Yan' Dargent

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Yan' Dargent, Les Lavandières de la nuit, 1861, huile sur toile, 75 × 150 cm

Jean-Édouard Dargent dit Yan' Dargent[1] (Saint-Servais, Paris, ) est un peintre et illustrateur français dont la majeure partie de l'œuvre picturale est consacrée à sa région natale, la Bretagne.

Biographie

Les jeunes années

Son père, Claude Dargent, émigré lorrain, est tanneur, sa mère, Marguerite Perrine Clémentine Robée, fille de Pierre Robée aubergiste, tenait également le relais de poste et le débit de tabac ; à la Monarchie de Juillet, il devint maire. L'enfant n'a que deux ans quand sa mère décède. Son père se remarie à Saint-Pol-de-Léon[2], et l'enfant est élevé par ses grands-parents. Pierre Robée, grand-père maternel, ancien marin, confie l'enfant à l'un de ses oncles, Thomas, vieux chouan, instituteur à Plouaret, où il aura comme condisciple François-Marie Luzel, poète, folkloriste, puis archiviste, qui restera son ami.
Il est d'abord élève au collège Saint-Joseph de Landerneau, puis en 1836 à l'institution Notre-Dame du Kreizker de Saint-Pol-de-Léon, où il fait des études médiocres, avant de rejoindre son père à Landerneau[3].

Son grand-père voulait en faire un marin, mais Yan' préférait les mathématiques et le dessin.

En 1840, d'abord dessinateur à Brest dans l'entreprise de travaux publics Déniel, il entre après examen dans l'administration des Ponts et Chaussées, puis passe à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest qui doit construire la ligne de chemins de fer entre Morlaix et Brest, où il est chargé de faire des relevés topographiques.

En 1846, alors inspecteur des travaux à la construction de chemin de fer de Montereau, sa rencontre avec Jules-Nicolas Schitz, professeur de dessin du lycée de Troyes, qui l'engage à développer ses talents, sera déterminante.
Considéré comme autodidacte, il n'a jamais fait partie d'une « école », ce qui a pu nuire à sa carrière.

Le peintre et l'illustrateur

En 1849, sa compagne, Aimée Louise Eulalie Crignou (ou Gignon), donne naissance à un fils, Ernest, que Yan' ne reconnaîtra qu'à la mort d'Aimée, en 1861.

En 1850, alors qu'il est pressenti par sa compagnie des chemins de fer pour la réalisation d'un chantier en Espagne, et, sur les instances réitérées du fils de l'éditeur Furne qui avait deviné ses talents, il donne sa démission pour se consacrer à son art d'illustrateur, et s'installe à Paris. Pendant dix ans il poursuit sa production artistique et expose tous les ans, sans succès, au Salon de Paris, à partir de 1851.

En 1861, aux côtés d'Évariste-Vital Luminais, Adolphe Leleux, Charles Fortin, Jules Noël, Octave Penguilly L'Haridon, il présente quatre tableaux (Les Lavandières de la nuit (ballade bretonne), Souvenir de collège, Les Pilleurs de Mer à Guissény, Pâtres des plaines de Kerlouan), ce que Maxime Du Camp, comme beaucoup d'autres, fait remarquer ironiquement : « Il y a à l'exposition une armée de Bretons qui bretonnent à qui mieux mieux ». Au contraire, Théophile Gautier fait l'éloge des Lavandières de la nuit (aujourd'hui au musée des beaux-arts de Quimper)[4]. Sa renommée est faite.
À ce succès sans suite, il trouve, comme son ami et rival Gustave Doré, dans l'illustration de livres (au total environ 200), une rémunération plus régulière que la vente de ses toiles.
Il est aussi un illustrateur très fécond, pour des revues telles que le Magasin pittoresque, le Musée des familles, La vie à la campagne, ou La France illustrée.

Près de Saint-Pol-de-Léon, à Créac'h-André, il fait construire une villa, à l'endroit même où écolier à Saint-Pol, il venait en promenade le jeudi et le dimanche.

