, en août, collaborait avec le conseil de l'Europe. Grâce à elle et à Retinger, on aboutit à la création, le , de la commission spéciale chargée de veiller aux intérêts des nations non représentées.

De plus, il a une volonté de mettre en place une politique culturelle des pays de l'Est pour que les cultures ne soient pas noyées sous la culture soviétique. De ce fait, il demande la création d'un fonds international destiné à aider les actions culturelles des émigrés. Retinger voulait également, avec son fond pour les émigrés, contrecarrer l'action du Comité américain de l'Europe libre, qui depuis 1949 avait quasiment le monopole sur l'action des émigrés politiques.

La conférence de Bilderberg[modifier | modifier le code]

Au début de 1954, Retinger proposa à ses amis l'idée d'organiser des réunions de personnalités influentes en Europe et en Amérique pour leur donner l'occasion de discuter et de chercher des solutions aux problèmes d'actualité. Du 29 au se tint à Paris la première conférence sous la présidence du prince Bernard des Pays-Bas.

Ce fut une réussite. Dès lors, les réunions devinrent annuelles et prirent le nom de groupe Bilderberg, en relation avec le nom de l'hôtel dans lequel se déroula la première conférence de ce lobby. L'objectif dévoilé de Bilderberg s'inscrit, dès lors, dans le cadre d'un rapprochement des blocs européen et nord-américain, dans le but de consolider un axe majeur : l'axe euro-atlantique.

Il meurt à Londres d'un cancer des poumons en 1960. Il est enterré dans le cimetière de North Sheen, près de Richmond.

Controverse[modifier | modifier le code]

Le , le journal Daily Telegraph de Londres, par la voix d'Ambrose Evans-Pritchard, annonce que les archives dé-classifiées de l'administration américaine pour les années 1950 et 1960 montrent que Paul-Henri Spaak, Robert Schuman, Joseph Retinger et d'autres personnalités importantes dans les origines de la construction européenne étaient « employés » par les services américains. Le journaliste explique que la communauté des services secrets a camouflé son action et a fait transiter des fonds par le biais des fondations Rockefeller et Ford, ce qui a été confirmé par la revue Historia en 2003[9].

Extrait : « The leaders of the European Movement – Retinger, the visionary Robert Schuman and the former Belgian prime minister Paul-Henri Spaak – were all treated as hired hands by their American sponsors. The US role was handled as a covert operation. ACUE’s funding came from the Ford and Rockefeller foundations as well as business groups with close ties to the US government »[10].

Projet Venona[modifier | modifier le code]

Durant l'hiver de , tel qu'enregistré dans les dossiers Venona project. autrefois classés top secret par le Federal Bureau of Investigation (dossiers dont la raison d'être principale était de centraliser la répertoriation d'agents étrangers sur le sol américain, durant la guerre froide) ; Józef Hieronim Retinger, au cours d'un entretien ayant lieu le , se réunit au ministère américain de la Justice, en compagnie de cinq hauts fonctionnaires du gouvernement américain, auxquels il déclare qu'Ignacy Matuszewski mène des activités ayant pour but de nuire aux intérêts de l'Amérique ainsi qu'à ceux de la Pologne, ce pour le compte de l'Union soviétique.

Il met l'emphase sur le fait que cela va à l'encontre des fondements mêmes des politiques des Alliés et ainsi exige que les Américains limitent les activités de Matuszewski. Il s'avère que les Américains ont dès lors traité Matuszewski comme un homme dangereux pour les intérêts de la coalition anti-allemande tout entière[11].

Les suite des chose se concrétise entre 1942 et 1946 quand, dans son rôle de juge, et dans ce cas-ci en collaboration directe avec le FBI et Edgar Hoover lui-même, Retinger jure de détruire Matuszewski et met en branle une vendetta sans pitié et participe de façon active et acharnée à une série de raids sur les appartements de Matuszewski, entre autres activités hostiles, aux méthodes dites « presque totalitaires » et pour le moins controversée, maintenant qu'est connu le rôle important joué par Matuszewski dans la victoire alliée.

En effet, Matuszewski, ancien colonel des Forces Armées Polonaises et ex-Ministre du Trésor de Pologne, exilé au moment des faits aux États-Unis d'Amérique, à la suite de l'opération d'évacuation des 75 tonnes d'or de la Banque de Pologne qu'il a initiée et menée à bon terme, aurait pu espérer recevoir un traitement plus «amical» de la part d'un pays allié.

Le , Matuszewski décède «soudainement» d'une crise cardiaque, dans la ville de New-York.

C'est en grande partie grâce aux années de recherches de l'historien Polonais Sławomir Cenckiewicz que sont dues ces multiples révélations. Ce dernier est aujourd'hui président de la division chargée des affaires historiques militaires, au sein de l'Armée Polonaise[12].

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • J H Retinger, (1908) Le conte fantastique dans le romantisme français. Genève: Slatkine Reprints, 1973.
  • J H Retinger, Histoire de la littérature française du romantisme à nos jours. Paris: B. Grasset, 1911.
  • Józef H. Retinger, La Pologne et l'Équilibre européen, Paris 1916.
  • J H Retinger. Morones of Mexico; a history of the labour movement in that country. London: The Labour Pub. Co. Ltd. 1926.
  • J H Retinger, Tierra mexicana; the history of land and agriculture in ancient and modern Mexico. London: N. Douglas, 1928.
  • Dr. J. H. Retinger, Polacy w cywilizacjach zagranicznych (Les Polonais parmi les Civilisations Étrangères), Varsovie, 1934.
  • J.H. Retinger, "Historja i polityka: Nowy czynnik w dyplomacji międzynarodowej", Wiadomości Literackie, 1938 (50), .
  • J.H. Retinger, "Historja i polityka: Zastój w międzynarodowej działalności Rosji", Wiadomości Literackie, 1938 (51),
  • J H Retinger, All about Poland: facts, figures, documents. London: Minerva Pub. Co., 1941.
  • Joseph Retinger, Conrad and His Contemporaries, London: Minerva, 1941, and New York: Roy, 1942.
  • Józef H. Retinger, The European Continent?, London, 1946.
  • Józef H. Retinger, The Bildenberg Group, Hertfordshire, 1959.
  • Joseph Retinger, John Pomian, Memoirs of an Eminence Grise, Sussex University Press, 1972, (ISBN 0-85621-002-1) (OCLC 844436367).
  • J H Retinger, Under Polish eyes. Joseph Conrad Society, 1975.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. biographie de Retinger sur le site Bilderberg
  2. https://file.wikileaks.org/file/bilderberg-history-1956.pdf
  3. a et b (en) Wojciech Roszkowski et Jan Kofman, Biographical Dictionary of Central and Eastern Europe in the Twentieth Century, Routledge, , 1208 p. (ISBN 978-1-317-47593-4, lire en ligne), « Retinger Józef »
  4. M.B. Biskupski, "Spy, Patriot or Internationalist? The Early Career of Józef Retinger, Polish Patriarch of European Union," The Polish Review, vol. 43, no. 1, 1998, pp. 23-67.
  5. Chciuk-Celt, Jan, « Who was Józef Hieronim Retinger? », (consulté le )
  6. Lane, Thomas and Wolanski, Marian, Poland and European Integration : The Ideas and Movements of Polish Exiles in the West, 1939–91, Springer, , 311 p. (ISBN 978-0-230-27178-4, lire en ligne), p. 18
  7. Tadeusz Chciuk, sous le pseudonyme de Marek Celt Raport z Podziemia 1944—Z Retingerem do Warszawy i z Powrotem récit de l’Opération “Salamander" et de son action avec le Dr. Retinger. Traduit en anglais et édité chez McFarland Publishing Co. en juin 2013 sous le titre Parachuting into Poland, 1944 -- Memoir of a Secret Mission with Józef Retinger.
  8. Józef Retinger, Bilderberg 2013.
  9. Rémy Kauffer, « La CIA finance la construction européenne », sur le site de la revue Historia.
  10. (fr) « Euro-federalists financed by US Spy Chief » sur le site du Daily Telegraph.
  11. Professeur Sławomir Cenckiewicz, [1], Livre "What Poland Wants" sur le site Google Books.
  12. Michał Szukała, « IGNACY MATUSZEWSKI WAS THE TYPE OF POLITICIAN THAT WE SADLY LACK TODAY AN INTERVIEW WITH PROFESSOR SŁAWOMIR CENCKIEWICZ », sur le site d'histoire polonaise Polish History.

Bibliographie[modifier | modifier le code]