Le , il épouse Eugénie Antoinette Stéphanie Mathieu, musicienne, fille du peintre Eugène Mathieu et directeur de la publication La France illustrée. De 1869 à 1878, il est chargé par le clergé de la décoration de plusieurs églises : Saint-Servais, Landerneau, Morlaix, Ploudalmézeau et surtout la cathédrale Saint-Corentin de Quimper dont il réalise l'ornementation de toutes les chapelles latérales, qui lui prendra sept ans.

Son œuvre est inégale, il connaît une période académique, mais il a aussi réalisé, en dehors des Lavandières de la nuit, son œuvre la plus célèbre, de superbes peintures comme la Petite Roscovite, qui se trouve exposée à la mairie de Saint-Pol-de-Léon. Il a également peint de magnifiques couchers de soleil sur les grèves de Roscoff, ainsi que de beaux tableaux sur les paysages du Léon.

Par décret du 8 février 1877, il est fait chevalier de la Légion d'honneur.

En décembre 1885, à la mort d'Eugénie Mathieu, il se fixe définitivement à Créac'h-André.

Lors de la création de l'Union régionaliste bretonne en 1898, il accepte d'être le premier président de la section des Beaux-Arts.

À la fin de sa vie, en proie à des difficultés financières, il sera accueilli par son fils.

Il meurt le 19 novembre 1899 à Paris, dit-on d'une embolie pulmonaire, et est enterré à Saint-Servais.

Histoire posthume

Tombe de Yan' Dargent à Saint-Servais

Avant sa mort, il avait demandé à être enterré à Saint-Servais, et que sa tête soit déposée dans l'ossuaire qu'il avait décoré, à côté des ossements de sa mère et de ses grands-parents, selon la pratique de l'époque. Un délai de cinq ans étant nécessaire pour les descendants, c'est le 8 octobre 1907 que son fils, Ernest Yan' Dargent, muni de l'approbation de l'évêque de Quimper et de Léon, fait ouvrir le cercueil afin de procéder à la décollation. Mais après huit ans, le corps est encore en bon état de conservation, et l'abbé Guivarc'h est obligé de trancher lui-même la tête. La belle-famille[5], celle issue du second mariage de Claude Dargent, intente un procès, qui durera six mois, à Ernest et à l'abbé pour violation de sépulture, et abus de pouvoir de la part du fils, légataire universel. Le 26 juin, le tribunal correctionnel de Morlaix prononce l'acquittement, mais Ernest meurt quatre jours plus tard, sous le coup de l'émotion.

Le chef de Yan' Dargent est toujours enfermé dans un reliquaire en zinc, à droite de l'autel de l'ossuaire.

Un musée lui est consacré dans sa ville natale de Saint-Servais.

Il y a quelques années toutes les fresques de la cathédrale de Quimper, réalisées par Yan' Dargent ont été restaurées. Cela a permis à ce peintre oublié de sortir de l'anonymat. Une étudiante de l'université de Brest lui a consacré sa thèse.
De nombreuses rues portent son nom en Bretagne.

Œuvres principales

Œuvres picturales

Saint Houardon (église Saint-Houardon à Landerneau)
Soir en Plounéventer (musée des beaux-arts de Vannes)
Poucette, illustration des Contes d'Andersen
Frontispice du Nouveau Robinson suisse, illustration de Yan' Dargent, gravée par Joliet.
  • Ancien calvaire de Killinen, près Quimper[6]
(huile sur toile, 99 × 60 cm - 1893)
  • Brizeux et Marie
  • Dahut enlevée par une lame
(huile sur toile, 202 × 160 cm, collection particulière)
(fusain 96 × 57 cm, musée des beaux-arts de Brest)
  • Le Menhir
  • Le soir aux grèves de Roscoff
(huile sur toile, 49 × 80,5 cm, musée des beaux-arts de Brest - vers 1865-1870)
(huile sur toile, 126 × 251 cm - 1875)[7]
  • Les Lavandières de la nuit[6]
(huile sur toile, 75 × 150 cm - 1861)
  • L'Intempérance[6]
(huile sur toile, 123 × 245 cm - vers 1870, musée des beaux-arts de Quimper)[8]
  • Mort du dernier barde breton
  • Saint Houardon (dans l'église Saint-Houardon de Landerneau)
(huile sur toile 253 × 487 cm - 1859)
(huile sur toile, 88 × 120 cm, musée des Jacobins à Morlaix - 1899)
(huile sur bois, 20 × 16 cm)
  • Un soir sur la lande
  • Vue de La Roche-Maurice
  • Tableaux dans l'église des Carmes, à Brest, et dans l'église de Ploudalmézeau
  • Fresques :
    • Landerneau, église Saint-Houardon
    • Quimper, cathédrale Saint-Corentin

Illustrations de livres

Bibliographie

  • Jean-Loup Avril, Mille Bretons, dictionnaire biographique, page 115, Les Portes du large, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2002.
  • André Cariou, Dominique Radufe, Yan Dargent 1824-1899, monographie du musée des beaux-arts de Quimper, 1999.
  • Marcus Osterwalder (dir.), Dictionnaire des illustrateurs, 1800-1914 éditions Ides et Calendes, 1989. pages 284-285.
  • Georges Hanciau, Yan' Dargent – Peintre et dessinateur breton – Sa vie et ses œuvres, 1889.
  • Martine Plantec, Étude en noir et blanc, Yan' Dargent illustrateur de livres, Mémoire de maîtrise de l'histoire de l'art – Université de Rennes 2. Oct. 1986 (3 vol.)


Catalogues d'exposition :

  • Yan' Dargent, Bibliothèque municipale de Brest – sept.-oct. 1976.
  • Yan' Dargent, Landerneau – juin sept. 1989.
  • Yan' Dargent chez lui à Saint-Servais, Musée Yan' Dargent – été 1991.
  • Les lavandières de la nuit, Musée Yan' Dargent – été 1993.

Liens externes

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Notes et références

  1. Plus tard, il préféra Yann, auquel l'élision d'un « n » oblige d'adjoindre une apostrophe, et signera Yan' Dargent. Sa signature commencera à être mal orthographiée après sa mort. Le « D' » est sans raison.
  2. 1er décembre 1832 avec Marie Félicité Wangrevelynghe, âgée de 20 ans.
  3. N'ayant pas pu s'installer comme tanneur à Morlaix, Claude Dargent s'installe à Landerneau (1833-34).
  4. « Il y a un véritable sentiment fantastique dans Les Lavandières de la Nuit de M. Yan' Dargent. On connaît cette légende bretonne de laveuses-spectres qui savonnent des linceuls avec des clairs de lune sur la pierre des lavoirs et prient le passant égaré de les aider à tordre leur linge. C'est par ces nuits où des brumes blanches flottent au-dessus des prairies et des saulaies qu'on entend le bruit de leurs battoirs couper la note plaintive de la rainette dans le vaste silence des campagnes. L'artiste a représenté sur une toile de forme oblongue les lavandières de la nuit à la poursuite d'un pauvre paysan bas-breton à qui la peur donne des ailes malgré les grègues embarrassantes et ses lourds sabots. Mais l'haleine va bientôt lui manquer et il tombera mort dans une de ces flaques d'eau où parmi les nénuphars flotte déjà un cadavre. L'essaim des laveuses nocturnes s'allonge derrière lui comme un banc de vapeurs, dessinant de vagues formes humaines, tendant de maigres bras armés de battoirs. Les vieux troncs de saules écimés se tortillent hideusement au bord de la route et prennent de monstrueuses apparences spectrales ; de leurs moignons informes ils semblent vouloir retenir le fugitif ou le menacer. Cependant, une lune blafarde jette son froid rayon sur cette scène de fantasmagorie ébauchant çà et là à travers l'obscurité des silhouettes inquiétantes… » Et Théophile Gauthier de conclure : « M. Yan' Dargent exprime le côté légendaire de cette Bretagne dont Adolphe Leleux, Luminais et Fortin rendent si bien le côté rustique. » Cité dans le catalogue de l'exposition Les Lavandières de la nuit Musée Yan' Dargent – été 1993.
  5. Félix et Hyacinthe Dargent, les demi-frères de Yan' Dargent.
  6. a b c d et e Tableaux visibles au musée des beaux-arts de Quimper
  7. http://www.mbaq.fr/musee-collections/peinture-bretonne/oeuvre/o/le-travail/
  8. http://www.mbaq.fr/musee-collections/peinture-bretonne/oeuvre/o/lintemperance/
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